Interview faite par mail par Murderworks

Salut les gens, pour commencer la question qui semble évident et qu'on a déjà dû vous poser cinquante fois : après une si longue absence qu'est ce qui a déclenché l'envie de revenir botter des culs ?
Franck Peiffer (guitare / chant) : Salut ! Comment expliquer le retour ? Concours de circonstance dirons-nous… Phil, un ami de longue date, a entamé la construction de son studio. Quand nous avons eu l’opportunité de tester ce studio (Psykron), nous avons décidé d’enregistrer les anciens titres et de voir ce que cela pouvait donner. Phil faisait les guitares (à la base, je faisais le chant et la guitare aux débuts de Putrid), Fred la basse et je me suis concentré sur les chants. Nous avons programmé la batterie. On a fait écouter le résultat à nos potes et cela est remonté aux oreilles de Nico de Kaotoxin, qui était fan à l'époque (XenoKorp maintenant). Il nous a proposé de signer chez lui… La machine a été relancée.

Ce n'était pas trop troublant de sortir votre premier véritable album en 2015 alors que la première démo date de 1991 ? Ou plutôt jouissif de se dire que même après si longtemps vous aviez encore suffisamment la niaque pour sortir "Mature Necropsy"et enchaîner sur "Sicknesses Obsessions" ?
C’était effectivement un peu bizarre de se dire que le véritable premier album sorte aussi longtemps après, mais ce sont deux périodes vraiment différentes d’un point de vue musical et aussi de possibilités. De toute façon, on savait qu’on pouvait encore apporter de quoi faire saigner les oreilles, même si on peut paraître en décalage avec les productions actuelles. Ca reste très jouissif de pouvoir faire ce que l’on veut et de se faire plaisir…L’avantage d’avoir notre propre studio nous facilite les choses.

D'ailleurs l'album ne comprenait quasiment que des anciens morceaux réenregistrés, c'était une façon de leur donner un bon coup de polish avec un son moderne et de vous présenter aux petits jeunots qui ne vous ont pas connus à l'époque ?
Le but de "Mature" était avant tout de remettre au goût du jour l’ensemble du catalogue existant avec les sons que nous aimons et les arrangements que nous trouvions judicieux. Il faut aussi savoir qu’à l‘époque de la création de ces titres, et notamment en ce qui concerne les passages aux studios, nous avions à chaque fois un timing serré car le budget alloué par le label pour le studio n’était pas extraordinaire. Il fallait faire vite et pas forcément comme on le voulait. Là, nous avons pu prendre notre temps et faire ce que l’on voulait. Cela a permis effectivement de montrer ce que d’anciens titres valaient avec une mise à jour actuelle.

Vous lui donnez du coup un petit frère cette année avec "Sicknesses Obsessions" et le moins que l'on puisse dire c'est que la bête est fournie avec un DVD live en plus des dix-sept morceaux de l'album ! D'autant que cette fois les morceaux sont inédits.
Yes, nous avons eu l’opportunité de récupérer les vidéos du set complet et en très bonne qualité. Du coup, avec l’accord du label, nous avons décidé d’en faire profiter les premiers acquéreurs du CD d’un bonus DVD. Nous y avons mis aussi quelques photos inédites, des clips vidéo…Bref, du bonus pour les fans. Pour ce qui de l’album, je dirais que c’est davantage un "grand" que "petit" frère. (sourire)

D'où vient cette pochette et qui l'a réalisée ? On dirait presque qu'elle sort d'un vieux manuel et du coup le rendu est plutôt classe pour du gore.
Cette pochette vient d’une représentation du travail qu’a pu effectuer le personnage principal de nos textes, à savoir le Dr André Vesale, anatomiste et médecin brabançon, considéré par de nombreux historiens des sciences comme le plus grand anatomiste de la Renaissance, voire le plus grand de l’histoire de la médecine. C’est Phil qui l'a préparée pour faire le lien avec ce qu’il y a dans la pochette et le livret. Pour nous effectivement, nous ne cherchons pas forcément à faire du gore pour du gore. On travaille davantage sur l’ambiance que sur l’impact directe d’une photo baignante de sang… 



