Interview faite par mail par Boris

Nul doute qu'avec son dernier et sidérant album "Stranded In Arcadia", une tournée française avec Detroit, un passage au Hellfest et j'en passe, les Bordelais de Mars Red Sky risquent d'exploser !! En véritable alchimiste et mélomane assidu, le trio a imposé sa propre vision du stoner, et s'amuse à présenter sa musique comme un croisement entre Simon & Garfunken et Black Sabbath ou Sleep. Véritable curiosité dans un genre devenu plutôt prévisible, Julien (chant / guitare) nous en dit davantage sur son groupe pour le moins atypique.

Salut Julien et merci de répondre à mes questions pour French Metal. Vu que j'habitais Bordeaux dans le milieu des 90's, j'ai bien connu le groupe Calc qui était considéré, à juste titre, comme le leader de la scène pop lofi de la région (avec Pull et Kim). Du coup, lorsque j'ai reçu l'album de Mars Red Sky quelle n'a pas été ma surprise de retrouver Julien au chant ! J'aimerais en savoir plus sur cette transition.

Julien (chant / guitare) : De mon point de vue c'est assez naturel en fait, au sein du groupe et notre entourage d'amis sur Bordeaux on a toujours aimé essayer de nouvelles choses, lancer des projets différents pour le plaisir de faire de la musique et élargir nos horizons. Certains ont duré le temps d'un concert, d'autres ont tenu plus longtemps. Mathieu de Calc joue dans Aeroflot, c'est assez éloigné de ce qu'on fait ensemble ! Et j'adore ce groupe, tout comme Year Of No Light dont un des membres, Jérôme était au collège avec moi. On avait vaguement fait un groupe ensemble à cette époque, plutôt noisy pop, rien à voir avec ce qu'on fait maintenant (on est très fan de YONL et avons sorti un split avec eux). Donc en fait, plus qu'une transition, c'est une continuité dans cette démarche éclectique d'essayer des choses et voir où ça nous mène.

Vous vous êtes formés en 2009 donc. Avais-tu une idée précise de ce qu'allait être Mars Red Sky ?
Pas du tout au début. On avait lié amitié avec Benoit Busser, notre premier batteur, et après un superbe concert de Berlin Vs Brooklin (son ancien groupe) on a décidé d'essayer de jouer ensemble. Je connais Jimmy depuis 17 ans environ, on a habité ensemble à une époque, et on écoutait des choses comme Dead Meadow, Bardo Pond, Sunn O))), on parlait déja à l'époque de tenter un projet allant dans cette direction. C'est donc un peu par hasard, pour le plaisir, qu'on a commencé à jammer ensemble et nous avons trouvé un son qui nous a parlé, particulièrement le contraste entre la lourdeur des riffs, la lenteur, et la voix aérienne pleine de reverbe qu'on avait envie de coller par dessus. C'était un procédé plus spontané et collectif que Calc et ça faisait du bien de s'amuser sur des riffs très simples, des ambiances sonores nouvelles pour nous...

Quelles étaient vos références musicales ?
On écoute de tout, des Beatles à Burzum, mais à l'époque de la création du groupe on était à fond dans des groupes comme Witch et tout le catalogue Tee Pee (Titan, Earthless, Entrance...), Pink Floyd, King Crimson, Soft Machine, Black Sabbath et Led Zeppelin bien sûr... SleepElectric Wizzard, encore et toujours My Bloody Valentine... Je suis fan de J Mascis et son groupe Witch m'a donné envie de me replonger dans ce genre de musique. ça a coïncidé avec notre rencontre avec Benoit.

