Interview faite par mail par E.L.P

Salut à vous, "Watchers", et merci d’avoir pris le temps de répondre à mes quelques questions ! Vous voici donc ici, aujourd’hui, revenus à la "réalité" si l’on peut dire, après votre tournée du Hell On Earth Tour, que vous vous avez menée, aux côtés de groupes comme The Acacia Strain et Shadows Fall. Comment avez-vous vécu ces dernières semaines ?
Trevor Phipps (chant) : Salut ! Alors oui, nous avons eu la chance de pouvoir prendre la route avec les groupes que tu viens de citer, et je dois bien admettre que nous avons passé des moments vraiment incroyables avec ce Hell On Earth Tour ! Notre planning était assez simple pendant près de trois semaines : nous nous levions, nous installions, nous mangions tous ensemble et finissions notre journée en jouant devant notre public avant de partager des bières !... Il n’y avait vraiment pas de quoi se plaindre ! (rires)

Cette tournée vous a finalement ramenée à Paris, deux ans après votre dernier passage dans la capitale. Comment était-ce ? Était-ce différent ?
Il n’y a jamais de réelle différence à vrai dire, nous essayons de prendre un maximum de plaisir en toutes circonstances ! Ceci étant, les choses étaient un peu différentes cette fois-ci, puisque certains ont eu le courage de sortir et d’aller se promener, histoire de changer un peu d’air et de se dégourdir les jambes. Nous n’avons pas beaucoup de moments de repos lorsque nous sommes en tournée, à cause de l’agenda assez rude et millimétré que nous devons respecter, alors ce sont des instants que nous apprécions tout particulièrement, d’autant que Paris et la culture française sont deux merveilleux univers. Pouvoir s’en imprégner le temps d’une ballade entre deux concerts nous a fait beaucoup de bien, je pense même que c’était l’un de mes temps forts de cette tournée !

Vous aviez également eu la chance de fouler les planches du Hellfest en 2013 si je ne m’abuse, comment aviez-vous ressenti cette étape ainsi que l’accueil français compte tenu du fait que vous n’en êtes pas à vos premiers pas ?
C’était absolument dingue ! L’énergie circulait à plein régime ce jour-là !... Nous sommes venus et dès notre arrivée sur scène, nous sommes entrés en éruption, un très bon moment s’est ajouté à notre palmarès, le public était chaud comme la braise.

J’ai eu l’impression que vous aviez quelque peu boudé le Vieux Continent ces derniers mois. Aviez-vous décidé d’esquiver un peu l’Europe pour vous consacrer à l’album et à d’autres pays plus réceptifs ou du moins demandeurs d’Unearth, et où votre sceau n’avait pas encore été posé ?
Je n’ai, pour être franc, pas du tout eu cette impression là, non. Nous avons, au contraire, eu le sentiment de revenir tous les 2 ou 3 mois tant nos tournées nous faisaient parcourir de kilomètres ces dernières années. Et la sortie de "Watchers Of Rule" n’est pas prête de calmer les choses !

Vous avez certainement pu emmagasiner une importante dose de souvenirs, de plaisirs mais surtout, d’expérience entre la sortie de "Darkness In The Light" et celle de votre petit dernier ? Qu’ont apporté ces dernières années à la formation ?
Oh... Eh bien, énormément de choses ! (rires) Depuis la sortie de "Darkness In The Light", il nous a été donné de réaliser énormément de tournées, quelques unes en Europe, en Australie, au Japon, dans tout le Sud-Est Asiatique, en Amérique du Nord mais aussi en Afrique du Sud ! C’est pour ces raisons que nous aimons ce que nous faisons aujourd’hui, nous adorons prendre la route pour répandre et défendre notre musique, nos couleurs...

Durant toutes ces années vous en êtes finalement venus à vous émanciper de Metal Blade Records mais également à vous séparer de certains membres comme Mike Justian, Mike Rudberg et Derek Kerswill (Ndlr : ex-batteur). Comment se fait-il que vos fûts aient subi autant de changements au fil du temps alors que le reste d’entre vous évolue de façon apparemment très soudée depuis près d’une décennie ?
Pour ce qui est de notre changement de label, nous avons décidé de tenter une nouvelle approche, d’envisager de nouveaux partenariats et une nouvelle gestion / organisation pour le groupe: au lieu de n’être qu’aux mains d’un seul label, nous en avons désormais 4, chacun étant parmi les plus stables de sa région, nous permettant ainsi d’y avoir de meilleurs attaches. L’Europe est désormais gérée par Century Media, l’Amérique du Nord par Eone, le Japon par Howling Bull et l’Australie par 3Wise ! Nous voulions voir si ce nouveau fonctionnement pouvait (et peut) nous assurer la meilleure croissance et le plus de stabilité possible dans cette industrie musicale qui ne cesse de se métamorphoser... Quant à la formation, il est vrai que nous avons eu pas mal de turn-over au fil des années, Derek par exemple, n’avait jamais été annoncé comme batteur à part entière. C’est avant tout un ami qui a finalement remplacé Mike Justian après que nous nous en soyions séparés. Dès que nous avons ressenti l’envie de composer des morceaux plus tranchants, plus rapides, brutaux et incisifs, nous avons compris qu’il ne pourrait pas nous suivre et qu’il serait plus à son aise dans des formations groove ou heavy rock plutôt quand dans un univers speed, thrash, moderne...Nous avons donc décidé de continuer sans lui, mais il est, et restera toujours un très bon ami ! En revanche, c’est, pour l’instant, notre bassiste, "Slo", qui fait malheureusement une pause pour raisons familiales en ce moment.



