L‘écoute de "Revelation" peut être déroutante pour un non-initié, comment présenterais-tu l’album à un non-initié justement ?
Déroutante ? C’est possible, dans un sens n’est-ce pas le propre de l’Art ? Pour nous, il s’agit d’une œuvre spirituelle, nous pouvons comprendre qu’elle puisse être déroutante et inquiétante, toutefois cela n’est pas un but en soi. Elle peut provoquer du malaise, même chez l’auditeur averti. Du dégoût, comme si on l’écoutait à contrecœur. Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas le droit de chercher une forme de perfection artistique, avec une bonne production ou des arrangements travaillés, des mélodies… il n’existe aucune limite sur la forme. Mais le fond n’est en aucun cas malfaisant même s’il peut inspirer une forme de répugnance à l’auditeur le plus averti. C’est une forme d’authenticité. Pour finir de présenter l’album à quelqu’un qui n’a jamais écouté MALHKEBRE, nous dirions que c’est une œuvre sans compromis, intense, toute tournée vers l’expression de notre foi. C’est une œuvre de religion.

Le choix de la pochette ferait plutôt penser à un groupe de grindgore comme Dead Infection et pas vraiment à un groupe de black metal, c’est important ce visuel un peu choquant pour vous ? La mort, c’est la révélation ?
Je comprends ce que tu veux dire mais je ne vois pas en quoi le grindcore ou certains courants du death auraient une exclusivité sur ce style d’imagerie. Il est vrai que la pochette sort de l’esthétique habituelle du black metal. Cette photo n’a pas été choisie pour choquer, même si nous espérons qu’elle produise son effet. Elle a été choisie parce qu’Andy Julia est un grand photographe et ami de longue, qu’il a eu une démarche aussi intéressante que complexe pour faire cette photo et qu’elle colle en tout point au message du disque. La mort est la révélation oui, ou plus exactement la révélation c’est l’acceptation que nous sommes -et que tout est- mortels. Le gore pour le gore ne vaut rien, il y a un message. Cette pochette est un miroir tendu à l’auditeur, ce qu’il est censé y voir c’est lui, ce qu’il est, ce qu’il deviendra. Visiter une morgue et se retrouver en contact physique avec des cadavres devrait être un point de passage obligatoire dans l’éducation d’un être humain. On devrait y emmener au moins une fois chaque adolescent, et les y forcer à méditer ne serait-ce qu’une heure. Comme un rite initiatique. Etre en contact direct avec la mort, la regarder en face, se plonger en elle et la laisser plonger en nous peut être une expérience fertile pour l’esprit.

Musicalement, je pense pas mal à ce que faisait Sadistik Exekution en écoutant l’album, tu connais ce groupe satanico-sadomaso ?
Eklezjas’tik BerZerK : Nous connaissons bien ce groupe en effet et l’apprécions, après il est difficile pour nous de voir les influences qui se retrouvent dans nos créations. Nous laissons cela aux auditeurs.

Pour reprendre sur l’album, peux-tu m’éclairer sur le contenu des paroles qui parcourent "Revelation" ?
Je ne vais pas détailler le sens exact des textes, ils doivent garder un peu de leur mystère et surtout c’est à chaque auditeur de le chercher lui-même. Mais comme dit ci-dessus, la révélation c’est l’acceptation de notre mortalité, de la suprématie de la mort en tant que raison finale de tout. Mort physique, mort spirituelle, références à l’alchimie ou slogans militants, cet axiome prend plusieurs formes sur "Revelation". Au-delà des mots c’est le ressenti qu’il faut arriver à saisir, laisser l’album parler à votre corps autant qu’à votre esprit. Lisez, écoutez, méditez, comprenez, agissez.

Comment estimes-tu la difficulté pour sortir "Revelation" ?
Eklezjas’tik BerZerK : Pour nous toute œuvre est souffrance, si cela était simple, nous trouverions certainement cela moins intéressant.