De quelle manière t'y prendrais-tu pour convaincre quelqu'un d'aller jeter une oreille sur votre musique ?
Je lui collerais un flingue sur la tempe. Non sérieusement, je suis très mauvais en communication et en promotion, Jimmy fait un travail formidable à ce niveau-là ! Ou alors peut-être lui dirais-je : "Tu aimes les BeeGees ? Tu aimes Sleep tout autant ? Bon je te conseille de jeter une oreille sur ce groupe" ! (toutes proportions gardées bien sûr)

Peux-tu nous raconter la première fois que vous avez joué votre premier titre en répèt' ? Avez-vous senti tenir quelque chose d'unique ?
Oui c'était assez grisant, on avait les bases de "Strong Reflection" et "Curse" dès la deuxième répèt. J'étais content que l'idée de chanter de façon naturelle, comme je l'aurais fais avec Calc ou en solo, fonctionnait avec la musique qu'on produisait. On a eu le sentiment de tenir quelque chose d'intéressant, mais c'est à la suite de nos deux premiers concerts qu'on a vraiment senti que quelque chose se passait.



Quelles ont été les réactions du public stoner / doom / sludge à la sortie de votre premier album éponyme ?
Très bonnes dans l'ensemble à en croire les premières chroniques de blogs ou magazines spé, même étrangers. ça a été une très belle surprise pour nous qui n'avions jamais complètement baigné dans cette scène. ça fait très plaisir de rencontrer des gens aussi gentils, ouverts d'ésprit, qui accueillent chaleureusement un nouveau groupe sans se soucier de leur provenance ou leurs antécédents musicaux.

En comparaison avec vos autres projets, quels types d'émotions différentes Mars Red Sky permet-il de véhiculer ?
C'est dur comme question ! Les émotions ça ne se manipule pas... Ce qu'on essaie de faire en revanche, c'est jouer sur les contrastes, une musique intense, forte en volume mais pas forcement agressive, une section rythmique massive, en jouant sur les variations de tempos, la dynamique, et des voix et parties de guitare (ou basse) aériennes, gorgées de delay et réverb... La spatialistion aussi (la guitare passe par deux amplis de chaque côté de la scène), on a fait un sacré chemin avec notre sonorisateur Pierre Fillion (qui a enregistré le premier album et le EP "Be My Guide"). On porte un soin particulier aux visuels également, avec des projections de vidéos pendant les concerts.

L'identité du groupe est plutôt atypique, que ce soit de par votre background pop / folk, et votre amour de cette musique, un lien plutôt fort avec l'Amérique latine et le Brésil en particulier etc... L'aventure MRS a tout l'air d'une suite d'"accidents", toutefois cultivez-vous cette différence ?
C'est assez drôle en effet, mais comme tu l'as dit, depuis le début il y a eu une série d'heureux accidents ou d’imprévus qui ont jalonné notre parcours. Tout d'abord l'enregistrement du premier album ; on cherchait un endroit où nous isoler pendant quelques jours et enregistrer une démo. On avait pensé un temps à faire ça chez les parents de Ben, à St André de Cubzac ! Jimmy ayant repéré un endroit très chouette en Espagne lors de vacances, il nous a proposé de louer une maison dans le désert des Bardenas ; nous nous sommes installés là-bas avec le matériel de Pierre dans une maison au milieu de nulle part et y avons finalement enregistré la quasi totalité du premier album. D'où le rapprochement qui a été fait fait avec le desert rock, dont on est quand même assez éloignés. Pour ce nouvel album, nous avions monté tout un programme; une tournée au Brésil (avec une date en Argentine) suivie d'une semaine d'enregistrement dans un studio à Palm Springs tenu par Harper Hug (que nous avions rencontré sur un festival à Londres) et une semaine de tournée sur la côte ouest. Pour X raisons, nous avons été interdits de séjour aux US et nous sommes retrouvés coincés à Rio, hébergés par l'organisateur (et maintenant très bon ami) de la tournée brésilienne, Felipé Toscano. On avait une semaine à tuer avant de prendre le vol le plus abordable pour rentrer chez nous ; grâce à Felipé et ses amis on a eu la chance de rencontrer Gabriel Zander qui nous a acceuilli dans son studio Superfuzz, et avons enregistré l'album en quatre jours (hormis les voix faites chez moi à Bordeaux). L'ensemble a été mixé par Gabriel, un type formidable qui a su tirer le meilleur de nous. Et au bout du compte on se retrouve avec cet album dont on est très fiers au final.

