Interview faite par mail par Murderworks

La situation actuelle a visiblement pesé dans ta décision de mettre Mineral Reflectance en route, mais est-ce que l'envie de proposer un projet de ce type avait déjà germé plus tôt ?
ZagZero (guitare / composition) : Comme tu le sais, je joue et compose également dans Akphaezya et même si j'adore ce qu'on y crée, sans concession de style, le processus de création est long. S'ajoute à cela quelques retards dus aux aléas de la vie (déménagement, naissance, blessures...). De ce fait, j'avais effectivement envie de quelque chose de plus direct mais je ne savais pas encore quelle forme cela prendrait et quand ça s'échapperait de moi. J'avais aussi peur que cela ne puise trop dans ce que j'aurais pu ou dû mettre dans Akphaezya. J'ai donc attendu que tout soit dit, musicalement, dans les nouvelles compositions d'Akphaezya car je ne voulais aucune espèce d'interférence. Quand le premier confinement et toute l'ambiance qui va avec sont arrivés, j'étais rechargé mais pas des mêmes ondes que celles qui me guident dans Akphaezya. Là, j'étais rempli de doute, de dégoût, de mal-être et de peur pour ce que je pouvais promette à ma fille dans ce monde qui devenait fou. Car même si on l'a un peu oublié, en Mars 2020, le décor alternait entre rafles de PQ, CRS fracassant du personnel de santé, légumes passés à la javel et des avis en pagaille, tous un peu plus forts que le précédent... Le tout pendant que des gens meurent dans la souffrance et / ou la solitude. Outre la panique compréhensible, les contradictions débiles régnaient. On se sent tous impuissant et ce que je vais dire là est dérisoire mais voilà : un jour, c'en était trop, je suis monté dans mon studio, j'ai pris la gratte et je me suis ouvert le bide sans rien retenir pour que ça sorte. Le but n’était pas de sauver le monde mais de tout lâcher pour redescendre un peu moins con et avec le sourire pour regarder celui de ma fille avec un peu de dignité. Bref, le premier bout de compo pour MINERAL REFLECTANCE était là, c’était les prémices de "Tourmaline Noire".

Tu as tout composé et enregistré toi-même, je suppose que tu as aussi produit seul l'album ?
Effectivement. J'ai déjà un groupe qui demande beaucoup d'énergie, de temps et de budget avec une grosse production, dans de gros studio et avec de gros ingé son. Le but n’était pas de tout contrôler mais juste d'être libre, simple. J'ai donc tout mixé, sans même me poser la question. Enfin tout à l'exception de "Septaria", où je n'ai mixé que la musique. En effet, le travail de Déhà, son implication si poussée sur cette chanson et sa qualité d'ingé-son forcent le respect. Il était naturel qu'il mixe sa voix et le résultat est vraiment énorme. Il a aussi masterisé cette chanson et "Obsidian" ainsi que la version vinyle de l'album. Le reste (digital et CD), je l'ai masterisé.  

On retrouve sept morceaux sur l'album à la base, avec un huitième uniquement sur le vinyle. Sachant que l'ésotérisme a une place dans le concept de l'album, ce n'est peut-être pas un hasard qu'il y ait sept morceaux pour sept participants ? Le chiffre 7 a une certaine signification en ésotérisme, du coup c'était bien volontaire ?
Bien vu. En numérologie, "Un chemin de vie" est un chiffre calculé en fonction du jour de naissance. Il est censé vous donner des indices sur votre destinée, ses embûches et comment les surpasser ou les vaincre. En lithothérapie, c'est un bracelet de pierres fait en fonction de ce chiffre pour vous aider sur cette voie. Le chiffre 7, outre toutes les symboliques qu'on lui connaît, est le chemin de vie du sage et de la quête existentielle. C'est l'idée de passer d'un cercle vicieux à un cercle vertueux en acceptant son expérience, en pardonnant et / ou en s'excusant. Tendre à une certaine paix et laisser l'inutile, le futile. Une belle illustration des textes de MINERAL REFLECTANCE... Non pas que je me prenne pour un philosophe ou un vieux sage ! Niveau tempérament, j'ai encore du taf, mais allez quoi, essayons tous de nous améliorer chaque jour un peu, malgré la ligne de départ, les gadins et les rechutes, c'est là notre seul pouvoir.

