Interview faite par mail par Nico

Stuck Mojo est un groupe qu’on ne présente plus. Présent sur la scène rap / metal depuis la toute fin des années 1980, le quatuor d’Atlanta s’est forgé, bien qu’étant plus discret et plus underground que certains de ses semblables, un statut de pilier du genre. Mais si les mythiques Rich Ward et Frank Fontsere sont désormais connus depuis bien longtemps, on a en revanche beaucoup moins parlé de leur dernière recrue au chant, Robby J Fonts. De ses premières gueulantes chez lui sur du Slipknot à son arrivée au micro de Stuck Mojo, de son point de vue personnel sur le monde qui l’entoure aux sessions d’enregistrement de “Here Come The Infidels”, rencontre en français avec Robby J, chanteur / rappeur encore trop méconnu mais bourré de talent !

Salut Robby, comment vas-tu ?

Robby J Fonts (chant) : Je vais bien ! Je travaille dur, mais je ne peux pas me plaindre. La vie est belle.

Pour commencer, pour les lecteurs de French Metal qui ne te connaîtraient pas, pourrais-tu nous parler un peu de toi ? Qui es-tu, d’où viens-tu ?
Je m'appelle Robby J. Je suis le nouveau frontman du groupe de rap metal, STUCK MOJO. Je suis né et j'ai grandi à Montréal, Québec, Canada. En dehors de la musique, j'aide à gérer un magasin / restaurant dans le South Side de Chicago, Illinois, et j'ai un blog de divertissement / politique, appelé The RANTidote. J'aime me considérer comme un conservateur épris de liberté qui croit que les droits de l'individu viennent avant les droits du collectif. La plus grande minorité est l'individu. Il n'y a personne d'autre dans le monde qui soit exactement comme toi.

Comment en es-tu arrivé à chanter pour Stuck Mojo ? Etais-tu fan du groupe avant de l’intégrer ? Comment as-tu rejoint le groupe ?
Mon entrée dans l'industrie de la musique est arrivée assez rapidement. J'ai commencé à écrire des paroles de chansons au lycée et j'ai commencé à prendre la musique sérieusement à 18 ans quand j'ai décidé de devenir un rappeur. J'ai sorti deux démos hip-hop, avant de devenir le frontman d'un groupe local de rap-metal montréalais appelé Hasta La Muerte. Nous avons sorti une vidéo pour notre premier single, “Pour Anotha Shot” et nous avons immédiatement attiré l'attention du public quelques semaines plus tard, après que MetalSucks ait écrit une critique négative de nous.
Mon gutiariste à l'époque, Dave Evangelista a envoyé un lien à Rich Ward sur Twitter. Le lien était un article de BraveWords qui a comparé notre groupe à “Stuck Mojo rencontre Van Halen rencontre Ugly Kid Joe” et Rich a cliqué sur le lien et je suppose que je l'ai impressionné assez pour capter son attention. Le pouvoir d'Internet ! Il m'a envoyé un message privé sur mon compte Twitter le même jour, m'a donné son numéro et m'a dit de l'appeler, le reste est de l'histoire. il m'a demandé de faire des voix pour un nouveau disque de STUCK MOJO, alors il m'a envoyé une chanson pour écrire des paroles. J'ai voyagé à Atlanta pour travailler sur de la nouvelle musique avec Rich en personne. Quelques jours avant de repartir pour Montréal, Rich m'a demandé de rejoindre le groupe, j'étais réticent au début parce que je n'avais aucune idée que Bonz ne faisait plus partie du groupe, mais Rich a insisté pour que je fasse partie de STUCK MOJO, alors j'ai accepté son invitation.
J'ai commencé à écouter et chanter du heavy metal quand j'avais environ 14 ans. Fozzy était l'un des premiers groupes que j'ai écouté. De là, avec l'émergence de YouTube, j'ai découvert STUCK MOJO quelques années plus tard, en entendant leur chanson “Rising” avec Bonz et en voyant la vidéo “Open Season” avec Lord Nelson. C'est surréaliste de rejoindre un groupe que vous avez écouté en grandissant ! C'est quelque chose que vous ne croiriez jamais possible, alors je suis très reconnaissant pour l'opportunité de faire ce que je fais et d'avoir une relation professionnelle et personnelle avec Rich et Frank. C'est un rêve devenu réalité. Littéralement !

