Interview faite par Pascal Beaumont à Paris.

Jimm est un personnage hors norme de la scène française rock, de ceux qu’on n’oublie pas, un véritable OVNI qui suit son propre chemin sans se soucier des autres et qui a su, au fil des années, développer un style unique loin des tendances actuelles. Fervent défenseur d'un hard rock à la française, le bougre a déjà à son actif deux albums qui ont marqué les esprits et lui ont permis de s'établir comme une valeur sûre dans le paysage métallique français. Jimm est un véritable homme-orchestre, à la fois guitariste, bassiste, chanteur, compositeur, une polyvalence qui lui permet de tout maîtriser de A à Z et d'être le seul maître à bord. Fortement influencé par Slash et les Guns N' Roses pour ce qui est de son jeu de guitare, l'ombre de Trust plane en permanence sur tous ses morceaux tant le discours proposé à travers ses textes est revendicatif, rebelle, un séisme d'acrobaties verbales que vous prenez en pleine face, destiné à vous faire réagir ou réfléchir ! Impossible de ne pas réagir face à ces textes qui vous emportent dans un torrent d'émotions palpable et bien réelle ! L'indifférence et le politiquement correct ne sont pas de mise, qu'on se le dise. Exit la pensée unique, Jimm est un musicien énervé qui ne peut que réagir devant l'injustice et la vie compliquée de ses contemporains. Il suffit d'écouter "La Haine", "Prisonnier De Dieu" ou encore "Prêt A Penser" pour comprendre que Jimm a des choses à dire et une hargne contestataire rivée au corps. Vous fermez les yeux et le Trust de la grande époque, celle des trois premiers albums, est de retour version 2018. Quoi de plus naturel qu'un hard rock de grande classe pour exprimé sa colère ! "Distorsions Cérébrales" est un véritable voyage qui vous saisit aux tripes pour ne plus vous lâcher. No compromise est de toute évidence son étendard drapé dans une honnêteté qui fait plaisir à voir. Impossible de ne pas en savoir un peu plus sur son parcours après l'écoute de ce troisième opus dont la conception a été difficile et chaotique. Une interview fleuve avec un guitariste fier de sa nouvelle pépite, disponible et sympathique, le bougre est en colère et veut le faire savoir. Un entretien qui nous fait mieux comprendre sa vision avec un artiste hors du commun qui n'a jamais baissé les bras, bien au contraire. Magnéto JIimm, c'est à toi !

Bonjour Jimm, le 2 Novembre 2018 tu as donné un concert au Bus Palladium, quel souvenir en gardes-tu ?

Jimm (guitare / chant) : C'était cool. On avait déjà joué au Bus en 2015. J'ai joué au côté de groupes que je connaissais, les Anglais de Fire Red Empress et les Parisiens d’Evenline dont je suis fan et qui sont aussi des potes. Le groupe anglais, c'est en fait la formation de mon ancienne prof de chant que j'adore. Elle m'avait contacté car elle cherchait une date pour ce soir-là car le lendemain ils jouaient dans un festival en France. J'ai pas mal galéré pour essayer de trouver des concerts et celui-là s'est fait donc c'est cool et puis j'ai apprécié de jouer avec des combos que j'apprécie, avec qui je m’entends bien et dont je suis fan musicalement. Le Bus est une bonne salle, c'est donc sympa de jouer sur cette scène. Après, c'était un weekend férié, on espérait un peu plus de monde.

Tu as aussi participé à quelques festivals au mois d'Août ?
Oui, à Bourg Saint Maurice et Cercoux. Les festivals c'est toujours cool surtout en province. Je suis provincial à la base, je préfère jouer en province, les conditions sont souvent meilleures. Lorsque tu joues à Paris, tu le fais souvent devant des potes et ce sont souvent les mêmes personnes qui viennent te voir. Lorsque tu donnes des concerts trois ou quatre fois par an, les gens viennent une fois mais pas forcément à tous les shows. En province, tu as moins de concerts donc le public se déplace plus facilement.

Est-ce que tu penses avoir pu défendre "In[can]décence" correctement sur scène ?
J'aurais pu donner plus de concerts, c'est sûr. On a essayé de jouer au maximum. Je ne sais pas combien j'ai donné de concerts sachant que j'ai arrêté vers mi-2017 car j'ai débuté l'enregistrement du suivant. A chaque fois que j'enregistre un disque, je ne donne pas de concerts. J'aurai dû en faire plus. Mais on a pu en donner pas mal sur Paris, en région parisienne et quelques uns en province.