Je suppose que vu le nombre de personnes impliquées et la situation actuelle il y a peu de chances que l'on puisse entendre ça sur scène un jour ?
En fait, ce n'est pas tant le nombre de personne ou la situation sanitaire qui rendent l'éventualité d'un concert de MINERAL REFLECTANCE impossible (après tout, les orchestres réunissent bien plus de monde) que le besoin et la nécessité de sincérité que demande l'interprétation de chaque chanson. La musique de MINERAL REFLECTANCE se prêterait pourtant bien à l'exercice je pense mais ce qu'a mis chaque chanteur dans chaque chanson est si vrai qu'il me serait difficile d'écouter ces morceaux de vie, si intimes, chantés sans intention ou, dans le cadre d'une tournée, avec une intention s'amenuisant de soir en soir... En gros, je n'aimerais pas vraiment le coté Mylène Farmer : "Ahhh, Ainsi sois-je, Ainsi je ne vais pas bien !!!… Hey !!! Vous allez bien Clermont-Ferrand ? Plus fort, je ne vous entends pas !!!".

D'ailleurs avec tout ce monde, est-ce que c'est le projet d'un album ou tu penses prolonger par la suite ?
Pour l'instant je ne peux pas trop y penser car on doit quand même sortir un jour le troisième album d'Akphaezya qui, s'il est fini niveau musical, demande encore du taf sur les paroles. Puis, on a le projet Santa Cadabra à remettre sur pieds avec ma femme, Hakata Ooh. Mais dans l'absolu, si cette boule au bide revenait, pourquoi pas... Et si je trouve d'autres chanteurs talentueux prêts à me suivre avec la même authenticité.

La pochette a été réalisée par Lae Rastrelli, j'imagine que tu lui avais au moins donné les grandes lignes du concept de l'album ?
Lae est une artiste qui a une très belle imagination. Je lui ai expliqué le concept autour de la lithothérapie, ce que je demandais à chaque chanteur comme implication au niveau des textes et le rapport entre ces deux choses. Elle a adoré le concept, la musique et les clips disponibles à ce moment-là. Elle a pris quelques jours pour y réfléchir et m'a proposé trois choses. L'une d'elles était cette magnifique jaquette qui illustre si bien, tant MINERAL REFLECTANCE dans son ensemble que la locution "Des chemins de vie". C'est beau, original et adéquat. Elle a assuré.

Le logo n'a pas été fait au hasard non plus. On retrouve la dualité du concept avec un mot de chaque couleur et le "Reflectance" logiquement écrit à l'envers. Les lettres me semblent être inspirées de plusieurs types de caractères différents, on peut y voir l'inspiration des symboles alchimiques dans certains caractères, d'autres qui rappellent des crop circles...Tu t'es bien inspiré de plusieurs sources pour le concevoir et lui donner cette apparence énigmatique (peut-être pas forcément celles auxquelles j'ai pensé d'ailleurs) ?
Oui. Prenons l'exemple des chansons "Obsidian" et "Spectrolite" qui ouvrent la réflexion sur l'univers et les êtres ou les âmes qui le peuplent. Cela peut être d'une manière spatiale : que l'on imagine d'autres vies ailleurs ou que l'on se sente n’être rien par rapport à l'immensité de cet univers. Mais également de manière temporel, s'il on entre dans le concept de vies antérieures. L'important n'est pas d'y croire ou pas, mais de voir si un message, même poétique, permet de s'améliorer ou d'être plus heureux. De mieux vivre. De toute façon, on ne sait pas alors autant ne pas savoir avec réflexion et ouverture d'esprit. Pas la peine de choisir un camp, de porter un drapeau ou d'avoir des convictions sûres et irrévocables, à quoi bon ? La pensée ou la réflexion perpétuelle sont bien plus intéressantes qu'une idée arrêtée mais bancale. Pour tenter de représenter cela, j'ai créé le logo en arrière-plan du nom "Mineral Reflectance". Cela représente une pierre avec la lumière qu'elle produit ou qu'elle absorbe ou encore les deux : qu'elle reflète ! Un mouvement perpétuel, un reflet, une émanation, de l’énergie, une synergie, mais aussi un trou noir, quelque chose qui absorbe. A chacun d'y voir sa propre conception des choses. Pour écrire le nom "Mineral Reflectance", je me suis servi et inspiré d'une police d'écriture préexistante. Tout y était, elle était parfaite. Et effectivement, elle contenait toute la symbolique dont tu parles et qui sert le projet.



