Interview faite par Matthieu à Paris

Merci de prendre le temps de répondre à nos questions, je te laisse te présenter.
Nick Holmes (chant) : Je suis Nick Holmes, chanteur de PARADISE LOST. On vient de finir notre… quinzième album.

Comment décrirais-tu l’univers musical de Paradise Lost à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler du groupe ?
C’est très sombre, une musique vraiment austère. En fait, maintenant c’est très doom, c’est un peu comme un “film d’horreur musical”. On a l’air d’êtres invisibles et de vivre dans les ténèbres (rires). On n'est pas comme ça, on aime juste les choses sombres, donc c’est super lourd. C’est plutôt triste en fait.

A part le batteur, tous les membres de Paradise Lost sont présents depuis le début. Qu’est-ce que ça fait de jouer dans ce groupe depuis le tout début ? Comment vous choisissez les nouveaux membres ?
Quand on débute le cycle pour un nouvel album, ça nous prend trois ou quatre ans, ça passe super vite. Quand j’ai eu cinq ans, la vie s’est accélérée d’un coup. C’est vraiment effrayant de voir à quel point ça va vite. Donc ouais, je ne sais pas vraiment, on continue de le faire, on ne sait pas vraiment où on en est.

Le son de Paradise Lost a eu une sorte d’évolution progressive de 1992 à 2012, qu’est ce qui a motivé ce changement ?
Ca dépend de ce que tu veux dire. Chaque album a le son qu’on voulait qu’il ait à l’époque, et le changement a été un très grand plaisir pour nous. On a fait l’album "One Second" il y a vingt ans, c’était il n’y a pas si longtemps. Ce n’est pas comme si on avait eu cinq directions musicales différentes en cinq ans de carrière. On a été partout avec notre musique je pense. Mais on a commencé en tant que groupe de doom death, et je ne peux pas définir où on va aller maintenant (rires) ! Ca nous rappelle un peu comme quand on était comme des enfants. On a la même excitation à jouer le nouvel album. C’est comme une “crise de la quarantaine” (rires). C’est cool.

En 2014 tu as rejoint Bloodbath, avec uniquement du chant saturé. Est-ce que c’était un moyen de renouer avec les cris ?
On ne décide pas vraiment d’essayer du chant saturé sur le dernier album. Mais j’étais choqué, vraiment surpris qu’il me demandent. Parce que je n’étais pas certain de pouvoir le faire, donc j’ai tenté. Tu sais, c’est vraiment intense. Tu ne peux pas growler toute la journée sans arrêt, c’est impossible. Ouais, ça a aidé. Ca m’a pris un bon moment avant de décider de jouer avec eux. Et je m’entraîne en permanence pour avoir la voix dont j’ai besoin. Ca aide vraiment.

Est-ce que c’est facile de combiner les concerts avec les deux groupes comme tu vas le faire au Motocultor ? Les deux groupes y jouent.
Ouais, c’est sur deux jours différents, on va le faire au Damnation Festival à Leeds, on jouera le même jour. Je n’ai jamais fait ça avant et ce sera une journée difficile. Mais je n’aimerais pas faire PARADISE LOST après Bloodbath. Ce serait difficile à faire. Parce qu’après un concert de Bloodbath, je suis épuisé. Je suis fatigué. Si je fais Bloodbath après PARADISE LOST ça ira, mais jouer une heure dix aussi intensément… Pfff… Ce que je veux dire, c’est que si j’ai une nuit de sommeil ça ira. J’ai ma… technique, alors ouais, ça devrait aller.

"Medusa" est un gros mélange des premiers et des “nouveaux” morceaux de Paradise Lost, est-ce que tous les morceaux des albums étaient importants pour le nouveau ?
Je pense que quand on écrit des titres, on ne pense pas au passé. Tout le monde prend le passé comme point de référence. “Cet album, cet album, cet album…” on s’en fout ! Je veux dire, il y a eu l’âge d’or de "Gothic", et le point commun depuis "Gothic" c’est la super technique à la guitare. C’est un vrai style, unique et lourd que tu peux retrouver sur tous les albums. C’est le chemin commun d’un album à l’autre. Donc ce n’est pas comme si on se disait “plus comme cet album, moins comme celui là”, on ne pense pas comme ça. C’est simplement ce qu’on ressent sur le moment.

Votre label décrit "Medusa" comme “l’album le plus sombre que Paradise Lost ait jamais composé”, tu es d’accord ?
Ouais c’est évident. Je pense qu’ils sont tous plutôt sombres, mais je dirais vraiment que c’est le plus lourd. C’est juste lourd et ils disent qu’il y a un son lourd probablement.



Ca parle de quelque chose de personnel ?
Les paroles pour moi... j’écris toujours à propos de choses qui ne sont pas issues de mon expérience personnelle. J’écris à propos des choses qui se passent dans le monde, comment la religion manipule les gens, comment la religion détruit les gens, aussi à propos du côté sombre de l’argent. Tu sais, ce qui fait cette folle peur de la mort, la plus grosse chose dans l’univers pour l’humanité est cette peur de la mort qui régit tout.