Quel souvenir gardes-tu de ta tournée européenne au côté du chanteur de rock australien Simon Chainsaw en 2016 ?
Il habite au Brésil et il n'est pas très connu en France. Il a fait beaucoup de tournées européennes et à chaque fois il prend un backing band français. A la base, j'aurais dû assurer les parties de basse il y a un peu plus de cinq ans car il devait venir tourner en Europe et j'avais été choisi pour être le bassiste de la formation. Mais cette tournée ne s'est pas faire car la veille de la première date, il y a eu un souci de batteur et il a dû annuler. Deux ans plus tard, il est revenu et j'ai remplacé un ami guitariste qui ne pouvait pas se libérer. Il m'a propose le plan et j'ai fait cette tournée. On a fait 23 dates en 25 jours. On a joué en France, on a fait trois dates en Italie, de même en Allemagne et en Suisse. C'était la première fois que je faisais une vraie tournée.

Qu'as-tu appris lors de cette tournée ?
Déjà, j'ai rencontré le batteur qui joue sur "Distorsions Cérébrales", il jouait à nos coté lors de cette tournée. Il habite en Alsace et on s'est super bien entendu. Il joue donc sur mon disque. Sans ces dates, je ne l’aurais jamais rencontré. Ca m'a permis de jouer à l'étranger, de voir comment ça se passait lorsque tu es sur la route. J'ai pu faire 23 dates en 25 jours, enchaîné avec tout ce que cela sous-entend physiquement, la fatigue, la vie en groupe lorsque tu es 24h/24h dans un van avec cinq personnes que tu ne connais pas car je connaissais personne dans le groupe. C'est une expérience. Au bout de 25 jours, tu es fatigué et tu es content de rentrer chez toi mais c'était bien.

Comment s'est déroulé le processus de composition de "Distorsions Cérébrales" ?
J'ai composé les morceaux en 2016 sur une année. J'ai commencé à écrire début 2016, j'avais acheté une nouvelle guitare et comme à chaque fois que j'en achète une, je compose beaucoup de morceaux car j'ai une nouvelle sonorité et ça m'ouvre des portes. J'ai écrit ce disque sur l'année 2016 à l'exception de deux morceaux qui datent de bien avant : "Distorsions Cérébrales" et "Je Ne Veux Jamais Vieillir" qui avait été composé avec mon tout premier groupe. "Distorsions Cérébrales", je l’avais écrit en 2004, textes et musique. Pour "Je Ne Veux Jamais Vieillir", la musique avait été composé en 2002 / 2003 et j'ai refait le texte. Ces deux fonds de tiroir, je les ai ressortis pour ce disque. J'ai aussi repris deux textes qui étaient sur mes précédents opus que j'ai posés sur d'autres musiques nouvellement composées. "Nos Elites" et "L'Ivresse Du Pouvoir" sont des titres que j'ai composés en 2013 pour le précédent album mais avec des musiques différentes. Je ne les avais pas retenus à l'époque car les musiques n’étaient pas terribles. Là, j'ai composé une nouvelle partie musicale et j'ai adapté les textes à ces nouvelles compositions.



Tu as produit et enregistré l'album seul ?
Ce n'est pas exactement ça. J'ai marqué "produit" sur le CD mais c'est au sens financier. Je l'ai enregistré dans un studio mais j'ai fait tout remixer par Fred Duquesne parce que les mix n'étaient pas bons. J'ai eu des problèmes avec le studio et le gars qui travaillait sur l'opus, sans rentrer dans les détails. J'ai eu des problèmes financiers car ce qui était convenu n'a pas été respecté et le résultat n'était pas bon. Je ne pouvais pas sortir le disque en l'état donc j'ai fait appel à Fred pour le remixer. Je n'ai pas voulu citer la personne car j'étais en conflit avec lui et je le suis toujours. Je l'ai assez mauvaise de la manière dont tout cela s'est terminé et aussi de la façon dont il a agit. Je n'ai pas voulu citer son nom mais ce n'est pas moi qui aie fait les prises. Il y a plusieurs personnes qui m'ont posé cette question, je ne voulais pas que son nom apparaisse sur la pochette.

Tu as travaillé avec Francis Caste sur ton premier opus et Fred Duquesne sur le second, pourquoi ne pas avoir fait appel à l'un des deux pour "Distorsions Cérébrales" ?
Je voulais tout simplement changer. A l'origine, je voulais retravailler avec Fred. Mais un ami m'a parlé d'un studio à côté de chez moi et m'a demandé d'aller voir. C'est ce que j'ai fait. C'était un lieu assez grandiose où il y avait énormément de matériels, des consoles, je n'avais jamais vu ce genre de studio de ma vie. J'étais un peu impressionné et puis les gens qui y travaillaient avaient quelques références. C'était à coté de chez moi et on s'est bien entendu. Les conditions financières initiales me convenaient. Je lui ai fait confiance et j'y suis allé finalement mais ça ne s'est pas passé comme prévu. Après, j'ai dû faire remixer l'album par Fred.

