Interview faite par mail par Braindead

Il m’est déjà arrivé d’interviewer de jeunes formations et des groupes plus confirmés, mais c’est la première fois que je retrouve face un groupe qui a splitté deux ans après sa création pour se reformer 20 ans plus tard. C’est d’autant plus incompréhensible que vos trois premiers EPs ont été encensés par la critique, à la grande époque de la presse papier et dérivés prozines. "Dins Ech Cel d’Asteartia" est même considérée comme une masterpiece du pagan black pagan. Comment expliquez-vous ce split vingt ans après ?
Lafforgue (chant / guitare / flûte) Après l'enregistrement de "Dins Ech Cel", nous avions déjà une attirance pour les musiques anciennes et le fond mythologique, ancestral de notre région. Pour aller plus loin dans notre démarche, nous évoquions l'idée de créer une musique 100% acoustique, mêlant l'aura mystique propre aux musiques sombres et metal que nous écoutions. La rencontre avec Patrice Roques, aux mêmes aspirations, nous a poussé à créer Stille volk. Il ne faut pas oublier que c’était une époque très fertile pour l'underground, que tout était possible. Il y avait encore beaucoup de territoires à explorer, c'est donc un choix acoustique et radical que nous avons fait et c’est ce qui a précipité la fin de SUS SCROFA.

Avec cet important recul, que feriez-vous pour que cela n’arrive pas ?
Cela devait arriver, malgré les retours très positifs de la démo, et l’éventuel enregistrement d'un premier album. Nous étions alors dans une grande émulation avec Stille Volk et cela nécessitait alors toute notre attention. Avec le recul, c'est un choix que je ne regrette pas, d’autant plus que cela ne voulait pas dire que nous ne ferions plus jamais de metal. Ce n'était pas un rejet du genre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à remettre le couvert ?
C’était quelque chose que j'envisageais déjà depuis un moment. Puis avec le retour d’Arexis au sein de Stille Volk, les choses se sont précisées. Je lui en ai parlé, ainsi qu'à Breiner. Il s’est trouvé que tous deux étaient partants pour réanimer ce projet qui nous liait à ce vieux sanglier solitaire.



Avez-vous l’impression que cette pause de vingt années, les expériences vécues avec vos autres formations comme Stille Volk, ont apporté des expériences, de la matière nécessaire à la réalisation de nouvelles compos ?
La question s’est posée dès le départ. Nous étions d’accord sur le fait de réécrire pour SUS SCROFA, mais avec notre vision actuelle. C’est-à-dire qu’au point de vue musical, nous sommes loin de nos premiers enregistrements. Par contre, ce qui ne change pas, c’est le fond textuel animiste, mystique et rural, l'essence même du projet, avec un côté plus mature et plus profond, je pense, qu'à nos débuts. Il est clair, que nos parcours respectifs durant toutes ces années, jouent un rôle dans la nouvelle approche, ça apporte une certaine "expérience" sur ce que doit ou ne doit pas être SUS SCROFA. A ce jour, nous n'avons pas envie de rester figés dans un sorte de dogme musical ce qui serait à mon sens anti-créatif.

Vous êtes de retour avec un EP, "Sinistre Sylve", peut-on toujours qualifier votre style de pagan black meal ? Quels sont les sujets abordés ? Faites-vous toujours référence aux esprits de Mère Nature ?
On a qualifié notre musique de "pagan metal" dès 92. Nous nous sommes positionnés comme un groupe païen parce que le paysage black de l'époque et son discours ne nous correspondaient pas complètement. Nous avions une vue et des sujets différents. Nos textes étaient imprégnés de poésie animiste issue du panthéon pyrénéen et de ces dieux topiques. Sujets qui à nos yeux, sont inépuisables et qui nous imprègnent encore aujourd'hui.

Un premier album est-il à l’ordre du jour ?
Pas à ce jour. Nous avons d’autre projets actuellement en cours. Le nouvel album d'Hantaoma que je suis en train de finalisé avec Roques ainsi que le projet "La Breiche" pour lequel nous sommes en pleine écriture / création Arexis et moi pour de futures représentations live. D’ailleurs, un premier album devrait sortir très prochainement sur le label anglais Cold Spring. Ceci dit le processus d'écriture devrait se faire très prochainement.

Avez-vous prévu une tournée promotionnelle ?
Non, pas de dates prévues pour le moment.

En vingt ans, l’industrie de la musique a radicalement changé et pas forcément en bien. Une crise majeure, l’explosion de pseudo faux labels, l’overdose d’outils de communication qui virtualise le succès potentiel d’un groupe. Comment abordez-vous ces changements majeurs. Etes-vous sensibles au crédo : "la musique et le reste suivra" ?
Nous sommes à un Âge où nous ne nous berçons plus d’illusions. Les médias sur Internet peuvent éventuellement te permettre, sait-on jamais, d’accéder à une potentielle reconnaissance. Mais l’offre actuelle est tellement colossale qu’il est déjà pas mal d’avoir un peu de visibilité - une chronique, une interview. Ce qui nous anime depuis toutes ces années reste intact. Créer une musique qui est en nous sans se poser d’éventuels questionnements sur le marketing. Ce serait ridicule.



Le libéralisme numérique engendré par Internet a créé des légions de jeunes groupes clonés les uns sur les autres, que faut-il entreprendre pour arriver à se démarquer ?
Je ne sais pas… Il y a différentes façons de se démarquer et rester intègre en est une. Pour ma part, je préfère un groupe imparfait qui a les moyens de m’émouvoir par sa démarche qu’une grosse prod' vulgos. C’est quand même pour ça qu’on apprécie cette musique. Découvrir des groupes avant-gardistes imparfaits, frais, mais tellement pertinents. MALHEUREUSEMENT, pour certains, la musique est un exutoire éphémère où l’immédiateté prime sur la qualité.

Faites-vous partie de ces vieux de la vieille qui constatent une marketization massive du metal ces dernières années ?
Bien sûr, ça saute aux yeux, il y a un engouement ces dernières années pour le metal (les festivals, les concerts toujours plus nombreux), je n’aurais jamais pu penser à chose pareille dans les années 90 !

Que pensez-vous de la scène hexagonale, y a-t-il des groupes que vous appréciez particulièrement ?
Bien sûr il y a des groupes que j’apprécie… le dernier Chaos Echoes, par exemple, est vraiment terrible.

Souhaitez-vous pérenniser cette reformation ? Quels sont vos projets à venir ?
Comme je disais précédemment, il y aura certainement dans un futur proche un nouvel album. Il serait dommage d’en rester là.

Une dernière question, le Sus Scrofa est un sanglier d’Eurasie, pourquoi avoir appelé le groupe ainsi ?
Sus Scrofa désigne pour nous le voyageur solitaire évoluant sur des terres sauvages drapées de magie, il est l’anima singularis puissant, discret, mystique.
Merci pour ton intérêt à notre musique.
Culminant et majestous…


Le site officiel : www.susscrofaband.blogspot.fr