Interview faite par mail par Braindead

Douze années d'activité, un style défendu contre mode et marées, une réputation live reconnue. Comment expliquez-vous que "Off" soit votre premier album, sept ans après une première démo ? Problème pour trouver un label ? Une volonté de défendre votre musique prioritairement en live ?
Stéphane (chant) : Salut ! On a passé beaucoup de galères de line-up et finalement on n’a pas vraiment pu faire un album solide avant. Sinon on l’aurait fait volontiers ! Et pis ça fait 6 et pas 7 ans vu qu’il est sorti en 2012 ! Oui d’accord ça fait quand même 6 ans. Et en ce qui concerne le label, on n'a jamais cherché avant l’année dernière en fait.

Finalement, on se rend compte qu'on vous connaît assez mal ; parlez-nous de votre background et de votre état d'esprit durant cette décennie.
D’abord je voudrais signaler (en tant que chanteur) que le groupe existe vraiment depuis 2004. D’ailleurs avant, il ne s’appelait même pas "Necroverdose". Beaucoup (trop ?) d’influences et un line-up changeant souvent nous ont beaucoup ralentis. Comme tout le monde le sait, surtout dans le Sud, la scène locale ne regorge pas non plus de musiciens aguerris avides de projets sérieux et durables. Donc, on a continué à consolider notre style tout en projetant de faire cet album, et le résultat nous satisfait.

Quels regards jetez-vous sur l'industrie musicale actuelle, les évolutions majeures, qu'elles soient positives ou négatives, cette crise persistante qui vous oblige à appréhender le marché de manière différente. Quel avenir pour le metal dans cette industrie ?
Je ne pense pas que le metal soit le secteur le plus touché. La crise est générale et on a tous compris que c’est plus compliqué qu’avant. Certains parlent de déclin du metal, mais je pense que par rapport aux années "glorieuses", le fait d’être devenu moins populaire a dégagé un paquet de satellites, et c’est pas plus mal.

Ne pensez vous pas que les nouvelles technologies desservent plus qu'elles ne permettent de créer une communication efficace et pérenne, en asphyxiant un public potentiel à grand coup de "like" sur les réseaux sociaux ?
Non, les nouvelles technologies ont été vraiment un énorme coup de pouce pour le mouvement. Ca a simplifié les rencontres entre les groupes et les organisateurs en dehors de la scène locale. Ca permet de faire un promo gratuite, et de toucher un public mondial. Les gens ne sont pas si débiles. Si tu t’intéresses vraiment au mouvement, tu vas chercher dans l’underground, et personnellement je me fous de la popularité de la plupart des groupes je me fie à ce que j’écoute.

A ce titre, que pensez vous de la scène metal actuelle, en particulier les formations françaises qui ne manquent pas de talent, mais peut-être d'un certain savoir faire, de nouveauté pour percer sur la scène internationale ?
La scène française se porte de mieux en mieux. Beaucoup de groupes font du très bon son, et certains sont reconnus mondialement pour leur avant-gardisme, et pense notamment à des groupes comme Blut Aus Nord ou Deathspell Omega que j’aime beaucoup. J’ai beaucoup d’espoir en ce qui la concerne même si pour l’instant elle a du mal à se trouver une réelle identité.

Pouvez-vous justement nous parler de votre univers, votre processus créatif (qui compose, apporte les idées à développer) et quels sont vos sujets de prédilection ?
C’est Loïc et moi qui écrivons les compos. On collabore sur certains titres mais d’autres sont entièrement composés par l’un ou l’autre. On propose généralement une version midi complète avec les quatre instruments, pour que tout le monde ait une idée bien précise et après on réajuste le tout ensemble. Ca permet de cadrer les choses dès le départ. Personnellement je conçois pas de composer un seul instrument c’est trop hasardeux et on se retrouve avec des arrangements pleins de compromis qui sont souvent bancals. Pour les textes c’est moi seul qui m’y colle. J’y déverse mon amour inconditionnel pour la race humaine et la vie en général, en insistant sur le fait que l’espoir est le moteur de tout, et que rien n’est plus beau que le sourire d’un bébé et... non, je déconne.



"Off" contient neuf titres homogènes, ceci dit, en douze ans de carrière, vous avez dû en composer beaucoup d'autres ? Comment avez-vous choisi les titres que vous souhaitiez intégrer dans ce premier opus ?
(rires) Ouais, on a du jeter quelques morceaux en effet ! Le tri s’est fait naturellement parmi nos derniers titres, mis à part "Carving Time", qui date de la démo (2006), mais qui trouvait sa juste place dans cette assiette. Le seul qu’on a composé exprès, c’est "The End", l’intro de l’album. On s’est longuement questionné là dessus. Attaquer par du brutal ? Une intro bruitiste avec des nappes de voix et des samples ? Non, finalement une vraie compo doom avec couplet refrain break, tout ça raccourci en 3 min. C’est pas banal, et si ça gonfle tu peux la zapper ! Nous on l’aime beaucoup en tout cas.