Au final, l'opus sonne bien !
Oui, parce que Fred a fait un super boulot. Mais le mixage de base était très mauvais, c'était impossible de le sortir. Ce n'était pas du tout en corrélation avec ce que j'attendais, le prix que j'ai payé et le matériel qui était mis à ma disposition et les supposés compétences de celui qui travaillait sur l'album. Je l'ai assez mauvaise de ce côté-là.

Tu as été totalement déçu par cette expérience ?
Oui, mais c'est plus compliqué que ça. Je pourrais te l'expliqué dans les détails mais j'ai perdu de l'argent, du temps et le mec a été malhonnête. Je ne veux pas trop en dire, j'ai fait un mauvais choix, ça arrive.

Pour le mastering, tu as fait appel cette fois-ci à Magnus Lindberg après avoir travaillé avec Jens Brogen sur ton deuxième opus ?
Oui, pour "In[can]décence", j'avais fait faire quatre tests de mastering, deux avec des Français et deux avec des Suédois. Mes deux préférés étaient suédois. J'avais le choix entre Magnus et Jens mais j'avais préféré celui de Jens, son mastering m'avait séduit. Fred produit beaucoup d'albums qui, au final, finissent souvent chez Magnus. Comme cette fois-ci, il a remixé l'album, je suis allé directement chez Magnus. Ca sonnait et il a fait ça très rapidement.

Comment avez-vous travaillé cette fois-ci ?
Très simplement, je l'ai contacté et lui ai envoyé tous les mix et il a été ok. Il travaille très rapidement et est très réactif. Les Suédois font du bon travail. ils ont la culture rock, c'est cool.

"Distorsions Cérébrales" fait beaucoup penser à un titre d'album de Thiéfaine.
Oui, je ne connais pas assez Hubert Felix Thiéfaine, je ne sais pas trop quoi te dire ! C'est un morceau qui a été composé en 2004, le texte parle de ma relation avec mon ex-copine de l'époque qui était prise de tête. C'est basé sur une relation compliquée, c'est ce que j'avais envie de retranscrire à l'époque.

Pourquoi avoir choisi "Big Brother" comme premier single ?
Tout simplement parce que c'est mon morceau préféré. C'est le dernier titre que j'ai écrit pour le disque. J'avais onze morceaux et j'avais comme la sensation qu'il me manquait un titre un peu locomotive. J'avais un riff que je traînais depuis quelques années. Je l'ai rejoué et j'ai trouvé le refrain assez naturellement ainsi que le texte. Je l'ai mis en forme et j'ai trouvé que cela ferait un bon single. C'est ma chanson préférée, c'est la plus efficace. J'étais certain que "Big Brother" était le single idéal.

Quel thème développes-tu à travers les textes de "Big Brother" ?
Le sujet c'est la censure, cette sorte de dictature invisible. On te conditionne à penser, à faire ce que l'on veut que tu fasses. La société de consommation, c'est une forme de dictature invisible qui est là et qui te conditionne. C'est un thème qui m'intéressait et que j'avais envie de retranscrire à l'époque. C'était l'optique, les réseaux sociaux etc...

Le clip est excellent avec cette femme attachée.
Oui, c'est la méthode du Shibari qui vient du Japon. L'idée de ce clip est venue de Matthias Castegnaro qui est un ami et qui réalise tous mes clips. Il a suggéré ce concept du Shibari qui collait bien avec le texte. La fille est ligotée puis arrive à se libérer. Il y a aussi ce côté artistique qui est développé, ce visuel et une partie des paroles qui apparaissent en fond de clip.

Pourquoi ne pas avoir inséré les paroles dans le livret de "Distorsions Cérébrales" ?
A l'origine, je voulais les mettre mais le label qui a financé la presse et le digipak trouvait que rajouter un livret coûtait plus cher. En fait, c'est simplement dû à un problème financier.

