Interview faite par mail par Phenix

Salut les No Return. Voici votre seconde interview chez French Metal. Tout d’abord pouvez-vous nous présenter votre tout nouvel album "Inner Madness" ?
L. Chuck D. (chant) : "Inner Madness" est le huitième album studio de NO RETURN, c'est une œuvre de thrash mélodique dans la continuité de son prédécesseur. Ce dernier a été enregistré au Studio Ste Marthe sous la houlette de Francis Caste qui nous avait déjà convaincus par la qualité de sa performance sur "Manipulated Mind". Il se compose de neuf pistes dont une instrumentale placée au centre de ces dernières. L'opus marque comme principal changement mon arrivée au sein du combo pour tenir le micro, mais il garde dans son ADN la marque de fabrique typique de ce qu'a toujours été NO RETURN.

Le design de l’album a été créé par LC Graphiste. Pouvez-vous nous expliquer ce choix et nous parler également du visuel apporté à "Inner Madness" ?
L. Chuck D. : Il s'agit simplement de l'histoire d'une rencontre entre LC Graphiste et les cinq membres de NO RETURN. Nous avons étudié plusieurs pistes avant de jeter notre dévolu sur ce personnage mystérieux. Il nous a convaincu pour deux raisons principales. Dans un premier temps il est le seul à s'être déplacé au sein du local de répétition pour s'imprégner de l'ambiance de nos nouveaux titres. Ensuite il a immédiatement compris la thématique principale et l'imagerie qui pouvait en découler. N'est-il pas une folie de vouloir représenter le temps, qui par essence est infini, par des outils de mesure à la durée de vie limitée ? Tels les rouages d'une comtoise notre pochette représente ce paradoxe intemporel.

Après être passé par Metal Blade Records, Nuclear Blast et Season Of Mist, vous voici aujourd’hui chez Great Dane Records, pouvez-vous nous parler un peu de ces changements de maisons de disques au fil des années? Comment se sont présentées ces opportunités pour vous, notamment pour Great Dane Records ?
L. Chuck D. : Je ne me souviens pas que nous soyons passé un jour chez Metal Blade et bien souvent il y a confusion entre les labels qui ont partagé la destinée de NO RETURN et les organismes de distribution qui nous ont accompagnés. En effet, tout le monde semble avoir oublié que notre label fut Kodiak à une certaine période et que ce dernier fut en partenariat avec des distributeurs de renommée internationale. Le dernier changement nous a été imposé, et pour cause Dockyard1 n'existant plus il a bien fallu trouver une solution pour les prochains enregistrements de notre formation. Encore une fois la signature avec Great Dane Records est un choix complètement assumé. Une équipe resserrée autour d'un seul et même objectif sans promesse de lendemain improbable, sans mensonge mais avec une sincérité qui nous a immédiatement convaincus de se trouver au bon endroit au bon moment. Raph et Geoff sont, au même titre que nous, des passionnés et de ce fait nous parlons le même langage. De plus la qualité de leurs signatures ainsi que celle de leur travail ne pourront que les amener vers des sphères plus élevées, nous verrons dans quelques mois si on nous parle toujours de "petit" label. Nous sommes certains d'avoir fait le bon choix.

Cela se passe-t-il bien d’ailleurs avec Great Dane Records ?
L. Chuck D. : Il me semble que nous pouvons parler désormais d'une amitié certaine qui lie aujourd’hui NO RETURN et Great Dane Records. Plus de bataille pour obtenir les engagements pris, plus de faux semblants mais le regard porté vers un seul et même objectif commun : NO RETURN !

Quatre années se sont écoulées depuis "Manipulated Mind", quatre années d’intense composition pour nous offrir aujourd’hui "Inner Madness", ou avez vous pris le temps de marquer une "pause" tout de même entre deux ?
L. Chuck D. : On ne peut parler de pause dans la carrière du groupe, mais bien d'une avancée constante. Il faut prendre en considération les divers évènements qui ont traversé la vie du combo pour comprendre les quatre années qui séparent nos deux productions. La disparition de notre label plus le changement de chanteur qui entraînent forcément ses longueurs. Il semble que désormais cette période soit derrière nous et que nous retrouvions un rythme de croisière bien plus régulier.

