Interview faite par mail par Braindead

Ixiona été fondé en 2004, ce qui fait de vous un groupe confirmé. Pouvez-vous néanmoins faire une biographie pour ceux qui ne sont pas forcément orientés doom ?
Julien Prat (instruments / chant) : On peut dire que le projet remonte à 2004 lorsque j’ai commencé à combiner dans des mêmes morceaux mes différentes influences. A partir du moment où j’ai disposé de quelques compositions, j’ai voulu aller au bout de la démarche et Thomas m’a rapidement rejoint, en 2005, notamment pour les voix. Nous avons choisi le nom "Ixion", et enregistré notre démo "Through The Space We Die". Elle est sortie en 2007, et l’accueil a été au-delà de nos espérances, ce qui nous a bien sur motivé pour poursuivre ! Une nouvelle période de composition et de production s’est donc ouverte, pendant laquelle Yannick est arrivé, avec l’idée de diversifier les vocaux. En 2010, notre premier album "To the Void" était prêt, et nous avons signé sur Avantgarde Music pour une sortie en Avril 2011. A nouveau l’accueil aussi bien critique que public a été une vraie satisfaction ! Puis les quatre années suivantes ont été principalement consacrées à notre nouvel album "Enfant De La Nuit", avec la signature sur un nouveau label, Finisterian Dead End, en 2015.

La scène doom bénéficie depuis quelques années d’un renouveau salutaire. Des formations comme Ahab ou Mammoth Storm, pour ne citer qu’elles, apportent modernité à un genre qui souffrait d’une réelle prévisibilité. Comment arrivez-vous à tirer votre épingle du jeune face à des formations reconnues pour leur créativité ?
La première chose qui nous permet de nous démarquer sur la scène doom, je pense, est la place accordée aux claviers, qu’il s’agisse de sonorités ambient ou électroniques. De ce point de vue, IXION est souvent considéré comme un groupe à part, avec son univers, et c’est vrai que nous aimons développer un ensemble cohérent, qui embarque l’auditeur dans un autre monde. Peut-être aussi que l’aspect mélodique, qui est particulièrement poussé, attire un certain nombre de personnes, qu'il s'agisse de mélancolie, d'ambiances froides, ou de passages épiques.

Comment qualifiez-vous votre musique ? Quels sont les thèmes abordés et ceux qui vous inspirent ?
Si on veut être plus précis que l’étiquette "doom / gothic metal atmosphérique" on peut dire qu’IXION combine doom-death mélodique, metal gothique, et musique ambient / électronique. En tout cas nos influences sont à chercher de ces côtés là. Electronique mise à part, on peut sans doute faire un lien assez marqué avec le doom atmosphérique scandinave, mais c'est certain que les sons synthétiques sont un des piliers de notre musique. Notre thème de prédilection est l'espace avec une approche visuelle et contemplative, et certaines thématiques de science-fiction qui gravitent autour (solitude, futur de l'humanité, folie...). Mais plus globalement, la musique d'IXION est cohérente avec un sentiment d'immensité, que peuvent aussi évoquer le ciel, les abysses... Beaucoup d'oeuvres qui développent ces thématiques nous inspirent, qu'il s'agisse de musique, de cinéma, de romans, de bande-dessinée...



Comment travaillez-vous au sein d’Ixion ? Qui compose ? Vous posez dans un premier temps les paroles ou la musique ? Vous êtes plutôt brainstorming ou chaque membre a besoin d’une ambiance particulière pour créer ?
Nous avons stabilisé le projet à trois : Thomas assure les voix extrêmes et participe à certaines compositions (il est en particulier à l'origine de parties orchestrales), Yannick s’occupe des voix claires et rock, quant à moi, je compose la majeure partie de la musique, je joue et programme les instruments, et j’assure aussi quelques voix. La musique vient toujours avant, et la période de composition et d’enregistrement des instruments est assez solitaire, plutôt immersive. A l'inverse la démarche devient beaucoup plus collégiale avec le choix de la tracklist, l’écriture des textes, l'enregistrement des voix... plutôt en mode brainstorming effectivement ! Côté production, c'est principalement un travail en binôme entre Yannick et moi, une bonne partie du temps ensemble.

Votre premier EP "Through The Space We Die" a bénéficié de critiques élogieuses, tout comme votre premier album, et entre temps vous avez changé de label pour intégrer Finisterian Dead End. Que va vous apporter ce changement ? Une plus grande visibilité en sortant de l’étiquette doom ?
Finisterian Dead End est un label plutôt généraliste, pour autant Laurent apprécie beaucoup le doom atmosphérique, ce qui a joué dans notre choix. Ce changement de label nous apporte une nouvelle dynamique sur la promo dont nous sommes très satisfaits, et aussi une nouvelle manière de travailler, basée sur une interaction de proximité, amicale ; mine de rien ça améliore sacrément le confort et le plaisir de travail. Sinon le doom rassemble des passionnés et j'aurais tendance à dire que c'est l'appartenance au genre, combinée aux qualités de la musique et au travail de promotion, qui donne le plus de visibilité. Donc on n'est pas sur une mise à l'écart de l'étiquette doom, au contraire on assume complètement cette composante ! Même si c'est évident que la musique d'IXION déborde largement de ce périmètre et peut séduire aussi des amateurs de metal gothique, de dark ambient...

