Interview faite par Aurélie P. Lawless à Paris.

En attendant le concert du Zénith parisien le soir même, je vais, -armée de mon plus beau sourire-, rendre une petite visite à Sharon Den Adel, la chanteuse émérite de Within Temptation. Drôle, attentionnée et douce, Sharon n'en finit plus de m'émerveiller. Une rencontre marquée par la gentillesse d'une belle personne, au sens propre comme au figuré : c'est une passionnée (par ce qu'elle fait évidemment, mais aussi par mes bottes en cuir et à clous). Ainsi elle nous parle ci-dessous du nouvel album “Hydra”, mais également d'une partie de sa vie ainsi que de l'un de ses rêves qu'elle espère pouvoir un jour concrétiser en projet. Un vaste programme.

Dans ton nouvel album “Hydra”, on s'aperçoit qu'il y a plusieurs featurings avec des artistes comme Tarja, Howard Jones, ou Xzibit, qui a eu cette idée de travailler avec eux ?

Sharon den Adel (chant) : Les chansons étaient écrites avant qu'on ait su qu'on ferait des featurings. Et surtout, on ne pensait pas que tous les artistes à qui on avait proposé ces titres allaient nous répondre de manière positive ! On ne savait pas s'ils allaient avoir le temps de travailler avec nous ou pas ou d'autres raisons qui les auraient poussés à décliner. Donc du coup on s'est retrouvé avec vraiment beaucoup de réponses positives et on a dû sélectionner ensuite !

Est-ce que tu peux m'en dire un peu plus sur les guests, et notamment sur le rappeur Xzibit, puisque, considérant qu'il ne fait pas partie de la “metal family”, je me demandais s'il connaissait Within Temptation avant votre collaboration ?
Non il ne connaissait pas ! En revanche, il n'a jamais été fermé d'esprit même en s'agissant de sa propre musique, il appréciait déjà la guitare ou l'orchestre. Donc il aime faire des expérimentations. C'est comme pour faire un tableau et que tu mélanges plusieurs composants et que le résultat final finit par matcher. On avait vraiment besoin de quelqu'un comme lui pour travailler avec nous. Je pense aussi que l'aspect “sombre” qu'on décrit souvent dans le metal est aussi présent dans la scène “rap”, au-delà des divergences musicales, on peut ressentir les mêmes impressions.

Vous avez aussi enregistré des “covers” plutôt surprenantes en 2013 avec des reprises de Lana Del Rey ou autre Bruno Mars... Etait-ce justement une volonté de rompre avec les impressions de “non-ouverture d'esprit” que peuvent véhiculer certains groupes de metal ?
Je pense qu'une partie du metal est très discriminatoire, nous nous sommes un groupe de metal et on doit composer avec, et il en est de même pour les autres étiquettes que l'on donne aux artistes. Le fait est que ça n'importe pas tant que ça, que ce soit de la dance, de la pop, du rock, tout est transformable. C'est ce qu'on a essayé de faire avec ces “covers”, de leur apporter ce que nous on sait faire, de les transformer. Michael Jackson mettait presque tout le monde d'accord et ce, peut importe si on aimait le rock, la pop ou autre par exemple. Mais pour en revenir aux “covers” ce qui était intéressant c'est que ce sont des chansons qui passent à la radio et qui touchent donc un autre public.

Donc la prochaine fois on peut s'attendre à des reprises de musique “latino” avec de la salsa ? (rires)
Oh non ! (rires) J'adore la musique latine mais non ! Je préfère choisir des musiques que je suis sûre de pouvoir rendre un peu plus “heavy” !