Tu as souvent déclaré que tu préférais te produire toi-même plutôt que de faire appel à un financement participatif, qu'est-ce qui te déplaît dans ce système de plus en plus utilisé de nos jours ?
Je n’ai rien contre le procédé. Mais je trouve que de nos jours c'est une méthode qui est trop facilement utilisée et un peu avec de mauvaises intentions. Je trouve ça un peu trop facile, pas forcément dans la musique. Mais dès qu'ils ont besoin de quelque chose, les gens font appel au crowdfunding. Au niveau artistique, aller demander à tes fans de financer ton disque sachant qu'en théorie ceux qui t'apprécient vont venir te voir en concert et acheter ton disque... Demander de l'argent à des gens qui n'en ont pas forcément plus que toi et qui en plus vont t'en donner au moment de la sortie du disque en venant te voir sur scène, c'est un peu trop. A partir du moment où tu demandes de l'argent à des gens par ce système, tu as une sorte de pression qui te pousse à devoir sortir un album qui leur plaît. Les gens paient pour obtenir une musique à laquelle ils adhèrent, moi ça me dérangerait un peu de devoir rendre des comptes entre guillemets. Après, le coût pour produire un album est important et j'y réfléchirai à deux fois avant de le produire entièrement. Je produis des albums à perte, tout mon argent part dedans. Pour le quatrième opus, j'agirai différemment. Après, dans l'absolu, il y a des crowdfundings qui sont honorables. Mais tu vois tellement tout et n'importe quoi, des abus et le site qui prend de l'argent. Si je devais être amené à en faire un, je demanderai une très petite somme simplement pour m'aider. Mais demander l'intégralité de la production d'un album, ça ne m'a jamais effleuré l'esprit.

Tu préfères rester libre ?
Oui, quand tu ne fais pas appel à ce système, tu ne dois rien à personne. Si l'album ne plaît pas, tant pis, tu as payé, tu fais ce que tu veux. Sinon tu subis une forme de pression qui vient du fait que tu dois rendre des comptes quelque part.

"La Chanson De Prévert", une reprise de Gainsbourg, est ton prochain single, c'est assez surprenant comme idée de reprise ?
C'est surtout un titre qui m'a marqué lorsque j'étais adolescent. C'est une chanson que j'ai appris au collège grâce à mon professeur de musique. On faisait de la flûte avec lui mais une partie du cours était consacrée à l'écoute de musique notamment du rock. C'est grâce à lui que j'ai découvert Iggy Pop, les Pixies. Il nous jouait cette chanson de Gainsbourg et c'est un morceau que j'ai adoré à l'époque, il m'a marqué et il m'est toujours resté en tête. J'ai toujours eu cet optique d'en faire une reprise rock. Ca m'est revenu à l'esprit il y a quelques années et j'ai essayé de le faire sur ce disque, de passer ce morceau à la moulinette rock avec beaucoup de guitares qui était à la base un titre guitare-voix. Je ne peux pas dire que Serge Gainsbourg soit une de mes influences, je connais les titres les plus connus mais il ne fait pas partie des artistes que j'ai écoutés, j'aime simplement cette chanson en particulier. car elle m'a marqué lorsque j'étais ado.

Est-ce qu'il y a des titres qui ont été un défi à écrire ou à enregistrer ?
Oui, enregistrer les voix pour "La Chanson De Prévert" a été assez compliqué. Il y a pas mal d'harmonisation et je ne savais pas quelle hauteur prendre pour la tonalité. J'ai passé pas mal de temps à l'enregistrer, une journée entière au total. Pour l'écriture, il y a le texte de "Rancune", j'ai bloqué tout simplement. J'avais écrit des couplets que je ne trouvais pas terribles. Je n'arrivais pas à les refaire, j'ai bloqué jusqu'a la veille d'enregistrer les voix. Puis, j'ai eu un déclic et j'ai tout réécrit. Ce sont ces deux morceaux qui m'ont donné le plus de difficultés.

Comment en es-tu arrivé à te mettre au chant alors qu'à la base tu es guitariste ?
Avec mon premier combo j'étais guitariste, on avait un chanteur. Il est parti, c'est à ce moment que je me suis mis au chant. Pendant longtemps j'ai essayé de trouver un chanteur ou une chanteuse, un binôme avec qui composer. Mais je n'ai jamais trouvé, je me suis résigné. J'ai commencé à chanter et à me mettre à l'écriture de textes. J'ai travaillé ma voix. J'y ai pris goût à partir du moment où j'ai commencé mon projet en solo entre guillemets. C'était une évidence pour moi de chanter mes chansons.

Qu'est-ce qui nourrit ton inspiration ?
Il y a deux axes, un côté personnel, autobiographique et un côté extérieur, un regard sur la société. J'ai toujours écrit selon ces deux axes, mon vécu et le monde actuel.

Est-ce que le mouvement des Gilets Jaunes peut t'inspirer à composer un morceau ?
Totalement. Il y a une semaine, quelqu'un qui apprécie ma musique m'a écrit sur Facebook, c'était un gilet jaune. Il m'a demandé de composer un titre. Au départ, il voulait utiliser une de mes chansons. J'étais d'accord, ensuite il a voulu un morceau inédit. Mais ça prend du temps, il faut le composer, l'enregistrer et en ce moment je n'ai pas beaucoup de temps. Mais je m'y suis attelé et j'ai un squelette. Si la chanson est de qualité, elle sera sur le prochain album. Il faut aller en studio et l'enregistrer, c'est long. Mais j'ai essayé d'écrire quelque chose sur le mouvement des gilets jaunes. On verra ce que ça donne.