Pouvez-vous nous parler du processus de composition d’"Inner Madness", Alain tu écris toutes les musiques, ma question : n’as tu pas "peur" de te perdre dans ce qui pourrait sembler être du déjà vu à force de fournir une telle somme de travail à la composition ?
L. Chuck D. : Il est vrai qu'Al1 est l'unique compositeur de NO RETURN, pour autant il n'en est pas non plus son inquisiteur. Il arrive en studio avec des morceaux plus ou moins avancés et nous effectuons les arrangements ensemble. Cette technique de travail permet à tout à chacun de s'exprimer librement et d'apporter sa pierre à l'édifice. Il en est de même pour le chant, toutes les tonalités, les couleurs et les ambiances vocales sont décidées de manière collégiale. De plus il serait tout de même stupide de notre part de ne pas profiter du talent indéniable d'Al1. Il représente la stabilité, la genèse et l'homogénéité stylistique du groupe. Maintenant il me semble mieux placé que moi pour répondre à la deuxième partie de ta question.
Alain (guitare) : Je me suis occupé de l’écriture musicale de cet album de telle sorte qu’il s’inscrive dans la continuité du précédent, en proposant à différents niveaux une évolution dans la puissance et la mélodie du thrash de NO RETURN. L’idée fondamentale est de proposer les titres les plus efficaces possibles, ce qui implique selon moi un équilibre entre brutalité et mélodie de façon à donner davantage de nuances et d’ampleur à notre musique. Etant plutôt perfectionniste, ce travail d’écriture représente effectivement beaucoup d’investissement mais l’aspect créatif me passionnant toujours autant je ne me fixe aucune limite à partir du moment où j’estime que le titre est solide et garant du style de NO RETURN. La peur du déjà vu ne m’effleure donc pas l’esprit, mais il faut garder tout de même la "patte" stylistique du groupe de manière à ne pas partir dans toutes les directions.



L’album venant à peine de sortir, quels retours avez-vous eu dans un premier temps de la part de la presse, webzines etc ?
L. Chuck D. : Pour le moment les retours vont au delà de nos espérances. Le groupe semble être replacé à sa véritable place et même certains de nos détracteurs trouvent à cet opus des qualités indiscutables.

De la première note enregistrée au mastering final, combien de temps a pris l’enregistrement d’"Inner Madness" ?
L. Chuck D. : Nous avons passé 5 semaines au Studio Ste Marthe, mais au delà du temps dévolue à cet enregistrement le plus important pour nous était le résultat. Nous n'avons donc pas compté nos heures ni notre investissement pour accoucher de cette œuvre pour laquelle tu nous interroges aujourd’hui.

Les paroles : comment vous sont venus les différents thèmes abordés, pouvez-vous parler de ces thèmes d’ailleurs à nos lecteurs, vos inspirations etc ?
L. Chuck D. : Je suis à l'origine de tous les textes présents sur l'album, ce qui ne veut pas dire encore une fois que les thématiques n'ont pas été partagées par l'ensemble des musiciens. Le jour de mon intronisation j'ai perdu un ami cher assassiné sur le bord d'un trottoir pour avoir refusé de prendre en stop 5 jeunes. Les deux principaux meurtriers ont très vite été interpellés mais étant donné qu'ils étaient mineurs au moment des faits ils ne risquent qu'une peine de huit années d'emprisonnement. Mais quelle est cette pseudo justice qui trouve des circonstances atténuantes à des criminels sans tenir compte des vies brisées. Comment expliquer aux trois enfants de Lionel que leur père les a quittés pour rien et que la punition ne sera pas à la hauteur du crime. Cet événement plus la perte de trop d'êtres chers sur une période très courte m'ont amené à tenter une thérapie par l'expression textuel. J'hurle donc ma haine et ma frustration sur cet opus. Mais nous n'avons pas travaillé de manière unidirectionnel, j'en veux pour preuve "Inquisitive Hegemony ($€v€n)" dont le thème principal a été apporté par Al1. Encore une fois rien n'est figé dans notre mode de fonctionnement et chacun est libre de critiquer, de proposer ou de refuser quelque chose. Cette méthodologie ouverte est salvatrice et permet à chacun de se sentir investi.

