Interview faite par Braindead à Paris.

Intègres, habités et respectueux de leur art, les qualificatifs ne manquent pas pour décrire Sublime Cadaveric Decomposition, un combo clairement à part dans la scène metal française, ce n’est donc pas un hasard ni un coup du sort si les Franciliens fêtent leurs dix-septième années d’existence, une carrière jalonnée de cinq albums, quelques splits et une impressionnante collection de concerts pour ceux qui restent encore à ce jour, proclamés comme les précurseurs (avec Inhumate bien sûr) du grind en France. C’est à l’occasion d’une répétition dédiée à la composition du cinquième album que ces quatre inlassables travailleurs ont accepté de faire un bilan sous forme de check carrière. Plus un entretien entre potes qu’une simple interview, sincère et sans langue de bois.

SCD existe depuis presque deux décennies en pratiquant un genre où il est difficile de se renouveler, peux-tu nous expliquer une telle longévité.

Seb (chant) :Nous avons commencé il y a 17 ans, une époque correspondant aux débuts du grindcore, le death, le black, le thrash… la période années 80-90 a révélé plusieurs styles et une opposition tendance mode, genre thrash versus glam. Le death a émergé en premier, le black ensuite, le grind étant resté underground même si aujourd’hui des groupes comme Napalm Death, Carcass sont aujourd’hui plus attachés à la scène death ou non, mais restent des icônes que l’on ne peut plus à l’heure qu’il est, mettre dans des cases. Brutal Truth a réalisé des albums plus death que leur prestation beaucoup plus grind en live, ne le laissent paraître. En ce qui nous concerne, nous venions d’une scène plus underground où nous croisions des groupes pratiquant un metal plus extrême catalogué de death, c’était la même chose avec le courant punk où le crust commençait à émerger, je pense à Extreme Noise Terror, Disrupt, qui sortaient du lot car jugés plus extrêmes musicalement que d’autres formations. Quand nous avons commencé, nous allions voir de petits festivals, surtout en Belgique, en Allemagne, la Hollande car en France il n’y avait aucun évènement de ce type. On pouvait y trouver un mix entre les deux publics, une frange grind death gore se réclamant du metal, avec des textes de tripaille, une autre plus politisée provenant du punk, mais en fin de compte, tout le monde se mélangeait même si certains étaient dans un trip purement revendicatif, anti sexiste, végétarien etc… ce qui ne dérangeait pas d’ailleurs les métalleux. Nous sommes arrivés à ce croisement avec nos propres influences heavy thrash dDeath, nous découvrions cette scène et avions envie d’y participer en étant loin de s’imaginer que nous serions là 17 ans plus tard avec quelques albums à la clé et l’envie de continuer très longtemps encore. Nous prenons énormément de plaisir et il n’y a aucune raison pour que cela s’arrête. Nous avons fondé le groupe sans aucune prétention de carrières, avec des premiers concerts en Belgique aux côtés de groupes comme Dishumanity, Dead Infection et nous en sommes à composer notre sixième album. On trace notre route…

Vos concerts ressemblent à de grandes fêtes familiales, vous êtes d’ailleurs reconnus comme étant un des groupes les plus sympa sur la scène metal française, le plus proche de son public. Est-ce une des raisons de votre succès ?
Seb : Ça compte, c’est quelque chose de très important, question de personnalité, d’éthique et de ce que l’on croit. J’ai découvert le metal à 13 ans avec des groupes comme Maiden, Death, Obituary, Bolt Thrower et toute la vague qui a suivi, un peu par hasard dans une simple bibliothèque de quartier sur un vinyle de "Live After Death". Je ne l’ai pas rendu plusieurs semaines durant jusqu’à me faire harceler à coups de pénalités, j’ai fini par le chercher aux puces de Clignancourt car à l’époque on ne trouvait pas ça dans toutes les boutiques, puis de 13 à 20 ans, je suis allé voir énormément de concerts, quitte à faire la manche pour trouver les quelques pièces qui manquaient à l’achat du ticket. Musicalement, c’était déjà une révélation, la découverte du public et l’état d’esprit de cette scène a achevé de me conquérir et du coup 25 ans après tu continues à trouver que c’est un monde qui mérite tout l’amour que tu peux lui apporter. Je continue, lorsque nous ne sommes pas nous-mêmes en concert, à aller dans des fests et à y prendre du plaisir. Je sais que l’on a une très bonne image et c’est très important pour nous car ça traduit ce que l'on est depuis 10 ans, nos valeurs sont également celles du public. La sincérité dans une période où nombre de groupes, dû au développement d’Internet, médiatique, veulent y arriver rapidement, être des stars, c’est leur motivation premières, mais ça ne marche pas. Déjà qu’il y a très peu de méga stars alors si c’est leur ambition première, mieux vaut de suite l’oublier. Nous avons une longévité de 17 ans et éprouvons toujours autant de plaisir aux répétitions, aux concerts, aux enregistrements, ce sont des moments de vie à chaque fois, que ça marche bien ou non, rien ne nous empêche de continuer de toute façon. L’objectif principal est d’y prendre du plaisir, que l’on soit reconnu par les mecs qui nous écoutent et que l’on croise dans nos déplacements, ça nous touche.



