Bien conscient de ne pas être le groupe le plus rapide de la planète quand il s'agit de sortie de nouvel album, Jonas Renkse, chanteur de Katatonia, est un homme très lucide quand il doit parler de son groupe (il se compare lui-même à une tortue). Néanmoins, visiblement endurci par les années passées sur la route et à composer des chansons, le frontman est à l'image de son groupe : une force tranquille.

Vous êtes dans le business depuis plus de 25 ans désormais : est-ce toujours autant intéressant de composer un album et de partir en tournée avec par la suite ? Certains se lassent de ce procédé...
Jonas Renkse : Non pas pour moi, je ne trouve pas ça lassant ! J'adore toujours autant créer un album car ce qui m'intéresse c'est tout le processus de création. Et c'est intéressant de voir où est-ce que l'on peut aller avec ce nouveau contenu. Je n'ai pas l'impression d'être dans une sorte de routine. Et pour le fait de partir en tournée, ça nous est nécessaire car cela nous influence dans notre écriture et aussi car on peut mieux cerner ce qui va fonctionner dans le cadre d'un live. On travaille toujours dans l'optique de donner vie aux meilleures chansons de KATATONIA.

Tu préfères composer chez toi ou tu gribouilles aussi sur les routes ?
Je compose systématiquement et invariablement chez moi ! Je préfère largement. Je sais très bien que beaucoup de groupes le font plutôt quand ils sont en tournée mais ça ne marche pas trop pour nous.

Si tu n'écris pas pendant que tu es en tournée, comment occupes-tu tes journées généralement ?
Euh... C'est assez ennuyeux (rires). Globalement on essaie de regarder tous les films qu'on n'a pas le temps de voir et d'écouter de la musique et... On boit (rires). Ce genre de choses normales et ennuyeuses quoi, mais bon... Ca fonctionne. En fait, tu attends toujours de monter sur scène. Tu espères que ça arrive le plus vite possible. Et même s'il faut patienter peut-être 10 ou 12h avant de finalement monter sur scène, ça n'a pas d'importance, tant que tu peux y aller. Sinon ils nous arrivent de nous promener un peu dans les environs mais ça dépend où on est. Par exemple à Paris, les salles de concerts sont à proximité de lieux touristiques ce qui nous facilite la chose si on veut prendre un café ou autre. Mais des fois...

...Vous êtes propulsés "in the middle of nowhere" ?
(rires) Ouais... C'est tout-à-fait ça. On se retrouve parfois dans une zone hyper industrielle où il n'y a strictement rien à faire donc bon, dans ces cas-là on ne peut que rester dans le coin... Les immeubles c'est pas hyper passionnant, il devrait y avoir ne serait-ce qu'un restaurant, pour la forme. Comme à Paris, où là nous sommes gâtés question nourriture ! J'ai toujours adoré cette ville de toute façon. En Amérique aussi il est assez aisé de trouver des endroits pour se restaurer ou autre activité. Je trouve qu'en comparaison, c'est l'Allemagne qui est plutôt... Ennuyeuse ! (rires). Même les restaurants sont nuls. Bon, par contre, le public est super bien, lui. Ce sont les salles où on joue qui sont dans des coins pas terribles.

Parlant de salles, tu en as une que tu préfères ici à Paris ?
Oui, j'adore le Divan du Monde ! C'est plutôt petit mais y'a cette espèce de décor de théâtre, il y a une ambiance particulière qui s'en dégage et je suis vraiment fan. La Locomotive aussi dans laquelle nous avions joué, je crois que ça n'existe plus mais c'était très bien également et plus grand.

Revenons-en un peu à l'album si tu le veux bien, puisqu'il s'agit du dixième de Katatonia. Ca sonne un tantinet comme un anniversaire et qui dit anniversaire dit célébration. As-tu pensé à faire quelque chose de spécial à cette occasion ?
Je ne le sais pas vraiment pour tout te dire. Nous y pensons mais je pense que ça va dépendre de nos répétitions, de notre tournée aussi, il n'y a rien de prévu pour le moment. Nous devons évaluer les difficultés que nous allons rencontrer en jouant mais, c'est vrai que tu pointes du doigt le fait que nous aimerions malgré tout... Quelque chose de nouveau au moins. Mais nous ne pouvons pas le savoir avant d'avoir foulé quelques scènes au préalable. D'ailleurs, je n'avais pas constaté le côté anniversaire du dixième album avant que quelqu'un m'en fasse la réflexion l'autre jour. Je n'ai pas vraiment compté les albums pour être honnête, mais vous avez raison, c'est une bonne raison pour faire une célébration.