Alain, tu n’avais plus de contact avec les anciens membres à part Jiu que tu voyais de temps en temps, cela a-t-il changé depuis ? Et si non, est-ce par choix ?
Alain : Il est vrai que j’ai recroisé Jiu sur quelques concerts mais à part lui je n’ai pas de contact avec les anciens membres de NO RETURN. Ce n’est pas forcément mon choix, mais je pense que la nature humaine est très complexe et que si certaines personnes ne me recontactent pas c’est qu’elles ont peut être quelque chose à se reprocher concernant leur implication et leur sincérité envers le groupe.

Pouvez vous nous parler de "Morgane’s Song" ? Un morceau terrible, entièrement instrumental, qu’est ce qui vous a menés à ce choix de ne pas apposer de chant ?
L. Chuck D. : Tu n'es pas le premier à nous demander pourquoi nous n'avons pas apposé de chant sur ce morceau. En fait cette pièce musicale n'a jamais été écrite pour avoir du chant dessus, c'est aussi simple que cela. Dès le départ nous avions décidé de mettre sur l'album un titre instrumental. A mon sens il était d'ailleurs temps qu'Al1 passe le pas de la porte, il est un guitariste extraordinaire et comme tu le fais si bien remarquer sa composition est terrible. Il aurait été ridicule que l'on tente de transformer cet hymne à la guitare en morceau chanté, cela n'aurait eu aucune cohérence.
Alain : J’avais depuis longtemps envie de faire un instrumental reflétant mon univers musical qui va du rock au death metal. J’en ai donc profité pour écrire ce morceau pour ma fille ce qui m’a permis de retranscrire plein d’émotions puisqu’il lui est complètement dédié. Ce titre est de par ce fait très important pour moi et je voulais qu’il soit le plus réussi possible.

En live, avez-vous des setlists toutes faites, dites "classiques", ou avez vous des setlists évolutives en fonction des concerts ?
L. Chuck D. : Il faut savoir que NO RETURN ne renie en aucun cas son passé, mais dans le même temps nous regardons devant nous. Nous sommes conscients que nous devons promouvoir notre dernier né ce qui fait que les set lists proposées sont majoritairement composées de titre d'"Inner Madness". Ensuite nous venons apporter les incontournables, mais Al1 a composé tellement de monstres sacrés qu'il nous est extrêmement difficile de contenter tout le monde. Alors nous varions les plaisirs en changeant de manière épisodique et évolutive l'ordre et les titres proposés.

Y a-t-il un morceau d’"Inner Madness" que vous ne pensez pas jouer en live ?
L. Chuck D. : Je suis désolé mais je me vois dans l'obligation de te donner une réponse des plus courtes qu'il soit : Non !

En parlant de live, avez-vous en quelque sorte un petit rituel avant de monter sur scène, ou des appréhensions peut-être, ou alors c’est à la mode cool, on débarque et on fout le bordel ?
L. Chuck D. : L'époque punkisante est belle et bien terminée. C'est le professionnalisme qui prend aujourd’hui le dessus avant notre montée sur scène. En premier lieu par respect pour notre public mais aussi par respect pour notre musique. NO RETURN ce n'est pas simplement 5 musiciens sur scène qui se déboîtent la nuque pour leur plaisir narcissique, c'est aussi Peetos aux lights, Jipouille au son et Mad Trash à la technique sans oublier l'apport d'autres personnes présentes à nos côtés. C'est un véritable show que nous proposons désormais et l'âge avançant il nous est impossible de ne pas nous préparer physiquement avant chaque prestation. Mais tu nous en reparleras au prochain concert où nous nous croiserons.