Pas trop dur de reprendre le micro après Lord Nelson, et surtout Bonz ?
C'est un énorme défi de remplacer ces gars. Ils ont tous les deux des bases de fans dévoués, donc peu importe ce que je fais, je serai toujours comparé à tous les deux. Il y a certains fans qui me haïssent juste parce que je ne suis pas Bonz. C'est ce que c'est. Tu ne peux jamais rendre des gens comme ça heureux, tu sais ? Bonz et la musique qu'il a créé signifiaient quelque chose pour eux à un certain moment dans le temps et la nostalgie reste. Ils ne peuvent pas imaginer STUCK MOJO continuer sans lui. Il est un pionnier de tout un genre. Un des premiers rappeurs à être dans un groupe de metal. C'est quelque chose que peu peuvent prétendre être. C'est un titre spécial et c'est un artiste spécial.
Je respecte tout le travail que lui et Lord Nelson avaient fourni pour STUCK MOJO. Mais les fans doivent comprendre cela : je n'ai pas demandé à rejoindre STUCK MOJO, Rich Ward m'a demandé de rejoindre le groupe. Rich avait l'intention de continuer sans Bonz et sans Lord Nelson, il voulait quelqu'un de nouveau. Cela étant dit, STUCK MOJO aurait aussi continué avec ou sans moi. C'est juste la réalité de la situation. J'ai donc relevé le défi en devenant le nouveau frontman du groupe. Pouvez-vous vraiment être en colère contre quelqu'un pour avoir saisi une opportunité comme ça ?

Rich Ward et Frank Fontsere sont tous les deux dans le groupe depuis très longtemps, comment s’est passée votre intégration, à toi et Len, le nouveau bassiste du groupe ?
En entrant pendant le processus d'écriture des chansons, Rich et moi avons travaillé ensemble de façon transparente. Les sessions d'écriture et d'enregistrement se sont senties naturelles et les chansons sont sorties facilement. J'ai écrit mes paroles assez rapidement pour l'album. J'ai rejoint officiellement le groupe au début de Juin 2015 et j'ai tout fait en juillet, avant d'enregistrer des voix pour l'album au fin d’Août. J'ai adoré travailler avec Rich et Andy Sneap (producteur de l’album, et également de groupes tels que Napalm Death, Exodus, Obituary, Testament, Fozzy, Kreator ou Arch Enemy, ndlr). Ce sont des mecs tellement créatifs et passionnés.
Len ne faisait pas partie du processus d’écriture de l'album, il n'est arrivé qu'après. Il n'était pas réellement sur l'album en tant que tel, en dehors de faire partie de la période de promotion. Pour une raison ou une autre, la tension se faisait sentir entre Len et les deux autres gars, donc Len ne restait jamais trop longtemps et a fini par quitter le groupe quelques mois après avoir joué nos premiers concerts avec ce nouveau line-up. L'ancien bassiste de Fozzy, Randy Drake, a remplacé Len à la basse pour deux sets sur la croisière “70 000 Tons Of Metal” et un concert local que nous avons joué à Canton, Géorgie.

L’album “Here Come The Infidels” était donc déjà terminé quand vous êtes arrivés, et vous avez pu participer au processus d’écriture. Au niveau des textes notamment, comment cela s’est-il passé ?
Rich avait une masse d'instrumentaux préparés. Je dirais qu’instrumentalement, l'album était à peu près terminé. Il ne manquait que les paroles, les chants et les dernières touches de chaque chanson. Rich avait aussi quelques idées de paroles ici et là pour la plupart des chansons, avant que nous ne commencions à travailler ensemble. Il avait les textes entiers pour deux chansons, “Rape Whistle” et “Blasphemy”. J'ai écrit une grande partie des paroles pour le reste de l'album.
S'il y avait quelque chose que j'écrivais qui ne faisait pas l’affaire, cela inspirait quand même Rich pour écrire autre chose dans la même veine, mais avec ses propres mots. En entrant dans le processus d'écriture, je ne voulais pas travailler sur les paroles que je ne chanterais pas donc j'ai dit à Rich que j'écrirais pour les parties que j'effectue réellement, donc la plupart du rap et beaucoup des voix avec des screams, c’est moi qui le fais. En dehors de cela, Rich a travaillé sur la plupart des choeurs et les parties de chant. Nous avons tous les deux utilisé de nombreux styles vocaux différents. C'était très amusant. Le va-et-vient entre nous deux en utilisant des screams pendant “The Business Of Hate” est vraiment cool, par exemple.
La seule chose qui a changé instrumentalement après que j'ai rejoint Rich était une partie de “Rape Whistle” : il y avait un riff de guitare plus chill, plus comme quelque chose que vous entendiez sur un disque de Sick Speed ou Fozzy, mais quand il a entendu l'agressivité dans ma voix sur ses paroles pour la chanson, il a décidé de le changer en ce riff monstrueux qu'il est devenu. C'est cool de savoir que j'ai inspiré quelqu'un comme Rich Ward de cette façon.

