Interview faite par Skype par Pascal Beaumont

On ne présente plus Udo qui est devenu au fil des années une figure légendaire du heavy metal. Fondateur d’Accept en 1971, le bougre affiche au compteur près de cinquante ans au service du metal ! Un vrai sacerdoce pour lui puisqu’il n’a jamais renié ses racines, sa devise pourrait être "pas de compromis" à l’instar de Lemmy toujours resté fidèle au rock’n’roll de Motörhead. En 1988, après son éviction d’Accept, il fonde U.D.O. et sort "Animal House", un opus qui montre qu’il reste fidèle à son style de prédilection, une chose est claire l’âme d’Accept est bel et bien présente chez U.D.O.. S’ensuivront une quinzaine d’albums studio et de nombreux lives ancrés dans un metal pur et dur baignant toujours dans une influence 80’ ! Udo et son gang sont en quelque sorte les vrais gardiens du metal made in Deutschland. En 2016, Udo, qui est le fondateur au côté de Michael Wagener de la célèbre formation en 1968, décide d’entreprendre une tournée hommage à Accept où il interprétera uniquement des titres d’Acept sous le nom de Dirkschneider. Le Farewell Tour to Accept s’avérera être un triomphe et lui permettra de parcourir le monde pendant près de trois ans, une vraie réussite qui montre à quel point les classiques d’Accept sont devenus indispensables pour tout fan de metal ! Un live "Back To The Roots" sortira en 2016 suivi d’un DCD en 2017 "Live - Back To The Roots – Accepted" afin de clore le chapitre en beauté ! Car 2018, c’est avant tout le retour d’U.D.O. avec un nouvel opus dans sa besace, "Steelfactory", qui va ravir tous les fans du hurleur teuton  tant la galette est inspirée tout en restant très classique. Pas de surprise, U.D.O. fait du U.D.O. mais toujours de grande classe. Il n’en fallait pas plus pour que votre serviteur soumette à la question le maître du metal germanique ! Magnéto Udo, c’est à toi !

Bonjour Udo, tu as donné un concert à Paris en Décembre dernier avec Dirkschneider dans le cadre du Farewell Tour consacré à Accept, quel souvenir en gardes-tu ?

Udo (chant) : Cela faisait très longtemps que je n’avais pas joué à Paris et en France, c’était très bien, il y avait beaucoup de monde. C’était très excitant et le public avait l’air d’apprécié. J’ai passé un très bon moment.

Est-ce que le fait de tourner pendant presque trois ans en jouant uniquement des morceaux d’Accept a eu un impact sur ce nouvel album au niveau de la composition ?
Oui, bien sûr, cela nous a influencés. Si tu joues pendant presque trois ans uniquement des titres d’Accept, que tu enregistre un live et une vidéo, tu es dans un certain état d’esprit bercé par ces chansons. Cela se ressent à l’écoute des nouveaux morceaux d’U.D.O..

Est-ce que l’écriture de "Steelfactory" a été facile ?
Non, ce n’est pas facile. Mais je ne me suis jamais retrouvé dans une situation où lorsque l’on s’est mis à l’écriture d’un nouvel opus nous n’avions aucune idée. Nous avons toujours eu des pistes de chansons. Mais je ne me suis jamais assis en pensant que comme le CD précédent avait été un succès nous devions refaire la même chose. J’aime que l’on travaille sur de nouvelles idées, à la fin du processus d’écriture tu ne sais jamais comment l’album va être. Il peut être très heavy ou bien très mélodique ou autre. Parfois, le clavier est omniprésent mais pour celui-ci les guitares ont été mises à l’honneur. Je ne sais pas mais une chose est importante pour moi, c’est de ne pas copier quelque chose qui a déjà été fait auparavant.

Comment sais-tu qu’un morceau est bon et est digne de figurer sur le nouvel opus ?
Merde ! (rires) Nous avons tellement enregistré d’album avec U.D.O. qu’on a une forme de feeling qui nous permet de savoir si on va garder le titre ou pas. Lorsque nous nous remettons à composer pour un nouvel U.D.O., nous avons en général entre trente et trente-cinq idées. Ensuite, nous réfléchissons et faisons le tri. Cela nous permet de valider environ dix-huit morceaux. Il faut que tout le monde les apprécie. Au final, nous gardons seize titres qui nous satisfont. Ce que nous ne faisons jamais, c’est de réutiliser des anciennes idées que nous avions mises de côté. Si on les a mises à part, c’est que quelque chose ne fonctionnais pas et donc nous les mettons à la poubelle. C’est très important d’arriver avec des idées fraîches.