Il me semble que c'était une boite à rythmes qui faisait office de batterie sur "Mature Necropsy" mais depuis le EP "Anatomy" vous avez trouvé un véritable batteur en la personne de Laye Louhenapessy et cela fait plaisir à entendre. Comment se passe la composition au sein du groupe, c'est collégial ou il y a un noyau dur qui compose tout ou presque ? L'arrivée d'une brute pareille à la batterie a dû apporter du sang frais et une bonne envie de blaster, non ?
Comme j’ai pu l’indiquer auparavant, lorsque nous avons réenregistré "Mature", le but n’était pas de sortir de suite la reformation du groupe. "Mature" devait servir de base pour voir ce que pouvait donner les anciens titres et avoir un retour là-dessus. Nous n’avions pas de batteur à cette époque et avons donc du utiliser la programmation. Quand nous avons signé avec le label, il était devenu indispensable, notamment pour faire de la scène, de trouver l’oiseau rare… Quand Laye a intégré le groupe, nous avons continué à écrire de nouveaux titres avec lui, et une des raisons principales de la sortie du EP "Anatomy" était de le présenter. Malgré son jeune âge, il a un bagage musical et une ouverture d’esprit qui collent parfaitement à notre manière de penser et de faire. La seule difficulté est la distance physique qui nous sépare. Pas évident parfois de se retrouver tous ensemble pour répéter… Pour la création à proprement parler, en général Fred ou Phil propose des riffs et un semblant de structure et lorsque nous nous retrouvons (ou par Internet quand cela n’est pas possible), nous modifions ensemble les parties afin que le titre puisse prendre la direction que tout le monde accepte. Chaque membre a son mot à dire. Ca complique les choses car ça nous amène à parfois passer beaucoup de temps sur un seul titre mais tout le monde adhère au final. L’avantage d’avoir une brute comme Laye nous permet de ne pas se limiter dans le côté brutal ou technique de la batterie. C’est vraiment un plus qui nous fait pas mal avancer. On ne se pose plus de questions... (rires)

Même si je me doute que vous aimez tous le death et le grind, vos goûts sont sûrement plus variés que ça, les goûts des uns et des autres ont sûrement dû contribuer à enrichir la musique du groupe et apporter de nouvelles pistes ?
Oui, tout le monde aime le death et le grind, c’est évident. Effectivement, chacun a ensuite ses petites particularités musicales. Pour ma part, j’ecoute pas mal de thrash, heavy, hard à côté.. Pour les autres, on peut trouver aussi de l’indus… Il nous arrive parfois aussi d’écouter du Depeche Mode… mais je ne pense pas que cela influence réellement notre style. (sourire)

D'ailleurs si la puissance et la brutalité sont toujours bien présentes, j'ai aussi senti un certain côté malsain, très sombre dans certains riffs. Je ne sais pas si cela a été fait consciemment mais ça rajoute une bonne profondeur à vos morceaux.
Depuis les années 90, Putrid a toujours eu une certaine ambiance. Nous ne recherchons pas vraiment à travailler ce point, cela n’est pas fait consciemment. Après, nous travaillons à ce que l’ensemble des chants, le son des instruments aient une sonorité qui amène à représenter l’image du groupe. C’est une des raisons pour lesquelles nous insérons des guests (Hélène ou Arno sur "Sicknesses"….) qui accentuent ce phénomène.

On a aussi une sacrée surprise avec ce chant féminin qui débarque dans "Charnel House" qui là aussi donne un côté assez malsain au morceau, sur "Glorify Me" qui, pour le coup, devient totalement taré et encore plusieurs autres morceaux ("Viscera", "Pallor Mortis"). Du chant féminin dans du death / grind il fallait oser et vous ne devez pas être nombreux à l'avoir fait ! Napalm Death avait bien fait intervenir Anneke Van Giersbergen mais ça ne compte pas, elle parle plus qu'elle ne chante pour ce guest. D'ailleurs à qui doit-on ces parties de chant ?
Quelle référence… (sourire) Pour ce qui est du chant féminin, nous avons demandé à une amie (Hélène Le Deist) qui fait du conservatoire mais qui écoute du metal de venir essayer de poser sa voix sur certains titres. Nous voulions essayer mais sans savoir le résultat et sans connaître les possibilités qu’elle pouvait nous offrir. Nous avons passé une journée à tenter pas mal de choses et effectivement, nous avons trouvé le résultat plus qu’intéressant. C’était génial et on s’est vraiment fait plaisir…

