Interview faite par mail par Davidnonoise

Unsu, comme tout bon groupe de grind, est productif et sort aujourd’hui une nouvelle production "K.I.A.Ï". Qu’as-tu à me dévoiler sur cet album ?
Manu (guitare) : Salut David ! Et avant tout merci pour le temps que tu nous accordes. "K.I.A.Ï" sort en cette fin d'année 2014 et on en est très très fier. On a pris pas mal de retard avec ce qui était prévu initialement mais c'est pour la bonne cause. On a pris le temps de fignoler les compos. On ne voulait avoir aucun regret. Tu sais, on a tous un job à côté donc ça prend énormément de temps. Nous avions un deal jusqu 'à présent avec Kaotoxin Records mais pour ce nouvel album, on voulait à revenir à l'essentiel et on a donc décidé de le sortir en total D.I.Y. C'était quelque chose qu'on voulait faire depuis longtemps et on a pensé que c'était le bon moment de le faire. J'en profite au passage pour remercier Nico de Kaotoxin pour tout le travail effectué depuis tout ce temps. C'est un gars passionné qui s'investit énormément pour les groupes de son roster et grâce à qui nous avons eu pas mal d'opportunités. Pour en revenir à l'album, "K.I .A.Ï" (Kill Icons And Idiots) contient 19 titres et est pour moi représentatif de ce que propose le groupe : un grindcore bien burné avec des touches de death et de hardcore.

La production est massive, elle se démarque des prod' un peu "grind" dans l’approche, c’est-à-dire limite underground, comment en êtes-vous arrivés à ce son massif ? Et est ce qu’il sonne exactement comme vous le vouliez ?
Manu : Oui et Re-oui! Il sonne comme il doit sonner. Comme je te le disais plus haut, on a pris le temps nécessaire pour enregistrer cet album. Il a été enregistré à 2 endroits différents. Au départ tout devait être fait avec Ugo, gratteux chez Trepan'Dead. C'est un ami de très longue date et on était sûr du résultat. Malheureusement, les plannings des uns et des autres ont fait que nous avons dû décaler et enregistrer la batterie dans un autre studio (au C&P à Sequedin). Par contre, tout le reste, y compris le mix et mastering, ont été fait avec Ugo. Je savais très exactement le son que je voulais avant de commencer l'enregistrement. Et le résultat est à la hauteur de mes espérances. On voulait une production moderne, claire et massive. Cela fait maintenant quelques années que nous évoluons ensemble, nous avions déjà enregistré quelques skeuds (demo, splits, EP) ce qui nous a permis de nous construire une identité sonore. On se connaît musicalement bien maintenant. Nous avons pris le temps de travailler notre son et ça finit par se ressentir sur scène et c'est ce qu'on voulait aussi pour l'album. Ugo a fait un travail remarquable et sans lui nous n'aurions pas eu le même résultat.

En écoutant le skeud, et en restant sur la prod', elle me fait un peu penser à du Magrudergrind (album S/T), c’est-à-dire un son "actuel", est-ce difficile de "renouveler" le son d’un style qui a 30 ans sans dénaturer une musique principalement underground ?
Manu : Bah écoute, je ne sais pas trop si nous avons un son actuel. Ce qui est sûr c'est qu'on voulait un son bien gras mais compréhensible. Dans le travail du son en studio, tout est une affaire de choix et de compromis. Je ne pense pas pourtant que notre son ressemble à celui de Magrudergrind. Par contre, il est vrai que j'avais une volonté d'avoir un son typé "suédois" surtout à la guitare. Souvent on nous rapproche plus du côté Nasum, Rotten Sound et Gadget. Ça ne me dérange pas. C'est un son qui correspond bien à notre style, efficace, lourd et gras à souhait. Après underground ne veut pas dire mauvaise qualité. C'était en partie vrai il y a quelques années avant l'apparition du numérique mais en 2014, tout le monde peut avoir un gros son. A l'inverse, beaucoup misent maintenant sur le "gros" son au détriment de la qualité des compositions. Cela reste à mes yeux l'essentiel. Et j'espère qu'avec cet album, nous avons su combiner les 2 !