Pourquoi avoir choisi Jacob Hansen (Volbeat, pretty Maids, Epica…) comme producteur de "Steelfactory" ? Qu’attendais-tu de lui ?
Parce qu’il est très bon, il a d’ailleurs déjà travaillé avec nous sur "Steelhammer" et "Decadent", il s’était surtout chargé du mastering et d’une partie du mixage. Il nous disait sans cesse qu’il aimerait se charger de la production de l’un de nos albums. On s’est dit qu’il fallait faire un essai avec Jacob pour voir ce que cela pouvait donner. Nous savions qu’il était capable du meilleur en tant que producteur. Il a fait un très bon travail, il s’est investi à tous les niveaux et c’est ce que nous attendions de lui.

Comment s’est déroulé le processus d’enregistrement cette fois-ci ?
Nous n’avons pas enregistré tous ensemble. Mais on a passé vingt jours tous ensemble pour écrire les morceaux, on n’a pas échangé sur Internet comme beaucoup le font. Nous voulions garder un esprit d’équipe pour que tout le monde soit impliqué dans le processus. Nous avons aussi voulu prendre le temps de travailler sur les arrangements des titres. Ensuite, nous avons suivi un procédé classique la basse et la batterie en premier, puis les guitares et au final j’ai posé mes parties vocales. Mais tout le monde n’a pas enregistré ses parties dans le même studio, de nos jours ce n’est plus vraiment possible. Le fait est que nous avons dû enregistrer et composé alors que nous étions en tournée avec Dirkschneider. Il nous a fallu nous dégager du temps entre chaque tournée. Personnellement, j’ai enregistré mes voix au studio de Stephan Kaufmann. Jacob Hansen était occupé à ce moment-là mais je lui transmettais toutes les mélodies et il me donnait son accord. Je n’ai pas eu à me déplacer pour enregistrer dans son studio ! (rires) C’est Stephan qui s’est chargé de toutes mes voix. La basse et la batterie ont été enregistrées au studio Pulheim à Cologne. Toutes les guitares ont, quant à elles, été enregistré au Danemark à Ribe. Au final, cela nous a permis d’avoir le temps nécessaire et d’enregistrer à notre rythme de manière simple et efficace. Cela nous a facilité les choses.

Est-ce qu’il y a des titres qui ont été plus difficile que d’autre à enregistrer ?
Oui, "The Way" qui est une ballade, c’est un style qui est assez inhabituel pour moi au niveau du chant. Il y a aussi certaines parties de plusieurs morceaux qui ont été un challenge dans le sens où j’ai essayé de faire quelque chose de différent mais sans changer le style U.D.O.. De ce côté-là, il n’y a pas vraiment d’innovations. Mais il y a certains passages qui sont plus calmes qu’à l’accoutumée avec beaucoup d’harmonies et de guitares doublées.



Récemment tu as interprété "Rose In The Desert" accompagné de l’orchestre symphonique militaire d’Allemagne, c’est une bonne expérience ?
Tu as vu ça sur Facebook mais il y a une erreur dans le choix de la photo et de la légende, nous n’avons jamais joué "Rose In The Desert". Mais c’est vrai que début Juin nous avons donné un concert accompagné d’un orchestre militaire. Ce n’est pas une première, nous avons déjà joué avec eux plusieurs fois, nous avons d’ailleurs sorti un DVD "Navy Metal Night" en 2015.Nous avons joué presque uniquement des morceaux d’U.D.O. à part "Metal Heart" et "Princess Of The Dawn". C’était un très bon concert, il y avait une ambiance très spéciale, une atmosphère exceptionnelle. Les gens ont chanté tout au long du show, ce n’était pas un concert totalement metal d’ailleurs.

Que ressent-on lorsque l’on chante au côté de musiciens militaires habillés en uniforme ?
(rires) Ils portaient des uniformes mais sont totalement normaux. Ils sont bien plus rock dans l’esprit que tu ne le penses ! C’était bien sûr très organisé mais j’y ai pris beaucoup de plaisir. Il n’y a pas eu de réactions négatives de leur part vis-à-vis de nous. Tout le monde était motivé et souhaitait donner un bon concert. Ce sont de belles opportunités et on a pu les réaliser. Il y aura peut-être d’autres shows dans le futur mais pas dans l’immédiat, peut-être à la fin de l’année prochaine.

