Interview faite par Matthieu à Paris.
Salut et merci de prendre du temps pour nous répondre. Il n’y a plus que quelques
personnes sur Terre qui ne connaissent pas le légendaire groupe Oomph!, mais comment
vous décrirais-tu aux personnes qui voudraient découvrir ?
Dero (chant / percussions) : Nous sommes comme une boîte de chocolats, tu ne sais jamais sur quoi tu vas
tomber (rires) ! On est un peu comme un caméléon musical, on aime explorer de nouvelles
dimensions d’un album à l’autre, tout comme on essaye de se développer humainement et
ça reflète notre personnalité, ça définit notre musique. Nous n’hésitons pas à… faire se
refléter notre état émotionnel au moment où on crée la musique. Si on groupe essaye de
prétendre qu’ils sont quelque chose, en réalité ce sont des menteurs. C’est comme ça qu’on
fait, on essaye d’être aussi authentiques que possible, et si les gens n’aiment pas ça…
“C’est la vie !”
Vous avez fondé le groupe il y a trente ans, vous aviez imaginé que vous iriez aussi loin
ensemble ?
Flux (guitare / chant) : Quand tu montes un groupe, tu ne penses pas aussi loin… Tu ne penses pas vraiment
au futur. Tu es juste heureux d’avoir trouvé des gens avec le même mode de pensée, la
même approche de la musique pour… peut-être en vivre. Tu es heureux qu’ils aiment le
même style de musique que toi. Tu penses juste à la chance que tu as de former un groupe
avec ces gens-là. Alors oui évidemment on a fait notre premier album rapidement. Et on a
juste… tourné en permanence, on a été poussés par le succès, donc ça a l’air d’avoir été
une voie facile pour nous. Mais on ne pensait pas que ça pourrait durer dix ans, vingt ans…
Donc tu penses juste d’un album au prochain, d’une tournée à la prochaine, mais pas
vraiment plus.
Dero : Je ne sais pas si tu connais cette expression. “Si tu veux faire rire Dieu, parle-lui de
tes projets”. (rires)
Vous avez toujours travaillé en tant que trio depuis le début, est-ce que vous avez une
recette secrète pour être aussi créatifs ?
Dero : Non. Je ne sais pas, on essaye tout simplement… de garder autant d’énergie et
d’émotion que possible. La dernière fois, on est tout simplement allé en studio après une
tournée très fructueuse en Russie. Et c’est pourquoi cet album est beaucoup plus orienté riff,
ou orienté scène. Et bien sûr, tous les changements politiques qui sont arrivés à travers le
monde nous ont beaucoup inspirés pour les nouvelles paroles. Je notais en permanence
des idées, même maintenant. Du coup j’ai tout regroupé, et j’ai séparé ce qui était bon de ce
qui ne l’était pas.
Au début le style du groupe était vraiment novateur et a même créé un nouveau style,
la… Neue Deutsche Härte.
Flux : Tu y étais presque niveau prononciation !
Merci ! Quelle était votre source d’inspiration à l’origine ?
Dero : On a grandi avec des groupes comme Ramm… (rires) Non, pas Rammstein, je veux
dire Kraftwerk (rires) ! Deutsche Amerikanische Freundschaft, ou même des groupes
comme Liaisons Dangereuses, un groupe français, ou Fat Gadget, Depeche Mode,
Sisters Of Mercy… Et d’un autre côté, on avait des groupes comme AC/DC, Iron Maiden,
Mötörhead… Ils ont aussi eu un énorme impact sur notre musique. Mais avant, les deux
genres étaient séparés, alors on s’est dit… “Hey, pourquoi on réunirait pas les deux ?” et
c’est la raison principale pour laquelle on a fondé OOMPH! donc c’était le début d’un genre
nouveau (rires) !
Vous avez remarqué des changements quand vous avez composé le dernier album, "Ritual" ?
Dero : En nous tu veux dire ?