Avant d’arriver à l’album, on va parler de "K.I .A.Ï" et de Unsu, on parle bien d’art martial ? Le cri d’assaut et le Kata ?
Manu : Oui oui c'est bien ça ! Unsu est le nom d'un kata supérieur en karaté. On le retrouve souvent d'ailleurs en finale des compétitions internationales, c'est dire la difficulté et la technicité du kata. Il signifie "main en nuage". Un kata très intéressant grâce à son rythme particulier, où l'accent est mis sur la vitesse avec quelques ruptures de cadence et de nombreuses techniques spécifiques. En cela, je le trouvais bien adapté au style du groupe où l'on mélange blasts, breaks et grooves. Quant au nom de l'album, c'est surtout l'œuvre de Chris de Trepan'Dead. Lorsqu'il s'est mis à travailler sur l'imagerie de l'album, il a eu rapidement l'idée de la cover mais le nom faisait toujours défaut. Il nous a proposé différents titres pour l'album et "K.I.A.Ï" a fini par devenir comme une évidence. Le Kiaï, le cri caractéristique qui accompagne une technique d'attaque est l'extériorisation externe du "cri interne". Et c'est exactement ce que représente pour moi le grind. Toute cette merde que tu accumules à longueur de temps à l'intérieur et que tu vomis à la face du monde en branchant ta gratte ou en te mettant derrière les fûts. C'est le titre idéal à cet album !

Vocalement sur l’album, on dépasse le style grind au sens propre car je trouve des pig squeals entre autres, et un peu la folie vocale de Benighted, est-ce un préambule au futur d’Unsu que de ne pas se cantonner qu’au grind ?
Dam (chant) : Je trouve ta remarque intéressante et assez flatteuse ! Dans le sens ou pour moi, le chant, quelques soit le style, doit toujours être variés et surtout apporter (selon la nappe musicale) le maximum d’énergie et de sensations (oui oui… tu sais, le poil qui se dresse quand tu sens arriver "LE" putain de break ? haha). Je viens perso du brutal death, j’ai gueulé pendant pas mal d’années dans Goryptic et effectivement, ça peut se ressentir dans UNSU (d’ailleurs merci pour la comparaison avec Julien de Benighted, big up à eux ! haha) Si je ne varie pas, j’me fais chier, c’est aussi simple que ça… les chants monocordiques ne m’intéressent pas du tout (même si c’est bien exécuté). Au même titre que ce n’est pas parce que tu fais du grind que tu dois foutre des porcins partout ! J’trouve ça con, mais chacun fait comme il veut ! Ensuite, si c’est un préambule au futur d’UNSU… pfff, pas du tout ! Rien n’est calculé et on avance à l’instinct ! Perso je m’en branle total des étiquettes, tant qu’on fait une zic qui tabasse et avec le smile, c’est l’essentiel.



Depuis les débuts du grind que j’ai vécus, jusqu’à aujourd’hui, ce style ne semble jamais avoir souffert de baisse de régime, contrairement au death, au heavy, c’est le côté "fraternité underground" qui veut ça ? Ou la facilité toute relative à créer de la musique grind ?
Manu : Dans le grind, comme dans beaucoup de styles, tu as des groupes plus ou moins bons. Je ne nommerais personne ici puisque je ne considère pas avoir le monopole du bon goût. Mais tu as certainement raison, le côté fraternel doit jouer un rôle prépondérant dans la survie du style. Je ne parlerais pas de hausse ou baisse de régime puisque c'est un style qui est toujours resté très confidentiel malgré quelques pointures. Ce que je retiens surtout c'est que la plupart des zicos grind jouent réellement pour le plaisir. Quand ce n'est pas le cas, ils ne font pas long feu. Et ceux qui se la jouent avec leur pose et leur technique, bah ils font pas du grind. A la limite un groupe de brutal death !!! Le grind est un style qui est rarement pris au sérieux, certainement à cause de beaucoup de groupes qui sont soit pas assez pro dans leur démarche, soit des branleurs mais dans tous les cas, pour moi c’est une musique qui doit se faire sérieusement mais sans prise de tête.
Dam : J’ajouterais effectivement qu’il y a une "fraternité" importante (c’est pas les bisounours, tous les groupes ne s’accordent pas !). Pour exemple, on échange pas mal de "plans" et conseils entre groupes, on se supporte entre nous pour se faire de la promo pour les concerts, sortie de skeuds etc… le partage est essentiel et permet de "souder" encore plus la scène et les individus. Quand on dit que c’est une famille, on le pense vraiment !

