Interview faite par ePo à la Maroquinerie à Paris.

Votre prochain album intitulé “Nonstop” va bientôt sortir. Peux-tu nous en dire plus ?
Lou Koller (chant) : Ce n’est pas vraiment un nouvel album. En fait, pour notre 25e anniversaire, on voulait faire quelque chose de particulier, et nous ne voulions pas faire de best of. Il y a plein de chansons de nos albums précédents que nous jouons toujours, que le public ne connaît pas forcément. Alors quand les gens nous demandent sur quel album cette chanson se trouve, je n’ai pas vraiment envie de leur dire parce que parfois le son peut être un peu pourri. Donc on a décidé de ré-enregistrer ces chansons pour qu’elles sonnent bien. Et pour faire ça, Pete, nos amis, et moi, on a écouté toutes nos chansons préférées. On a ensuite posté la liste sur Facebook et Twitter pour que nos fans puissent en choisir aussi. Puis au final, on a choisi celles sur lesquelles les fan et nous-mêmes étions d’accord. Ça faisait en tout 27 chansons, et pour garder l’énergie du live, on a décidé de les enregistrer en 4 jours et non en un mois, comme on le fait d’habitude. Du coup, on n’a pu en faire que 20.

Que ressens-tu par rapport à ce que tu as accompli avec le groupe ?
C’est bizarre parce que, en fait, je ne regarde pas vraiment dans le passé. On se tourne plutôt vers l’avenir, en ce disant "Qu’est-ce qu’on va pouvoir faire désormais ? Comment on peut continuer à faire ce qu’on fait sans se répéter ? Comment peut-on encore amasser de plus en plus de fanq ou justement mener plus de gens vers le hardcore ?" Ce qui me plaît, c’est qu’avec SICK OF IT ALL, on a des gens qui nous suivent alors qu’ils ne sont pas des fans de hardcore, certains aiment le rock, metal, punk. Je ne sais pas pourquoi ils nous aiment, mais en tout cas c’est la chose donc je suis le plus fier, d’avoir réussi à conquérir des gens d’horizons musicaux différents.

Peut-être parce que vous êtes musicalement géniaux ?
(rires) Oui, peut-être.

Ce que je veux dire par là, c’est quand il est tard, le soir, que tu réfléchis sur ce que t’as fait, tu te dis pas "En fait, c’est plutôt pas mal d’être moi ?"
(rires) C’est vrai qu’on a accompli pas mal de choses, des choses extraordinaires. On peut en être fier, mais c’est pas ça qui nous motive. Parce que le plus important, c’est d’être motivé par la musique. Tu sais, y a plein de groupes, de gens sympa cela dit, mais ils ne sont pas motivés par la musique en elle-même, mais par l’envie de vivre la vie d’une rock star en tournée, comme ils l’ont lu dans "Motley Crue - The Dirt". En ce moment, on tourne avec Shai Hulud, All For Nothing, ainsi que les autres groupes avec lesquels on a tourné par le passé, comme Wisdom And Chains, ils sont vraiment passionnés. Faire de la musique et n’en tirer aucun profit. Parce qu’on ne devient pas riche en faisant du hardcore. C’est seulement quand on nous fait remarquer qu’on a la vie dont pas mal de gens rêveraient, que ça fait 25 ans qu’on existe, qu’on réfléchit et qu’on se dit que ce qu’on a fait n’est pas si mal.

Je rebondis là-dessus, sur les groupes dont tu m’as parlé. Que penses-tu de la nouvelle scène hardcore ?
Il y a de bons groupes. Ceux qui aiment la musique, et qu’on verra toujours sur scène dans quelques années. Puis t’as l’autre facette, ceux qui font un groupe parce que c’est dans l’air du temps, ce qui est malheureux d’ailleurs. Il y a de nombreux groupes qui mettent tout ce qu’ils ont, leur cœur et leur âme, dans la musique. Et pour d’autres, c’est plutôt une erreur de parcours de jeunesse.

Quels sont tes buts ?
J’aimerais qu’on puisse continuer à faire de la musique autant que faire se peut, et toujours, au mieux de notre capacité. J’ai l’impression que maintenant, on est meilleur qu’à nos débuts, parce que la façon dont on joue, dont on compose, dont on interagit ont évolué. Et dès qu’on joue, on ne part pas du principe "Salut, on est SICK OF IT ALL, tout le monde nous aime", non pas, du tout, on joue comme si on doit encore prouver quelque chose.

Qu’est-ce que tu ressens, quand tu regardes le public en concert, et que tu vois qu’il y a des jeunes ?
C’est quelque chose que j’apprécie beaucoup, qui me rend heureux. Cela parce qu’aux Etas-Unis, la scène hardcore est très générationnelle. Je veux dire, très clôturée générationnellement. Et même si certains jeunes aiment des groupes qui nous ressemblent musicalement, ils vont pas venir nous écouter parce qu’on est plus vieux que leurs idoles. C’est vraiment triste, parce que pour ma part, j’aime autant les vieux groupes que les nouveaux. Mais je peux comprendre, même si je pense que ce sont des personnes qui se découvrent une passion pour le hardcore juste parce que c’est dans l’air du temps.

Et d’ailleurs, s’il y a plus de 25 ans, quelqu’un t’avait dit que tu allais devenir le chanteur d’un des plus grands groupes de hardcore, qu’est-ce que tu en aurais pensé ?
Rires. Je ne l’aurais pas cru du tout. Quand on a commencé, notre but c’était de jouer au CBGB. On l’a fait, puis ensuite, on a eu un nouveau but, celui de jouer en tête d’affiche. Et une fois qu’on a réussi ça, on a commencé à voyager.