Vous bookez vous-mêmes vos dates ?
L. Chuck D. : Là encore il n'y a pas de réponse type. Nous travaillons avec K-Productions pour certains évènements, mais nous avons également d'autres partenariats ce qui devrait nous permettre d'être beaucoup plus présents cette fois-ci que pour l'album précédent.

Un souvenir particulièrement agréable ou non d’un live ou d’un moment dans votre carrière ?
L. Chuck D. : Mon meilleur souvenir reste à construire puisque chaque moment passé au sein de NO RETURN est à lui seul un instant extraordinaire.
Alain : La tournée avec Coroner ainsi que le Brutal Tour restent pour moi incontournables.

Depuis 1989, comment jugez-vous la tournure que prend la musique metal au fil des années, que ce soit dans les genres qui évoluent sans cesse ou l’image apportée par la musique metal en elle-même ?
L. Chuck D. : Le metal souffre aujourd’hui des mêmes maux que le reste du monde artistique. En effet le téléchargement illégal a des effets plus que pervers avec la disparition de trop de formations. Il est temps qu'un gouvernement quel qu'il soit prenne ce problème en considération et interdise de manière pérenne ce type de vol. Nous possédons les moyens techniques de le faire, reste qu'il faut une volonté salvatrice. Maintenant il est tout de même grand temps qu'une partie non négligeable du public metal prenne conscience du mal qu'il est en train de faire au style de musique qu'il prétend soutenir. Si le désir de chacun est de terminer avec sur les ondes de la soupe préformatée en format MP3 qu'ils se rassurent nous sommes sur la bonne voie !

Y a-t-il un lieu particulier ou une scène que vous rêveriez de faire ?
L. Chuck D. : Allez, je me lance ! Oui j'ai un rêve qui m'est très personnel. Le Brutal Tour fut probablement le plus grand moment du metal extrême Français et je fantasme sur une deuxième édition. Bien entendu Massacra ne pourrait plus faire partie de l'aventure et à mon grand regret (une énorme pensée pour toi Fred, nous ne t'avons pas oublié) mais Loudblast est toujours là. Mercyless vient juste de reprendre du service, Agressor investit de nouveau les planches, Supuration a de nouveau de l’actualité et pourquoi pas Destinity qui a repris à son compte une grande partie du flambeau. Seul l'avenir et certains organisateurs pourront me permettre de réaliser ce fantasme.

Les années passent et défilent, êtes -vous nostalgiques d’une certaine époque de No Return ?
Alain : On ne peut être nostalgique, à mon sens, car dans la musique il y a toujours des hauts et des bas. Une fois ce paramètre pris en compte, il faut avancer en prenant un maximum de plaisir à l’instant présent et laisser uniquement ta passion te guider au fil des ans. J’estime que le côté financier et commercial ont pris le dessus sur le côté musical et je trouve cela plutôt écœurant. Il y a malheureusement à l’heure actuelle une flopée de groupes insipides qui n’ont aucun talent et qui sont mis en avant de par leur look ou leur musique formatés et un business incroyable. A côté il y a des groupes talentueux qui galèrent et qui ne seront jamais connus car ils ne rentrent pas dans ce moule merdique du business. Où est la dimension artistique dans tout cela ?

Un dernier mot pour nos lecteurs ?
L. Chuck D. : Nous vous donnons rendez-vous en 2012 et 2013 sur les routes.
Alain : Merci à toi pour cette interview et à tous ceux qui soutiennent NO RETURN. Bonne écoute du nouvel album et à bientôt sur scène !

Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé pour cette interview.


Le site officiel : www.myspace.com/noreturnthrash