Certains fans deviennent tristes quand un groupe qu'ils aiment devient un peu trop “mainstream” et commercial. Ils pensent que plus le groupe a du succès, moins ils seront proches de lui. As-tu déjà eu une expérience comme celle-ci toi en tant que fan, mais également en tant que chanteuse dans un groupe à succès ?
Selon moi c'est un problème récurrent car je pense que les personnes, surtout très jeunes, recherchent leur propre identité à travers le groupe. Donc quand on sort un nouvel album, ils ne veulent pas que ce soit différent de ce qu'on fait d'habitude et que le groupe change, mais tous les groupes changent un jour ou l'autre, comme nous nous le faisons bien sûr. Nous ne voulons évidemment pas rompre ce lien spécial qui nous unit à la personne qui nous apprécie, c'est pourquoi c'est toujours très difficile de trouver le juste dosage. Cependant, quand tu aimes le metal, pour tourner le problème dans un autre sens, tu as par essence déjà choisi d'être “différent” de ce qu'on te propose à la radio ou à la télévision. Donc si vraiment je voulais avoir du succès et être commerciale, je choisirais un autre style de musique, je ne pense pas qu'on puisse nous critiquer sur cela étant donné qu'on ne passe pas sur une station de radio ou autre et qu'on appartient vraiment à la scène metal. Je sais que c'est quelque chose propre aux gens qui écoutent du metal de dire “Oh tel groupe devient commercial” mais je pense que c'est une erreur de critiquer de cette façon. Pour WITHIN TEMPTATION, nous avons notre propre style, nous faisons nos propres choix, mais on ne peut pas dire qu'on appartient pas ou plus à la scène metal.

Qu'est-ce que tu penses des clichés à propos du metal et des gens qui en écoutent ?
Ca existe ? (rires)

Bien sûr ! Souvent on dit que les gens qui écoutent du metal s'habillent en noir, ou sont tristes, personne ne t'a jamais fait ce genre de réflexion ?
Ah ! A ce propos, j'adore tes chaussures ! (rires). Mais sinon c'est assez étrange ce genre de clichés concernant les personnes qui ont juste l'air différentes. Pour certains ces disparités les rendent dangereuses, alors que pas du tout et la plupart sont très sympa et aimables car elles sont plus ouvertes d'esprit malgré ce qu'on pourrait croire de prime abord.

Pour changer un peu de sujet, ce soir tu vas jouer à nouveau au Zénith, tu as hâte ?
Oui ! C'est une de nos salles favorites et on est super contents de pouvoir y expérimenter des nouveautés ! On va mettre le feu sur scène ! (Ndlr : les techniques pyrotechniques étaient en effet de la partie ce soir). Tu viens nous voir d'ailleurs ?

Oui oui, j'attends impatiemment ce soir ! (rires)
Super ! Eh bien je t'assure que je suis ultra motivée et que j'ai hâte d'y être !

On est deux ! (rires)
Tu vas voir, ça va tout déchirer ! (rires)

D'ailleurs, quels lieux considères-tu comme un véritable “highlight” pour le groupe dans une tournée ?
Je ne pense pas avoir une préférence puisque chaque soir quelque chose de spécial se produit et tu peux toujours être surpris de plusieurs manières. On donne toujours quelques interviews avant les concerts, on passe des bons moments, tout comme ce soir, on visite des lieux tous plus beaux les uns que les autres... Donc je ne pense pas que nous soyons à plaindre ! J'aime beaucoup Lyon et Paris, mais l'autre jour quand j'étais à Glasgow, un type m'a tweeté en me disant “J'aimerais aller sur scène avec toi” et je lui ai répondu “Uniquement si tu me fais une danse en contre-partie” !

Ah, ça c'est une bonne idée ! (rires)
N'est-ce pas ? (rires) et il l'a fait ! Il a mis un kilt et il est venu sur scène pour danser ! Donc maintenant c'est devenu une condition, si tu veux venir sur scène avec nous, tu dois porter un kilt et danser !

Et avec tous ces gens que tu rencontres, tu n'as pas peur non plus des clichés qui circulent à propos des habitants du lieu où tu te rends ? Je pense aux très célèbres clichés concernant les Parisiens et leur impolitesse notamment !
Je ne crois pas que ce soit uniquement le lot des Parisiens ! Je pense plutôt que c'est le cas des habitants dans chaque grande ville qui sont certes un peu moins “amicaux”, mais personnellement j'adore Paris, il y a tellement de belles choses ici. Et une grande partie de nos fans est ici également, donc je ne peux pas dire qu'ils sont impolis ou méchants ! (rires) On a rencontré beaucoup de personnes à Paris qui sont absolument adorables, donc je peux faire mentir les accusations qui pèsent sur les Parisiens !