Le concept est particulier et même si l'ésotérisme est souvent présent dans le metal, comment t'es venue l'idée d'utiliser ce thème précis et de t'en servir pour créer cette dualité ?
Je suis quelqu'un qui s’intéresse et qui se passionne pour beaucoup de choses. Pour la petite histoire concernant la lithothérapie, ça commence avec une blessure. Mon coude n'étant pas un grand fan de l'alternance guitare / tennis / travaux dans la maison, j'ai eu droit à un petite tendinite... On m'a plusieurs fois conseillé d'utiliser une Malachite. Il s'agit d'une pierre verte que certains kiné et ostéo conseillent pour apaiser, voire soigner cela. Effet placebo ou pas, cela a marché ! D'ailleurs, deux des pierres de mon bracelet se sont fendues au moment de la guérison... Hasard, coïncidence, ou vertu réelle ? L'important est que j'étais guéri alors que d'autres méthodes n'avaient pas fonctionné. Suite à cela, comme je me passionne pour plein de choses, j'ai mis le nez dans la lithothérapie. J'ai tout de suite vu une portée humaine puis artistique fabuleuse. Je m'explique : chaque pierre, par son seul nom, évoque une émotion, une pensée, une sensation... C'est à dire que cette pierre réunit à la fois le spirituel comme le corporel et, de surcroît, décrit un souci et amène sa solution. Je me suis dit qu'avec ce seul mot (le nom d'une pierre), vous traduisez tout ceci de vous à l'autre. Humainement, c'est fort. Car on n'a pas toujours les mots ni la force ou encore la volonté de tout décrire, détailler ou décrypter. Et alors artistiquement, c'est absolument magique : le nom d'une pierre pourrait résumer la détresse de l'auteur d'une chanson ainsi que sa volonté de soigner cela mais aussi de dire tout ce que le texte de la chanson ne dit pas, d'aller encore plus loin. Le choix de pierre que l'auteur fait pour titrer sa chanson n'est pas anodin, c'est encore du texte, encore de la voix et donc encore des choses qu'il veut ou aimerait dire en plus de ce qu'il a été capable d'écrire, que ce soit à cause de la contrainte technique (durée de la chanson) ou de sa propre volonté de s'arrêter là. Tout cela, toute cette réflexion correspond à ce que je ressens artistiquement, en particulier dans la musique. Permettre à quelqu'un de s'exprimer en transmettant purement ce qu'il ressent directement de son âme à une autre, c'est de l'art sincère. Utiliser la lithothérapie comme langage dans MINERAL REFLECTANCE permet de dire avec profondeur, sincérité et dignité ce qui ne va pas mais aussi de montrer que je suis dans l'envie, la volonté ou la démarche d'améliorer cela.
Pour te répondre enfin sur la dualité, dans MINERAL REFLECTANCE, j'ai opposé l’ésotérisme de la lithothérapie avec la science contenue dans la recherche sur la réflectance spectrale dans les minéraux (l'étude du reflet de la lumière lorsqu'on la projette dans un minéral etc...). En est sorti le nom du projet : Mineral Reflectance. Pourquoi cette opposition et pourquoi de manière aussi forte (le nom du groupe) ? Je voulais imager un peu notre société dont le plafond est très bas et nous empêche de nous élever ou nous relever. En gros, si vous parlez d'un sujet ou évoquez un nom ou un mot polémique, avant même de savoir ce que vous en pensez ou même si vous en pensez quelque chose, le jugement d’autrui se pointe systématiquement. Et c'est ça le problème du système : "il faut avoir un avis" ! Alors qu'en fait, il faut avoir une pensée, quelque chose d'éphémère ou en suspens qui doit se nourrir, grandir et se partager pour nourrir celle de l'autre. Autour d'une table, la plupart du temps, ce qu'il se passe est, à un moment ou à un autre, une joute verbale avec l'obligation d'avoir raison, la peur du ridicule etc... La combinaison de ces deux choses est d’ailleurs catastrophique. Et je suis comme tout l'monde, voire un de ceux qui ont le mieux pratiqué l'exercice (voir Spinel Black). J'y ai assez d'expérience pour savoir que ça ne fait rien avancer. Pire : cela vide le sujet de toute son essence puisqu'il n'est là que pour désigner un vainqueur et non pour grandir dans la pensée ou la réflexion de celui-ci. Alors il ne s'agit pas non plus de croire sur parole ce que l'autre éructe, il s'agit d'exposer, d'écouter, éventuellement de rechercher la vérité et de réfléchir ensemble. Ce qui est assez cocasse, c'est qu'avec MINERAL REFLECTANCE, je ressens un peu cela quand j'explique le truc de la lithothérapie. On me demande : "Ah mais t'y crois à ça ?" alors qu'on s'en fout. L'important n'est pas dans la forme mais le fond : quelqu'un (l'auteur de telle ou telle chanson) s'ouvre le ventre là ! Devant toi et tu me parles de conneries de croyance, t'es même prêt à passer des heures là-dessus, possédé que tu es à vouloir démontrer ton truc...
Ce que je pense de la lithothérapie, c'est ceci : Ce que l'on sait est vraiment est peu de choses et ce que l'on croit n'est pas un argument. Si une croyance, une religion ou une pensée rend une personne (plus) heureuse ou en meilleure santé, que cela ne nuit à personne alors c'est une bonne chose, que cela s'explique ou pas. Une bonne chose et une chose réelle puisqu'elle a un effet direct dans le petit univers de cette personne. C'est ça la vie, le petit univers de chacun et ses interactions avec le reste. Ce monde étant ce qu'il est, il est aussi bon de s'accorder des soupapes, de ne plus se prendre la tête sur le futile et de se concentrer sur l'essentiel.

