Interview faite par Lenore lors de leur passage au Chabada à Angers.
Bonjour Lofofora,
Tout d'abord, si vous pouviez vous présenter rapidement... le groupe a changé depuis les derniers albums, j'aimerai savoir à qui j'ai à faire !
Reuno (chant) : Ouaip ben moi c'est Reuno au chant, sinon avec moi y'a Daniel à la guitare, Phil et puis Pierre, celui qui fait des pompes derrière toi, c'est le batteur !
Ca fait maintenant plus de 15 ans que Lofofora est présent sur la scène metal-punk, on a tout de même encore du mal à vous cerner musicalement, comment vous définiriez vous et quelles sont vos influences respectives ?
Reuno : Ah ! Ne pas arriver à nous cerner c'est un beau compliment ça ! On aime bien ne pas avoir forcement de style musical défini. Et en plus au niveau de nos influences, on écoute de tout, enfin pas de tout, mais presque ! Mais là où on se rejoint le plus c'est sur la scène punk-hardcore. Sinon le seul style musical qui, je le crois, pourrait nous correspondre, c'est au Quebec, ils nous appelent crossover, et je trouve qu'en France il n'y a pas d'appelation pour ce terme. C'est dans ce style qu'au Quebec ils mettent des groupes comme Suicidal Tendencies, Biohazard ou Helmet. Donc nous on se sens plus proche de ça que d'une vraie scène metal inspirée Metallica, Pantera etc, sauf peut être pour Daniel, même si Metallica c'est une grosse influence pour nous. Mais sinon l'image du groupe dans son entier correspond à du crossover, j'aime pas qu'on dise qu'on fait du metal fusion, ça colle pas. Et puis au final, les étiquettes, toi t'en as besoin pour chroniquer ton album, certaines personnes en ont besoin pour l'acheter, pour aimer ou pas un album, mais un groupe n'a pas besoin de s'en mettre pour faire de la musique. Nous au final on s'en met jamais, c'est juste quand on nous demande que revient le terme de crossover, parce qu'au final ça represente un croisement entre différentes sortes de rock.
Entrons dans le vif du sujet, votre dernier album "Mémoire De Singes", à l'écoute j'ai été plutôt surprise, j'ai trouvé la voix moins présente, c'est différent de ce qu'on a déjà pu entendre avec Lofofora, que pouvez vous me dire sur cet album ?
Reuno : Ah, ça m'interesse parce qu'on a pas eu encore trop d'avis, mais pour nous cet album représente, comme pour les autres, l'énergie du moment, si les gens le trouvent un peu plus punk-hardore c'est qu'on est plus enervés. La voix est peut-être un peu moins en avant mais ça me plait, l'énergie de LOFO c'est un peu ça, on change d'un album à un autre. A chaque fois, on repart à faire quelque chose de différent. On brode pas sur ce qu'on a fait avant. Daniel avait déjà pas mal défini le truc avant qu'on rentre en studio, il nous disait que "ouais les morceaux ils vont êtres fâchés !" et je trouvais que c'est ce qui correspondait le mieux ; le rock de la colère c'est quand même bien le punk hardcore ! Le metal c'est d'autres sentiments, c'est la puissance, c'est la virilité !! Nous on se met pas vraiment de barrière et à la fois y'a des riffs metal dans cet album comme y'a pas vraiment eu avant, la punkitude c'est alors surtout la manière dont on a abordé "Mémoire De Singes". C'est pas du punk "no future" qu'on veut, c'est vraiment du punk incisif. Ca correspond vraiment aux sentiments et à l'énergie qu'on a voulu mettre là dedans.
Pierre (batterie) : Et au final, je trouve que cet album c'est un peu un mélange entre "Le Fond Et La Forme" et "Peuh!". En gros on a voulu faire un album assez enervé, parce que forcement les choses qui se sont passées dernièrement nous ont énervés, et ca a beaucoup joué sur l'élaboration de cet album et notre colère actuelle.
Donc votre album représente un peu la haine de tout ce qui a pu se passer ces derniers mois, alors pour reprendre une phrase d'une de vos chansons, le 21ème siècle sera t'il hardcore ?!
Reuno : Le hardcore ça implique quelque chose de cru, quelque chose de vrai et du coup, je suis pas sûr que ce soit exactement ca qu'on va vivre. Hardcore dans le sens rude, ouais.
Daniel (guitare) : Ouais, c'est ça, mais hardcore en général, je pense qu'il n'y a pas encore l'impact pour bousculer tout ça. Je pense que ca va surtout être hardcore pour nous.
Reuno : Je pense que ça va surtout être très difficile pour tout le monde. Mais bon il parait que c'est un comportement typiquement humain que de penser qu'au moment où tu vis, ça a jamais été aussi pire.
Ok, pour ce dernier album, vous avez bossé avec Laos, producteur de Gojira, comment s'est passé l'enregistrement de l'album ?