Une tournée promo est-elle à l'ordre du jour ? Peut-être un clip ? En un mot, quels sont vos projets à cour terme ?
Des concerts sont prévus pour le courant de l’année et bien sûr ca sera l’occasion de promouvoir l’album ! Par contre pas de clip à l’horizon. On préfère se concentrer sur la composition du prochain album et ça promet d’être plus sombre que "Off".

Vous êtes signé Great Dane Records, un label reconnu pour la qualité de son catalogue, comment se passe votre collaboration ? La communication n'est-elle pas trop compliquée vu que vous habitez aux antipodes, l'un de l'autre ?
Ben non ! Grace à ces fameuses nouvelles technologies ! Bon aussi grâce à une vieille technologie toujours d’actualité : la poste. Ce sont des gars sympa et activistes ! On est content d’être sur leur label et pour l’instant, ça nous convient parfaitement.

Finalement vous êtes plus ambiance studio ou tournés vers le live ?
Clairement vers le live. Mais c’est peut-être un certain manque de rigueur qui nous fait pas faire plus de studio. Parce que ça fait quand même du bien de poser sa pêche ! A l’avenir on va tâcher d’être plus prolifiques, parce que là, pour l’album il a fallu une césarienne.

Douze année d'existence, ce n'est pas rien, surtout à cette époque ou tout va plus vite, tout est plus fragile, moins certain. Avez-vous déjà éprouvé une certaine lassitude, un ras-le-bol au point de vouloir arrêter ?
Certains moment ont été durs, c’est vrai. Par exemple quand tu restes un an sans batteur tu trouves le temps long. C’est une vraie galère ici. Mais on a tenu bon et on a jamais vraiment voulu arrêter. La passion est toujours là, il faut qu’on répande notre semence aux quatre vents.

Vous avez dû côtoyer nombre de nouvelles formations censées représenter le renouveau du metal ? Que pensez-vous de cette jeune génération qui peine à trouver son identité, en recyclant tout ce qui a déjà été fait et s'appuyant sur une éphémère "e-réputation" pour jauger sa réussite ?
Je pense que la question du recyclage affecte tous les genres musicaux. Y'a plus grand-chose de nouveau depuis plus de 10 ans. Et pire ça affecte l’art en général. J’ai lu des trucs qui mettraient en cause un certain creux technologique. Ca raconte que chaque bon majeur en art – et donc en musique - se produisait grace à des innovations. Pour parler du metal, on pense à la disto mais y'a aussi la double etc... et j’aimerais que ce ne soit dû qu’à ça. Mais je pense qu’aujourd’hui c’est dur de pas se faire accuser de plagiat, ça se produit sans le vouloir, juste parce que quasi tout a déjà été fait. Nous on pense que c’est pas que c’est obligatoire d’innover, c'est dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleurs soupes. Après tu mets ce que tu veux dans ta soupe hein... Le metal entre dans l’âge de la maturité et on trouve plein d’excellentes choses à écouter.

Avec quel fantasme souhaiteriez vous partager une scène si la fée metal vous le permettait ?
Avec Corbier mais c’est déjà exaucé !

Une question existentielle pour terminer. Pourquoi"Necroverdose" ?
C’est la quintessence substantielle de la moelle morbide inhérente au désespoir de l’oubli. A l’épicentre de la notion même du deuil réside l’introspection furtive d’une raison à l’abandon. A ce titre on peut souligner que notre fragile condition conduit au questionnement ésotérique au sens premier du terme. Et que la fascination pour l’anéantissement total ou partiel de cette espèce, remplie de bonnes intentions ne menant qu’à un échec évident, n’y est pas étranger. En effet, ce repos eternel tant redouté et pourtant bien mérité produit un émoi certain chez le bipède monocéphale - dont j’en déplore l’appartenance. Peut être sait-il au fond que sa vraie place n’est pas ici, mais bien de l’autre côté ! Avec une petite voix qui lui susurre - qu’il est temps d’y aller ! - qu’il en a assez fait ! - qu’il est fatigué de faire n’importe quoi, et de se plaindre péniblement, comme un enfant qui casse son joujou ! - qu’il devrait prendre enfin la vraie décision. N’y voyez nul nihilisme déguisé. Pourquoi "Necroverdose" ? Et puis pourquoi le doute ? Pourquoi la circonférence ? Pourquoi l’avenir ? Ou sommes-nous ? Et surtout : qui conduit la locomotive ? Je crois qu’il faut se poser les bonnes questions.


Le site officiel : www.myspace.com/necroverdose