Qui compose et comment se présente votre processus créatif ? Plutôt brainstorming ou réflexion individuelle ?
Seb : C’est un ensemble, souvent Guillaume commence à composer, à mettre des progs batterie dessus, puis nous envoie un morceau bien ébauché car il y a déjà tous les riffs et la structure principale. Chacun l’écoute chez soi et en répèt', on travaille l’ensemble, Dagulard fait avancer ses lignes, y met sa touche, ça peut modifier éventuellement la structure, la compo du morceau, en parallèle, je commence à réfléchir aux placements voix, au niveau des textes. Il n’y en avait pas sur les premiers albums, sur les deux derniers, les influences sont multiples, nous essayons de brasser un fond que j’épure et duquel j’espère en sortir des thèmes, des phrases qui marchent bien et qui finissent par se chevaucher aux riffs. Il y a un très gros travail de répèt' car c’est en jouant les compos que l’on se rend compte si ça marche ou non. Une fois la chanson prête, nous réalisons un enregistrement intermédiaire pour valider le principe, commencer à réfléchir sur le travail en studio qui coûte vraiment cher, nous avons donc peu de temps d’où la nécessité de préparer à l’avance, le résultat final est plus probant.

Quelles sont les thématiques de vos textes ? Varient-elles suivant les périodes, les humeurs, des références cinématographiques ou peut-être littéraires ? J’ai l’impression qu’il existe deux écoles de grind : le goregrind dont Carcass, Mumakil et vous-mêmes en êtes les représentants et un grind plus social (et donc plus punk sur le fond) comme Napalm Death, Rotten Sound, Pig Distroyer ou feu Nasum. Songez-vous à intégrer des paroles plus extrêmes sur le plan politique, aller davantage vers des textes plus revendicatifs même si vous semblez l’avoir déjà fait ?
Seb : A nos débuts, nous n’avions pas de textes et un côté très gore, je réalise moi-même les pochettes, avec des graphismes vraiment extrêmes, l’absence de textes poussant vers un nihilisme total. Sur les deux derniers albums, nous avons en revanche profité du changement de line-up pour nous remettre en cause et nous demander ce qu’on pourrait faire, nous avons musicalement évolué, à ce moment-là, vers une voie qui n’était pas celle des premiers albums car ça aurait été plus compliqué de se renouveler si nous étions restés dans la démarche de nos débuts. Nous avons donc commencé à explorer des textes depuis "Inventory Of Fixtures". Pour notre nouvel album, je n’ai pas encore couché ma voix ni même réalisé les pochettes, à ce stade, tout reste à définir. Toute la période death début années 90 reste pour moi la découverte de cette scène et ça me plairait de travailler dans ce sens pour retrouver la fraîcheur de ces albums-là. Je vois Pestillence, Mallus Mallificarum, Morgoth, Obituary, il y avait un côté brut, nous sortions du thrash… maintenant tout est trop clean, formaté, aseptisé. Lorsqu’on regarde les vidéos des groupes pré-cités, les walls of death, circle pits n’existaient pas, on improvisait et musicalement les mecs envoyaient un vent de fraîcheur et de liberté qu’on perd de plus en plus et que je souhaiterais retrouver pour notre prochain album.