En écoutant "Distorsions Cérébrales", on retrouve un peu l'esprit des premiers Trust, c'est une influence majeure pour toi ?
Oui, c'est mon groupe préféré. C'est celui que j'ai le plus écouté. Noir Désir aussi mais je m'identifie plus à Trust dans le sens où il y a plus de guitares, il y avait vraiment un guitariste solo qui composait des riffs et des solos. Bernie m'a aussi influencé car lorsque j'ai commencé à chanter je n'avais aucune technique, je n'étais pas chanteur, j'ai essayé de chanté à la façon de Trust, de gueuler, de faire quelque chose de droit. Il n'y a pas de notes, un chanteur très technique va faire de grandes variations pour pouvoir chanter. Moi je me suis inspiré de Trust au niveau vocal. C'est mon influence. Trust a été le meilleur groupe français jusqu'en 1995. J'ai un peu lâché par la suite quand "Europe Et Haine" est sorti. Mais "Antisocial", "Préfabriqués", tous ces titres avec des grands riffs de gratte ont joué un rôle majeur dans ma façon d'écrire !



Tu as trouvé ton style rapidement ?
Oui, assez rapidement vers 18-19 ans. Quand je réécoute des maquettes de ma première formation, il y avait déjà la touche pour les solos et les riffs. J'ai peaufiné tout ça au niveau du son. Je joue sur la même guitare depuis mes débuts, à ce niveau-là tout est venu dès que j'ai joué. Après, au niveau des compos, j'ai mis un peu plus de temps. Lorsque j'avais 20 ans, j'ai composé des titres mais je n'avais pas encore trouvé ma patte. C'est au tour des 25 ans que j'ai commencé à me forger une identité de compositeur. Mais au niveau guitare, lorsque je réécoute mes premières démos, comparé aux solos et à certains riffs que je joue actuellement, ça a évolué mais l'essentiel de mon style était là. C’était assez similaire.

Te souviens-tu du moment où pour la première fois tu as tenu pour la première fois une guitare entre les mains ?
Oui, c'était une guitare acoustique, j'avais 13 ans et c'était chez mon cousin. Il jouait sur une guitare Folk et il m'avait montré "Smoke On The Water", un titre de Deep Purple et j'ai pu le rejouer. J'ai joué avec une guitare acoustique pendant quelques temps mais je voulais faire de l'électrique. Mais on me disait qu'il fallait commencer par l'acoustique. Mais dès que j'ai pu toucher une guitare chez mon cousin, je m'y suis mis. Ensuite, je suis passé à la guitare électrique, je devais avoir 14 ans, c'était dans un magasin de musique. Je crois que c'était une Fender, je me souviens que je n'avais pas accroché. Ensuite, j'ai essayé une Les Paul, j'ai acheté une Epiphone à l'époque. Je l'ai essayée et je suis reparti avec. C'était au moment de Noël, je devais avoir 14 ou 15 ans.

Quel est le premier groupe qui t'a donné l'envie de jouer du hard rock ?
C'est en 1991 avec Guns N' Roses et "You Could Be Mine", un titre que l'on entend dans "Terminator II". C'est à ce moment que j'ai découvert le rock et que j'ai eu envie de jouer de la guitare avec Slash qui a été une révélation.

Est-ce qu'il y a des textes sur cet opus qui te tiennent à cœur ?
Oui, j'ai des préférences. Mon morceau préféré au niveau des textes ou de la musique c'est "Big Brother". Je classe les titres sur le CD un peu par préférence, mes quatre préférés sont les quatre premiers surtout au niveau musical. "Prêt A Penser", au niveau des textes, est aussi un de ceux que j'apprécie le plus, la dictature et la pensée unique c'est ce qui me gonfle en ce moment. "Prisonnier De Dieu" dont le thème est la religion d'une manière générale et l'extrémisme. C'est une chanson que j'avais écrite il y a déjà quelques temps, elle ne date pas d'hier. Lorsque j'étais enfant on m'a placé chez les bonnes sœurs, j'étais plus ou moins contraint d'aller à la messe. Si je n'y allais pas les bonnes sœurs me demandaient pourquoi je n'y avais pas été. Lorsque tu es gamin, tu n'as pas forcément envie qu'on t'impose ce genre de trucs. J'ai toujours eu du mal avec les religions, toutes les dérives avec l'Islam, les violences, les fanatismes. Je respecte que les gens apprécient certaines religions mais que l'on veuille les imposer aux autres... Au niveau de la religion, je m'en suis un peu détaché.