Est-ce que tu as déjà mis ton cadenas sur le Pont des Arts de Paris ?
Oh j'ai vu ça il y a quelques années ! J'avais fait des études à Paris mais à l'époque en tant qu'étudiante je n'avais pas beaucoup d'argent, j'avais 18 ans ou quelque chose comme ça, et j'étais ici pour les cours de mode donc je n'ai pas eu le temps de le faire mais j'aurais adoré !

Je sais à quel point la vie peut être dure sur la route pour un musicien. Je suis curieuse de savoir comment tu arrives à gérer ce mode de vie difficile pendant ton voyage ?
Avec l'amour de gens aussi formidables qui m'accompagnent et qui me tiennent occupée de manière sympathique et fun. Pendant mes “day-off” par exemple l'autre jour on a été faire du paintball pendant une heure. Je me battais contre tout le groupe et tout ce que j'avais à faire c'était tirer sur tout le monde ! (rires) C'était vraiment super drôle !

Est-ce que tu ne ressens pas parfois le besoin de te poser, de tout arrêter, les tournées, les concerts, pour te reposer et profiter pleinement de ta famille ?
Tu sais, c'est toute ma vie faire des concerts et des tournées, je ne pourrais pas vivre sans ça. C'est une part de qui je suis maintenant. Mais ils comprennent car ils aiment la musique également donc ça va. Peut être que ce serait différent pour eux comme pour moi si on n'avait pas vraiment choisi cette vie mais je n'ai pas le droit d'oublier que c'est ce que j'ai toujours voulu. Il y a toujours cette idée de balance entre ma vie de famille et celle que je mène en tant que musicienne et j'essaye de tout faire coïncider autant que possible. Il y a des moments où je peux pas aller en tournée pendant six semaines et d'autres où pendant trois semaines non-stop je vais être en tournée. Donc on a un peu de temps pour s'organiser et tout le monde fait de son mieux pour organiser tout ça c'est qui fait notre force.

Toi qui a été un peu à Paris, est-ce que tu connais un groupe français ?
Euh je ne crois pas là comme ça mais je peux te citer quand même une chanteuse française comme Vanessa Paradis mais je connais quand même mieux Johnny Depp ! (rires)

Est-ce que j'aurai un peu plus de chance si je te demande quelles chansons françaises tu as déjà pu écouter ? (rires)
Oh je ne crois pas mais je peux essayer, je crois qu'elle est allemande mais je ne suis pas bien sûre... (elle chante “Je ne regrette rien” d'Edith Piaf)

Ah mais c'est quelqu'un bien de chez nous ça ! C'est Edith Piaf, un pilier de la chanson française ! Il y avait même eu un biopic avec Marion Cotillard dans le rôle-titre !
Je savais bien que ça me disait quelque chose ! J'ai confondu avec autre chose certainement, mais je ne sais pas quoi ! (rires)

Bon et bien l'heure de la question fatidique a sonné : as-tu envie d'ajouter quelque chose à cette interview que nous n'avons pas encore évoqué ?
Je veux juste dire que nous avons encore beaucoup de dates de prévues, une trentaine environ, dont beaucoup de festivals également. Vu qu'on va à Barcelone, c'est peut-être intéressant pour les gens du Sud de la France de venir nous voir à Barcelone ? (rires). On espère également un jour faire une tournée géante de metal symphonique avec plusieurs guests sur un nouvel album, même si c'est très difficile de réunir tout le monde et pourquoi pas passer par la France, l'Allemagne et autres... On ne sait jamais, tout peut arriver, ça peut être très intéressant de voyager tous ensemble.

Tu nous réserves des surprises ?
Pour l'instant c'est au stade du rêve et je ne peux pas dire que cela va devenir réalité mais on peut dire que ça reste envisageable (ou presque !)...


Le site officiel : www.within-temptation.com