Interview faite par Matthieu à Paris.
C’est à Matt’s Guitar Shop, un endroit uniquement connu par les initiés, que je retrouve Nita
Strauss, guitariste (entre autres) d’Alice Cooper, pour quelques minutes d’échange à
propos de son projet solo.
Bonjour et merci Nita de m’accorder un peu de ton temps, comment se passe la tournée ?
Nita Strauss : C’est vraiment génial. Le simple fait de tourner ici est unique à travers le
monde. Ca fait deux ans qu’on tourne intensément, donc c’est cool de revenir ici.
Vous avez joué à Bordeaux plus tôt ce mois-ci, comment c’était ?
C’était génial. Bordeaux est l’un de nos premiers concerts de cette tournée, c’est
vraiment excitant d’amener un nouveau show en Europe et de voir la réaction des fans…
C’était vraiment extra.
Pourquoi avoir choisi la guitare au lieu d’un autre instrument ?
En réalité, j’ai commencé par la batterie. Et après la basse mais… Je n’étais pas
vraiment impliquée à fond avec cet instrument. Donc quand j’ai commencé la guitare…
Quand tu trouves ton instrument tu le ressens jusqu’à ton âme. Tu fais enfin les choses
comme elles doivent être. La batterie ne m’a jamais vraiment accroché, même chose pour la
basse.
Comment décrirais-tu ton propre style de jeu ?
Je pense que mon style est… excitant à écouter. J’aime faire que ce son de shred soit
vraiment excitant. Pas comme si… Certaines personnes se concentrent sur le fait que le
shred est quelque chose de difficile, mais je veux que les gens le ressentent. Je veux en
faire quelque chose d’amusant à jouer.
Au début de ta carrière tu as joué du deathcore avec As Blood Runs Black, ensuite tu as
joué avec Jermaine Jackson, les Iron Maidens, et maintenant tu fais partie du groupe
d’Alice Cooper. Est-ce que la diversité est quelque chose dont tu as vraiment besoin dans
ta vie en tant que musicienne ?
Je pense que c’est important en tant que musicien professionnel oui. Tu as juste
évoqué trois groupes, mais il y en a eu au moins une vingtaine ou une trentaine d’autres
dans toute ma carrière et… tous avaient un son différent tu vois. Quand tu joues ta propre
musique tu n’es pas vraiment concerné par la diversité. Mais si tu veux que jouer de la
guitare soit ton emploi, tu dois pouvoir jouer des choses très diverses.
Tu as finalement sorti ton propre album, "Controlled Chaos", en 2018, combien de temps ça
t’a pris de tout composer ?
Ca a pris environ… huit mois. Et la majorité du temps j’étais en fait en tournée avec
Alice Cooper. Donc la plupart ont été enregistrés entre les shows, et je suis en train de faire
exactement la même chose pour le deuxième album. Je prend mon Universal Audio Apollo,
je prends ma guitare, et tu peux faire un enregistrement de qualité comme ça. Bien sûr il faut
aussi passer par le studio pour la batterie, les claviers, et d’autres trucs… mais ouais, la
majorité a été faite en tournée.
Tu as collaboré avec Josh Villalta et Kat Scarlett pour cet album, comment s’est passée
cette collaboration ?
Eh bien Josh est mon petit ami et Kat est ma meilleure amie alors… Ces deux sont
ceux qui me connaissent le mieux. Ces deux-là savent ce que je pense et je suppose
qu’avoir une connexion comme j’ai avec eux deux… ça prend des années à des groupes
pour l’avoir. Comme ils sont très proches de moi, ils ont été capables de saisir ma vision de la
chose et la sublimer, la rendre meilleure. Ils n’ont pas hésité à dire “Tu devrais changer ça et
ça”. Et ce sont deux personnes qui m’aiment et que j’aime. Donc ça a été une superbe
collaboration.
Il y a également beaucoup de diversité sur cet album, quel morceau a été le plus simple à
jouer ?
Tu sais, honnêtement, il n’y a pas de plus simple. Même si certains sont lents et
d’autres rapides… Ces morceaux lents sont presque plus complexes à jouer car il faut y
intégrer de l’émotion dans ton jeu. Et je suis une guitariste très émotive à la base, je pleure
tout le temps sur scène (rires). Donc intégrer l’émotion dans le morceau… C’est presque
autant de challenge que de faire des arpèges en sweep ou d’autres trucs. Ce n’est pas
simple.
Et est-ce que tu penses qu’il y en a un qui a été plus difficile que les autres ?
Non, c’est la même chose (rires). C’est la même réponse malheureusement, mais sur
le deuxième album, quelques morceaux risquent de me donner du fil à retordre sur scène.
Est-ce que tu as une technique d’échauffement particulière ?
Mon échauffement principal ces jours-ci est surtout composé d’étirements. Bien sûr je
dois m’échauffer les doigts. Mais j’ai une gestuelle assez physique sur scène, donc je dois
faire comme si j’allais à une séance de sport ! Je m’étire les jambes, les bras, les épaules, le
dos, la nuque… un par un. Parce que quand tu cours d’un bout à l’autre de la scène, que tu
headbangues… chaque musicien devrait faire comme ça.
Donc c’est exactement comme une séance de sport ?
Exactement, c’est comme aller à la salle de sport. Tu risquerais de te lever le
lendemain matin avec… Est-ce que vous connaissez le “bangover” en France ?
Oui, on connaît le terme “hangover” quand tu bois trop.
