Interview faite par Pascal Beaumont à Paris.

Stolen Memories poursuit sa route avec ténacité et sans lâcher prise malgré les nombreux écueils qu’ils ont rencontrés tout au long de ces dernières années. Face à ces séismes ils ont failli les faire disparaitre à jamais. "It’s a long way to the top" n’est pas un vain adage, loin de là, et convient parfaitement au parcours chaotique des Stolen Memories depuis la sortie de "Blind Consequence". Face à la dure réalité, nos amis ont réagi de la meilleure manière qu’il soit en se forgeant un mental indestructible, prêts à surmonter toutes les épreuves sans jamais lâcher prise. Après ce second opus fort réussi, les voilà de retour avec "Paradox", un album ambitieux où le gang semble avoir enfin trouvé son équilibre que ce soit au niveau musical ou humain. Devant l’adversité et les difficultés, soit on coule soit on revient plus fort que jamais. Les frères Brun ont opté pour la deuxième solution pour notre plus grand plaisir. Il aura fallu quatre longues années de doutes, d’angoisses, de remises en question et d’un travail acharné pour que "Paradox" atterrisse finalement dans les bacs. Une longue gestation qui a permis au gang de se ressourcer et de trouver ses vraies valeurs, un équilibre salvateur. Une évolution qui leur permet de passer ce cap nécessaire à travers "Paradox". Un opus qui s'avère être une très bonne cuvée et une réussite totale. Le challenge du troisième opus est passé haut la main et l'avenir s’avère radieux pour nos Lyonnais en quête de sérénité. C'est avec Baptiste Brun, l’homme-orchestre de Stolen Memories, que French Metal a pu s’entretenir, une interview placée sous le signe du réalisme et de la maturité. Les Stolen Memories sont prêt à reconquérir l’hexagone pour de nouvelles aventures métalliques. Magnéto, Baptiste, c'est à toi !

Bonjour Baptiste, "Blind Consequence" est sorti il y a quatre ans, avez-vous pu le défendre sur scène ?

Baptiste Brun (guitare) : Pas trop car au moment de la sortie de l’album notre bassiste nous a lâchés, on s’est alors retrouvés dans une situation compliqué. On a pu donner deux ou trois concert puis plus rien. Le temps de lui trouver un remplaçant la promotion était terminée, c’est un peu dommage. Ce problème de bassiste a plombé la sortie de l’opus.

Au final vous vous êtes retrouvés à trois sur ce nouvel album ?
Oui, totalement. On considère depuis les débuts de STOLEN MEMORIES qu'on est à trois à être impliqués, on assume totalement le fait de travailler en trio. On a un bassiste qui nous accompagne lors des concerts, il a été recruté en Mars / Avril et tout se passe très bien. Il a l’air d’avoir envie de s’investir, ce sera peut-être le prochain bassiste officiel ! (rires)

Depuis les débuts de Stolen Memories, vous avez un problème récurrent au niveau des bassistes...
Oui. Le premier a enregistré avec nous les deux premiers opus et est parti après l’enregistrement de "Blind Consequence". Il n’a pas connu la sortie de ce deuxième album et n’était pas très investi. Il n’était pas souvent là. En fait on a un problème de bassiste depuis la naissance de STOLEN MEMORIES.

C’est pourquoi tu as choisi d’assurer toutes les parties de basse sur "Paradox" ?
Exact, on s’est dit que l’on allait assumer le truc et tout faire à trois.

Sur les quatre dernières années qui se sont écoulées quel est ton meilleur souvenir ?
C’est notre dernier concert parce que le show est réussi. C’était une belle soirée, on a livré un bon set et on s’est fait plaisir.

Lors de notre dernière rencontre en Septembre 2013, tu avais déclaré que le troisième opus était pratiquement composé et qu’il allait sortir rapidement, que vous est-il arrivé ensuite ?
En fait, la sortie du deuxième opus a été un peu foirée. Ça nous a mis un coup et on a eu une petite baisse de régime pendant un moment. On avait du mal à trouver la solution. On a donc décidé de faire une pause et on s’est arrêté pendant un an. Au départ on avait aucune idée du temps que l’on allait prendre, cela pouvait durer trois mois comme cinq ans. Au bout d’un an cela nous manquait énormément, on avait envie de reprendre du service. Par contre, on a décidé de changer plein de choses. On a décidé d’assumer le fait que l’on était trois au sein de STOLEN MEMORIES. On a voulu travailler différemment au niveau de l’écriture des morceaux et de reprendre tout à zéro. On n’a donc gardé aucun titre qui avaient été écrit pour le troisième album. On voulait repartir avec à la base une page blanche. On a tout réécrit de A à Z. C’était une forme de renaissance pour le combo.

