Interview faite par Byclown à Paris.

Bonjour, incroyable mais vrai Joakim, c’est ta première interview pour ce webzine. Nous sommes ici pour parler de la sortie du septième et dernier album de Sabaton "Heroes" dont tu es le leader mais avant cela, merci de te présenter et de présenter le groupe.
Joakim Brodén (chant) : Merde, 7 albums, je me sens tellement vieux tout d’un coup… bref ! Salut, je suis Joakim, membre fondateur du groupe suédois de power metal SABATON, fondé en 1999, ce qui fait que ça fait 15 ans que je suis dans la boutique ! Le temps passe vite ! Sinon on a tournée plusieurs fois à travers le globe mais je pense que la période actuelle est plus sympa qu’elle ne l’a été durant les 10 premières années en termes de tournées.

Question inratable à mon sens puisque c’est ta première interview, quelles sont tes influences musicales, metal ou pas d’ailleurs ?
J’ai commencé avec Twisted Sister lorsque je suis tombé sur les clips de "We’re Not Gonna Take It" et "I Wanna Rock" à la télé, j’ai adoré et halluciné alors que je n’avais que 3 ou 4 ans, du coup ma mère a acheté le LP la semaine suivante ! Apres j’ai évolué vers des groupes tels Judas Priest, Europe, Helloween, Raindow, Dio et Black Sabbath que j’ai adoré à la période avec Dio.

Connais-tu certains groupes français ?
Nightmare ! Je les ai vus une fois ene live et j’ai certains de leurs CDs, c’est vraiment génial et le chanteur est très bon !

Combien de temps a-t-il fallu pour la composition et l’enregistrement de l’album ?
L’enregistrement a pris très peu de temps comparé à l’écriture. J’écris absolument tout dans le groupe donc, lorsque j’arrive en studio pour l’enregistrement, tout est déjà dans la boîte et ne souffre que de très peu de modifications. J’ai l’habitude d’écrire les lignes vocales avec Paer, le bassiste (second membre restant du line up original), mais sinon il est vrai que je fais tout, tout seul.

Penses-tu que Peter Tägtgren est l’une des raisons principales du succès grandissant du groupe album après album ?
Dans un sens, il a toujours fait partie de l’histoire du groupe. Nous avons enregistré notre premier album avec son frère Tomi mais même là, il passait parfois par le studio donner quelques conseils de bon ton à son frère. Il a toujours agi sur le son de nos albums mais jamais sur la musique en elle-même. Notre dernier opus "Carolus Lex" est le premier que nous avons entièrement fait avec lui car avant cela, il était présent pour l’une ou l’autre des parties (mastering, enregistrement, mix etc) mais jamais pour tout le projet. On le connaît depuis 10 ans maintenant, peut-être plus et il n’y a que depuis peu que l’on peut travailler sur tout le projet avec lui car, entre ces deux groupes (Pain et Hypocrisy) et tous les artistes dont il s’occupe, et entre nos tournées à rallonge, on n’a eu que peu de temps ensemble finalement. En réalité, on a dû booker avec lui l’enregistrement de cet album il y a deux ans.

Te vois-tu travailler avec lui sur tous les albums du groupe durant toute votre carrière commune ?
Franchement oui ! On est toujours très content du travail avec lui, de plus en plus d’ailleurs car maintenant il travaille sur toutes les facettes de l’album donc tant qu’on pourra bosser ensemble et que le résultat sera à la hauteur, je ne vois pas pourquoi on irait voir ailleurs. Apres c’est vrai que lui comme nous, on est tous très occupés donc, si à cause d’un souci d’agenda on ne pouvait plus bosser ensemble, je serais bien intéressé de bosser avec Andy Sneap (on doit à Sneap des albums de Testament, Exodus, Machine Head, Obituary, Entombed, Nevermore, Arch Enemy, Kreator, Killswitch Engage, Opeth, Caliban, As I lay Dying, et la liste est encore très très longue…).