Est-ce que ce n'est pas une manière d'être formaté religieusement ?
Peut-être, l'école te formate, les parents aussi. Les miens n'étaient pas du tout branchés musique, ça les embêtait que je fasse beaucoup de musique. Toute l'éducation en général peut te formater selon les envies de chacun. Les parents ne donnent pas tous la même éducation, idem pour les profs à l'école. Il peut y avoir un nivellement par le bas. C'est pareil dans les médias où tu ne peux plus dire grand-chose sans être menacé ou condamné. Il y a une dictature du bien-pensant.

Il y a des textes qui ont été écrits dans les années 80 qui ne passeraient plus maintenant.
Oui, tu as des humoristes comme les Inconnus qui ont des sketchs que je trouve super marrants mais je ne suis pas sûr que certains passeraient aujourd'hui, ça serait compliqué. Idem pour Desproges. Il y a plein de trucs qui, à l'époque, faisaient rire et qui ne passeraient plus maintenant, même au début des années 2000. Tu ne peux plus rire de grand-chose, même certains mots employés ne passent plus. Il y a une sorte de conditionnement de la pensée, de flicage. Les mecs viennent voir sur Internet, ils regardent les photos des voitures, si tu payes bien tes impôts, ce que tu penses, ce que t'écrit, ça devient hallucinant. Il y a certaines phrases qui sont sorties de leur contexte et utilisées par les médias. On ne dit plus un terroriste mais une personne déséquilibrée. Inconsciemment, tu es formaté à ne plus employer certaines phrases, on ne peut plus dire précisément les choses. Il ne faut pas dire un terroriste islamique par exemple.

Le morceau "Nos Elites" m'a fait immédiatement penser à "L'Elite" de Trust.
Oui, plusieurs personnes me l'on dit. Ce texte je l'ai écrit en 2012 / 2013, la musique bien plus tard en 2016. Je ne crois pas l'avoir écrit en référence à Trust. J'ai écrit cette chanson au feeling mais c'est peut-être inconscient. J'ai pas mal écouté Trust quand j'étais adolescent, parfois tu peux faire des choses, employer certains mots au niveau du texte et t'apercevoir que cela avait déjà été utilisé par certains groupes. Mais ce n'était pas voulu.

On retrouve sur certains titres des refrains très catchy voire pop, est-ce l'influence de Therapy? ?
C'est marrant parce que Therapy?, ça fait un moment que je connais. Je me sens proche de "Troublegum" et de "Infernal Love", ce sont des albums qui, en termes de songwriting, de styles, m'ont influencé. Ma formation préféré c'est Guns N' Roses mais au niveau des guitares, ce n'est pas un style que j'aurais pu faire, je n'ai pas la même voix qu'Axel Rose. "Troublegum", au niveau style, est celui qui me parle le plus. C'est un mélange de mélodies pop, de metal, de punk, c'est la même chose avec "Infernal Love". C'est un combo génial, je le cite toujours dans mes influences surtout au niveau des mélodies de guitares. Leur premier batteur, Fyfe Alexander Ewing, était assez hallucinant. Ensuite, il est parti en 1996 et cela a moins bien fonctionné. Mais ce sont deux opus qui m'ont le plus marqué lorsque j'étais ado, je les mets dans mon top 10. Surtout "Troublegum" qui m'a fait découvrir Therapy?, pour moi c'est un album parfait, avec le single "Nowhere".

Il y a d'autres formations qui t'ont marqué ?
Oui, lorsque j'ai débuté il y a eu aussi les Pixies, les Ramones, les Sex Pistols. Ce sont les premiers combos punk que j'ai écoutés, je ne sais pas si ça se ressent dans mes chansons. Toute la musique des années 90, le premier album de Skunk Anansie, les Smashing Pumpkins, No One Is Innocent à l'époque du premier album dont les guitares m'avaient bien accroché à l'époque. Après, il y a eu cette deuxième vague des années 90 avec les Deftones, Papa Roach, les formations de néo metal. J'ai beaucoup écouté tout ça, notamment au niveau des riffs, ce côté lourd. C'est là où j'ai découvert qu'on pouvait désaccorder la guitare en drop, ça m'a influencé.