Est-ce qu’il y a une grande différence entre les morceaux écrits en 2013/2014 et ceux que l’on trouve sur "Paradox" ?
Oui car il ne subsiste plus rien de ces anciens titres, on a tout repris à zéro. Avec le temps, on n'avait plus envie de refaire la même chose. On souhaitait qu’il y ait une réelle évolution. Si on avait enregistré ce que nous avions composé à l’époque, cela aurait ressemblé à "Blind Consequence". On voulait faire quelque chose de sincère et de plus évolué.

Le break a été très bénéfique si je comprends bien !
Oui totalement. C’est la meilleure décision que l’on ait prise avec Xavier. A ce moment-là, on s’est dit que peut-être on ne jouera plus jamais ensemble et que la formation allait s’éteindre. Au final, on a bien fait de le faire car ce break a été vraiment bénéfique. Lorsque on a décidé de reprendre, on a mis les bouchés doubles et la nouvelle méthode de travail s’est avérée nettement meilleure. Tout a fonctionné à merveille.



Comment avez-vous travaillé cette fois-ci sur l’écriture de "Paradox" ?
J’ai composé les dix titres, j’en ai fait des démos que j’ai proposées à Najib et Antoine. Ensuite, ils se sont mis a travaillé dessus. Antoine a commencé à poser ses parties de batterie pour sublimer le tout. Najib a fait de même au niveau du chant. Ensuite, il s’est mis a l’écriture des textes. On a mis tout au point en répétition et on est rentré en studio pour enregistrer le tout. Par la suite, on a trouvé un nouveau bassiste, on a répété ensemble pour préparer les nouveaux concerts.

Comment s’appelle votre nouveau bassiste ?
Olivier Dallemagne. Il a intégré la formation au mois d’Avril / Mai. On n’avait pas terminé le mastering de l’album. C’était parfait car les lignes de basse étaient déjà enregistrées, il pouvait donc les travailler immédiatement. Il les joue mieux que moi maintenant. (rires)

Tu as aussi enregistré toutes les parties de claviers !
Oui, mais cela ne nous a jamais posé de problèmes car sur scène on joue avec des samples, c’était d’ailleurs le cas aussi sur "Blind Consequence".

Pourquoi avoir choisi de retravailler avec Olivier Didillon qui s’était chargé de la production de votre premier opus ?
Si tu veux, par rapport à notre premier opus, on s’est aperçus qu’Olivier avait énormément évolué. STOLEN MEMORIES, c’était son premier opus en tant que producteur. Il n’avait pas l’expérience qu’il a aujourd’hui. Il a travaillé sur un tas de gros festivals et il a beaucoup acquis en termes d’expérience. C’est devenu un très bon ingénieur du son. Il a créé son studio avec le matériel qu’il faut. On a apprécié quand on a écouté ce qu’il faisait aujourd’hui et puis c’est un pote avec qui on s’entend super bien. On savait qu’il allait vraiment s’impliquer dans le projet donc on n’a pas hésité. On s’est dit que ça allait être bien plus sympa avec lui et on savait qu’il allait enregistrer l’album que nous souhaitions. On ne regrette pas d’avoir collaboré avec lui car il nous a concocté un super son.

Combien de temps êtes-vous restés en studio ?
Un bon mois, on a fait nos prises chacun notre tour. Une semaine pour les parties de batterie. Personnellement, je suis resté une semaine et demie pour faires les guitares, les claviers et la basse. Najil est resté une semaine pour ses prises voix et Antoine aussi pour les chœurs. Ensuite nous avons fait un break d’un mois pour s’aérer les oreilles. Olivier aussi était d’accord d’agir ainsi. Il ne voulait pas enchaîner le mixage tout de suite. Puis on a fait une grosse session de mixage qui a duré une semaine et demie. Pour conclure, Olivier a fait le mastering de son côté. Il nous a envoyé le tout et c’était réglé.

Pourquoi avoir choisi ce titre "Paradox" ?
Le paradoxe, c’est l’histoire du groupe. Depuis le début on est motivés et on persévère, on ne désespère pas mais il y a des évènements qui viennent gâcher nos plans. Malgré cela, on s’entête à continuer, c’est cela le paradoxe. Et puis la musique de STOLEN MEMORIES est paradoxale, elle est nerveuse, puissante et aussi mélodique avec des temps calmes. Il y a aussi des ambiances de claviers parfois futuristes, d’autres symphoniques. Tout cela fait que c’est un peu paradoxal. On peut aussi faire un rapprochement avec les textes, ce regard que l’on porte sur le monde extérieur qui lui aussi est un gros paradoxe.

Ce n’est pas un album concept ?
Non, pas du tout. C’est dix morceaux totalement indépendants les uns des autres. Najib a écrit en fonction de ses envies, de l’actualité qui l’inspire sur le moment. Il n’y a pas de cahier des charges. On a juste fait en sorte que ce soit plus ou moins homogène.