Ce nouvel opus affirme ta volonté de continuer le groupe et ce malgré le gros changement de line-up qui a vu s’en aller 4 des membres du groupe. Pourrais-tu me rappeler pourquoi a eu lieu ce départ massif ?
Ce changement de line-up a été émotionnellement dur mais nécessaire. On a tous commencé ce groupe très jeune et, passé 30 ans, les aspirations des uns et des autres changent. Certains ont des familles, des gosses et veulent passer plus de temps avec eux, ce qui est normal, je le comprends tout à fait. C’est dur de concilier cette envie avec le fait de ne pas être chez soi 150 jours par an. Nous sommes un groupe qui tourne énormément, rien que l’année dernière on a fait 130 shows je crois, et ce mode de vie n’est pas forcément adapté à tout le monde. Durant l’enregistrement de "Carolus Lex", on a eu des discussions à ce sujet car je voyais bien que certaines personnes n’avaient pas envie d’être dans le studio, donc je leur ai demandé de bien réfléchir à leur avenir dans le groupe, sachant qu’on va grandissant en popularité et qu’on tourne de plus en plus, mais de se concentrer tout de même sur l’enregistrement de l’album. On a laissé le temps de l’enregistrement pour y réfléchir et à la fin les gens ont pris leur décision. Au début seul deux devaient partir mais suite à leur décision, deux autres sont partis… Au jour d’aujourd’hui, même si avoir pris un tout nouveau line-up est quelque chose d’important dans l’histoire du groupe, je pense que c’est la meilleure chose qui lui soit arrivé. Les gens qui composent le line-up actuel sont évidemment des gens qui aiment la musique du groupe mais aussi des gens qui ont envie de tourner, qui sont fait pour ça, donc il y a une bonne cohésion dans la formation et la situation est très bonne. Je m’en réjouis.

N’es-tu pas inquiet du fait que les gens vont attendre de "Heroes" la même qualité que celle de "Carolus Lex", qui est considéré comme le nouveau masterpiece du groupe, surtout après le changement de line-up ?
Je suis effectivement concerné et soucieux du fait que des gens qui aiment pourtant le groupe puissent ne pas aimer "Heroes", et donc moins aimer SABATON et les différents membres du groupe alors que je suis le seul auteur des chansons. Dans un sens les gens le savent et savent que, ancien ou nouveau line-up, je suis le seul auteur des chansons donc, bonnes ou pas, j’en suis le seul responsable pour le meilleur et le pire. Des amis ont quitté le groupe, pas des compositeurs. Je veux être honnête, et pas négatif comme tu pourrais le croire mais, je pense que la musique n’a pas changé avec ou sans les mecs de l’ancien line-up. Tu sais, nous n’étions pas les meilleurs musiciens de la ville lorsque nous avons commencé cette aventure et nous avons dû apprendre la musique entre nous, nous montrant l’un l’autre des techniques pour progresser et être meilleurs. Au moment où les gars sont partis, SABATON était déjà un groupe établi, il n’a donc pas été difficile de retrouver des musiciens et il s’avère que j’en ai trouvé de très bons qui montent, non pas d’un, mais de deux crans, le niveau musical du groupe, ce qui me pousse à aller toujours plus haut dans ma qualité de composition.



A ce propos, où as-tu rencontré les gens du nouveau line-up ?
On connaissait déjà tous les gars d’avant, car on les avait croisés en tournée, on savait donc ce qu’ils valaient, donc pas besoin d’auditions dans leurs cas. Au-delà de jouer avec eux en salle de répétition pour voir si, musicalement ça collait, on a surtout passé du temps avec eux autour de bonnes bières pour voir si humainement ça collait aussi. C’est ça aussi le metal, faire la fête ! Evidemment, on ne se met pas la tête à l’envers la veille d’un concert, c’est complétement con, mais si j’ai choisi ce style musical, c’est pour le côté festif et convivial et il faut forcément que ça se retrouve dans les relations au sein d’un groupe.

Dis m’en plus sur les différents thèmes que tu abordes sur cet album, à part la chanson "Inmate 4859" dont on connaît l’histoire.
Le premier titre parle des femmes pilotes russes qui bombardaient de nuit les Allemands dans le silence le plus total. Pour ce faire, elles prenaient de l’altitude, coupaient les moteurs, et descendaient en planant sur leurs objectifs, et le bruit du frottement de l’air contre les ailes rappelaient aux Allemands le bruit des sorcières sur leurs balais dans les airs. La seconde chanson s’appelle "No Bullets Fly". C’est l’histoire d’un aviateur allemand qui avait pour mission de détruire en mission commando une forteresse volante américaine mais une fois arrivé à vue de la forteresse, il a vu que celle-ci était déjà mal en point car ça tirait pas mal tout autour et donc il a pris la décision de ne pas bombarder cet ennemi mais au contraire de l’escorter sous le feu pourtant ami. Il a dû esquiver les tirs de sa propre artillerie et il savait bien que, même s'il en revenait, il serait traduit en cour martiale et exécuté. Pour une fois, nous ne nous sommes pas focalisés sur une période en particulier, ou une nation ou une guerre, mais on a voulu résumer certains actes héroïques ou marquants durant pas mal de guerres passées.