Revenons à l’album, et aux lyrics, qui compose dans le groupe ? Et quelles sont les influences principales des textes ?
Manu : Pour ce qui est de la musique, comme dans la plupart des groupes j'imagine, la base vient des riffs de gratte. Ça part quasiment toujours de là. Après il y a un gros travail d'arrangement et là forcement tout le monde participe. Ça prend plus ou moins du temps pour que ça ressemble vaguement à quelque chose. Et ensuite, on répète encore et encore le morceau jusqu'à ce qu'il devienne comme une évidence. Tous les riffs, les breaks et les vocaux doivent trouver leur juste place.
Dam : Dam : Concernant les lyrics, l’important pour moi est de "soutenir" le son au mieux en choisissant les meilleures sonorités et tons possibles ! Le chant c’est avant tout un instrument comme un autre, avec des notes. Le jeu étant de trouver les meilleurs notes pour compléter la part’ musicale. Concernant le contenu des paroles, c’est très varié et surtout sans prise de tête. Ça peut aussi bien être des histoires SF ("Cause Of Insomnia", "Lamia", "Squashed Faces"…), du vécu ou des ressentis sur le monde nous entourant (comme l’avenir de l’humanité et le rôle de l’homme dans tout ça) mais ce que je préfère c’est encore d’écrire des textes sur le monde de la zic, rien de plus inspirant ! J’en profite pour raconter les expériences du groupe, remercier les gens qui se bougent le cul etc… Je suis également inspirer par les potes, il y a 2 morceaux hommage sur l’album d’ailleurs : "Napert Alive" (jeu de mots pourri pour Trepan’Dead) et "In-fest" (facile à capter, c’est un morceau pour Infest (Bayonne)). Alors certes, les gens captent pas tu me diras mais pas grave ! Le but étant de tabasser pendant les concerts ! 

Le Nord est plutôt bien servi au niveau de la qualité des groupes, qu’ils soient thrash, death ou grind, je trouve qu’il y a du niveau, à quoi c’est dû ? Car ici en Normandie c’est plutôt désertique au niveau de la qualité / quantité de groupes...
Manu : C'est vrai que dans la région il y a énormément de groupes dans beaucoup de styles différents mais je n'ai pas vraiment la réponse à ta question. J'imagine que c'est une région fortement peuplée donc il y a plus de chances de voir émerger des groupes. Le problème par chez nous vient surtout des salles. Tous les bars concerts, que je connaisse, finissent toujours par se casser la gueule. C'est dû à plein de facteurs. Il existe aussi pas mal d'asso qui se bougent le cul et qui organisent des concerts. Mais comme partout, il faut du monde sur ces dates pour rentrer dans ses frais et ce n'est malheureusement pas toujours le cas, surtout dans le grind. J'en profite au passage pour remercier tous les groupes, les salles et les assos qui nous soutiennent depuis le début. Sans eux rien n'existerait  !

Je me trompe ou est-ce plus facile d’aller jouer à l’étranger quand on fait du grind, plutôt que du death, du black ou du heavy francais ?
Manu : Non tu ne te trompes pas. A notre niveau, sortie de la région c'est la galère extrême pour trouver des dates en France. Même participer à des festivals, c'est difficile. On s'en rend facilement compte quand on organise une tournée. Jusqu'à maintenant nous n'avons jamais pu organiser de tour en France. Impossible ! Alors qu'en Allemagne, Tchéquie, Angleterre... tu trouves plus facilement des dates. Et ça je pense que tous les groupes français de grind qui se bouge te le confirmeront. Mon avis est que la France n'est pas un pays ancré dans le rock au sens large. Il n'y a qu'à voir les structures qui existent en Allemagne ou ailleurs et qui n'existent pas en France. Après moi, ça me dérange pas plus que ça. C'est aussi pour cela qu'on part en tournée. On prend tous sur nos congés dans le groupe, autant que ce soit pour partir à l'étranger et rencontrer un max de monde et de cultures différentes. C'est aussi ça le grind ! Un mode de vie et d’ouverture…

Quelques videos live d’Unsu circulent sur le net, avec une musique comme celle-là le public est souvent composé d’aficionados qui ont du mal à se lâcher parfois, la débauche d’énergie d’Unsu live finit-elle toujours par les avoir ou vous est-il déjà arrivé de vous demander ce que vous foutiez là ?
Manu : Sans vouloir faire le malin, la plupart du temps ça finit toujours par bouger ! Bon, ça n'est pas toujours le cas et c'est vrai que c'est toujours dommage. On a besoin d'avoir un retour du public en face de nous. C'est un partage. Faut que ça chie, comme dirait Chris / Trepan'Dead. On est là pour faire bouger un maximum de cul, faire bouger les têtes, que ça suinte la rage, la sueur et la bière. Le reste en live, pour n'importe quel groupe de grind, c'est du vent. Grind veut bien dire broyer en anglais, non ? Donc voilà, le but est de broyer tout le monde pendant le concert. Le tout avec la banane et le sourire !