En vous, dans l’approche musicale…
Dero : Bien sûr que oui. Tu ne refais plus les mêmes erreurs (rires) ! On a fait pas mal
d’expérimentations, concernant le mixage, la production, la composition, l’écriture des
paroles… donc ouais, c’est quelque chose de vraiment cool à voir ! Ce serait triste de dire
que nous sommes toujours les mêmes personnes qu’auparavant. Vois ça un peu comme
des chiots : ils sont plein d’énergie et super enthousiastes, mais en grandissant ils
deviennent plus… sages. (rires)
"Ritual" était plutôt sombre, pensez-vous que vous pouvez l’être encore plus ?
Dero : Bien sûr, je pense qu’on peut y arriver, il ne faut jamais dire jamais.
Flux : On a pas de plan parfait en tête lorsqu’on commence à écrire. Ça arrive comme une
sorte de réflexion sur ce qui se passe autour de nous, dans le monde… à propos de notre
humeur aussi. Il a été écrit sur une longue période, donc il y a eu des hauts et des bas dans
l’album. Cette fois, la plupart des titres ont été écrit en un mois et demi entre deux tournées
qu’on avait de prévues. L’idée générale était d’écrire en une session, directement dans notre
studio. D’habitude, on préfère écrire tout ce qui touche à nos titres chez nous, mais cette fois
l’idée générale était "On va en studio, on prend un instrument, on commence à jouer et on
voit ce qui se passe !". On a été très créatifs sur ce mois et demi, presque tous les titres ont
été écrits sur cette période, pas tous les riffs ou toutes les paroles, mais la structure des
chansons par exemple. Tout a été écrit pendant cette période.
Est-ce que vous avez un morceau préféré dans cet album ?
Dero : Ca dépend de notre humeur. Ce que je veux dire, ce que ce n’est pas seulement un
single. Ce sont tous nos enfants, ce serait injuste d’en aimer un plus que les autres.
Quelle est l’histoire de "Ritual" ? Est-ce qu’il y a un concept général qui relie les titres entre
eux ?
Dero : Il n’y a pas vraiment de ligne directrice, peut-être… la plupart de nos morceaux
parlent d’abus de pouvoir, que ce soit lié à la politique, la religion ou la sexualité… Peut-être
que c’est un peu la chose principale à laquelle on pourrait réduire l’album. Tous les spectres
de comportements abusifs. Mais je pense cependant qu’il y a un énormément de sujets
différents dans l’album. Comme je l’ai dit, c’est très drôle de se dire que notre monde peut
être réduit à ce qui se dit sur Internet : trois sujets principaux semblent intéresser
principalement les gens, qui sont le terrorisme ou les attaques terroristes, le porno ou la
pornographie et sexualité, et… des trucs en Allemagne.
C’est Internet, on ne peut pas contrôler ce qui se dit dessus.
Dero : Non, ce que je veux dire c’est que je voudrais que ça se reflète comme c’est dit, et
c’est dit de manière sarcastique. On ne doit pas jouer la police ou être de guerriers des
médias sociaux. On essaye juste de refléter le monde comme on le voit. Si on est capable
de débuter des débats ou faire réfléchir les gens par eux-mêmes… on a atteint le haut du
panier. C’est ce qu’on préfère faire : poser des questions au lieu de délivrer des réponses
simples à des problèmes normaux. C’est ce que font la plupart des politiciens.
Les gens font souvent à tort référence au terme "gothique" pour parler de "ce qui
touche au metal", mais quelle est votre conception de "gothique" ?
Dero : Eh bien je dirais une sorte d’affinité avec la mort.
Flux : De la mélancolie.
Dero : Ouais, de la mélancolie aussi, c’est comme… en Allemagne, on a ce romantisme,
ces paroliers qui sont reliés la nature, qui acceptent simplement le déclin. Mais sans le
condamner, ils l’étreignent simplement comme… le signe qui prouve combien la vie est
importante. C’est ce que "gothique" représente à mes yeux. Parce que tout est lié à
l’amusement, à se prendre la tête ou d’autres trucs… mais je pense qu’il est important de
prendre conscience que l’on est mortels, et plus on en tient compte, plus on peut apprécier
notre vie.
