Votre musique me rappelle le groupe italien Lacuna Coil. Est-ce une de vos influences ou pas ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les groupes qui vous inspirent et en citer quelques uns ?
En réalité, j'ai commencé à en écouter plutôt récemment, je les connaissais depuis des années, je les ai découverts avec "Swamped" sur l'album "Comalies" que je me souviens avoir aimé dès la première écoute. Mais ça n'a jamais vraiment été un groupe qui m'ait inspiré pour être honnête. C'est plus venu de mon goût pour Underoath, August Burns Red, In Flames, Killswitch Engage, Soilwork, Enter Shikari, Katatonia, Linkin Park et tellement d'autres groupes à mes débuts. Peut-être que c'est Linkin Park au fil des années qui m'a fait penser à tout ça, c'était l'un des groupes qui m'a vraiment donné envie de jouer, ils ont brisé beaucoup de règles avec leur musique et ils avaient un son tellement lourd, moderne et mélodique que j'essayais de reproduire à l'époque. Sans réussir bien entendu. C'est marrant que je n'ai jamais réussi à écrire ce que je voulais écrire à un instant T, au lieu de ça, j'écris mes meilleurs morceaux quand je n'essaie ne de pas écrire quelque chose de spécifique. Actuellement je dirais que Bring Me The Horizon, The Devil Wears Prada, Thirty Seconds To Mars et Twenty One Pilots m'inspirent.

Au début du clip de "Home" vous parlez des problèmes mentaux, du suicide et de la dépression. Est-ce réellement important pour vous ? Êtes-vous passés par certains de ces problèmes ?
C'est important sans aucun doute, j'ai moi-même vécu plusieurs années dans un trou très sombre et très profond duquel je n'ai commencé à m'extirper que récemment. J'ai eu une période très difficile il y a quelques années pendant laquelle j'ai fait un burn out tant je me concentrais sur la musique tout en ayant un job qui exigeait beaucoup de moi. Il y avait, bien entendu, d'autres facteurs qui entraient en jeu, mais ceux-ci suffisent pour dire que c'était une période difficile. Ça a commencé il y a huit ans, et pendant années j'ai eu des périodes où le suicide ne sonnait pas comme une si mauvaise idée uniquement pour pouvoir m'échapper de ma propre tête. Je n'étais pas une personne simple à fréquenter, je ne m'aimais pas vraiment. C'était durant les périodes les plus intenses de One Without (notre ancien groupe), je me donnais à fond pour réussir avec ce groupe donc quand les choses ne fonctionnaient pas et allaient trop lentement j'étais de plus en plus rongé par l'idée de réussir. J'ai perdu à peu près tous mes amis, je ne voulais pas sortir si ce n'était pas pour faire quelque chose lié au groupe et j'étais seulement concentré, encore concentré et toujours concentré sur l'idée de mener le groupe au succès. Comme j'étais la personne la plus passionnée du groupe, j'ai fini par me convaincre que j'étais le seul à pouvoire le faire. Cat (la chanteuse de WATC et de One Without) et moi sommes mariés depuis des années, et nous sommes ensemble depuis huit ans maintenant. Et quand nous avons eu notre première fille en 2012, les choses ont vraiment commencé à changer pour moi, j'ai réalisé que je ne pouvais pas continuer à être celui que j'étais les quatre dernières années, j'avais besoin d'aller mieux car j'étais désormais responsable d'une nouvelle personne. Ça a été ma prise de conscience.
Donc Cat et moi avons décidé que nous voulions quitter le groupe, comme les choses ont été un combat difficile pendant tellement d'années avec One Without, nous étions fatigués et nous voulions faire autre chose. Tout le monde était d'accord sur le fait que l'on devait abandonner car nous nous sentions tous plus ou moins pareil, tellement fatigués à force de lutter. Donc Cat et moi sommes partis de Göteborg (la deuxième plus grande ville suédoise) pour rejoindre les forêts de Varberg où nous avons commencé à écrire tout ce que nous voulions musicalement car c'était un des problèmes contre lequel nous avons lutté avec One Without. J'ai aussi eu la chance d'utiliser une pièce dans la grange des parents de Cat en tant que studio, et ça m'a également aidé à retourner au "pays des vivants" pour ainsi dire. J'avais désormais une fille, de la musique neuve sans aucune limite sur laquelle je travaillais, une vie au milieu de la nature et mon propre studio dans lequel je pouvais passer du temps peu importe quand j'en ressentais le besoin.
Pour abréger cette histoire déjà bien longue, c'était le début de ma lente guérison, et même si aujourd'hui je ne suis toujours pas moi-même à 100%, je m'en rapproche plus que ces huit dernières années. Il faut dire que j'ai aussi été en thérapie ces dernières années et que j'ai commencé à bouffer des antidépresseurs (il y a un mois environ) qui m'ont beaucoup aidé. Même si j'allais déjà bien mieux avant de commencer avec la médecine, c'est pour moi la différence entre faire une dépression légère constante et ne pas être déprimé du tout. Avec le recul, j'aurais seulement souhaité que quelqu'un puisse me convaincre plus tôt que les antidépresseurs étaient ce qu'il me fallait vraiment. Ça aurait économisé beaucoup de douleur pour mon entourage et moi.
Nous avons tous des amis et de la famille qui sont atteints de dépression, d'anxiété et de problèmes du même genre, c'est un sujet tabou et trop de gens souffrent en silence à cause de la honte ou de l'impression de ne pas savoir quoi faire. Il faut en parler plus. C'est un monde très sombre parfois, et nous devons arrêter de prétendre le contraire.