Randy Rhoads a-t-il été important pour toi ?
Oui, carrément, je dirais tous les guitaristes d'ozzy Osbourne. J'ai découvert Ozzy avec "Ozzmosis" en 94, Zakk Wilde tenait les guitares. Par la suite, je suis remonté dans le passé et c'est là que j'ai découvert Randy Rhoads et Jack E Lee, avec Slash ce sont mes guitaristes préférés, mes quatre influences majeures. Ozzy, j'ai été super fan. Après 95, j'ai un peu lâché, mais les deux opus avec Randy Rhoads, les deux avec Jake E Lee et ceux avec Zakk Wilde. Le solo de “Bark At The Moon" est un des meilleurs solos jamais composés. A chaque fois que je l'écoute, je le trouve hallucinant.

Tu as enregistré ton premier album avec Francis Caste au Sainte-Marthe, qu'est-ce qui t'a poussé à travailler avec lui ?
Il a travaillé avec pas mal de formations de metal. Je l'avais découvert grâce à un combo un peu à la Nickelback, Stonedrive, j'avais trouvé la production excellente. J'ai été le voi,r il a collaboré avec pas mal de formations punk, hardcore. Mais lui, il est assez branché rock américain comme style.

Quel souvenir gardes-tu de ce premier enregistrement en studio ?
C'était mon premier album et j'arrivais en terre inconnue. Je pensais faire toutes les prises de guitares en une seule fois, que ça allait être super simple. En fait, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Tu t'aperçois qu'il y a des rythmiques où tu penses être carré et tu ne l'es pas. J'ai mis plus de temps que prévu. Au niveau des compositions, j'avais 20 morceaux, on en a gardé 14 et enregistré 12. C'était le premier et je ne savais pas comment cela allait se passer mais j'en garde un super souvenir. C'est pareil pour tous mes disques à part le dernier sur la fin.

Pour "In[can]décence", tu as travaillé avec Fred Duquesne, quelles sont les différences essentielles entre lui et Francis en studio ?
Pour les voix, en tout cas dans mon cas, Fred ne me faisait pas refaire beaucoup de prises. Il pense que les premières prises sont souvent les meilleures, ce qui est vrai. On en faisait quatre ou cinq et ensuite il mixait les meilleures. Avec Francis, je faisais plus de prises, c'était un peu plus fatiguant. J'ai plus galéré. Avec Francis, on enregistrait les voix dans une cabine séparé alors qu'avec Fred j'enregistrais à côté de lui. Il y avait un gain de temps à ce niveau-là. On peut interagir immédiatement s'il ya quelque chose qui ne fonctionne pas, on reprend en direct. Au niveau des guitares, c'était le même principe de fonctionnement. Ils n'ont pas le même logiciel, Fred utilise Protool et Francis travaille sur un autre séquencer, il y a des différences à ce niveau-là. Francis utilise plus de hardware alors que Fred mixe pas mal "in the box" au moment de la prise.

Avec quel producteur souhaiterais-tu travailler à l'avenir ?
En France, je retournerais travailler chez Fred. A l'étranger, il y a quelques noms américains qui me font rêver. Howard Benson qui a travaillé avec Papa Roach et dont j'étais super fan à l'époque, Michael "Elvis" Baskette qui a produit Alter Bridge et Slash.

Avec qui aimerais-tu partir en tournée ?
Trust, même si je n'aime pas trop le dernier opus, ça reste en France le groupe qui m'a donné envie de faire de la guitare. Slash bien sûr. Faire la première partie de Trust, ça serait excellent, c'est un combo qui m'a beaucoup marqué.

Est-ce que tu te sens un peu à part vu le style musical que tu pratiques ?
Oui, mais pas pour cette raison-là. En fait la musique que j'aime c'est du rock avec des sonorités punk et metal, c'est un peu un mélange de tout. Pour les métalleux, je ne suis pas assez metal, pour les punks pas assez punk et pour les fans de rock je suis trop petal, punk c'est le ressenti que j'ai. J'ai l'impression d'avoir le cul entre plusieurs chaises. Après, si tu rajoutes le chant en français, il n'y a pas beaucoup de formations qui chantent en français. Et puis il y a les solos de guitares qui sont très ancrés dans les années 80, ça crée des sonorisées qui font que je me sens un peu à part.

Le français, c'est un handicap selon toi ?
Je ne sais pas. Une ou deux fois des salles m'ont dit qu'elles ne voulaient pas de groupes chantant en français. Lorsque tu as un plateau avec des formations qui chantent en anglais, ça peut être un frein par rapport à l'homogénéité du plateau et pour la cohérence de la programmation. Au niveau du prochain Hellfest, il y a un spécial rock français avec des formations chantant en français comme Tagada Jones, No One Is Innocent, Black Bomb Ä, c'est cool.