Qu'as-tu voulu mettre en exergue dans cet album cette fois-ci ?
La principale chose qu'on a voulu mettre en avant c'est de montrer qu'on était un groupe toujours intéressant je pense. D'apporter de nouvelles chansons, puisque je sais que pas mal de personnes attendaient après nous à ce sujet. Mais même pour nous au final, puisque ça fait environ 4 ans depuis le dernier album et quand tu réalises ça et que tu le vois écrit noir sur blanc devant toi tu te demandes où le temps a bien pu passer. On a vraiment été très occupés avec l'album précédent puisque nous avons beaucoup tourné avec et un jour, on a réussi à trouver du temps pour se poser un peu, s'assoir et recommencer à écrire de nouveau. Voilà, on voulait montrer qu'on était toujours là et actifs.

Dans ces cas-là ne subis-tu pas la pression de la maison de disques afin de te dépêcher de sortir un nouvel album ?
Si, tout le temps ! Mais il faut bien comprendre que tu ne peux pas te dépêcher d'écrire et de composer, ça doit se faire naturellement. Du coup ils nous ont demandé s'il était envisageable de sortir quelques DVD entre temps, parce qu'ils ont toujours besoin de proposer quelque chose. On s'est dit que ça n'était pas une mauvaise idée car nous n'avions pas de nouvelles chansons en stock et que la tournée n'étant pas finie, nous pouvions très bien filmer l'un des concerts. Les gens semblent apprécier ce genre d'initiative donc c'est une solution provisoire plutôt intéressante.

Est-ce que tout le monde est impliqué dans le processus de création de l'album ou quelqu'un prend les devants et dirige les choses ?
Non, la plupart du temps je m'en occupe mais bien sûr je ne suis pas un tyran et tout le monde participe quand même à son niveau. En gros ça marche plutôt comme ça : on pose les bases d'une nouvelle chanson, on se l'envoie, et ensuite chacun peut donner son avis, s'ils aiment ou pas, s'ils veulent éventuellement changer quelque chose.

Ca devait être plus compliqué il y a dix ans sans le partage de fichiers que l'on a maintenant avec Dropbox par exemple. Vu qu'à l'époque on devait nécessairement être dans la même pièce du coup, non ?
Oui c'est vrai, c'était plus compliqué mais c'était tout aussi bien au final car tu te donnais rendez-vous dans une salle de répétitions. Ca te forçait à jouer tous ensemble, et on ne le fait plus tellement désormais. On ne fait plus que des répétitions pour les concerts. Donc c'est vrai que c'était bien en fait, car maintenant tu perds tout l'aspect social comme... Discuter ! (rires) Pour autant, je pense que la façon dont nous travaillons à l'heure actuelle est tout aussi efficace. Du moins, ça fonctionne pour nous. Ce n'est pas forcément le cas pour tous les groupes mais personnellement, j'adore le fait de pouvoir être assis chez moi, avec rien pour me distraire et pouvoir me concentrer sur les chansons.

Vous vivez tous dans le même coin avec le reste du groupe ?
Désormais oui, mais ça n'a pas toujours été le cas. En 2009 deux membres ont quitté le groupe et ils vivaient à trois heures de Stockholm, et Daniel aussi notre ancien batteur, vivait plus au nord. C'est plus facile maintenant car tout le monde est dans la même ville. C'est plus pratique pour les répétitions mais également si on veut juste sortir pour boire un verre, ce que nous n'avions jamais fait auparavant de fait. Chacun restait dans sa ville avant et on ne se voyait que pour les répétitions. Evidemment on passait beaucoup de temps en tournée ensemble, mais ce n'était définitivement pas pareil.

Dernière question, qui est un peu farfelue je te l'accorde, que voici : si tu devais comparer le groupe à un animal ou un objet, quel serait-il ?
Oh, euh, c'est surprenant.. Peut-être... Une tortue ? (rires) Un animal lent, mais qui survit et vit longtemps. Ou non, lent, mais qui continue à bouger quand même (rires).

Le site officiel : www.katatonia.com