Le grind, en définition, se situe entre le death et le crust, pensez-vous brasser ces deux publics plutôt différents ou selon vous, le grind génère à lui seul ses propres fans ?
Seb : Nous en avons souvent discuté en allant aux concerts, le terme lui-même n’a plus le même sens que quand il a été créé, les formations de death et punk extrêmes ne correspondaient plus aux cases de l’époque. Depuis les années 90, le grind sert de refuge aux groupes difficles à classer, aux styles parfois plus fun. A la base tu parlais de Napalm Death, Disrupt, Carcass, le côté extrême était présent, maintenant des groupes comme Gronibard ont fait la farce. Gros décalage, les mettre dans la même case n’a plus aucun sens, les textes de Disrupt étant l’antithèse de ceux de Gronibard. A l’époque, la différence entre des groupes comme Napalm Death et Death était notable, mais il y avait une cohérence à les mettre dans le même genre. De nos jours le terme "grindcore" ne correspond plus à rien, du moins à quelques chose de précis, même Napalm Death et Carcass font dans le death pour certains. A nos débuts, nous produisions un deathgore avant de dériver vers le grind, maintenant nous sonnons plus death, mais plus le groupe dure, plus il construit son propre son, se suffit à lui-même. Bref il y aurait plus de sens à créer d’autres dénominatifs que de le terme grind pour y mettre "tout et rien" dedans.



Que pensez-vous du fait que l’on cherche absolument à étiqueter chaque groupe, souvent sans leur demander leur avis, les enfermant ainsi dans une identité musicale dont certains ont du mal à se défaire et au risque de décourager un public potentiel ?
Seb : A la limite, les étiquettes ne me dérangent pas, à partir du moment où elles correspondent à une scène homogène. Il y a eu une période où il y avait trop d’étiquettes, ce qui montre aussi le développement de la scène metal, c’est plutôt sein. Avant, on étiquetait chaque groupe, maintenant plusieurs formations n’ayant rien à voir, ont la même étiquette, le grindcore en est le parfait exemple. Si aujourd’hui ce genre évoquait Terrorizer, Napalm, Carcass, je considérerais SCD comme un groupe de grind, malheureusement, ce n’est plus le cas…
Dagulard (batterie) : Quand les groupes piliers de cette scène sont arrivés, ils ne se revendiquaient pas grind, c’est la légitimité de plusieurs groupes qui a créé une scène homogène, finissant par porter le nom qui la représente. Aujourd’hui, on crée des termes pour mettre tous les groupes non classés dedans et chacun sera ravi de faire partie de cette nouvelle mouvance, rendant la légitimité du genre, douteuse. On ne parle pas de la même démarche.

Justement, le documentaire "Metal : Voyage au cœur de la bête" évoque parfaitement ce problème avec pour finalité que tous les genres descendent d’un seul, à savoir le metal, point barre.
Duff (basse) : Ca dépend de la prétention des groupes et il va en avoir deux sortes : ceux qui kiffent la musique, en font pour tripper en live sans trop calculer et il y a les autres… les modes de pensée évoluant en 2013, intégrant les notions de promotion comme le deathcore où les gars entre 18 et 25 ans ont compris les codes à intégrer dans leur musique. A l’époque des Stones, Beatles et tous ces groupes rock, il y avait l’essence de la nouveauté, un nouveau dynamisme que l’on a plus forcément. De nos jours, on aime se gérer soi-même.