Le Hellfest, c'est un objectif ?
Pas un objectif, un rêve, jouer à 11 heures du matin sur une petite scène, ça serait top. J'en fait pas une obsession mais j'aimerais bien jouer en festival. A terme, l'objectif c'est d'essayer de jouer sur des festivals importants et dédiés au style rock / metal. Tu peux jouer dans des festivals où tu as plusieurs styles, reggae, rock, chansons festives... Lorsque tu joues devant un gars qui vient pas forcément pour toi, il ne sera pas réceptif. Alors que lorsque tu joues dans un festival rock ou metal, punk, tu sais que tu auras un public qui est là pour écouter et qui accrochera. Le Hellfest, c'est un rêve, c'est certain.

Tu as quitté Dooweet pour Replica, qu'est ce qui a motivé ce choix ?
Oui, car je n'étais pas chez eux en tant que label, ils avaient assuré la promotion du premier et deuxième album. Pour le second, il était distribué à la Fnac, pas Season Of Mist, mais je n'étais pas chez eux. Ils ont travaillé sur la promo et la distribution du disque. J'ai signé avec Juste Une Trace au mois d'Août. C'est un label qui m'a aidé à la production, au pressage et à l'édition du disque. Maintenant, j'ai un label, ce qui n'était pas le cas auparavant, j’étais simplement en distribution.

Sur Facebook, il y a beaucoup de demandes pour que tu publies tes textes !
Oui ça m'a assez surpris. Les gens ont l'air assez intéressés par les thèmes que je développe. Mais je suis toujours surpris car je n'ai pas l'habitude, lorsque l'on me demandait une dédicace au début j'étais toujours surpris. J'avais l'habitude de faire de la musique dans mon coin avec mes potes. Une fois, quelqu'un a voulu faire une reprise d'un de mes morceaux, là encore je m'y attendais pas. Hier, j'ai donné vingt interviews dans la journée. Comme j'ai dit à Roger Wessier, je ne savais pas que ça allait intéresser autant de monde. Je suis assez pessimiste. Je ne connaissais pas tous ces médias qui s'intéressait à ma musique, peut-être deux ou trois qui font des blogs. Les gens ont pris le temps d'écouter. Certains m'ont dit qu’ils avaient mis un peu de l'album à cause de la pochette, ils s'attendaient à un truc dans le genre Benjamin Biolay et ils ont été surpris. C'est bien d'entendre des personnes te dire qu'ils apprécient ton album et qu’ils ne connaissaient pas avant. Ca m'a fait plaisir car je pensais faire cinq ou six interviews comme pour les précédents albums et là j'en suis au moins à 20 et d'autres par écrit, c'est cool. J'ai eu pas mal de galère pour l'enregistrement de cet opus. Après, j'ai dû le faire remixer par Fred Duquesne. Je ne l'ai pas enregistré chez lui mais dans un autre studio. Ca a été compliqué, j'étais en conflit avec le mec, j'ai perdu du fric. Entre le début de l'enregistrement et la sortie du disque il s’est écoulé quasiment un an et demi, ça a pris du temps. J'en avais vraiment marre au bout d'un moment, cela te fatigue nerveusement. Je suis resté sur un mix pendant 18 mois sachant qu'avant j'avais mis un an à le composer. J'ai travaillé à fond sur cet opus pendant deux an et demis. A un moment, tu as envie qu'il sorte et tu espères qu'il va plaire tout en ne sachant pas quel va être l'accueil.

Est-ce que tu penses que faire du rock en France c'est un vrai combat ?
Oui, les années 80 je ne les ai pas connues. Mais il y avait beaucoup de groupes de hard rock, pareil pour les années 90 avec l'arrivée de Nirvana qui avait ouvert une porte. Le rock était commercial, il passait à la radio même sur Fun Radio. Tu pouvais entendre Nirvana, Metallica, les Guns N' Roses que ce soit sur Skyrock ou Fun Radio. Ensuite, le rap est arrivé et il y a eu un gros changement, tout a basculé et le rap a dominé. Le rock est devenu une sorte de niche. Les combos rock / metal ne vendent plus et c'est très paradoxal quand tu vois l'affluence sur les festivals comme le Hellfest et bien d'autres. Vendre 100 000 albums aujourd'hui, c'est énorme alors qu'à l'époque ça ne représentait pas beaucoup. Je ne suis pas sûr que le rap fasse mieux malgré les médias.

Tu t'attends à quoi pour la release party au Dr Feelgood ?
Je ne sais pas trop, il pleut, c'est un peu le bordel dans les rues. Mais l'endroit est bien, le son était bon lorsque j'y ai joué. Ce soir, je vais vendre mes CDs, les dédicacer. Je dois rentabiliser le coût de l'album alors même si je ne vends pas beaucoup de CDs, c'est toujours ça.

Merci beaucoup, Jimm.
Merci à toi, c'était cool.


Le site officiel : www.jimm.fr