Les performances live de Malhkebre maintenant, le groupe s’est produit hors des frontières, comment se sont déroulés ces shows ? Y a-t-il des différences notables avec la France ?
Globalement la réception de notre musique par le public étranger est bonne. Nous avons pu le voir en 2010 lors de notre tournée européenne avec Christicide (RIP), mais aussi lors de différents passages en Allemagne. Certes parfois on tombe sur un public de bras croisés, ou tout simplement de gens qui sont venus pour s’amuser. Mais globalement les fanatiques répondent toujours présents. Et la France n’a pas à rougir, elle a son lot d’extrémistes qui peuvent encore transformer un concert en guerre.

Vos lives ressemblent à des cérémonies, êtes-vous comme certains groupes de black qui mettent une distance avec le public et se barrent après le concert, ou est ce qu’après le show le masque tombe pour aller discuter avec les gens ?
Ni l’un ni l’autre. Il n’y a pas de masque, nous sommes en public ce que nous sommes en vrai. Nous ne jouons pas un rôle. Plus exactement c’est dans la vie de tous les jours, au travail, en famille, que nous jouons un rôle. Celui que la société nous assigne, celui du bon collègue, du bon fils… entre Apôtres, travaillant pour notre foi, nous essayons de vivre selon nos codes, selon nos croyances, selon ce que nous aimons et sommes vraiment. Dans un sens nos pseudos sont nos vrais prénoms, car nous les avons choisis en fonction de notre moi profond, au lieu de nos prénoms de naissance choisis par nos parents. Tu n’as pas choisit de t’appeler comme tu t’appelles, d’autre t’ont collé cette étiquette sur le front à la naissance. Penses-tu donc que ton nom représente réellement ton être ? Entrer au sein des Apôtres de l’Ignominie est une deuxième naissance. Après les concerts nous sommes toujours ouverts à la discussion, dans une certaine limite et puis nous sommes tous différents les uns des autres bien qu’uni. Le live étant généralement très intense, nous avons toujours besoin d’un moment pour "revenir sur terre" certains d’entre nous peuvent très mal prendre le fait d’être accaparés par des inconnus sur certains sujets. Toutefois nous n’avons pas de problème pour discuter avec qui que ce soit.

Qui est le plus stressé d'entre vous avant un live ?
Vu le niveau d’agressivité que le groupe dégage sur scène, espérons que cela soit le public.

Malhkebre semble avoir une certaine aura à l’étranger et paraît bien moins exposé ici, comment expliques-tu cela ? Peut-être par le fait que depuis quelques années on ne prend plus trop au sérieux les groupes de black metal avec leur côté sataniste comme on a pu le faire il y a 15 ou 20 ans ?
Pour être franc je trouve ton hypothèse très étrange. Il ne faut peut-être pas fantasmer sur un âge d’or qui n’a jamais existé. Ou que l’on s’inspire de ce passé par pur romantisme, c’est-à-dire par pure facilité, en l’incorporant dans un art uniquement allégorique ou descriptif et non plus militant. Le satanisme est toujours présent et apprécié dans le black metal. Il n’y a qu’à voir le succès de groupes comme Watain, Ascension ou Secret Of The Moon par exemple. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement ? Le satanisme est la seule et unique essence du black metal ! Peut-être que le public étranger est resté plus sensible à cela que le public français, je n’en sais rien. Qu’ils s’amusent comme ils veulent après tout, la mode passera et ne sera jamais un frein à notre foi.

Quels sont les prochaines échéances pour Malhkebre ?
Pour la scène, le Satan’s Convention festival à Speyer en Allemagne, fin décembre, avec entre autres Marduk, Enthroned, Root et Nifelheim. Pour l’année prochaine d’autres concerts, et beaucoup de travail également sur scène et sur disque avec Sektarism. Nous menons les deux de front. Nous continuerons notre prosélytisme jusqu’au bout. Le succès est une récompense, pas un objectif.

Je te laisse conclure comme tu en as envie et merci pour tes réponses !
Le temps est compté. Acceptez-le. Priez, questionnez, décidez, agissez, avant que le rideau ne tombe. Mors ultima ratio !

Le site officiel : www.malhkebre.org