Il y a déjà eu deux clips pour "Septaria" et "Quartz" et tu as m'a dit qu'il y en aurait d'autres prochainement. Qui a réalisé ces deux premiers clips et est-ce que tu prévois de faire illustrer chaque morceau pour appuyer le chemin de vie de chacun ?
Alors, c'est moi qui ai réalisé ces deux clips. Ce sont mes deux premiers en fait. "Septaria" a été tourné et monté en trois jours / nuits. Ça a été assez intense. Même si Hakata Ooh, ma femme et danseuse sur ce clip, avait chorégraphié cela à l'avance et qu'on avait déjà un bout de storyboard, nous n'avions que ces quelques jours sans notre fille. Le thème de la chanson, la dépression, ne laissait pas vraiment place à la déconnade. Alors trois jours et trois nuits dessus, j'en suis ressorti épuisé, vidé. Mais c'est un mal pour un bien car la chanson nécessitait de l'intensité, de l'intimité, du non-stop... Une certaine idée de l'oppression car le soleil et la végétation font opposition au béton. Ça représente plutôt bien la prison mentale qu'est la dépression. De l'extérieur, tout va bien et la solution est juste là. De l'intérieur, c'est une porte. Pour "Quartz", le thème était le temps. Plus précisément, le temps passé et de ce qu'il en reste, comme un genre de bilan de la quarantaine que nous livre JR, ex chanteur-bassiste dans Nesseria). Non pas que le sujet soit plus léger mais il permettait beaucoup plus de liberté car il est plus universel et a ses clichés propres comme le sablier etc... On avait plein d'idées, d'accessoires etc... Pour l'illustrer au mieux, on a voulu résumer une vie qui passe avec son passé, la fillette, son quotidien, la femme et son avenir, la grand-mère mais bon, je ne vais pas paraphraser le clip, je pense qu'il parle de lui-même. Par contre, je peux dire que j'en ai bien chié à le monter. Il doit y avoir 400 vidéos utilisées au total ! Et comme c'est ma famille qui joue dans ce clip assez sombre, ce n'était pas évident à revoir en boucle... Ça aussi était très éprouvant par contre, j'avais le temps que je voulais, j'ai pu faire quelques pauses, prendre du recul etc. J'ai mis 2/3 semaines pour le montage, je crois.
J'aimerais effectivement réaliser un clip pour chaque chanson de l'album. On a des idées pour 'Spectrolite", "Tourmaline Noire" et "Chrysocolle" mais ils dépendent aussi de la motivation et de la disponibilité de leur chanteur. En tout cas, les idées de scènes ont été plus qu'évoquées. Il resterait alors qu'"Obsidian" et "Spinel Black". Pour "Obsidian", avec Arno Strobl, un truc du genre lyrics clip est déjà en préparation autour de la jaquette de la version collector (en vinyle) de l'album. En gros, j'ai déjà réalisé un gros bout mais j'attends le retour de mon ami TLT45 qui a fait les FX en post-production sur "Septaria" (et qui avait aussi fait les clips de Those Bloody Arms). Pour "Spinel Black", je ne sais pas. Il s'agit de la chanson que je chante et ou je parle de moi, ce qui était déjà très compliqué alors en faire un clip... Aurais-je le recul, l'inspiration, le courage... Serais-je simplement satisfait ? Je ne sais pas. Du coup, j'ai profité du lyrics clip d'"Obisidian" pour faire quelques parallèles. Une petite vidéo sortira peut-être pour présenter la version collector avec la chanson bonus "Lapis Lazuli" (ou un extrait de celle-ci).