A-t-il été difficile pour le groupe, de trouver sa vitesse de croisière, sa nouvelle dynamique avec Nick pour cet opus ?
Pas du tout, bien au contraire ! Nick fait maintenant partie de l’aventure depuis 2011, et nous avons l’impression qu’il a toujours été dans le groupe. C’est, et de loin, le meilleur batteur et le meilleur compositeur que nous n’ayons jamais eu avec le groupe, il est bourré de talent et entièrement dédié au projet.

Pour revenir sur la partie "label", que pourrais-tu nous dire sur Century Media ? Ont-ils été à vos côtés durant toute la création, la genèse de ce nouvel album ?
Ils sont vraiment impeccables jusqu’ici. Nous n’avons rien à dire sur leur boulot, ils le connaissent, et le connaissent bien, c’est certain ! Ils nous maintiennent toujours occupés avec des interviews très régulières, et ont même pu presser l’album en vinyle, ce qui nous met véritablement en joie ! Pour l’instant nous avons l’impression que toutes les personnes travaillant à nos côtés sont de très bonnes compositions ! Elles nous épaulent et nous donnent l’impression d’appartenir à une grande famille, la leur en l’occurrence. C’est un sentiment assez fort.

Pour cet album vous avez décidé d’opter pour une illustration complète, dessinée par le grand Richey Beckett pour un rendu on ne peut plus sombre et oppressant, peut-être même bien plus que pour vos sorties passées, elles, plus abstraites. En quoi cette oeuvre illustre-t-elle le travail amassé dans "Watchers Of Rule" ainsi que votre état d’esprit ?
Eh bien, cette illustration prend en compte énormément d’éléments dont il est question au travers des paroles de chaque morceau de l’album, une bonne partie de leurs imageries. Cet album est, comme tu l’as dit, bien plus sombre et profond que nos précédentes productions, alors quand Richey a pu se plonger dans son univers et dans certaines des paroles, c’est le résultat qui lui est venu à l’esprit. C’est indubitablement un grand artiste, et nous sommes à la fois heureux et chanceux d’avoir eu l'opportunité de travailler avec lui pour cet opus, il a su lui donner une identité supplémentaire avec cet artwork qui est sans l’ombre d’un doute, le meilleur que nous n’ayons jamais eu !

Parler de votre nouveau "cru" ne saurait se faire sans mentionner vos nouvelles rythmiques avec l’incroyable puissance de Nick derrière les futs, apportant le soutien nécessaire à Ken et Buz (Ndlr : Ken Susi et Buz McGrath, guitares) pour trouver leur profondeur sur des titres comme "Guards Of Contagion", "Trail To Fire" ou "Burial Lines", "Watchers Of Rule"... Que pourrais-tu dire au sujet de ce nouveau souffle d'agressivité et de lourdeur ? Sur votre nouvelle et brutale direction technique ?
Eh bien, disons que Nick a apporté énormément de nouvelles vibrations. Il nous a apporté la profondeur qui nous manquait depuis de nombreuses années. Ses talents de batteur et le fait que nous ayons écrit et pensé l’album tous ensemble sont eux aussi des éléments qui ont servi de ciment à la création de cette nouvelle puissance du groupe ! Les 4 titres dont tu fais mention, sont, comme l’album entier d’ailleurs, à prendre comme une avalanche de brutalité directe, un "assaut" qui n’aurait pas été aussi accessible sans les talents de nos guitaristes. Nous avions envie d’écrire un album qui soit à la fois plus progressif, mais aussi plus vicieux, plus incisif et viscéral que les précédents, et je pense que c’est précisément ce que nous avons réussi à accomplir avec celui-ci. J’en suis très fier !

J’ai souvent eu le sentiment, au fil de mon écoute, d’avoir affaire à des atmosphères plus mordantes, plus froides et sombres sous certaines des accélérations de "The Swarm" ou "From The Tombs Of Five Below". Comme si vous aviez incorporé une dose d’ambiances black supplémentaire à votre arsenal actuel. Est-ce juste une vue de mon esprit ou alors est-ce véritablement un choix de votre part ?
Notre état d’esprit général durant toute la phase de composition de cet album était bien différente, nous étions bien plus concentrés, bien plus rageurs ! Nous ressentions un réel besoin de nous pousser, nous voulions nous prouver que nous étions capables de nous renouveler, de re-coller avec notre statut de leader du genre et je pense que ces titres répondent parfaitement à cette ambition que nous avons aujourd’hui !...

