Interview faite par mail par Mathieu

Tout d’abord, merci beaucoup de nous accorder de ton temps pour répondre à nos questions. J’aimerais prendre le temps de te demander d’entrée de jeu comment tu vas, bien évidemment après près d’un an de cette pandémie ?
Emmanuelle Zoldan (chant) : Ca va. La situation n’est évidemment pas facile à gérer et génère beaucoup de frustration d’un point de vue artistique…Même si c’est l’occasion rêvée quelque part de développer chacun de notre côté nos projets créatifs personnels, les tournées manquent, la vie de groupe, la scène, le contact avec le public… On essaie de rester optimistes et de se tenir fin prêts pour la reprise quand elle surviendra. Espérons qu’elle ne sera pas trop longue à venir, le temps passe…

D’ailleurs, il est clair que votre travail a dû s’adapter à cette situation. Sirenia lance donc un album en pleine pandémie, sans possibilité d’en faire la promotion sur scène. Quelle est votre stratégie face à ce constat ?
On multiplie les opportunités de promotion via les interviews, les vidéos, ces dernières semaines ont été très chargées et les suivantes le seront encore. La possibilité de concerts en streaming serait une solution mais elle est hélas techniquement compliquée dans notre cas, car nous vivons dans des pays différents. Peu d’options s’offrent à nous, mais si l’évolution sanitaire des mois à venir se fait dans le bon sens cela nous laisse espérer envisager des tournées aussi tôt que possible.

Beaucoup de vos consoeurs / confrères se sont tournés vers les plateformes numériques et les réseaux sociaux pour promouvoir leur groupe et leur musique. Patreon est une plateforme assez populaire. As-tu déjà envisagé d'utiliser de telles plateformes de promotion ?
Quand j’ai commencé la musique, et jusqu’à il n’y a pas si longtemps que ça, tous ces médias n’existaient pas et pour se faire connaître c’était un vrai parcours du combattant. Aujourd’hui les solutions qui s’offent aux artistes en termes de communication, de promotion, de financements sont multiples et c’est juste formidable. J’envisage d’utiliser ce genre de plateforme pour mon projet perso d’album lorsqu’il sera fini.



Sirenia propose donc son dixième album studio en carrière. De par son historique, Morten provenant de Tristania, le groupe a été associé au metal symphonique. Clairement sur "Riddles", les influences électroniques sont plus que présentes. Cela va dans la même veine que l’avenue empruntée par Within Temptation par exemple, avec un son plus populaire. Quelle était la vision d’ensemble du groupe pour ce nouvel album ?
Sirenia fête ses vingt ans d’existence cette année. C’est un groupe qui, tout au long de sa carrière, n’a eu de cesse de se renouveler, de se remettre en question, d’explorer de nouveaux horizons sonores, et qui a pris soin de ne jamais rester dans sa zone de confort; la prise de risques sur cet album est encore plus grande que d’habitude, mais il était fondamental pour nous d’apporter quelque chose de nouveau, d’expérimenter et d’explorer quitte à surprendre.

Morten Veland est d’ailleurs le principal maître à penser du groupe. Par contre, as-tu un certain degré, ton mot à dire, dans les compositions, surtout au niveau du chant ?
Morten a toujours écrit, composé et arrangé dans SIRENIA. Il nous propose les chansons, mais tout au long du processus créatif, il nous consulte régulièrement, nous demande notre avis pour les faire évoluer. En ce qui concerne le chant, il m’envoie les chansons plusieurs mois avant les enregistrements afin que j’ai le temps de les explorer, de me les approprier, de trouver la juste intention sur telle ou telle chanson. Ensuite on peaufine ensemble au moment de l’enregistrement.

Je ne veux surtout pas me faire passer pour un connaisseur, mais est-ce que je me trompe si je trouve que tu sembles utiliser plutôt ta voix de poitrine, plutôt que ta voix de tête, plus dans le style opéra. Dans quel registre préfères-tu travailler ?
La voix de poitrine, c’est vrai, est un registre qui vient assez naturellement chez moi, sans doute parce que je suis mezzo et parce que cette "connexion" me vient spontanément lorsque je m’implique émotionnellement; Mais j’utilise aussi ma voix de tête, tout dépend de l’intention et de la direction que je veux prendre techniquement et au niveau de l’interprétation. Je n’ai pas de préférence, j’aime passer de ma voix rock à ma voix d’opéra avec le même plaisir. Elles se "nourrissent" l’une l’autre.



Ta formation et ton travail dans le monde de la musique classique t’ont sûrement amené à travailler dans plusieurs langues. À part le français et l’anglais, dans quelles langues as-tu déjà chanté et en as-tu une de préférence ?
Allemand, Italien, Espagnol, Russe et même Tchèque. C’est un travail phonétique car je suis loin de maîtriser chacune de ces langues ! J’ai une affection particulière pour les langues slaves et notamment pour la musicalité de la langue russe.

Ta technique de chant demande déjà un travail considérable et une discipline exemplaire. As-tu déjà pensé essayer le chant crié (growls) et que penses-tu de cette technique, puisque ce chant est présent au sein de Sirenia ?
C’est une technique qui me fascine mais que je n’ai jamais cherché à expérimenter, peut être parce que ma formation classique me fait craindre de me faire mal. Et pour être tout à fait honnête, j’ai du mal avec le growl féminin. Ça ne me parle pas du tout.

Le metal a bien meilleure figure qu’avant, surtout en Europe. Par contre, il demeure un style bien incompris encore à ce jour. Comme tu évolues également dans le monde du classique, comment tes collègues de ce milieu réagissent face à ta carrière metal ?
La grande majorité de mes (vrais) amis dans le milieu n’a pas été vraiment surprise et m’a au contraire toujours soutenue et encouragée dans cette voie avec beaucoup de bienveillance, mais je sais que mon choix est loin de faire l’unanimité. Il est souvent difficilement concevable dans le classique qu’un chanteur puisse se "disperser" dans un genre "inférieur"… Même si les choses ont tendance à évoluer dans le bon sens, c’est hélas ce que beaucoup pensent encore et je trouve cela réducteur et triste.

Que peut-on souhaiter à Emmanuelle Zoldan pour 2021 ?
Le retour des projets, et le retour à la scène, le plus vite possible… Vivre sans c’est une véritable torture.

Merci infiniment encore une fois pour ton temps et au plaisir un jour de se rencontrer en concert au Canada (ou en France pour mes lecteurs et mes collègues).


Le site officiel : www.sirenia.no