On sent d'ailleurs dans tes différents projets, que ce soit Akphaezya ou Mineral Reflectance, une volonté de dépasser le simple cadre de l'album enregistré avec des potes. Il y a toujours une volonté artistique en plus, un propos qui s'exprime d'une façon ou d'une autre. C'est important pour toi d'avoir une profondeur dans ce que tu produis, de ne pas simplement faire de la musique pour le plaisir ?
A la base pourtant, le métalleux bas du front que je peux être devant mon ampli peut largement se satisfaire quelques heures d'inlassables palm mutes pour provoquer de gros CROUM CRRROUM dans mon baffle... De l'extérieur, je ne dois pas être loin de Cro-Magnon qui découvre son premier pet. C'est méga jouissif pour soi, moins pour la famille et les voisins. Je suis pas contre la diarrhée collective non plus avec double grosse caisse, basse qui bave et le growl bête et con... Avec un nom bien crade. C'est nickel, ça me va ! Surtout pour le live... Ça m'amuse mais ça ne m'épanouit pas, ni ne me grandit. A la base, je l'ai compris avec le concept d'album et surtout de titre d'album : la plupart du temps, on tente de mettre un titre sensé réunir plusieurs chansons n'ayant rien à voir les unes avec les autres. Le problème est que la justification de la soit-disant cohérence de ce nom d'album vient en aval du reste, donc après coup... C'est pas hyper honnête. La plupart des albums devrait s'appeler : session studio truc, Avril 1985 car c'est le son qui est le seul point commun. Une fois cela admis et sachant que l'on va être amené à chercher un titre d'album et une cohérence avec toutes les chansons, on met déjà le pied dans la conceptualisation. Pourquoi s'arrêter là ? Partant de là, j'ai voulu donner une cohérence honnête aux albums où je veux m'épanouir pleinement. Un pas après l'autre, on affine le concept, dans les thèmes, dans les riffs, dans le son, l'image etc... Il n'y a plus de frontières entre les différents arts. Tout peut être unis pour s'exprimer ou imager ce que l'on veut partager. Qui imaginerait maintenant les films sans musique ? Je ne parle pas d'en faire un comme ça pour la performance mais de penser qu'il n'y ait plus de musique dans les films. Pourquoi se priver de cela par principe que ce sont deux arts différents ? Ça serait ridicule. D'ailleurs, quand on va au ciné, on est exigeant ! On veut une certaine qualité d'histoire, d'acteurs, de musique, etc...
Pour moi, un album est un concept en soi, une oeuvre artistique globale : il a une image, un son, un nom, réunit plusieurs textes et musiques, parfois des clips. Et comme je l'exige des autres en allant au cinéma, je me dois faire cela bien, dans son entièreté, même si de nos jours, cela paraît désuet. Le format de l'album est amené à disparaître avec l'émergence des plateformes de streaming. Chaque chanson peut sortir seule, sans parenté. Certes, ça évitera les chansons de remplissage de fin d'album mais verra-t-on encore beaucoup d'albums concept ? Bref... Ensuite, comme beaucoup d'autres avant moi, j'ai élargi le concept au nom du groupe. Ainsi, c'est tout le projet qui devient cohérent. C'est peut-être finalement là le fond de ta question : pourquoi pas juste un album mais tout le projet ? La volonté d'avoir une thématique, un concept global semble contraindre mais paradoxalement, c'est une liberté artistique énorme avec un effet double. Dans un premier temps, il permet de faire des parallèles, allusions et autres allégories avec un certain détachement. Akphaezya et son histoire me permettent de parler de la société, de l'Histoire et de certaines relations humaines. MINERAL REFLECTANCE permet, par la lithothérapie, d'aller plus loin dans l'introspection et le non-dit. Dans un second temps, le fait d'intéresser l'auditeur par l'emballage du concept, rend celui-ci plus attentif au détail, à ce qui est raconté, à écouter la fragilité de celui qui se livre. Cela crée un décor, un monde et si on s'y sent bien, s'y crée une certaine intimité. Enfin, c'est comme cela que je le vois. Si vous tenez à un personnage, vous le suivez et vous intéressez à lui, à ces réussites, ses échecs et ses plus insignifiants desideratas. Pour les pierres, certaines recherches de titre, pour correspondre au mieux à une chanson, étaient passionnantes et apportaient des choses supplémentaires à l'écrit fini de l'auteur. Avec un peu de chance, cela passionnera aussi l'auditeur qui poussera peut-être ses recherches après écoute plus lecture de la chanson. Si ce n'est pas le cas, pas grave, les chansons se suffisent à elles-mêmes, le concept n'est pas un cache-misère. Par contre, s'il s’y intéresse, qu'il recherche les vertus et origines de chaque pierre, alors il verra la chanson et le ressenti de l'auteur avec plus de profondeur, d'autres dimensions. Son ressenti à lui aussi gagnera en perspective et l'intimité dont je parlais grandira encore.
Je donne peut-être l'impression d'être perché ou naïf mais c'est juste ce qui m'épanouit, me nourrit même si c'est beaucoup de taf ! Quand un auditeur s'intéresse, son retour est du coup bien plus intense et gratifiant. Bon, en même temps, en tant que bonne feignasse, je fantasme souvent à juste faire CROUM CROUM devant un public ivre qui hurle "Hey ! Hey Hey !" au son de la grosse caisse... Akphaezya et MINERAL REFLECTANCE suffisent à mon épanouissement donc je pense que bientôt je vais faire un groupe comme ça, tranquille...