La mort comme faisant partie de la vie, après tout ?
Dero : C’est ça. Mais les gens essayent toujours de le nier.
Mais ils ne peuvent qu’essayer, ils ne peuvent l’effacer.
Dero : Ouais, après tout on va tous finir par mourir !
Tu penses qu’il y a une réelle connexion entre le gothisme et le monde du metal ?
Dero : Il y a une connexion tout à fait naturelle, et tu peux voir que ça colle parfaitement bien
ensemble. Mais ce n’est pas seulement propre au metal, ça peut être du rock gothique, de
l’electro ou de la musique gothique. Donc c’est très versatile d’une certaine façon, et tu
peux utiliser cette mélancolie d’une manière très différente pour avoir des choses à voir. Il y
a tellement de super groupes gothiques, come Type O Negative par exemple. Ou Sisters
Of Mercy … même The Cure ont intégré des éléments gothiques, j’adore ça. Je ne pense pas
que ce soit nécessaire de prendre une boîte et de mettre une étiquette dessus, comme "c’est gothique", c’est uniquement ce que les gens ont tendance à faire, mais je ne pense
pas que ce soit nécessaire. Je pense que tu peux utiliser cette "mélancolie positive", pour
l’appeler ainsi, et cette affinité avec la mort d’une bonne façon.
Aujourd’hui vous êtes à Paris, vous êtes contents d’être de retour en France ?
Dero : Bien sûr !"
Flux : On adore la France à chaque fois. Les fans sont super enthousiastes, ils nous
soutiennent depuis très longtemps, et je pense que la France a été un des premiers pays
dans lequel on a été distribués en dehors de l’Allemagne, mais aussi le premier pays dans
lequel un label s’est intéressé à nous pour nous soutenir, c’était en… je pense que c’était en
1997 ou 1998, et depuis on joue à Paris. Et chaque ville dans laquelle on peut s’arrêter
pendant une tournée. C’est un peu comme une seconde maison, comme jouer en
Allemagne.
Dero : Il y a vingt ans, on a joué notre tout premier concert en France, à La Locomotive.
C’est la même salle que ce soir, mais le nom a changé il y a quelques années. Quel est le plus important pour vous : un beat electro très groovy ou de grosses guitares
?
Dero : Les deux. (rires) Je ne peux pas choisir !
Flux : Ouais, on essaye de de les combiner à chaque fois, donc c’est impossible pour nous
de choisir entre les deux.
Imaginez maintenant que vous êtes tour manager et…
(Le tour manager se retourne, pointé du doigt par Dero)
Ils vont juste prendre votre boulot pour une petite question, ne vous en faites pas !
Flux : Ouais, n’écoute pas ! (rires)
Donc vous devez jouer, et choisir trois groupes avec lesquels tourner, qui choisiriez-vous ?
Dero : Trois autres groupes pour ouvrir pour nous ? Waw…
Flux : Les Beatles ! (rires)
Dero : Type O Negative et Depeche Mode (rires)
Ce serait…
Flux : Ouais, la Tournée de la mort ! (rires)
Dero : Il y en a qui ne seraient pas vraiment heureux de nous voir en tête d’affiche !
Quel est votre dernier coup de coeur musical ?
Dero : Gojira, un excellent groupe français !
Flux : Je me suis mis très tardivement à Bring Me The Horizon… Je pensais qu’ils étaient
tous idiots, mais je dois admettre que j’aime bien la plupart de leurs titres.
Dero : Oh, et Greta Van Fleet !
Je vous laisse le mot de la fin !
Dero : Ah, les fameux "derniers mots" ! (rires) "Danke heißt Merci" (Danke signifie
merci) ! C’est une pub en Allemagne, pour des chocolats ! (rires)
Le site officiel :
www.oomph.de
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