Album après album, est-il difficile pour toi de trouver de nouveaux thèmes sur la guerre, les héros... sans te répéter ?
Dans un sens, on se répète tout le temps (rires) ! On parle de guerre, c’est notre créneau, même si on change les époques et les lieux. C’est toujours le grand dilemme de l’artiste : ne jamais refaire deux fois le même album mais en même temps, ne pas progresser trop vite d’un coup. Le fait est qu’en ne parlant que de guerres, on pourrait faire 2000 albums si la vie nous en laissait le temps ! A chaque fois on doit trouver un nouvel angle, tout est là. Parler de choses actuelles est relativement facile, car des gens sont toujours vivants pour en parler alors que plus tu vas parler de choses anciennes, plus les faits vont se mêler aux mythes et aux légendes et plus il va être difficile de parler de choses établies comme étant vraies. C’est un peu une bénédiction dans une malédiction, car je continue à parler de guerres car j’aime ça, et j’ose croire que nous fans nous suivent aussi pour ça, car ils aiment cette thématique mais comme je t’ai dit, plus on va dans le passé, plus ça devient compliqué. Si j’ai envie de parler du Roi Léonidas et de ses grandes batailles je vais me heurter à un obstacle quant à la véracité des faits car ce fait est tellement ancien qu’il est mêlé de mythes et de légendes et surtout, c’est peu documenté, alors tenir une chanson ou un album entier là-dessus, je ne crois pas que ça soit jouable. Je suis toujours un peu sur le fil du rasoir lorsque je suis dans le choix d’une histoire.

Vous tournez de plus en plus, comme tu me l’as dit précédemment. En tant que chanteur, as-tu un entraînement vocal spécifique pour assurer tout au long des tournées ou as-tu juste une discipline stricte ?
Je n’aime pas la discipline stricte, c’est pour ça que j’ai choisi de faire du heavy metal et pas autre chose (rires). Par contre c’est vrai que je m’entretiens physiquement, histoire de pas devenir vieux et gros à cause des bières. Je prends pour exemples des mecs comme Bruce Dickinson, Dee Snider, Bryan Johnson ou encore Angus Young. Tous ces mecs ne sont plus des ados depuis très longtemps et ils continuent à montrer sur scène et ils défoncent tout à chaque fois !! Je pense que tout le monde est conscient de ça dans le groupe et puis, nous avons envie de donner l’image d’un groupe de scène, ce qui implique forcément de se tenir en forme aussi longtemps que possible ! Lorsque l’on sera vieux et plus suffisamment au top physiquement pour continuer à faire ce qu’on fait, on fera une tournée d’adieu, mais ce jour n’est pas encore arrivé ! Apres tu ne peux pas empêcher les maladies de venir à toi, et de fait devenir totalement parano, hypocondriaque, et ne plus rencontrer les fans de peur qu’ils te contaminent ! Même si tu te protèges, la maladie va te tomber dessus à un moment donné et il faut apprendre à chanter avec cette maladie, il faut monter sur scène et faire le job ! La seule raison qui pourrait m’empêcher de faire mon boulot serait un ordre strict du médecin. Plus d’une fois je suis monté sur scène avec la voix cassée, mais j’ai dû faire avec ! Les gens dans le public ont bien entendu que ma voix était pas au top et que, forcément, le show serait moins bien que les fois précédentes à cause de ça mais bon, c’est ma conscience qui prend le dessus. Ok, je pourrais demander l’annulation du show pour cause médicale, et les gens seraient remboursés de leur ticket, mais certains viennent parfois de loin pour nous voir ! Ils ont pris le train, l’avion, une chambre d’hôtel, et ça, personne ne va leur rembourser, donc pour ces gens-là, qui sont plus nombreux qu’on ne le pense, je me dois de monter sur scène et de faire mon travail.

Partie intéressante de votre nouvel album, vos 3 reprises de Metallica, Battle Beast et Raubtir. Pour Metallica, vous avez choisi "For Whom The Bell Tolls" et vous avez dit que le choix a été difficile ; comme je vous comprends !! Si vous n’aviez pas choisi cette chanson, quelles auraient été les autres possibilités ?
C’est vrai que les choix ne manquent pas mais j’aurais aussi aimé faire "Sad But True" ou encore "One" car pour le coup c’est aussi une histoire militaire. C’est sûr que 'For Whom The Bell Tolls" est l’une de mes préférées et la première chanson que notre batteur a appris à la batterie, aussi la première chanson que mon bassiste a joué en live, ça a une symbolique forte pour nous.



Et en plus c’est facile à jouer…
Oui c’est sûr ! Si tu es un ado qui apprend la guitare et qui veut jouer du Metallica, mieux vaut commencer effectivement par cette chanson et pas par "Master Of Puppets" (rires).