Donc quand tu bois trop, c’est un “hangover” (“gueule de bois”, ndlr), et quand tu
headbangues trop c’est le “bangover” (rires).
On connaît tous cette sensation !
Donc tu vois de quoi je parles ! Tu peux éviter ça en t’étirant correctement !
Est-ce que tu aurais un conseil à donner à un guitariste débutant ?
Je pense que le plus important à garder en tête c’est… que c’est difficile pour tout le
monde. En tant que débutant c’est très frustrant quand tu commences quoi que ce soit. Un
sport, un instrument… Tu ne peux pas être bon dès la première fois et tu penses toujours
que tu ne pourras jamais être aussi bon. Souviens-toi que tout le monde a débuté au même
endroit. Et des fois les gens me disent que j’ai du talent. Ce n’est pas du talent, j’ai juste
travaillé dur !
C’est beaucoup de travail donc ?
Absolument, quand j’étais une toute jeune guitariste, tout le monde me disait que
j’étais une guitariste très émotive, et c’est ce que je suis ! Mais au début, j’étais en larmes
parce que je n’arrivais pas à jouer un accord ouvert en G. Et je disais “Mais je n’y arrive
pas… et tout le monde peut le faire, est-ce que je serais un jour capable d’y arriver ?” et
maintenant c’est presque comme une seconde nature. On doit juste commencer quelque
part, et maintenant j’y arrive.
Et est-ce que tu as entendu de très mauvais conseils ?
Oui… tellement (rires) ! Quand j’allais débuter ma carrière, on m’a suggéré de changer
qui j’étais réellement pour devenir pour populaire. Concernant mon apparence
principalement. On m’a dit “Tu devrais montrer plus de peau, être plus sexy, mettre une jupe
courte, un soutien-gorge…”, et j’ai également entendu le contraire ! “Il faut absolument que
tu sois couverte si tu veux que les gens te prennent au sérieux ! Tu dois être une
musicienne sérieuse, ne sois pas jolie !”. Et à mon avis ces deux choses sont fausses. Je ne
vois aucun mal à ce qu’un musicien mette un jean et un débardeur noir avec un maquillage
réussi. C’est ce que je suis. Je ne vais pas non plus dans l’autre sens parce que… ça ne
serait pas authentique. Les gens vont voir que tu te fabriques une fausse personnalité. Tu le
remarqueras dans les likes et commentaires sur les réseaux sociaux. Donc ne fais jamais
ça. N’écoute pas les gens qui te disent de changer de quelque manière que ce soit.
N’écoute pas non plus les gens qui disent “Oh tu as un petit ami ? Il faut cacher ta relation,
les gens doivent penser que tu es libre !”... C’est un terrible conseil. Pour ma relation et pour
ma vie aussi (rires). Je pense qu’il faut juste rester soi-même, être authentique et ne pas
essayer de cacher quoi que ce soit à qui que ce soit.
Qu’est ce qui t’inspire pour créer des morceaux ?
Je m’inspire de ma vie. Je ne suis pas le type de musicien très créatif qui est capable
de se dire “Tiens je vais écrire un morceau aujourd’hui sur quelque chose que je ne connais
pas !”. Je peux seulement écrire sur des choses très personnelles. Comme un passage de
ma vie, ou un évènement traumatisant qui m’est arrivé… ou même sur quelque chose que
j’aimerais réussir, dans le futur… Ou tout autre chose !
Est ce que tu as une anecdote de tournée fun à nous partager ?
Tu sais, jouer avec Alice Cooper est plutôt ennuyeux… Tout le monde veut des
histoires à la Mötley Crüe qui explosent des télévisions, mais… en fait on est tellement
calmes, c’est comme un groupe de papys (rires). Certains gars disent “Je ne bois pas” ou “Je
ne fume pas” en fait. Des fois ils prennent un petit verre de vin après le concert, mais ce
n’est rien de fou ! Alors je vais être obligée de décevoir la communauté du rock (rires).
Quel est le premier morceau de metal que tu aies écouté ?
Le tout premier titre de metal que j’ai écouté… c’était "Trust" par Megadeth . Je me
souviens l’avoir eu sur un CD sampler et quand je l’ai écouté… J’ai été capturée par le “Deth”
(rires) ! Je n’avais jamais entendu parler des gros groupes comme Metallica et je me suis
dis “Wow, ce groupe s’appelle MEGA-DETH… C’est tellement cool !” et même encore
aujourd’hui j’adore cette grosse batterie, la double pédale, le jeu de Marty Friedman… Je
sais que c’est loin d’être le titre le plus iconique qu’ils ont écrit, mais pour moi il l’est parce
que je me suis dit “Wow, je n’ai jamais entendu quelqu’un jouer comme ça !”. En fait, je
n’avais jamais rien entendu de tel, et le son de Marty Friedman est tellement unique… ça a
été un gros tournant dans ma vie.
Imagine que tu es tour manager, tu peux choisir trois groupes avec qui tourner, qui choisirais-tu ?
Wow… J’adore cette question ! Steve Vai, Metallica et… ça pourrait être Def Leppard
! Avec un monde incroyable ! Et les gens adoreraient ça aussi !
Je te laisse le mot de la fin !
C’est vraiment très excitant pour moi d’être ici dans un autre pays à jouer de la guitare,
discuter de choses que j’aime, et j’ai vraiment hâte de jouer ici à Paris, j’espère qu’on
reviendra très vite !
Le site officiel :
www.nitastrauss.com
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