Et comment ont réagi tes parents quand tu leur as annoncé que tu voulais devenir une rock star ?
(rires) C’est une histoire assez drôle à raconter. On avait commencé à jouer et à faire parler de nous. Je crois que c’était aux alentours de 1989. Et on devait avec mon frère passer un été en France, à Poitiers, chez notre oncle. Travailler dans sa ferme pendant la semaine, et ensuite passer le week-end sur Paris. On était super motivé, on voulait le faire. Et c’est là que les Bad Brains nous ont appelés et nous ont demandé d’être leur première partie pour leur tournée US. Alors même si on avait l’opportunité de passer tout un été en France, on a décidé de faire la tournée des Bad Brains. Ma mère était vraiment très déçue, mais elle nous a soutenus. Alors que mon père était plutôt du genre à nous dire qu’il fallait qu’on trouve un vrai travail. Et maintenant, il nous dit "Mais qu’est-ce que vous allez faire une fois que c’en sera fini avec le groupe ?"

Non, vous tournerez, même en fauteuils roulants.
(rires)

Question qui n’a rien à voir maintenant, mais êtes-vous engagés politiquement ?
J’essaye de m’y intéresser au mieux que je peux. Et généralement, on essaye d’aider les groupes, d’aider les roadies etc.

En fait, je te parlais de ça, parce que je pensais que quand vous avez débuté, vous veniez de la scène punk, donc il y avait forcément un lien avec la politique.
Oui, je comprends. C’est vrai que je pense que les gens devraient s’intéresser à la politique, parce que ça se passe dans le monde dans lequel tu vis. En ce moment, je suis très touché par le mouvement "Occupy Wall Street". Ils protestent contre l’influence des banques sur le gouvernement lors de la prise de décisions. Et c’est triste de voir que les gens les considèrent comme des hippies qui protestent contre un système alors qu’eux-mêmes utilisent des téléphones portables. Ils ne sont pas forcément contre un système, mais plus contre la façon dont il a évolué. Aux Etats-Unis, le gouvernement, c’est censé être l’incarnation du peuple qui gère le pays pour le peuple. Et non pas pour le peuple à condition qu’il ne vienne pas embêter les entreprises et le capitalisme. C’est ce genre de message qu’on essaye de faire passer, essayer de mettre les gens au courant de ce qui se passe.

Question générale : parle-nous de votre tournée actuelle.
Cette tournée Européenne est la dernière partie de notre tournée des 25 ans. Ensuite, nous repartons aux Etats-Unis pour faire quelques choses sur la côte Est. Ensuite, on va s’arrêter quelques temps pour des raisons familiales. Et ensuite, on va se remettre à composer un nouvel album. On va peut-être faire quelques dates sur des festivals, mais rien n’est encore sûr. D’ailleurs, ça fait deux ans qu’on tourne, puisqu’on avait la tournée de "Based on a true Story" donc il est temps qu’on s’arrête un peu. (rires)

Y a-t-il un pays dans lequel vous n’avez pas joué et dans lequel vous aimeriez justement jouer ?
Oh oui, plein ! L’exemple qui me vient à l’esprit c’est la Chine. On a nous a souvent demandé mais on n’a pas encore eu l’occasion de le faire. Peut-être l’année prochaine. On a réussi à aller en Corée, Singapour, Malaisie. Des pays dans lesquels j’aimerais retourner parce que c’était vraiment des shows exceptionnels. En Indonésie, on a sans aucun doute, joué le meilleur concert de notre vie.

Qu’est-ce qui te fait dire ça, que c’était le meilleur concert de ta vie ?
Le public était passionné, ils voulaient vraiment nous voir. Ils ne sont pas venus parce qu’ils n’avaient rien d’autre à faire ce soir-là, mais vraiment parce qu’ils attendaient ce concert depuis longtemps.

C’est marrant, parce que quand j’écrivais mes questions, je voulais t’en poser une à propos des Beastie Boys, et tu portes en ce moment un tee-shirt des Beastie Boys.
(rires) Oui en effet !

Donc, ce que je voulais dire, c’était à propos de la chanson "An Open Letter To NYC". Qu’est-ce que tu penses de ces groupes qui font des déclarations d’amour à New York ?
Je pense que c’est vraiment cool. Par exemple, Keith Caputo a écrit une chanson sur New York sur un de ses abums solo, et je la trouve exceptionnelle. Et c’est bizarre, mais j’aime aussi les chansons qui dénoncent ce qui se passe à New York. C’est parce que c’est une ville fantastique. New York me fait penser à des villes comme Paris ou Londres : beaucoup de nationalités, et pour la plupart du temps, elles s’entendent toutes entre elles. Bon malheureusement, parfois ça ne marche pas. Je me souviens qu’un de mes amis de Californie était venu à New York et qu’il s’était émerveillé alors qu’on marchait dans la ville, parce qu’il trouvait qu’il y avait de nombreuses jolies filles de différentes nationalités.

Avez-vous toujours des challenges ?
Pour nous, c’est de ne pas nous répéter, de garder une musique nouvelle. De garder nos principes musicaux de bases, mais d’essayer de les développer pour faire des chansons originales. Et je crois qu’on a réussi à le faire jusque-là. On veut continuer à faire des chansons qui nous ressemblent.

Quelque chose à ajouter ?
Un grand merci à tous les gens qui nous ont soutenus pendant ces 25 dernières années. N’oubliez pas de jeter un œil sur notre album "Nonstop", car on en est vraiment fier, il contient nos chansons préférées. Puis ensuite, on verra ce qu’il adviendra quand on aura écrit notre nouvel album.

Eh bien merci.
Merci à toi.


Site Officiel : www.sickofitall.com