Et Battle Beast ?
J’adore ce groupe ! Leur dernier album, sorti l’année dernière, est l’un de mes préférés de 2013 ! La nouvelle chanteuse est encore meilleure que l’ancienne et le titre "Black Ninja" est juste énorme ! On a déjà joué avec eux et ils sont vraiment cool. On a les mêmes racines musicales, on aime le même style de musique, mais on ne joue pas la même chose ! Eux comme nous adorent Accept, et ça s’entend plus chez eux que chez nous (rires). On a choisi Raubtir car notre bassiste a joué avec eux et j’adore leur musique ! J’ai d’ailleurs joué cette reprise en live et je peux te dire que ça m’a fait tout drôle ! Tu vois, les chansons de SABATON, peu importe la foule devant laquelle je joue, je suis confiant, car j’ai moi-même écrit les chansons, je les connais forcément par cœur, et on a passé énormément d’heures avec le groupe à répéter les morceaux, donc c’est une vraie sécurité pour moi !! Concernant la chanson de Raubtir, que j’ai interprétée devant à peu près 2000 personnes, j’ai vraiment eu l’angoisse d’oublier des paroles ! Avant l’enregistrement de la chanson, on l’a jouée ensemble deux fois, et on l’a jouée le jour du concert deux autres fois pendant les balances c’est tout !! Avant le concert j’ai écouté en boucle la chanson pour la mémoriser au maximum afin de ne pas oublier les paroles. C’était vraiment une chouette expérience que de se mettre un peu en danger comme ça.

Parlons de la tournée ! Jouerez-vous en France ?
Je sais qu’on va jouer en France au Hellfest mais pour le reste je ne sais pas encore, c’est en cours. On va essayer de venir jouer le plus possible c’est certain.

Je me rappelle de Sabaton jouant avec Eluveitie il y a quelques années dans une salle sold out.
Oui c’était vraiment une belle tournée ! En France les gens sont plus habitués à Eluveitie qu’à SABATON, du coup ça leur a permis de nous découvrir, et inversement dans d’autres pays où nous sommes plus populaires qu’eux.

Peut-on s’attendre à des clips vidéo ?
On est dessus ! Si tout va bien on va enregistrer un clip dans 12 jours pour le single "To Hell And Back".

Même si vous êtes un gros groupe qui tourne beaucoup, pour qui aimerais-tu faire la première partie ?
Malgré les apparences, il y a beaucoup de groupes pour qui j’aimerais jouer !! On a déjà eu la chance de jouer pour Iron Maiden 7 ou 8 fois. Donc si je devais faire un choix, je le ferais avec mon cœur et non pas pour la carrière du groupe et je dirais Black Sabbath ou Metallica.

Dernière question mais toujours la meilleure, raconte-moi ton meilleur moment spinal tap.
(rires) Ouah tu es fou, il y en a tellement !!! Tu nous laisses assis avec de la bière et il va forcément se produire une connerie !!! Laisse-moi quelques secondes que je réfléchisse à ça ! Ca y est j’ai trouvé le truc le plus spinal tap de notre carrière qui s’est passé en Suède, il y a pas mal d’années, l’enchaînement en une seule soirée de toutes les merdes qu’on n'aurait jamais dû avoir. On devait jouer dans une grande salle à côté d’un centre commercial et la première partie n’arrivait pas à finir, du coup on perdait du temps sur notre propre temps de jeu alors qu’on était la tête d’affiche ! C’était tard le soir et la plupart des gens étaient déjà en train de se barrer pour prendre leur train de banlieue ou le dernier bus. Du coup, quand ils se sont décidés à se barrer, les techniciens ont changé le plateau mais ils étaient totalement à la ramasse, du coup on a encore perdu du temps !! Une fois sur scène, les mecs n’avaient pas fixé la batterie avec du scotch ou autre, du coup, à chaque coup de grosse caisse celle-ci bougeait et j’étais obligé de la retenir avec l’une de mes jambes, tendue à l’extrême, et dès que je voulais bouger un peu, histoire de faire le show, la grosse caisse se remettait à se faire la malle du coup je devais revenir en courant à chaque fois à son niveau ! Comme si cela ne suffisait pas, l’ingénieur du son a fait de la merde et les guitares allaient et venaient dans nos retours, on comprenaient rien à notre musique ! De plus il a complètement baissé le canal de la basse de sorte qu’on l’a entendue que sur le dernier morceau ! Le dernier morceau arrive et on avait prévu un truc pyrotechnique avec des jets d’étincelles sur le devant de la scène mais voilà, le technicien en pyrotechnie s’était lui aussi ouvert en deux et avait orienté les torches vers le bas !! Résultat quand la pyro est partie, ça a presque enflammé tous les gens du premier rang et ceux de derrière n’ont évidemment rien vu !! De plus, ils avaient mis de la moquette ou du tissu dans la fosse de sécurité qui, a cause des étincelles, a commencé à prendre feu. Je crois que c’est ce que l’on peut appeler du spinal tap !


Le site officiel : www.sabaton.net