Tu as choisi d’appeler cet opus "Steelfactory", tu te considères comme une usine de metal ? (rires)
(rires) Oui, nous sommes une véritable usine d’acier ! Notre production, c’est du metal, c’est le style que nous pratiquons. L’acier et le metal, vu d’un certain angle c’est la même chose. C’est un titre qui nous convient parfaitement.

Tu n’as pas l’intention de changer ?
Non, j’ai débuté au début des années 80, le metal est tout à coup devenu populaire. Par la suite, le vent a tourné et beaucoup de formations ont décidé de changer leur musique mais moi je n’ai jamais voulu le faire. J’ai toujours voulu jouer ce style et c’est ce que j’ai fait. Je n’ai jamais voulu suivre aucune mode. Je chante sur du metal depuis plus de 40 ans et cela fonctionne bien donc quelque part je pense que je ne me suis pas trompe ! (rires)

Comment as-tu fait pour choisir les singles qui allait représenter "Steelfactory" ?
Ce n’est jamais simple, il y a toujours de difficultés. Tu peux choisir un titre heavy mais il faut aussi penser au clip et donc tenir compte du texte de la chanson. Car cela va te permettre de faire une vidéo intéressante. La plupart des combos se mettent en avant dans leurs vidéos tu les vois jouer sur scène ou dans une fabrique abandonnée ! Ils se contentent de jouer le morceau. C’est quelque chose que nous ne voulons pas faire. Les paroles de "One Heart One Soul" ont un sens et racontent une histoire. Elles parlent de notre monde qui est unique et qui ne fait qu’un bloc, nous vivons tous dans ce monde. Nous sommes tous des êtres humains et tous identiques que tu viennes d’Afrique ou d’un autre continent. C’est ce thème que nous développons et qui est intéressant dans ce titre. Les gens qui viennent d’autres pays sont comme nous et il faut les accepter. Il faut être tolérant. C’est un message de tolérance que nous développons à travers cette chanson. C’est passionnant de développer ce thème à travers un clip. Nous avons d’ailleurs eu de très bonnes réactions autour de ce clip. Je pense que quelque part nous avons choisi le bon morceau pour servir de support au clip.

Sven, ton fils, vous accompagne depuis plus de deux ans au sein d’U.D.O., que vous a-t-il apporté ?
Cela fait maintenant trois ans qu’il joue avec nous. Il nous a apporté du sang frais, beaucoup d’énergie. Il est vraiment au top à tous les niveaux. Ce qui est intéressant, c’est qu’il est issu d’une autre génération que la nôtre. Au niveau de son jeu de batterie, il fait du très bon travail. A chaque tournée, il s’améliore et devient meilleur. On s’en rend compte aussi en répétition, il progresse sans cesse. Je suis très fier de lui, il est en train de devenir un très très bon batteur.

A quel moment t’es-tu rendu compte qu’il appréciait le metal et qu’il allait devenir musicien ?
Il a commencé à jouer de la batterie dès l’âge de quatre ou cinq ans. Au départ, je me suis dit que ça allait être une passade, qu’il allait en faire pendant un an et pas plus. Mais il m’a donné tort car il a persévéré. Dès sa naissance, il a baigné dans ce style de musique. Au départ, il était passionné par le punk rock. Puis il est parti en tournée avec Saxon comme batteur. Il a remplacé Nigel Glocker pour quelques concerts car il avait des problèmes de santé à cette époque. Lorsque Francesco Jovino a décidé de quitter U.D.O., je me suis mis à la recherche d’un nouveau batteur. A Berlin, lors d’un soundscheck de Saxon, Bif est venu me voir et nous avons discuté de choses et d’autres. Je lui ai dit que j’étais à la recherche d’un nouveau batteur et que j’allais devoir me remettre à faire des auditions. Il m’a répondu "Mais pourquoi ne recrutes-tu pas ton fils ? Il serait parfait pour U.D.O..". Par la suite j’y ai pensé pendant un petit moment et j’ai pris la décision de lui demander s’il serait intéressé de nous rejoindre. Il m’a dit "Oui" mais il lui a fallu plusieurs mois de réflexion pour nous rejoindre. Il est arrivé dans notre studio de répétition et a commencé à apprendre certains morceaux avant de dire oui. Il voulait savoir s’il était capable de les jouer et d’assurer sa place de batteur. Ensuite, il m’a dit qu’il était d’accord, qu’il voulait être notre nouveau batteur. Au final, je suis très heureux qu’il soit à nos côtés. Mais c’est un des musiciens de U.D.O., ce n’est pas le fils d'Udo. Il est traité de la même manière que les autres musiciens et au même niveau. Je lui ai expliqué que s’il y avait des choses qui touchaient au domaine privé et dont il devait me parler, il devait régler ça en privé. Ça devait se régler entre lui et moi car cela n’a rien à voir avec la formation U.D.O..