Comme sur "Tragic Idol" ou "Faith Divides Us, Death Unites Us" ?
Ouais, les choses n’ont jamais vraiment changé. J’écris juste d’une autre perspective. Je n’ai pas de peur irrationnelle de la mort ou autre. En grandissant, j’ai appris à penser. La part sombre de l’esprit humain, qui est aussi ce qui leur fait faire des choses ridicules, est absolument fascinante.

"Medusa" est un monstre grec qui change en pierre chaque mortel qui la regarde dans les yeux. Tu ressens une attirance pour ce mythe ?
Le titre est à prendre d’un point de vue nihiliste. D’un côté, la regarder dans les yeux c’est ne pas accepter l’horreur du monde. Ce n’est pas dénué de sens, mais aussi nihiliste. Je ne suis pas nihiliste mais j’aime juste le sens et la manière dont ils pensent. Mais je vais arrêter, je me suis assez justifié. Pardon de l’avoir utilisé comme titre, même si c’est un peu simple. Ce n’est pas la “vraie Méduse”.

Dans "No Passages For The Dead", tu utilises un chant clair et saturé en même temps. Personnellement j’adore, mais pourquoi ?
Le cri aigu et le grave ? C’est une sorte d’astuce utilisée dans le grindcore. En fait, j’étais juste en studio en train de l’essayer. J’ai fait trop de screams profonds sur cet album. Les temps changent, je ne veux pas faire la même chose sur chaque titre. C’est pourquoi j’ai utilisé ce cri combiné. Je sais que Napalm Death l’utilise, et Carcass aussi. C’est un peu old school, on a simplement essayé et ça sonnait bien alors…

L’an dernier il y a eu une tournée pour les 25 ans de "Gothic", tu avais la sensation de créer quelque chose d’énorme pour Paradise Lost et la scène metal en général ?
Non, je ne pense pas que quiconque le pense, tu peux faire tout le temps de la musique avec un instrument dans les mains mais les gens… Ca s’évanouit. Ce que je veux dire, c’est que c’est fantastique et je sais que PARADISE LOST a une grande influence. Comme Dani Filth de Cradle Of Filth, et il est très humble avec les gens qui adorent. Quand on l’a enregistré, c’était vraiment unique et on a créé le son gothique. Un mix de death metal, personne n’avait fait ça avant. On se sent assez humbles, mais en même temps on était juste au bon endroit au bon moment.

Tu pensais que vous fêteriez cet évènement sur scène un jour ?
Non, je veux dire, on est arrivés au processus d’anniversaire depuis l’an dernier parce qu’il y en a eu des gros. Les vingt ans de "One Second" maintenant. Mais aussi "Icon", "Symbol Of Life", "In Requiem"… Je n’arrête pas de penser qu’un jour on a eu notre dixième anniversaire, ce qui signifie une décennie. On l’a fêté, et après ça on s’est dit “Ok, c’est juste quelque chose qui te fait te souvenir à quel point tu es vieux”. Ca me rappelle ça. Quand quelqu’un a suggéré qu’on pourrait faire ça pour "Gothic", on s’est dit “Hmm…”, et c’était vraiment bien, ça nous a rappelé quand on était encore des gamins. C’était plutôt cool.

Comment tu te sens quand tu entends “Paradise Lost est ma plus grande source d’inspiration” ?
C’est cool mais comme je l’ai dit plus tôt, je me sens humble d’entendre ça. Ce que je veux dire c’est que si tu crées un groupe et que tu peux dire que quelqu’un t’inspire… On peut dire qu’on a été influencés par des groupes comme Candlemass et Trouble… Eric Wagner de Trouble est juste waow… On aime vraiment Trouble, c’est notre génération, de ça à la suivante… C’est juste super à entendre.

Quelle est ton meilleur souvenir de tournée ?
Le meilleur souvenir… Mon meilleur souvenir c’est… Je pense probablement en 1995, lors du dernier Monsters Of Rock Festival en Angleterre, parce que c’est devenu le Download après ça. Le Monsters Of Rock Festival était vraiment incontournable pour nous, parce qu’en tant qu’enfants ou ados, il n’y avait qu’un festival ou aller, le Monsters Of Rock !

C’était aussi le meilleur ?
Oui, il y avait Ozzy Osbourne, Megadeth, Van Halen… On a joué ici. Ca bougeait pas mal, parce que c’était pour pas mal d’enfants leur premier concert et ils faisaient “Oh waow !”. C’était un super endroit où jouer.