De quelle manière avez-vous engagé le processus de création de votre nouvel album "Stranded In Arcadia" ?
Quand Matgaz a rejoint le groupe, les premières séances de répétition étaient dédiées à répéter les anciens morceaux pour les tournées à venir. Par la suite, quand on avait le temps et l'opportunité de se retrouver dans une salle de répétition, on en profitait pour avancer sur de nouveaux morceaux. On s'est naturellement mis à composer ensemble, il avait des idées et des capacités infinies, alors on a pu aller dans plein de directions. Le processus a été principalement collectif. On a trouvé certaines bases de morceaux lors de balances en tournée. Après on peaufinait tout ça tous les trois.

Quel est le moment fort de l'album d'après toi et pourquoi ?
Personnellement je suis particulièrement content de "The Light Beyond", il nous représente parfaitement, la façon dont on fonctionne aujourd'hui avec Matgaz, son apport inestimable. Une composition collective, des changements d'ambiance, des choeurs... Mais j'avoue être très content de tout l'album à vrai dire !



Comment êtes-vous entrés en contact avec Listenable ?
Ils nous ont contactés, à un moment où nous étions en train de parler avec un label américain un petit peu dans le même esprit. On avait déjà un peu avancé mais on le sentait pas vraiment. Listenable sont arrivés, et on a tout de suite bien senti le truc. C'était plus cohérent de travailler avec des gens dont on se sent proches dans la façon de faire les choses de aussi géographiquement. En plus c'est un label avec beaucoup d'expérience et un catalogue très identifié. Le double avantage pour nous est d'être un petit peu à part puisque nous ne faisons pas du metal extreme mais notre musique peut plaire à ce public. On est très content de la collaboration !

Le metal a beaucoup évolué depuis 20 ans, quel regard portes-tu sur cette scène et classerais-tu Mars Red Sky dans cette catégorie ?
Non je ne nous classe pas dans le metal, mais comme je le disais les fans de metal peuvent aimer notre musique. C'est un style que j'aime beaucoup puisque les musiciens et les groupes de cette mouvance sont toujours à la recherche de nouveauté et n'ont pas peur des mélanges et de taper dans les extrêmes. Il n'y a qu'a écouter le dernier Behemoth ou le nouveau Septicflesh pour voir à quel point on peut arriver à des trucs dingues ! Les mecs sont souvent assez ouverts et c'est un style  qui évolue grâce à des artistes comme j'ai cité précédemment ou comme Gojira aussi... En tout cas cette musique fait du bien et c'est un bon remède contre la médiocrité ambiante !

Vous êtes en tournée avec Detroit, j'imagine que c'est une aubaine de vous retrouver devant un public très large ! Comment réagit-il ?
En fait on a eu la grande chance de pouvoir faire cinq dates avec eux. C'est merveilleux, ils sont adorables, leur public est fantastique, très ouvert et attentif. C'est une chance immense, nous  leur sommes vraiment reconnaissants, c'est une belle expérience. Et ils sont géniaux sur scène, très intense et fun à la fois.

Après la tournée, quel sera votre programme ?
La tournée est loin d'être terminée, on va faire quelques festivals (Hellfest, Le Rock Dans Tous Ses Etats..), puis on repartira sur la route pour un bout de temps à partir de Septembre, un peu partout en Europe.

Quels sont albums de chevet en ce moment ?
Le dernier Tigran que Mat m'a fait découvrir. Sinon, "Oldrottenhat" et "Shleep" de Robert Whyatt, Sgt Pepper, "The Soft Bulletin" des Flaming Lips...

Je te remercie pour ta disponibilité et bravo pour votre album. Je te laisse le dernier mot pour les lecteurs de French Metal...
Merci à vous, au plaisir de se voir sur la route !


Le site officiel : www.marsredsky.net