“Here Come The Infidels” est un album coup de poing autant que coup de gueule, vous y dénoncez tout un tas de choses, de manière très directe, sans concession. Un an après, quel est ton point de vue sur le monde qui t’entoure ? J’ai du mal à croire qu’il se sera amélioré, mais a-t-il beaucoup empiré ?
Rich n'est pas seulement The Duke Of Metal, il est le fuckin’ Nostradamus du metal ! J'ai toujours pensé que STUCK MOJO était en avance sur son temps, à la fois musicalement et au niveau de ses textes. Il suffit d'écouter la dernière sortie de STUCK MOJO avec Bonz, “Declaration Of A Headhunter”. Les paroles parlaient beaucoup de ce qui se passe dans le monde aujourd'hui, et pourtant cet album a été publié en 2000 ! Puis encore une fois avec “Infidels”, beaucoup de sujets sur lesquels nous avons écrit sont devenus réalité.
Je pense que le monde ne progresse plus. Le mouvement progressiste a commencé comme quelque chose de libérateur pour tous, mais il s'est transformé en quelque chose qui a détruit la société pour le pire. Ils veulent que tout soit acceptable. Il est arrivé au point où il n'y a pas de règles. Si vous n'avez pas de règles, vous n'avez pas de civilisation. C'est à ce moment-là que nos libertés seront vraiment perdues.

Mon niveau d’anglais n’est pas parfait, et il me semblait que “Blasphemy” était un morceau très personnel, mais tu as dit que c’est Rich qui l’avait écrit. Pourtant on pourrait le prendre comme une façon de répondre à tes détracteurs…
"Blasphemy" est une des deux seules chansons sur l'album pour laquelle je n'ai pas écrit de paroles. Cette chanson a en effet été entièrement écrite par Rich et il m'a dit que c'était dédié à moi. C'est la chanson de bromance du disque (rires). C'est juste un gros suck it à tous ceux qui sont énervés par ma présence dans le groupe.

En général qu’est-ce qui t’inspire quand tu écris ?
Quand je travaille sur un chanson, la musique elle-même m'inspire à écrire. La musique me parle et les paroles viennent. Je reçois aussi mes idées de ce qui m'est arrivé, ou à d'autres que je connais personnellement ou encore en voyant des choses autour de moi dans le monde. Je dirais que j'ai beaucoup d'agressivité depuis mon enfance. Je suis un de ces enfants qui sont venus d'une maison brisée, mais je ne crois pas en avoir une mentalité de victimisation. Vous prenez les cartes que vous avez reçues et vous jouez ce qui vous a été donné. Vous avancez. Vous pouvez soit laisser la monde vous briser ou vous rendre plus fort et apprendre les leçons de vos expériences. Je choisis ce dernier et je sors positivement ma négativité par la musique.



Ton chant est très varié, allant d’un flow hip-hop de très grande qualité à des gueulantes metal qui rivalisent avec les pointures du genre. Qu’est-ce qui t’a poussé à explorer ces deux voies ?
J'ai commencé à chanter sur le metal quand j'avais 13 ans. Je suis tombé amoureux de groupes comme Slipknot, Whitechapel, The Black Dahlia Murder et Suicide Silence. Je rentrais à la maison après l'école et je criais sur des chansons de metal chaque jour. J'ai eu quelques cousins plus âgés qui m'ont aussi intéressé au rap. J'écoutais beaucoup de rappeurs comme Notorious Big, Bone Thugs-N-Harmony, Eminem, 50 Cent et DMX à l'époque. J'ai adoré les jeux de sonorités sur les mots et le rythme des rappeurs, et j'ai une assez bonne mémoire. J'ai apprécié mémoriser et rapper sur les textes comme passe-temps.
Avec Internet et toute la musique disponible, j'ai pu rassembler plusieurs influences d'une variété de rappeurs et de chanteurs de metal jusqu'à ce que je développe mon propre son. J'ai pratiqué les deux styles pendant des années et j'ai commencé à prendre la musique sérieusement à la fin de mon adolescence. Je ne pouvais pas chanter, mais je savais rapper. Je me suis dit que si je trouvais un succès commercial dans l'industrie de la musique, ce serait par le rap, je crie et aime faire de la musique en metal parce que je suis passionné, mais je me suis rendu compte que le rap avait une valeur commerciale aujourd'hui donc j'incorpore aussi cette technique vocale dans ma musique.