Est-ce que lorsque vous êtes rentrés en studio, vous vouliez obtenir un son bien précis ?
Nous ce que l’on voulait c’est que "Paradox" sonne actuel et gros. Mais nous voulions que ce soit Olivier qui définisse ce son. Nous voulions surtout quelque chose de personnel et pas le son d’une autre formation ou qui ressemblerait à un autre combo. Il fallait qu’il soit puissant gros et au final Olivier a bien assuré car c’est le cas avec "Paradox". Il nous a donné un gros son qui est à nous.

ous étiez à la recherche d’une identité ?
En fait oui. Au fur et à mesure des albums on peaufine cette identité et là on l’a vraiment trouvée avec "Paradox". On l’avait plus ou moins déterminée dès le départ mais le deuxième opus était un tremplin, une expérience. On était content mais en analysant avec le recul le coté expérience a pris trop d’importance. On s’est un peu perdus, on a essayé de faire quelque chose peut-être pour plaire. Finalement avec "Paradox" on a voulu satisfaire notre envie, se faire plaisir et ne pas trop réfléchir pour que cela sorte naturellement. Maintenant on s’est imprégnés de notre style, cela ne pouvait que sonner personnel. On s’est dit qu’au niveau du son il n’y a pas de raison que cela ne soit pas pareil et c’est exactement ce qui s’est produit.

Pour la pochette vous avez choisi de faire appel Stan W Decker, qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
On avait décidé depuis longtemps que ce serait lui. On savait dès le départ que si on refaisait un album ce serait Stan, on l’avait déjà dans nos contacts. On avait déjà un peu échangé avec lui, pas forcément dans le cadre d’une collaboration mais on appréciait son travail. On savait qu’il pouvait nous faire quelque chose de bien, c’est pour cela que l’on a voulu faire la pochette avec lui. On l’a contacté et on lui a donné le nom de l’opus puis on lui a demandé de faire quelque chose de moderne qui soit actuel et le plus original possible par rapport à notre musique. Il connaissait les deux premier opus et il aimait bien le metal progressif, c’est même un peu ce qu’il affectionne. Il est parti dans son truc, il nous a proposé une ébauche que l’on a trouvée super. Il a donc continué dans cette voix-là, il a peaufiner l’artwork et le résultat est là.

Justement quel est le symbole de cet artwork ?
En fait tout vient de lui, la seule chose que l’on ait donnée comme indication, c’est le personnage sur la barque. Je voulais qu’il y ait un petit côté inspiré de la mythologie de Charon : le passeur d’âme. Il avait développé l’idée d’un mec sur une barque et je lui ai suggéré de donner une apparence un peu plus Charon. Mais on ne lui a pas donné beaucoup d’indications. Je pars du principe qu’il ne faut pas brimer un artiste car ça ne sert à rien. Il faut lui laisser carte blanche, il est très fort et c’est ainsi qu’il peut réaliser une excellente pochette. Il faut le laisser s’épanouir.

Pourquoi avoir choisi "Exile" comme single ?
Tout simplement parce que c’est le morceau qui actuellement représente le mieux la musique de STOLEN MEMORIES ! Il y a ce côté moderne, puissant, franc du collier et en même temps c’est un titre court afin que les gens restent sur leur faim. Il fallait que tout soit regroupé en moins de quatre minutes et que l’auditeur n’ait pas le temps d’être saoulé par quoi que ce soit. Il regroupait tous les critères que l’on avait choisis, on a décidé que ce serait cette chanson-là. Ensuite on a contacté la société Block 8 Production que l’on connaissait un peu. On a agi de la même manière qu’avec Stan, on leur a donné carte blanche. Ils ont créé un petit scénario en rapport avec le texte et la musique. On a validé le scénario et par la suite ils ont fait leur truc et on est satisfaits du résultat. Tout le monde nous a dit que le clip était superbe, on est vraiment contents du résultat.

Quelle est l’histoire de ce petit enfant qui porte un masque et semble jaillir de nulle part ?
Les paroles qu’a écrites Najib décrivent un monde où les ressources naturelles de la planète ont été épuisées. L’air n’est plus respirable et les terriens doivent partir sur une autre planète pour survivre, d’où le titre "Exile". Il y a des gens qui ont leur billet pour embarquer sur un vaisseau spatial qui va les emmener loin. D’autres n’en ont pas et sont condamnés. C’est le cas de ce petit enfant, on peut soupçonner qu’il est surement orphelin. Il n’a pas de billet et c’est un des derniers survivants. Il n’a bientôt plus d’air dans sa bonbonne et il erre sur ce qui reste de la terre où l’air n’est plus respirable. A la fin il n’a plus d’air et il jette de rage son masque, il se laisse mourir.