Vu le nombre de sonorités qui s'entrecroisent et le concept utilisé je ne pense pas me tromper en disant que tes influences ne se limitent pas à la musique et que des auteurs de livres ou de films nourrissent tes compositions ?
Musique en tout genre, livres, cinéma, BD, danse (ma femme est danseuse), mythes, fictions ou sciences, cultures, philo, langages et coutumes ancestrales ou d'autres pays... Mais aussi, sport, art martiaux, jeux, cuisine, voiture, le mode de chasse des épaulards dans les fjords norvégiens ou encore les procès de certains instituts pharmaceutiques bref... Tout peut m'intéresser car tout peut ouvrir à la compréhension, de l'autre ou de soi. En ce moment, je lis beaucoup de BD, je viens de finir "L'assassin qu'elle mérite" (4 tomes). Au moment de MINERAL REFLECTANCE, je crois que je lisais "Carbone et Silicium" qui m'a beaucoup plu et marqué. Son empreinte pourrait bien être incrustée dans MINERAL REFLECTANCE. De manière générale sur mes projets musicaux, je pense que je fais un peu comme tout l'monde : je digère ce que j'ai vu, entendu ou lu et cela devient une partie de mon langage. Ce que je ne digère pas sert parfois en questionnements ou en nausées.
La lithothérapie, on ne va pas se le cacher, est en vogue ces temps-ci. C'est donc facile de se documenter. Pourtant, mon lien avec les pierres remonte à bien plus loin : petit, avec la famille maternelle travaillant dans le granit, je les collectionnais et ado, ma mère un temps astrologue, m'a offert une pierre rouge à garder sur moi. C'était donc facile, presque naturel d'y retourner. Comme un vieux langage qu'on se réapproprie. Au-delà de ce sujet, quelle pourrait être l'influence directe pour MINERAL REFLECTANCE ? Je ne sais pas mais je peux conseiller un petit livre qui représente le message de MINERAL REFLECTANCE : "L'homme qui voulait être heureux". Pas de la grande littérature ni de la philosophie profonde, mais c'est un livre que l'on peut conseiller facilement à tout l'monde, érudit ou néophyte, jeune ou vieux, ça se lit d'une traite. Un livre qui fait son petit effet car il parle naïvement des barrières que l'on s'impose ou que la société semble nous imposer et qu'on n'ose pas franchir. On en revient à la même contradiction : ce qu'on est et ce qu'on aspire à être. Ce livre est une pichenette. J'aimerais que MINERAL REFLECTANCE le soit aussi. Concernant mes goûts cinématographiques, je suis un gros fan de David Fincher ("Fight Club", "Seven", "The Game") ou de Guy Rithie ("Arnaques, Crimes et Botaniques", "Snatch", "Rock'n'Rolla"...), dont le dernier et génial film "The Gentlemen" m'a rendu l'amour des salles obscures. Choses que j'avais perdu après l'interminable, pompeux et décevant "Once upon a time in Hollywood". En ce moment, avec ma femme, on se refait des vieux films depuis le noir et blanc jusqu'à fin 90's. Y'a de très très bonnes choses, bien meilleures et plus variées que tous les remakes, suites et autres blockbusters Marvel qui étouffent l'expression du 7e art et de ses comédiens, à grands coups de numérique. Que cela soit un outil, ok mais que cela devient systématique en soustrait toute saveur et surprise. Il n'y a quasiment plus de réalisateur, tout se fait, se corrige, se plastifie et se déshumanise en post-prod sur ordi. Le même phénomène se produit en musique avec l'édition à outrance. Certains albums sont tellement chimiques qu'il faudrait plutôt créditer l'ingé son que les "musiciens". Ce besoin du parfait est dommageable au niveau du ressenti et de l'originalité, tout se ressemble. Ça flatte peut-être les yeux et le cerveau mais ne touche pas le coeur. Et maintenant, la mode est à retoucher les vieux films ou albums avec ces méthodes modernes... Quel outrage et quel dommage. (Confer l'article : goodtime-webzine.com/2021/11/27/non-a-la-decoupe-pour-une-ethique-de-limage)