Et le pire moment ?
J’avais probablement été empoisonné par la nourriture, c’était en Amérique du Sud pendant la tournée avec Ozzy Osbourne. Je vomissais tout le temps. Ozzy Osbourne avait un tapis, son préféré. J’ai vomi sur son tapis, alors ils m’ont donné un seau et m’ont dis d’aller à la laverie pour le tapis, parce que tu ne peux pas vomir sur le tapis d’Ozzy (rires) ! Sur scène des fois j’arrêtais simplement de chanter et je vomissais dans le seau. Quand j’y repense maintenant, c’est plutôt drôle ! Sur le moment c’était horrible, j’étais crevé à cause de ça. Je voulais juste mourir. Je ne me suis jamais senti aussi malade de toute ma vie. En fait, avant d’aller sur scène, un médecin m’a donné une injection et c’était comme un antidote ! Comme dans Resident Evil, tu es proche de la mort et la seconde après tu es revenu à la vie (rires) ! Comme un jeu vidéo !



Quel est le plus important pour toi, un riff atmosphérique épique ou une rythmique très lourde ?
L’atmosphérique je crois. Ouais, vraiment.

D’où te vient l’inspiration ? Pour les paroles autant que la musique.
C’est un mélange de tout. Chaque petite chose, je peux être… en train de regarder un comportement humain, et pas forcément un mauvais. Quelque chose peut bouger dans ma tête, de petites choses. Tu n’as pas besoin de rares idées fausses, il y en a qui pensent que les paroles sont à propos de choses énormes, mais la plupart du temps de n’est rien. Je peux parler de tout, même si certaines paroles sont vraiment sérieuses. Elles peuvent provenir de tout. .

Les gens peuvent comprendre certains titres comme ils le veulent.
Ouais, comme dans les vieux "Draconian Times", la plupart des gens se demandaient “Hey, mais qu’est ce que ça veut dire ?”.

Pourquoi as tu choisi de jouer du metal en tant que professionnel ?
On l’a fait parce qu’on aime simplement le metal. Quand tu aimes quelque chose, tu le fais. Ca ne veut pas forcément dire que tu es bon dans ce que tu fais. On a décidé d’essayer de faire du metal, et ça nous importait. On était pas intéressés par les filles, c’était juste metal, metal et metal. Donc c’était naturel de faire un groupe, et maintenant on en est là ! C’était… On y pensait même pas, on s’est juste dit qu’on allait essayer. C’était totalement naturel. Pour moi bien sûr. Quand j’ai emprunté "Ace Of Spades", l’album de Motörhead, c’était en 1981, j’avais… 11 ou 12 ans ? C’était mon premier album. Et c’était comme… un aller sans retour. Ouais, 11 ans… Il n’y avait rien d’autre. Il y a bien sûr différents chemins quand tu es dans le metal donc…

Donc ton premier album de metal, c’était "Ace Of Spades" de Motörhead ?
Ouais, "Ace Of Spades". Et "For Those About To Rock" d’AC/DC et… Je pense "The Number Of The Beast", ou quelque chose d’Iron Maiden. C’est probablement toujours mon top 3. "Ace Of Spades", c’était vraiment lourd ! Et ça sonne toujours super lourd !

Quelle est la plus grande preuve de dévotion qu’un fan ait eu envers toi ?
Quand les gens se font tatouer. Un mec en Australie, il est venu nous voir en backstage, il devait être… 14h30, il nous a demandé “Vous pouvez le signer la tête ? Je vais chez le tatoueur !”. On s’est dit “Hmm… Non…” mais on l’a tous fait. Et Steve n’a pas signé avec son vrai nom. On déconnait à ce propos, on ne le croyait pas, on était certains qu’il ne le ferait pas. Et le mec est revenu après, avec toutes nos signatures tatouées (rires) ! On s’est dit “Oh merde !” (rires).

C’est aussi une histoire drôle.
Au moins il peut faire repousser ses cheveux pour le recouvrir (rires) ! Sauf s’il est chauve ! Quand il est revenu, on s’est dit “Oh, il l’a vraiment fait…”. On ne savait pas du tout, c’était un peu bizarre… Des trucs étranges comme ça, des fois les gens nous font des cadeaux étranges…

Imagine que tu deviens directeur de tournée, tout en étant musicien, tu peux choisir 3 groupes avec lesquels tourner, qui choisis-tu ?
Je ne peux pas répondre à cette question, parce qu’il y a des morts dans tous mes groupes ! Comme Cream

Tu peux choisir des morts aussi !
Avec un budget illimité… Je pense à Celtic Frost, avec le line-up original. Metallica pour faire venir les gens (rires). Et… Dead Can Dance ? Une affiche étrange, mais pourquoi pas ! Metallica va remplir l’endroit alors ils sont en tête d’affiche.

Je te laisse conclure, merci encore pour ton temps !
Merci, j’espère que vous aimerez l’album ! On se voit en tournée, Paris est à la fin de la tournée à la fin de l’année je crois. J’aime jouer à Paris pour la dernière date, parce qu’après ça je peux rentrer à la maison en à peine une heure et demie, alors je me suis dit “Ouais !” (rires). On fait toujours un bon concert à Paris, et le public est toujours cool.


Le site officiel : www.paradiselost.co.uk