Reuno : C'était que du bonheur ! Autant sur l'échange humain, mais aussi l'échange d'énergie. On s'est apportés mutuellement des choses, et franchement c'était beau à vivre, c'était une belle rencontre. Et puis Laos c'est un pur ingénieur du son, il bosse super bien, en plus il est musicien aussi. Il a vraiment cerné ce qu'on voulait pour cet album, c'est à dire un son vraiment hyper dynamique, et puis c'était hyper motivant parce qu'à côté y'avait les Gojira qui bossaient des nouvelles compos pendant que nous on enregistrait, comme c'est pas veritablement un studio mais plutot une grange, y'a pas toute la classe d'un studio parisien, là y'a juste une pièce qui a été construite pour qu'elle sonne bien, elle n'a pas été faite par des acousticiens. Moi j'ai fait mes prises de voix sur la mezzanine, mais y'a même pas une glace, y'a pas de glace entre l'endroit où tu chantes et la régie ! Quand j'enlevais le casque, à travers les murs, j'entendais la double de Mario qui jouait dans le local du jardin à l'exterieur de la maison ! Et ça fout encore plus la patate ! L'énergie était alors presque commune, au même titre, les dernière fois qu'on était là bas, Joe nous a dit, "putain on a composé un nouveau riff un peu punk et je crois que c'est du fait que vous soyiez là!", alors même si on bossait pas sur les mêmes projets, on était dans la même énergie, c'était vraiment de chouettes moments. C'est les meilleurs conditions dans lesquelles on ait jamais enregistré un album.
Pierre : Et c'était génial parce que le studio était juste à côté de l'océan donc souvent on allait surfer quand on sortait du studio ! Et ça c'est excellent, quand tu sors de 5 ou 6h de prises et que tu finis dans l'océan, c'est génial, ça lave la tête ! L'océan c'est un élément vraiment hardcore. Quand j'allais surfer avec Mario le soir et le lendemain je me déchaînais sur des prises de batterie.
Reuno : Ouais, le fait qu'on soit proche de l'océan ça apporte quelque chose de génial. On a été assez influencé par ça, quand tu donnes beaucoup dans des prises, t'accumules pas mal de pression, même si tu donnes beaucoup d'énergie, et après se faire retourner la gueule dans l'océan, ça libère !
Vous avez collaboré avec King Ju de Stupéflip pour le morceau "Torture", au départ il devait seulement faire votre prochette d'album, alors comment s'est déroulé cette collaboration ?
Reuno : C'est un type un peu dur à cadrer c'est vrai ! C'est difficile de parler de King Ju, faut le vivre !
Pierre : Moi il me fait marrer ! Hier il nous a fait des putains de sketchs !
Reuno : Sinon, la rencontre elle s'était faite sur des concerts, on avait joué ensemble y'a au moins 3 ou 4 ans déjà, pour la tournée du premier Stupeflip, et c'était carrement le bordel ! Et j'ai trouvé ça excellent, ça me fait tellement chier les gens qui bougent pas sur scène, qui veulent régler un show, qui sautent tous en même temps, ça m'insupporte ! Et eux, c'est vraiment l'opposé ! Ils étaient venus foutre le bordel sur "Vive Le Feu" quand on le jouait encore, ça avait été n'importe quoi, on s'était battus sur scène alors qu'on les connaissaient même pas ! Et puis pour la pochette, Phil avait pas envie de la faire cette fois-ci, il voulait se concentrer plus sur la zic. Alors pour la pochette on voulait un digipack avec une illustration peinture, y'a pas beaucoup de gens qu'on fait ca, ma référence c'est un album de Prince, les gens feront jamais le parallèle entre les deux ! On a réfléchi a des gens qu'on aiment bien qui font ce genre de peinture, on a pensé à deux trois noms et puis King Ju, on aimait bien ce qu'il avait fait pour Stupeflip, lui il a été plutôt emballé par le projet, il a voulu nous connaitre un peu plus, et on s'est vite rendu compte qu'on a des influences communes, pas forcement musicales, quoique on écoute tous les deux Suicidal Tendencies, Cypress Hill... Charles Burns pour le dessin etc. Il est un peu autiste sur les bords, mais c'est quelqu'un de vachement plus normal que la plupart des gens que tu croises dans la rue.
Et au niveau de la chanson, "Torture", je m'attendais à du gros n'importe quoi et finalement c'est très serieux, comment expliquez vous cette chanson et son écriture ?