Quel regard jetez-vous sur l’industrie musicale actuelle, les évolutions majeures au cours des quinze dernières années, les crises traversées ? Selon vous quel est l’avenir du metal au sein de cette industrie ? Faut-il privilégier le live ?
Duff : Le hard rock a une histoire de près de quarante ans, les groupes aujourd’hui prennent encore plus dans la tronche leur manière de fonctionner. Les jeunes de maintenant sont parfaitement encrés dans leur époque. Vingt ans avant, nous chopions les choses d’une certaine manière, vingt ans après ils les perçoivent d’une autre manière en étant parfaitement conscients de ce qu’il s’est passé, des acquis et fondamentaux…
Seb : Nous avons tous une vision différente sur ce point, par rapport à nos expériences personnelles, c’est vrai que de nombreux groupes fonctionnent avec les codes actuels, calculent ce qui fonctionne le mieux sur scène, en vidéo. Mais nous n’avons pas le même point de vue là dessus, le monde a clairement changé et on le voit bien en dix-sept ans de carrière, notamment sur l’évolution de notre musique. Evidemment, certains jeunes groupes ont compris comment se servir des médias, et c’est ce qui me dérange dans cette génération Star Academy, avoir l’air de stars avant même d’écrire une ligne…
Duff : Dans le metal, les jeunes ne suivent pas forcement cette façon de faire…
Seb : Moins qu’ailleurs c’est vrai, mais lorsqu’on fait des concerts, nous observons ces jeunes groupes qui veulent tout et tout de suite, alors que faire un bon album, maîtriser la scène, ça vient avec le temps, avec l’expérience. Du coup, tu te retrouves avec des situations ridicules comme ces groupes qui se comportent comme s’ils jouaient devant 40000 personnes en demandant des walls of death ou circle pits alors que la salle est vide. C’est absurde. Certains mettent des caisses sur scène pour avoir l’air de faire dix mètres de haut, jumpent partout avant même d’avoir commencé à composer. Parmi ceux qui ont réussi à percer, certains ne produisent aucun artifice sur scène et se contentent de jouer une musique de qualité qui se suffit à elle-même. Si le morceau est bon, inutile de demander au public de sauter partout, il le fera de lui-même.
Dagulard : Ca me rappelle la phrase de Vander (Magma) qui disait qu’il rêvait de pouvoir composer la musique pour des aveugles, sans effet gratuit, car un aveugle ne pourra juger que sur la musique et sur la chaleur que peut dégager le groupe juste en jouant. Deuxième exemple, sans aucune critique mais en observant bien, il y a un réel décalage car lorsqu’on veut définir où l’on va, il faut savoir d’où on vient, c’est du domaine de la légitimité, de l’intégrité, en dehors du fait de créer quelque chose, si on ne sait pas d’où on vient, il est impossible de comprendre le sillon tracé par d’autres groupes auparavant. La synthèse parfaite entre ce qu’on écoutait avant et ce qu’on écoute maintenant, en présentant quelque chose d’intègre et de sincère, c’est là que certains groupes feront la différence, c’est une vérité qu’il ne faut pas taire car à force d’effets gratuits, on risque d’épuiser une scène. Je ne suis pas contre intégrer ces effets pour donner un côté plus ludique, mais on reste sur de l’emballage, un beau packaging auquel il faut donner une âme. Il y a une phrase que j’aime beaucoup, "un chevalier sans armure, reste un chevalier" et on voit de suite qui, sans ces apparats superflus, peut représenter une scène, un esprit, une histoire. Personnellement, en tant que métalleux, je me revendique de Suffocation, Led Zep, Motörhead, des personnes qui représentent l’intégrité au niveau de leurs parcours autre que les panneaux publicitaires style David Guetta, c’est une autre manière de percevoir la musique, mais vu que notre époque est le symbole de tout ça, c’est normal que certains groupes le représentent, le symbole d’une époque qui doit être, qui disparaîtra et j’attends de savoir pourquoi.