Pour cet album, vous avez sorti pas mal de clips, de vidéos, et vous avez opté pour un processus de distribution différent des méthodes classiques. Peux-tu nous en dire plus ? Qu’est-ce qui vous a motivé dans cette démarche ?
Oui, nous avons mis quelques lyrics video, un clip et quelques vidéos promotionnelles pour promouvoir l'album. En ce qui concerne la sortie de notre album à travers PledgeMusic, nous avions déjà terminé l’album, donc au lieu de passer par le crowdfunding pour l'album, Rich voulait sortir l'album à travers PledgeMusic comme un remerciement aux fans de Mojo. Il pensait que ce serait comme avoir une table de merch en ligne où des articles personnalisés seraient vendus à côté de l'album si les fans l'ont pré-commandé.

“Here Come The Infidels” est sorti depuis déjà un an maintenant. Toi et les autres avez été satisfaits des retours que vous avez eus ?
En général, je suis satisfait de l'accueil critique que l'album a eu. Je sens que la majorité des fans du groupe ont apprécié l'album. C'était un excellent disque et je ne pouvais pas demander un meilleur début. Travailler avec Andy Sneap pour votre premier disque ? Qui d'autre peut en dire autant ? C'était une expérience inégalable. Je suis juste déçu que nous n'ayons pas soutenu l'album sur la route autant que je l'aurais aimé. Nous étions censés faire une tournée au Royaume-Uni en Novembre 2016, mais les plans pour cela ont échoué et cela ne s'est jamais produit après des tensions avec le nouveau line-up. Je pense que nous aurions eu encore une meilleure réception si nous avions soutenu l'album sur la route beaucoup plus que nous ne l’avons fait. Il est difficile de maintenir l'élan quand vous prenez constamment de longues pauses entre chaque spectacle. C'est dommage, mais c'est hors de notre contrôle. Nous espérons avoir plus d'occasions de nous prouver à l'avenir.

Comment occupes-tu ton temps désormais ? A quoi te consacres-tu ?
Je viens de me marier avec ma femme incroyable, Vicky, en Juin dernier, et je suis en train de passer par le processus d'immigration américain. J'aide à diriger l'entreprise familiale ici à Chicago pendant que Rich et Frank sont occupés avec la nouvelle tournée de Fozzy.

A quoi ressemble l’avenir de Stuck Mojo ? Vous avez commencé à écrire du neuf ? Beaucoup de concerts / tournées prévus ? Un petit retour en Europe, et en France, peut-être ?
Rich et moi espérons commencer à écrire pour un nouveau disque bientôt. Quand la tournée de Fozzy se terminera, nous allons probablement travailler sur du nouveau matériel. Y’a aucun concert prévu pour bientôt. Maintenant que je suis en train de suivre le processus d'immigration ici aux États-Unis, nous ne jouerons probablement aucun spectacle en dehors des États-Unis jusqu'à ce que mon statut soit rétabli ou que j'arrive à obtenir l'autorisation de quitter le pays et de revenir. Ce serait beaucoup d'efforts pour me faire sortir du pays, mais si tout se passe bien, nous le ferons le plus tôt possible.

Petite question que j’aime bien poser : qu’écoutes-tu en ce moment ? Vous avez accroché à certains groupes / albums récemment avec tes compagnons de Stuck Mojo ?
J'aime écouter des albums que je n'ai jamais entendus auparavant. J'aime écouter de vieux disques, bien avant mon temps. Tellement de bonne musique est sortie ces dernières décennies et j'ai beaucoup de rattrapage à faire : Judas Priest, Iron Maiden, Exodus, Motörhead, AC/DC, Faith No More, Megadeth, Queen… et la liste continue ! En ce qui concerne les nouveaux groupes de metal, j'ai toujours hâte d'entendre de nouveaux extraits de Hatebreed, The Black Dahlia Murder, Nonpoint, Revocation, Cryptopsy, Monuments, Between The Buried And Me, Dance Gavin Dance et The Agonist.
La vie est folle, j'ai rencontré ma future épouse Vicky Psarakis, la chanteuse de The Agonist, peu de temps après avoir rejoint STUCK MOJO au festival “Heavy Montréal” en 2015 après avoir été invité par Fozzy. Vicky est un formidable talent. Je l'ai aidée en passant en revue ses paroles et en apportant des commentaires ici et là sur leur dernier processus d'écriture de chansons pour leur album “Five”. C'est très amusant et je suis impatient de voir ce que le groupe propose avec la prochaine disque.

Sur ce, j’ai terminé ! Je voudrais te remercier pour ton temps, et pour ton français ! J’espère entendre très rapidement du nouveau de la part de Stuck Mojo, et je te laisse le mot de la fin !
Merci de m'avoir donné l'occasion de rafraîchir mon français ! Ce fut une entrevue amusante et j'espère retourner en Europe plus tôt que prévu, surtout pour jouer devant les fans français de STUCK MOJO, nouveaux et vieux ! Merci encore de m'avoir invité, Nicolas. Cheers, mon ami !


Le site officiel : www.facebook.com/stuckmojo