Reuno : Et ben tu sais que quand tu connais King Ju, Stupeflip c'est vachement plus serieux que ce qu'on peut penser. Y'a plein de choses vraies, qui sont pas là pour nous faire rire au début. Et finalement fallait qu'on se réunisse sur un truc, j'allais pas faire moi du Stupeflip et lui du LOFOFORA, fallait qu'on se rejoingne, moi je me suis un peu plus "loufoquisé" sur la facon d'écrire des choses et lui il a fait quelque chose d'un peu plus cadré que dans Stupeflip. Et on l'a écrite ensemble cette chanson, deux phrases chacuns, un peu comme un cadavre exquis. Et on avait envie que ca reste un peu brut. Et puis malgrès la folie du gars, on avait vraiment tous envie de bosser avec lui et nos univers se rejoignaient malgrès tout, donc ce morceau s'est fait rapidement.
Changeons du sujet, pensez vous un jour refaire un Sirarcha Tour, refaire une affiche avec Black Bomb Ä, Watcha et les autres?
Reuno : Non, y'a plus de Sirarcha Records et y'aura plus de tournée, et je pense pas que c'est pas demain la veille que LOFOFORA refera partie d'un collectif, on est déjà un colletif de 8 personnes dans notre camion ! On a vraiment donné beaucoup pour le Sirarcha mais j'avais vraiment l'impression qu'on était la tête de gondole d'un rayon et des fois ça m'a soulé, donc le truc s'est un peu dégonflé au fur à mesure et maintenant le Sirarcha c'est fini, même si j'adore ces experiences. Tu vois on est parti avec Parabellum sur la route y'a maintenant deux ans et ca avait été un pur moment de bonheur et moi repartir sur la route avec d'autres groupes, avec grand plaisir, mais pas toujours les mêmes.
Au bout de 15 ans maintenant de présence du scène, est-ce que vous avez l'impression d'avoir tout donné ou avez vous encore plein de choses à nous transmettre ? Ou en êtes vous avec l'aboutissement de ce dernier album ?
Reuno : Tu sais, quand tu composes ou quand tu enregistres un album, quand tu fais un concert, tu penses pas à l'énergie que tu vas donner, c'est une musique de l'instant, pour le moment on a envie de faire vivre ce nouvel album et à chaque fois je donne tout comme si c'était pour la dernière fois !
Et pourquoi "Mémoire De Singes" ?
Reuno : C'est les premiers mots de la première chanson, c'est "de mémoire de singes on aura jamais vu ça !", des fois j'ai des phrases qui me sortent sans vraiment y penser. Je voulais un peu parler d'apocalypse inévitable, donc pourquoi pas la provoquer! C'est un peu le sujet de la chanson. Et puis le titre de l'album s'est imposé, ces trois mots me sont restés en tête et on s'est dit, ben ouais, "Mémoire De Singes", pourquoi pas, ça fait un titre d'album ! Ca laisse aussi une libre interprétation et à la fois ça tourne autour des mêmes images, une espèce de conscience collective. Je pense aussi au coté génétique, notre coté animal, évidemment on est les maîtres du monde, mais à quel prix ? Je m'imaginais l'image de la chaîne de l'évolution, le début, et alors j'imaginais le premier singe, qui se retrouve sur son arbre à nous contempler et quelle réaction il aurait vis à vis de ce qu'on est devenus. C'est barré hein... Mais bon, c'est un peu cette image là ! En écrivant les paroles j'avais souvent des images de romans de science fiction, les ressemblances entre notre monde d'aujourd'hui et les romans écrits il y a plus de 50 ans. Donc c'est un petit peu tout ça quoi ! L'homme et son animalité c'est un thème récurrent chez moi, j'en suis conscient, c'est vraiment quelque chose qui me fascine. Déjà j'en parlais avec "Les Gens Sont Comme Des Animaux", "Histoire Naturelle", "Laissez L'animal S'exprimer"... Voilà, je trouve ça absolument incroyable que sous pretexte qu'on a la parole et qu'on a 5 doigts on ose se comporter comme ça. Je suis pas un putain de hippie, c'est juste que tout ça me préoccupe. Dès qu'une race de dauphin disparait par exemple, c'est comme quelqu'un de ma famille que je ne reverrai plus en quelque sorte ! Tu vois j'ai une fille aussi, et si un jour elle a des enfants, ça me ferait chier que mes petits enfants ne puissent voir les éléphants qu'en photo ou sur des animations 3D.
Alors à quand les pétitions pour la protection de la nature et des animaux pendant vos concerts, façon Gojira ?
Reuno : Ben pour nous, tout le monde est le bienvenu, surtout si c'est pour militer pour la protection de la nature, on a déjà contacté des gens pour ça mais on n'a pas encore eu l'occasion d'organiser ça. Mais pendant nos concerts on essaye au maximum de faire passer le message. On est prêt à accueillir chez nous des tables de presse pour ça. Au final, je dois avoir encore une sensiblilité de petit garçon, mais pour moi c'est normal. Tu vois, plus t'as de couleurs, plus t'as de diversité et plus tu rêves, plus t'imagines, plus t'es libre.
Le mot de la fin ?
Bonne chance ! Chacun sa merde !
Le site officiel :
www.lofofora.com
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