D'ailleurs il y a une volonté avec ce premier album de sortir du simple cadre de la musique et de penser "Des Chemins De Vie" comme une oeuvre qui s'exprime à travers différents média, d'où les clips qui sont là pour exprimer le même propos sous un autre prisme. Il y a des idées que tu as encore en tête et que tu n'as pas encore pu mettre en oeuvre ? Des moyens d'expression différents que tu aimerais utiliser un jour ?
Effectivement, le clip apporte un autre point de vue sur le texte et l'interprétation de l'auteur. La musique se reflète en image. Mon but n'est pas d'enfermer son propos dans une imagerie mais de créer une porte d'entrée plus accessible, plus grande pour que le spectateur devienne auditeur puis lecteur, afin de mieux comprendre et ressentir la chanson dans son entièreté. Pour cela, ma femme Hakata Ooh et moi avons eu l'idée d'amener l'expression corporelle pour interpréter certaines choses que le texte, la musique ou l'image n'amènent pas d'emblée ou n'exprime pas. La danse, chorégraphiée par Hakata Ooh est une dimension supplémentaire pour exprimer et ressentir le sentiment évoqué. Dans "Septaria", c'est un personnage unique, une femme qui s'exprime dans un pantomime solitaire qui semble quotidien. On a voulu ainsi souligner la détresse du texte de Déhà, dans ce décor clair-obscur. Un genre de comédie musicale pathétique, sans public si ce n'est ce pantin en cage. Cette femme n'a pas la maîtrise de sa liberté et semble avoir domestiqué, enfermé le pantin. Mais peut-être est-ce l'inverse : le pantin n'est que l'idée que cette femme se fait de sa liberté, s'enfermant elle-même dans le tourbillon journalier... Dans "Quartz", les chorégraphies alternées entre les trois personnages : passé, présent et futur, illustre le temps qui passe et rythme les rengaines, soulignent la nostalgie. Le passé, la jeunesse est enjouée, le présent mécanique et le futur, rouillé, vidé. Outre la musique et vidéo, la danse est en fait une partie importante de l'expression dans MINERAL REFLECTANCE.
J'aimerais pouvoir réaliser chaque chanson sans nuire à son originalité. C'est compliqué car d'une part, elles sont toutes très longues (sauf "Tourmaline Noire") et il faut garder de la consistance tout du long et d'autre part, il faut trouver la bonne idée pour chaque thème. Tout cela dans nos capacités de réalisation (ce sont mes premiers clips) et de budget (notre propre apport, sans aide extérieure). Compliqué mais pour la suite, comme je te le disais plus haut, nous avons déjà pas mal d'idées qui nous titillent et toujours avec de la danse qui est partie intégrante du projet. Il y aura un exception toutefois avec "Obsidian" avec le lyrics clip. Ce choix de forme est personnel car je voulais garder le côté très spirituel, ésotérique presque cosmique, bref mystérieux de l'obsidienne oeil céleste. Pour cela, une illustration faite pour la version collector de l'album et rassemblant plusieurs éléments : Le reflet, la pierre, l'oeil, l'espace ou disons un endroit inconnu et un être bicéphale qui semble être une statue de dieu ancien, fissurée. Sauf que c'est ma gueule. Ça semble hyper mégalo mais, c'est tout l'inverse. Cela fait allusion à la chanson que je chante, "Spinel Black" dans laquelle je parle de moi, de mon évolution vers l'humilité, la simplicité et dont la dernière phrase est : "Now regrets and remorse are the scars of my thoughts". Parce que oui, dans un lointain passé, je me suis souvent comporté comme un con. La danse, l'infographie, et les parallèles sont aussi des moyens d'expression de MINERAL REFLECTANCE.