Revenons sur le skeud, quelles sont les différences notables entre vos précédentes réalisations et ce nouvel album ?
Manu : Difficile à dire. La plus grande différence est certainement le son. Comme je l'ai expliqué plus haut, on a su évoluer en tant que groupe et le travail du son a toujours fait partie de nos priorités. Ensuite, les compos ont aussi évolué avec la mise en place du nouveau line-up durant la conception de cet album ! Peut-être pas dans le style et les influences - enfin 'K.I.A.Ï' a peut-être quelques touches hardcore plus prononcées – mais surtout dans la qualité de celles-ci. Le but est que l'album soit violent, efficace, construit, qu'il y ait une continuité dans l'ensemble mais que chaque morceau puisse exister par lui-même. En toute logique et dans cet état d'esprit, toutes les réalisations précédentes étaient nécessaires à la génèse de ce premier album.

Un clip maison prévu pour soutenir l’album ?
Manu : Il y en a déjà un qui traûne sur le net, monté avec des images live et qui a servi de support au morceau "Wasteland Jail" (premier morceau dévoilé de l'album) !
Dam : J’en profite pour remercier de nouveau mon collègue Geoff qui a passé pas mal de d’heure sur le projet durant ses temps de pauses ! Il a non seulement donné un coup de pouce au groupe mais à apporter une énergie visuelle à ce morceau !
Manu : Un autre est en projet mais rien n'est encore totalement défini pour le moment…

Des lives à venir ?
Manu : Oui pas mal de lives sont prévus. La difficulté est de concilier notre vie professionnelle, familiale et le groupe. On va donc se concentrer sur quelques week-ends, de choper quelques fests dont certains sont en cours de booking. Et peut-être repartir sur la route 10/15 jours en fonction de ce qui va se profiler durant la promo de "K.I.A.Ï" !

Grindgore, grindcore, cybergrind etc, y a-t-il un style de grind qui te botte un peu moins que les autres ? Et tiens, comment es-tu devenu fan de grind et quels sont les groupes que tu conseillerais à un néophyte ?
Manu : C'est une question de feeling. Je ne suis pas un adepte de goregrind et consort. Pour moi, le grind c'est de l'énergie à l'état pur. Pas de manière, pas de posers, juste des accords de gratte sur une batterie qui blaste avec un chant bourrin ! Difficile de conseiller un groupe à un néophyte, sachant que même pour une personne qui écoute du metal extrême, le grind c'est le mal. Quel groupe conseiller à un néophyte ? Euh... eh bien... UNSU ! (rires)

As-tu un skeud que tu caches a tout le monde par peur qu’on se foute de toi ?
Manu : Aucun. J'écoute pas mal de metal et de grind en particulier. Mais c'est loin d'être le style de musique que j'écoute. Je n'ai donc aucune honte à écouter autre chose. La musique doit être faite avec sérieux mais ne doit se pendre au sérieux.

Si les membres d’Unsu devaient se séparer, ce serait dû à quoi ? Une beuverie qui tourne mal ? Divergences musicales ? Une histoire de fille ?
Manu : Problème de motivation je pense, c'est la clef de tout. Un groupe c'est une alchimie bizarre qui tient a peu de chose. Au départ, tout le monde a les même ambitions (tourner, enregistrer des skeuds..) mais très vite la réalité reprend le dessus et il n'y a que la passion qui reste. Ceux qui n'ont pas la flamme et l'honnêteté intellectuelle nécessaire au projet ne tiendront, à coup sûr, pas la route.

C’est tout pour moi, à toi de conclure sur l’album bien sûr ou autre chose, et merci pour ce bien bel album, bordel !
Manu : Merci à toi et à French Metal de nous accorder du temps pour la promotion de l'album. Vous pouvez trouver du son un peu partout mais l'essentiel est de venir soutenir les groupes en live. Des gens se cassent le cul pour organiser des gigs, alors bouger vous pour soutenir la scène !
Dam : Merci aux lecteurs(rices) qui liront cette interview et qui iront jeter une oreille à notre zic ou tout simplement venir s’arracher la colonne aux lives ! Pour les curieux : unsu.grindcore.free.fr ! 


Le site officiel : unsu.grindcore.free.fr