En dépit de ces thèmes sombres, vous dites aux gens de rester forts. Vous considérez-vous comme un groupe positif ou négatif ?
Je dirais que nous avons un message positif, ou plutôt "réaliste". Les choses peuvent être merdiques mais ça peut changer. L'une de mes plus grandes inspirations est un ami à moi qui a vécu une véritable histoire d'horreur, qui a essayé de mettre fin à ses jours plusieurs fois, qui était accro à la drogue, et qui a énormément souffert pendant des années, et qui est maintenant l'une des personnes parmi les plus fortes, les plus comblées et les plus heureuses que je connaisse. Et si cette personne a pu le faire alors qu'il était dans un trou bien plus sombre que le mien, alors je crois que beaucoup d'autres le peuvent.

La pochette de "Elevation" est vraiment belle, c'est comme un monde apocalyptique et moderne. Qu'est ce qui arrive à ces deux gars volants sur le dessin ? Sont-ils en train de mourir ou de devenir plus puissants ?
L'artwork a été fait par Gustavo Sazes (www.abstrata.net) et il a réussi à capter ce que nous voulions dire sur la pochette. Franchement, il est le seul à pouvoir donner une réponse parfaite à votre question car nous lui avons donné plus ou moins carte blanche avec seulement quelques mots pour le guider, mais j'interprète ça comme s'ils devenaient plus puissants et qu'ils grandissaient intérieurement, devenant ainsi plus forts et meilleurs. Je pense qu'il a parfaitement capté un style moderno-futuriste et dystopique qui colle à notre groupe de rock-metal électronique, sombre, pessimiste et positif comme il faut. Nous avons nommé l'album "Elevation" car nous sentions que nous nous étions "surélevés" par rapport à nos premiers travaux, et aussi il est bien sûr approprié d'envisager pour moi que ça représente mon parcours personnel et l'idée de devenir un "meilleur moi" par rapport à avant et par conséquent m'élever au dessus de ce que j'étais. C'est une chose que chacun devrait certainement s'efforcer à faire, essayer de devenir une meilleure personne à vos propres yeux, peu importe les moyens employés.

Quel a été le processus pour faire cet album, à partir de l'écriture jusqu'à l'enregistrement ?
C'était particulièrement trépidant depuis que nous avons réalisé notre premier album "Monuments" en Octobre 2014 et que nous avons fait des tournées en Chine et en Angleterre et des festivals en 2015 tout en travaillant sur nos jobs normaux la journée et en écrivant les nouveaux morceaux pour "Elevation". Directement après la sortie de "Monuments", Cat et moi avons entrepris l'écriture des nouveaux morceaux. Souvent, je faisais la musique, j'avais une idée basique pour chaque instrument, puis Cat me rejoignait pour écrire les parties vocales et les paroles, elle restait l'écrivaine principale des mélodies vocales bien entendu, puis nous avons enregistré la pré-production et fait les changements nécessaires pendant quelques semaines. Joni et Håkan ajoutaient leurs touches personnelles s'ils en ressentaient le besoin. Après ça, nous avons tout enregistré à nouveau pour l'album final. C'était la manière parfaite de procéder car c'était extrèmement efficace et nous avons économisé du temps. J'ai aussi écrit mes morceaux exactement comme je le souhaitais avant de laisser quelqu'un rejoindre le processus créatif et faire des changements.
Nous avons commencé à enregistrer en Septembre 2015 et nous avons pris une pause au milieu de l'enregistrement vocal pour faire une tournée en Angleterre pendant deux semaines en Novembre et Décembre. Nous sommes retournés en studio pour finir les parties vocales en Novembre et Décembre. J'ai ensuite mixé et masterisé l'album et j'ai fini milieu ou fin Janvier si je me souviens bien. C'était définitivement une période intense et avec le recul, je suis véritablement surpris à quel point chaque morceau s'avère être putain de bien étant donné le peu de temps utilisé, y compris pour l'écriture.