Puisqu'on aborde le sujet invités, Stéphane Buriez apparaissait en guest à plusieurs reprises sur "Mature Necropsy", vous avez aussi invité du monde sur ce nouvel album ?
Quand Stef était venu enregistrer ses parties sur "Mature", nous avions à l’époque quelques maquettes de nouveaux titres que nous lui avons fait essayées. Nous avons gardé ses pistes et nous les avons réutilisées. Mais cela ne nous suffisait pas. Nous voulions inviter d’autres artistes dans le but d’apporter une plus-value artistique à nos morceaux. J’ai proposé à Arno de Black Bomb Ä,, il a accepté aussitôt car il aime le groupe et sommes amis depuis de longues années. Il a une voix très puissante et même si le style de son groupe n’a rien à voir avec Putrid, son timbre amène vraiment un plus. Nous avons aussi Marina Toussaint, une artiste peintre qui nous a aidé pour la réalisation du morceau "Autopsy", l’intro de l’album.

"Sicknesses Obsession" bénéficie d'un son bien puissant et bien gras, qui vous a concocté cette production aux petits oignons ?
Nous avons gardé le même schéma que pour "Mature", c’est Phil qui s’occupe des prises, du mix. On donne notre avis sur les directions à prendre, sur le choix des sonorités de batterie, de grattes, de basse… et quand tout le monde est ok, on envoie le tout à Fred Motte qui nous fait le master. Fred Motte a déjà bossé avec nous sur l’ensemble des sorties de Putrid, "Mature" et "Anatomy"…



Vous avez fait un clip pour "Let There Be Rot" bien sympa et bien réalisé, ça a dû être assez fun à tourner ! Du coup, vous avez envie de pousser le délire plus loin si les moyens vous sont offerts un jour ?
Oui, c’était vraiment cool de tourner ce clip. Cela s’est fait en deux parties, la première pour la partie scénario, échange avec Martin Genty (le réalisateur) pour qu’on soit en phase avec ce que l’on voulait obtenir puis une autre journée pour tourner la partie musicale. Maquillage, préparation, plans à préparer… des bons moments et quelques délires. Bon , le seul point noir, c’était l’hiver et ça caillait grave. (sourire) Une expérience vraiment enrichissante qui demande à être renouvelée. On aimerait bien en faire davantage, mais nous voulons que le résultat soit sérieux dans la démarche afin de coller à l’image du groupe. Ce demande donc un minimum d’investissement et nous attendons donc que les moyens soient disponibles…

Je suppose que vous voyez d'un bon œil le retour du vinyle puisque vous avez eu plusieurs splits sortis sur ce format dans les années 90, une pratique d'ailleurs très courante dans le grind. Voir ce nouvel album sortir lui aussi en vinyle doit faire plaisir ?
Ouais, c’est vraiment classe que ce support revienne un peu au devant de la scène. Le vinyle reste incontournable, notamment en ce qui concerne la pochette et le son particulier qu’il procure. Et ça, au moins, les plateformes numériques ne l’auront pas. (rires) Nous avons aussi la chance que le label soit aussi en phase avec nous. Nous avons pu sortir "Mature" en vinyle, et maintenant "Sicknesses Obsessions". C’est vrai que j’ai grandi avec ce support et bien que le CD ait aussi d’autres avantages (la compacité et la qualité audio…). J’ai quand même un faible pour les vinyles.

Avec cette saleté de virus je me doute bien que c'est le bordel pour les labels et les groupes, comment vous vivez ça ?
Alors là, c’est le bordel. Le pire moment pour nous. Il a fallu attendre pas mal d’années pour voir sortir un nouvel album et voilà que le pangolin fait des siennes… Nous avons dû repousser de quelques mois la sortie pour être sur que les usines de fabrication ne soient pas en retard de production et maintenant, nous n’avons plus la possibilité de le jouer sur scène pour le défendre. C’est rageant mais c’est le lot de tous les groupes. Je pense aussi à toutes ces petites salles et ces organisations qui souffrent de cette absence de live… C’est vraiment un moment difficile pour tous.

Merci d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions, je vous laisse le traditionnel mot de la fin.
Merci à French Metal pour cette interview. Je finirai par ces quelques mots concernant justement la scène. Si vous voulez continuer à écouter vos groupes, surtout faites en sorte de supporter votre scène locale, allez, dès que ce sera possible, à des concerts, faites vous plaisir entre amis et profitez de ces moments. Les orgas et les groupes auront vraiment besoin de votre soutien et la meilleur façon de les aider et de vous déplacer… En espérant vous voir dans les salles, protégez-vous et Stay Putrid !


Le site officiel : www.putrid-offal.com