L'édition vinyle est double et en édition limitée, elle sort en autoproduction ? Si oui est-ce que tu penses éventuellement à sortir d'autres versions ou repressages par la suite avec l'aide d'un ou plusieurs labels ?
Alors en fait, depuis quelques années on sort de petites productions avec notre label : N-Vox Prod. Nous avons sorti ZaPiratz, Those Bloody Arms, Nehl Aëlin... Et avons contribué aux sorties de Dewey, La Mécanique Des Sourds ("Sous l'tilleul", Beyond The Ashes... De ce fait, tout ce qui sort et sortira de MINERAL REFLECTANCE se fera sous ce label. A ce jour, l'album est sorti en numérique sur Bandcamp et sortira le 28 Décembre 2021 sur toutes les autres plateformes de streaming (Deezer, Spotify, Itunes, etc.…) ce qui est pas mal pour un petit projet comme celui-ci. La version vinyle collector propose : 2 vinyles dans 2 pochettes séparées illustrées par Lae Rastrelli, le tout dans une sur-pochette ouverte avec une illustration alternative (celle dont je parle pour "Obsidian"), une chanson bonus, un CD, des stickers, etc... Cette version est produite en très petite quantité sur du vinyle de très haute qualité. Des t-shirts sont aussi compris dans certains packs. Comme tu le sais certainement mieux que moi en recevant des tonnes de CDs à chroniquer, le monde de la musique va très, très vite. Un groupe en remplace un autre en 2 sec ou en 2 lignes. Il est donc plus facile d'imaginer MINERAL REFLECTANCE être ajouté à une playlist par curiosité que de penser qu'une personne va investir beaucoup d'argent dans un vinyle sur le net. De plus, MINERAL REFLECTANCE n'étant pas voué à la scène, nous ne prévoyons pas de merch à outrance. Après bon, s'il y a vraiment de la demande, on essaiera d'y répondre de la meilleure des manières. Une version standard du vinyle pourrait être évaluée.

Merci d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions, si tu as quelque chose à ajouter tu as carte blanche !
A ceux qui ont eu le courage et la patience de me lire jusqu'ici, merci. J'espère avoir répondu aux interrogations autour de ce projet. N'hésitez pas à venir mettre quelques likes sur nos posts, ca ne changera pas notre compte en banque mais ça nous mettra la banane de voir que ça a plu a quelques auditeurs. Et si vous ne savez pas quoi offrir à Noël, pensez aux bracelets de pierre : qu'on y croit ou pas, le message que la litho-thérapie leur prête est un message que vous pouvez également offrir, dire à quelqu'un. Et puis c'est joli non ? Héhéhé ! Allez, On se retrouve pour le prochain Akphaezya !


Le site officiel : www.facebook.com/mineralreflectance