Si vous deviez décrire l'album en trois mots, quels seraient-ils ?
Sombre, accrocheur, lourd.

Quelle est l'hisoire derrière "A Million Claws" ?
"A Millions Claws" est inspirée des évènements entourant la mort tragique de Aaron Swartz, le fondateur de Redit, programmeur informatique, entrepreneur, écrivain, meneur politique, et militant de l'Internet. Il s'est suicidé (Ndlr : le 11 janvier 2013 à l'âge de 26 ans) alors qu'il était en plein procès pour vol de données. Cette accusation a été définie par sa famille comme étant "le résultat d'un système judiciaire criminel où l'intimidation et les poursuites excessives abondent". Vous pouvez regarder ce très bon reportage sur lui : www.imdb.com/title/tt3268458. La musique parle du fait d'être impuissant si une entité supérieure décide que vous êtes indésirables. Son histoire est très touchante.

Quel est votre meilleur souvenir en concert ?
Jouer au Strawberry Festival à Shanghai en Chine l'an dernier. Nous avons eu un accueil tellement génial et ils ont vraiment pris soin de nous, il y avait aussi une grande mise en scène et une grande scène. La seule mauvaise chose c'est que Cat et moi avions de graves problèmes avec nos voix à cause d'une maladie, donc nous ne pouvions pas vraiment chanter, mais nous nous sommes dit "Bordel, quand reviendrons nous en Chine ?" et nous avons fait le show quand même, et la foule nous a adorés ! Même si nous sonnions comme des corbeaux en train de chanter (rires). Nous étions en réalité malades depuis plusieurs jours déjà et nous n'avions pas une belle voix durant les deux ou trois concerts précédents (mais nous les avons tout de même faits en donnant notre meilleur pour bien sonner). J'ai totalement perdu ma voix un jour et je ne pouvais plus chanter pendant un concert, laissant ainsi Cat faire un putain de bon boulot en reprenant mes parties vocales également.

Quelles sont les prochaines étapes pour vous ?
Eh bien, Cat et moi attendons un nouvel enfant pour Décembre donc nous y allons doucement sur les concerts pour le moment mais j'espère sincèrement que nous soyons prêts autour de Mai 2017 ou au moins en automne, mais le temps nous le dira, ça dépendra du caractère du nouveau bébé et de si elle peut supporter d'être sans maman et papa une paire d'heures pendant que nous sommes sur scène en tournée (nous prenons toujours une nounou bien entendu) ! Pendant ce temps, nous écrivons. J'ai quinze ou vingt morceaux possibles pour le prochain album et à peu près cinq ou six d'entre eux ont déjà leur place dans l'album. Nous visons une sortie pour 2018, donc je parie que durant les prochaines années nous allons affiner et enregistrer des morceaux. Mais j'ai sincèrement un peu de pression à écrire la suite de "Elevation" tant il a bien été accueilli par les fans et les chroniqueurs, je suis putain de fier de ce que nous avons réalisé ! Je peux au moins promettre que nous ne réaliserons jamais rien dont nous ne sommes pas très fiers, donc nous ne sortirons pas un album juste pour sortir un album. Bien entendu, nous travaillons également toujours sur des clips, j'ai quelques idées sur ce que nous pourrions filmer dans les mois à venir. J'ai toujours voulu filmer une vidéo hivernale et je pense que "Our Dark World" serait parfait. Aussi, il y a toujours "Askja" qui parle du volcan islandais du même nom, et faire une vidéo pour ce morceau serait assez cool tout en prenant en compte que nous pourrions nous y rendre pour filmer. Mais ça nous coûterait de l'argent, et comme nous tournons nous-mêmes, nous n'avons pas vraiment de budget pour ainsi dire. Je vais devoir attendre. Ou peut-être pourrions nous lancer un projet Kickstarter ? "A Million Claws" est aussi une vidéo que j'ai imaginée dans ma tête donc nous la verrons prendre vie dans les mois à venir j'imagine.

Merci encore pour vos réponses. Un dernier mot pour vos fans français ?
Merci d'avoir pris le temps de lire mon blablatage et merci de nous écouter et de nous supporter ! J'aime personnellement la France pour y être allé plusieurs fois en vacances ou au passage pendant une tournée. Donc je suis impatient d'y retourner et aussi d'y revenir chaque année pour jouer devant nos fans.
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Nous espérons pouvoir jouer en 2017 ! Vive la France ! (Ndlr : en français dans le texte)

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