Qu’en est-il du retour de Stefan Kaufmann au sein d’U.D.O. ?
C’est provisoire. Il est venu nous dépanner sur quelques dates afin d’assurer les festivals cet été mais il ne revient pas définitivement avec nous. Il nous rend un service suite au départ de Bill Hudson, notre guitariste américain. Il ne s’était jamais réellement intégré au sein d’U.D.O. et a dû partir. Il n’était pas intéressé par le groupe, il ne voulait pas composer, s’investir et jouer sur l’album. Cela n’a pas été facile pour Andrey Smirnov car il a dû terminer d’enregistrer toutes les parties de guitares de "Steelfactory". Il n’avait pas à ses côtés un guitariste sur lequel il pouvait compter et avec qui il pouvait travailler et composer des parties de guitares ou des solos. Il était… Je ne veux rien dire de mal à son sujet ! (rires) Ce n’était pas un mauvais garçon mais je pense qu’il rêvait d’être une grande rock star. Parfois, on se demandait si c’était un concert de Dirkschneider ou le sien. Après notre tournée américaine, je lui ai dit que cela n’avait aucun sens que nous continuions à travailler ensemble. Il a compris et est parti. Le problème c’est qu’ensuite il nous a fallu trouver un guitariste très rapidement. Nous étions dans l’urgence. Mais cette fois-ci, je n’ai pas voulu me précipiter. J’ai voulu prendre mon temps. J’ai donc pris le parti de demander à Stephan Kaufmann qui est un ami de longue date et avec qui je me suis toujours très bien entendu s’il pouvait venir nous dépanner. Il a accepté immédiatement. Cela va me permettre cette fois-ci d’avoir plus de temps pour recruter un nouveau guitariste. Bien sûr, tu ne peux jamais être sûr mais je veux faire les choses bien. Prendre mon temps de faire des auditions, de parler avec les candidats et essayer de voir comment ils sont et s’ils feraient l’affaire. C’est ce que nous sommes actuellement en train de faire. Je pense qu’à la fin du mois d’Août ou au plus tard début Septembre, nous pourrons annoncer le nom de notre nouveau guitariste.

Est-ce que c’est difficile de trouver le bon guitariste ?
Oui, ce n’est pas très facile. Ce que l’on retrouve souvent, ce sont des guitaristes qui ont envie de jouer un million de notes à la seconde. Mais si tu recherches un guitariste rythmique c’est totalement différent. Dans ce style de musique, nous avons besoin de très bons guitaristes rythmiques. Le plus important pour nous c’est qu’il soit bon en rythmique. Bien sûr il devra aussi assurer des paries de guitare lead car Andrey ne va pas jouer tous les solos. C’est ça qui est difficile de dénicher chez ce type de guitariste. Mais je pense que nous touchons au but. Après tu verras qui est l’élu.

Est que l’aventure Dirkschneider est terminée ?
Oui, c’est terminé, nous allons encore donner quelques concerts vers la mi-Octobre puis ce sera totalement fini. Ça fait trois ans que je joue sur scène les classiques d’Accept ! (rires) Le chapitre est désormais clos. D’ailleurs, sur la prochaine tournée d’U.D.O., nous ne jouerons aucun morceau d’Accept.

Si je te dis que tu as su conserver l’esprit d’Accept, quelle est ta réaction ?
Je ne veux pas rentrer dans ce genre de considération. (rires) Je ne veux rien dire sur ce sujet. Mais pour conclure cette interview, je vais te dire quelque chose, j’ai vu quand je suis parti en tournée avec Dirkschneider que quelque chose se passait. Nous jouions entre 15 et 20 morceaux chaque soir et tout a complètement explosé. Au départ, nous ne devions pas donner autant de concerts et partir sur les routes pendant près de trois ans en interprétant des titres d’Accept. Cela m’a montré ce que le public avait envie d’entendre et je pense que cela explique tout sans avoir à en rajouter plus. Avec cet opus, nous avons essayé de donner le meilleur de nous-mêmes. Il y a beaucoup de très bons morceaux et je suis très satisfait du résultat. Je pense que c’est ce que les gens ont envie d’entendre. J’espère qu’ils apprécieront le résultat.

Udo, merci pour l’interview.
Merci à toi et à bientôt.


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