Il est vrai que nombre de jeunes coreux revendiquent une influence très "Sumerian Records", policée, et finalement sans réelle originalité, comme issue d’un seul moule, à la chaîne…
Dagulard : …et ces groupes ont parfaitement intégré les codes de notre société, de plus en plus violente, de plus en plus individualiste, c’est finalement normal que certains jeunes groupes incarnent tous les codes du struggle of life, correspondant très bien au metal mais détournés par un individualisme, un culte de la personnalité et tout ce qui est finalement éloigné des principes de base de ceux qui ont justement donné leurs lettres de noblesse à cette musique, cultivant à l’intérieur d’eux, quelque chose de sacré et de vraiment personnel. Cette quête de la vérité finit par convaincre et comme quelqu’un de convaincu restera pas essence quelqu’un de convaincant, reste à savoir de quoi nous sommes convaincus et quels sont nos supérieurs hiérarchiques. A chacun ses codes, ses valeurs, on peut tracer mes valeurs, l’arbre généalogique de comment je suis venu au metal, des personnes qui m’ont fait connaître et aimer cette musique, je m’y retrouve et beaucoup de métalleux pourraient se retrouver dans mon parcours si je discutais avec eux. Maintenant, je doute que ça soit la même chose avec les jeunes d’aujourd’hui qui ont certes pour eux, le fait d’avoir intégré ces codes plus vite que l’ancienne génération, mais à un moment, il faut faire la synthèse de ce qui est devant toi et surtout de ce qu’il y a eu avant, afin de connaître la direction légitime que tu souhaites prendre afin de pérenniser ta musique, dans le cas contraire tu risques de te perdre…
Seb : Et sans dire si c’est bien ou non, cette nouvelle scène n’est définitivement pas la mienne, elle ne me parle pas, en ce qui me concerne, des groupes comme Lock Up, Napalm sont beaucoup plus bruts et droits dans leur démarche, ils arrivent sur scène avec le strict minimum, ne disent pas qu’ils vont faire les choses comme ça, car ça va marcher. Les jeunes groupe eux sont régis par des codes qui fonctionnent pour le moment mais peut-être pas sur le long terme.
Duff : Bon au moins ils essaient…
Seb : Oui mais les groupes confirmés ne marchent pas dans une direction car le système en a décidé ainsi, ils fonctionnent car leurs morceaux sont biens et qu’ils ont fait leurs preuves sur la longueur.
Dagulard : Et pour ne plus opposer ce qui finalement, ne se ressemble pas, à savoir les jeunes et les anciens ont chacun leur vision des choses, c’est la qualité de la musique qui doit rester seul juge, en poussant au maximum la notion d’intégrité. Nergal est la synthèse parfaite de ces exemples, il a commencé à l’âge de 13 ans et qu’il fait maintenant est à des années lumière de ses débuts mais il a une légitimité car on peut retracer son évolution avec l’intégration d’une approche plus death pour quitter le ghetto black metal. Il a fait évoluer son style en restant intègre, il ne fait pas de la pop en sortant des boules à facettes, il est resté dans les codes de la musique extrême. Le concept Behemoth est d’ailleurs tout à fait cohérent lorsqu’on entend les paroles, ce sont les mêmes qu’avant mais le concept a été poussé plus loin, même constat pour Scepticflesh. En revanche, si on intègre les nouveaux codes comme une fin en soi, ça reste limité, si c’est pour servir les intentions de base, on convainc beaucoup plus. Les groupes pérennes ont su s’adapter à chaque époque et à intégrer le meilleur en restant fidèles à eux-mêmes. Nergal utilise aussi des podiums sur scène, mais ça ne me choque pas car tout le concept grandiloquent de Behemoth justifie les effets pyrotechniques, il raconte une histoire et a créé son propre style. Certaines jeunes formations essaient de faire pareil mais je n’y crois absolument pas.
Seb : Parler de codes implique un calcul de ce que l’on voudrait être et ce mot, je ne le supporte pas, nous faisons de la musique par rapport à ce que nous sommes, ce que l’on aime, après ça plaît ou non mais nous n’appliquons aucun code et ne faisons pas de musique pour ressembler à quelque chose.
Dagulard : Et tous ces groupes cherchent à coller à quelque chose et considèrent ça comme une fin en soi, c’est grave et très limité.
Seb : Il y a une notion de recette magique, j’ai compris ce qui marche alors je vais copier…mais le plus souvent, ça manque de fond.
Dagulard : Toutes ces nouvelles scènes sont soutenues par le fait que ça fait vendre et pas que des disques, tout le monde y est passé, il y a eu les vestes à patchs, les bracelets à clous, mais ce qui nous arrive là est un phénomène de duplication, une frénésie comme si nous avions ouvert une boîte de Pandore et c’est ce qui me gêne, le fait que ça fasse circuler de l’argent, plus qu’un état d’esprit… En dehors de ça, que les meilleurs survivent, peut-être qu’avec le recul nous nous dirons que cette scène aura évolué normalement, comme le thrash et le death, là nous sommes dedans et je vois ça avec un certain étonnement, je commence à me dire que le monde change et pas en mieux…