Il y a beaucoup de blockbusters américains comme "2012" qui ont traité ce thème, c’est une influence pour vous ce genre de cinéma ?
Oui, c’est vrai qu’il y a pas mal de films américains dans ce style. Nous on s’est inspirés de ce scénario parce qu’il est plausible et qu’un jour peut-être cela arrivera. C’est un peu un message, un signal d’alarme que l’on tire. C’est une revendication avec son côté écologiste, c’est un texte engagé.



La science-fiction est une source d’inspiration importante chez Stolen Memories ?
Oui. Moi personnellement c’est quelque chose que j’apprécie et qui m’a influencé. Je l’ai d’ailleurs dit d’entrée à Najib pour les textes car cela m’inspire pour composer les musiques. Je lui ai expliqué que même s’il n’écrivait pas des récits de science-fiction, j’apprécierais que cela ait un petit rapport avec ce thème, qu’il y ait des petits scénarios dans cet esprit-là.

Comment travailles-tu avec Najib ?
Chacun à un rôle bien définit. On s’est mis d’accord dès le départ ainsi personne n’empiète sur le territoire de l’autre. C’est une méthode qui nous convient parce que ce qui compte aussi c’est d’avancer. Il faut que l’on se fasse une chance et que chacun remplisse son rôle. Moi on me fait confiance pour la composition de la musique et Najib c’est la même chose en ce qui concerne l’écriture des textes. On essaye de ne pas revenir sur ce que l’autre fait pour progresser. C’est rare qu’il y ait quelque chose qui nous plaise pas, on a les même goûts tous les trois. En général cela se passe très bien.

Il y a dix morceaux sur "Paradox", est ce que certains titres ont été plus difficiles à élaborer que d’autres ?
Je ne dirais pas que cela a été facile, par contre il n’y a pas eu de grosses différences entre les titres. C’est vraiment un ensemble. il y a beaucoup de choses, de sons, d’arrangements et il a fallu prendre le temps de s’appliquer de ne pas bâcler même le microscopique son de clavier qui revient à tel endroit ou le petit truc de guitare au moindre solo. C’est cela qui a été dur : prendre le temps pour se dire que l’on pouvait encore faire mieux : "Cette prise est bien mais ce n’est pas encore cette note là que je veux, j’ai envie qu’elle sonne mieux que cela". On voulait obtenir un truc vraiment parfait.

Vous avez beaucoup répété avant de rentrer en studio ?
Individuellement oui. Mais on a peu fait de répétitions ensemble. On s’est tout de même énormément entraîné. Il fallait que ça dépote avant de rentrer en studio. Lorsque nous sommes arrivés, nous étions prêts et tout s’est très bien passé.

Quels sont selon toi les différences essentielles entre "Blind Consequence" et "Paradox" ?
Je pense qu’avec "Paradox" on affirme vraiment notre style. On l’assume et on arrive à un moment où on le maitrise. On est plus dans la recherche de qui on est et qu’est-ce que l’on pourrait faire. On savait ce que nous devions faire et on l’a fait.

Est-ce que les évènements de 2014 et le break qui a suivi ont permis de ressouder encore plus les trois membres de Stolen Memories ?
Oui, parce que l’on savait que si on redémarrait le projet ce n’était pas pour s’arrêter en route. C’était pour aller jusqu’au bout et faire mieux que les fois précédentes. Il fallait que l’on soit surs. Il y a eu un temps de réflexion qui n’a pas été bien long parce que tout le monde était sûr et avait envie. Oui, cela nous a ressoudé du coup on a appris de nos erreurs du passé. On sait maintenant que le chemin est dur, on ne se décourage pas pour un rien. On sait que l’on va encore prendre des claques mais on s’accroche. En fait on savait qu’on allait en chier c’est ça le truc. Ça nous a ressoudés carrément. On n’est pas partis en se disant "Waouh ça va être facile".

Vous avez pris conscience d’une certaine réalité que vous n’aviez pas appréhendée auparavant ?
Avant on connaissait la réalité sauf qu'on n’avait du mal à la digérer, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Pour conclure qu’as-tu envie de rajouter à propos de "Paradox" qui te paraît important ?
Ce que j’ai envie que les gens comprennent, c’est que l’on est un groupe déterminé, qui a de l’ambition, et qui est capable de faire des choses. Il faut nous soutenir.

Merci Baptiste, à l’écoute de "Paradox" on comprend immédiatement que vous avez passé un pallier important !
Merci, ça fait plaisir à entendre parce que c’est exactement ce que l’on voulait. Merci Pascal, c’est sympa. Bonne soirée.


Le site officiel : www.facebook.com/stolenmemoriesprog