Il y a malgré tout une différence plutôt marquée entre votre esprit metalcore passé, et votre profond renouveau melodeath. Le fait que les parties de chant clair aient été mises de côté y est certainement pour quelque chose, mais pourquoi avoir choisi d’évoluer en ce sens ?
Le chant clair n’a jamais été à proprement parler une partie majeure de notre univers, de notre son, d’autant que nous n’avons décidé de ne nous en servir que pour 2 albums, ils n’étaient utilisés que comme un outil de composition qui nous permettait de varier nos approches et d’écrire différemment. Nous ne fermons jamais la porte aux nouvelles inspirations ou aux nouveaux éléments pouvant enrichir nos morceaux, mais nos dernières compositions ne nécessitaient pas ce genre d’éléments, ça ne pouvait pas coller... Nos titres seront toujours empreints de metal et de hardcore, rien ne changera à ce niveau-là, mais étant donné que nous n’avons en rien une approche élitiste de la musique, nous restons ouverts à nos différentes inspirations, qu’elles aillent du punk au grind, en passant par le death, le brutal... etc. C’est précisément cette variété que nous essayons de faire transparaître dans nos compositions. Certaines pencheront plus côté hardcore / metalcore et d’autres plus côté death, mais l’identité d’Unearth se détachera de ce socle d’influences.



Et quelles seraient, précisément, ces nouvelles influences ayant permis à "Watchers Of Rule" de trouver sa puissance ? J’ai été frappé par de solides accents Lamb Of God et At The Gates. Ces formations ont-elles motivé une différente approche ou une autre créativité de votre part ?
Oui et non, au sens où nous sommes, comme beaucoup, fans de ces 2 groupes. La travail d’écriture est toujours influencé par ces inspirations qui sont finalement diluées durant la composition pour ensuite être distillées tout au long de l’album, et la liste est interminable tant notre passé musical en tant que simples fans est chargé !

Quelle serait la scène, le genre qui vous définirait le mieux aujourd’hui ? Metalcore ? Death, melodeath ?...
Tous ces genres n’ont pas de réelle valeur à mes yeux à vrai dire, au sens où ils font tous partie de la grande famille de l’extrême, des descendants du heavy. Je comprends néanmoins que les étiquettes existent dans la mesure elles permettent aux auditeurs de s’aiguiller dans la jungle des groupes, ce que j’ai plus de mal à comprendre c’est la fermeture d’esprit qu’elles peuvent parfois provoquer. Cataloguer un artiste selon tel ou tel genre peut rapidement le priver d’une partie de son public... Il faut simplement être curieux et oser plonger dans les genres et les sous-genres, chiner et dénicher le groupe qui nous plaira ou alors changer de style pour trouver celui à sa mesure. Je ne saurais pas définir notre son plus que nos morceaux pourraient le faire, alors si quelqu’un se sent l’âme d’un aventurier, qu’il n’hésite pas à nous découvrir pour aller au delà des codes !

Nous parlions, tout à l’heure, des fondations rythmico-mélodiques mais n’avons pas évoqué le travail sur les voix et la basse. J’ai en effet été assez surpris de ne pas entendre les voix et la basse exploser et vibrer sur des lignes qui auraient peut-être pu leur être différemment aménagée, agencées pour en dégager plus de souplesse et de grooves. C’est un point très subjectif, mais peut-être aurais-tu une explication à ce sujet ?
À vrai dire, je voulais surtout que les voix se fondent d’elles-mêmes dans la masse des titres, je souhaitais qu’elles finissent par se poser sur les mêmes lignes, les mêmes niveaux que le reste des instruments plutôt que de les faire "couronner" les morceaux. Comme tu le dis, c’est très subjectif et ça dépend des préférences acoustiques de chacun, mais je ressentais un appel plus fort au travers de cet album, un appel visant à harmoniser les voix et à les intégrer pleinement dans le reste des compositions plutôt que de les mettre au premier plan... J’en veux pour exemple l’un de mes albums préféré : "Destroy The Machines" de Earth Crisis, qui synthétise typiquement le ressenti que je cherchais au travers le mixage de mes lignes pour "Watchers’" !

Eh bien nous y sommes, merci pour ton temps, mais surtout, merci pour cette perle de violence qu’est "Watchers Of Rule" ! En espérant qu’elle vous fasse très prochainement repasser par notre chère France et qu’elle vous apporte le succès que vous méritez le plus amplement du monde ! Aurais-tu quelques mots pour conclure ?
Merci pour tout, pour les questions, pour l’intérêt que tout notre public nous porte depuis tant d’années ! J’espère que nous serons prochainement amenés à rejouer en France ! N’hésitez pas à vous lancer dans la découverte de "Watchers Of Rule", vous ne serez pas déçus !... Keep Thrashin’ !


Le site officiel : www.unearth.tv