Il y a dix ans, la home made com des réseaux sociaux semblait être le saint Graal pour tous ces groupes qui n’avaient pas d’enfiles dans la presse spécialisée, ces derniers temps, on frôle surtout l’asphyxie, trop d’infos tuent l’info et nombre de formations prometteuses se retrouvent noyées dans la masse. Quelles sont pour vous les solutions à appliquer afin de se différencier et de ne pas devenir seulement un bon groupe parmi tant d’autres ?
Dagulard : Encore une fois et pour reprendre Seb, la qualité de la musique… Très franchement, on a beau chercher, au bout d’un moment ce sont toujours les mêmes bases, la qualité scénique car en rapport à toute cette surenchère sur le net, malgré cette multitude de groupes sur la toile, au final ce sera toujours le public qui décidera. Pour celui qui est curieux, avec le net, ça devient facile. Certes, il y a ceux qui collectionnent sans écouter, qui n’ont pas cette quête que l’on pouvait avoir lorsqu’on allait chez les disquaires, que l’on prenait le temps des découvertes. Qu’importe l’outil, ça dépend de l’état d’esprit, si l’on est intègre, nous trouverons ce que nous recherchons même dans cette surenchère. SCD est né quand Internet n’existait pas, nous faisions du tape trading, avec l’air du numérique, beaucoup de groupes n’ont pas su s’adapter et ont de ce fait eu moins de représentation parce que le fait d’être sur la toile signifie que l’on existe, le nier serait un déni de réalité. Nous pouvons dire que c’est douteux, avoir une existence artificielle avant d’avoir fait ses preuves, c’est n’importe quoi, ça ne devrait pas exister (rires). Nous devrions dire aux groupes d’arrêter d’afficher leurs pages de merchandising et d’arrêter de prétendre être le meilleur groupe du monde avant même d’avoir fait le nécessaire pour… il est très important de ne pas perdre ce concept de réalité.
Duff : Il y a des groupes qui balancent toute la promo sur Facebook, maquette, vidéos… L’idéal est de commencer par des concerts et après tu peux les promouvoir sur les réseaux sociaux.
Dagulard : Oui, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, il y aura toujours des réseaux sociaux et ceux qui savent s’en servir surnageront toujours par rapport aux autres. Mais il ne faut pas oublier que l’on reste des zicos et au bout d’un moment, ceux qui veulent exister doivent bosser et le taf c’est d’être sur scène.

Comment expliquez-vous la difficulté qu’on les formations françaises à se faire connaitre à l’étranger, à part quelques contre-exemples bien sûr ?
Duff : Si tu prends le côté géographique des genres, les Etats-Unis, l’Allemagne sont dans le thrash, l’Angleterre est plus dans le heavy et le goth, la Norvège et la Suède s’orientent vers le black, on se rend compte que ça gravite finalement dans peu de Pays, certes en France, nous avons des Gojira, des Trepalium, Benighted, qui tournent à l’étranger, comme Gorod aux Etats Unis, c’est mortel. Dans d’autres styles, Betraying The Martyrs passent leur temps entre la France et les Etats-Unis.
Dagulard : Ils ont joué dans des mêmes fests que Slipknot et Slayer, des trucs énormes. Qu’on aime ou non, j’aurai toujours du respect pour ceux qui ont arpenté le bitume et fait le boulot. Après, nous pouvons dire que certaines méthodes sont douteuses, mais faut vérifier dans le temps si ces groupes tiennent leurs engagements. Il y a toujours une méfiance sur ce qui est nouveau et je le remets dans le contexte, mais si ça dépendait que de moi, je raserais tout pour revenir aux fondamentaux. Le problème, c’est que le monde ne fonctionne pas comme ça et au bout d’un moment, il faut accepter la réalité et s’adapter. Ça reste du pure Darwinisme. En Angleterre, les deux groupes dont on nous a le plus parlé, c’est Gojira et Betraying. Ces groupes-là ont balisé et cela permet de mettre en lumière le fait qu’en France, il y a des bons groupes qui carburent aussi, si cela permet d’ouvrir des portes pour d’autres groupes, allons-y, chacun pour soi et les meilleurs surnageront de toute façon. Une manière de synthétiser tout ce qu’on a dit jusqu’à maintenant. Chacun sa manière de concevoir sa carrière, le temps apporte la légitimité et les fans ne s’y trompent pas malgré les effets de manche que l’on peut faire pour attirer le public.

Pour conclure, le prochain album est pour quand ?
Dagulard : (hésitant) Je dirais… 2015 ? Nous avons huit morceaux.
Duff : Nous verrons… nous aimerions bien le faire assez rapidement après il faut faire les textes. Il y a tout un boulot d’écriture, ce qui met du temps, c’est la gestation et comme nous sommes exigeants sur ce que l’on fait… on va y aller tranquille.

Album qui sera sans aucun doute à l’image d’un groupe attachant qui a su faire évoluer leur musique sans en renier les bases. en attendant, envers et contre tout, SCD continue de donner des concerts un peu partout en France et bien au-delà? une occasion de réentendre en live, dix-sept années de brutalité jouissive.


Le site officiel : www.facebook.com/scdmusic