Votre actualité est chargée, en parallèle de ce changement de label vous sortez votre nouvel album "Enfant De La Nuit" (magistralement chroniqué dans nos pages). Pouvez-vous nous en parler ? Pourquoi avoir choisi un titre en français ? La pochette est d’ailleurs assez énigmatique…
"Enfant De La Nuit" est un nouveau "voyage musical dans l'espace", d'une certaine façon la suite de "To the Void", sauf que nous avions clairement la volonté de faire un album plus varié et mieux produit. Les morceaux ont été choisis parmi une vingtaine de nouvelles compos, avec l'idée de creuser d'une part notre facette la plus froide et sombre, d'autre part notre sensibilité mélodique et gothique. On a également rééquilibré les voix : chants extrêmes et clairs se partagent beaucoup plus les morceaux , et le chant clair s'affirme vraiment. Du point de vue des paroles, du titre, des visuels, tout repose sur une histoire inspirée de la science-fiction, qui se déroule sur l'album, mais c'est vraie qu'elle est révélée de manière assez énigmatique. Nous avons pris le parti de l'illustrer avec un style BD de SF et nous avons donc cherché un illustrateur dans ce sens. A l'arrivée nous sommes très heureux du résultat final, un grand merci à Pierre Roussel ! La pochette représente l'enfant sur lequel l'équipage d'un vaisseau, perdu aux confins de l'espace, fait reposer son avenir...

Avez-vous déjà fait des concerts ? Votre genre nécessite une ambiance scénique particulière, une tournée est-elle d’actualité ou du moins une release party ?
Tu touches du doigt un point très important avec l'ambiance scénique : de notre point de vue, il faudrait trouver une scénographie qui au minimum accompagne ce voyage musical, voire le renforce. Ce n'est pas impossible, mais pas évident non plus. Si on rajoute la problématique de monter un line-up pour le live, ça explique que les concerts ne soient pour le moment pas à l'ordre du jour même si nous en aurions envie dans le fond !

Que pensez-vous de l’industrie musicale, sujette à une crise qui semble définitive, engendrant des changements pas toujours faciles à gérer dans un contexte ultra concurrentiel ? Et quelle est votre stratégie pour sortir du lot ?
On en revient à cette notion de genre et de public passionné : on est dans un milieu sans doute épargné par la dérive "produit de consommation" de la musique. On peut même se dire qu'on se paye le "luxe" de sortir un album à écouter en entier, et avec des personnes qui vont effectivement l'écouter de cette façon, parce qu'elles adhèrent au concept. Maintenant même dans un genre comme ça, la "concurrence" est là c'est vrai, et je pense que la presse garde son importance - en tout cas je suis persuadé qu'IXION a trouvé sa place grâce aux chroniques positives que nous avons obtenues ! Et pour ça, tout compte, la composition, la production, la promotion... ce qui veut dire qu'il faut croire dans ce que l'on fait et aller au bout, mais aussi faire les choses de la manière la plus professionnelle possible et avoir les bonnes personnes à ses côtés. Et pourtant, puisque justement on parle d'un genre particulier, on ne vit bien sur pas de ça. C'est la démarche qui doit être professionnelle, le statut ne l'est pas.



A une époque, la com' "homemade" semblait être le Saint Graal pour les groupes émergeants qui ne bénéficiaient pas de l’appui de la presse papier. Depuis quelques années, c’est l’overdose ! Entre la multiplication massive d’assos, des groupes qui pensent avoir réussi en comptabilisant leur nombre de "like" mais qui se retrouvent avec trois entrées payantes… Trop d’infos tue l’info, surtout lorsqu’elles ne véhiculent justement aucune info. Etes-vous pour sur cette surreprésentation sur les réseaux sociaux ou véhiculez-vous des valeurs plus terre-à-terre liées essentiellement au travail studio ?
On a déjà un peu répondu à la question du coup. En fait le "homemade" n'est pas incompatible avec une démarche sérieuse. Qu'il s'agisse de mon studio personnel (28 978 Studio) ou de celui de Yannick (Nevermind Records), on est sur une approche fait maison. Seulement la musique ne sort des murs que lorsqu'elle a atteint le niveau souhaité, et pour IXION on s'appuie ensuite sur un réseau solide dont on a parlé : label, presse... Les réseaux sociaux ne sont alors qu'un outil, un plus.

Votre prochain album est déjà d’actualité, pouvez-vous nous en parler ? Sera-t-il différent ou complémentaire à "Enfant De La Nuit" ?
Il intégrera d'autres morceaux parmi la vingtaine qui ont été composés. L'identité d'IXION sera bien là, mais on travaillera d'autres facettes. Ce sera donc un album complètement indépendant d'"Enfant De La Nuit" au final. L'objectif qu'on se donne est de le sortir fin 2016 mais il faut rester prudent.

D’autres projets sont-ils d’actualité ? Peut-être un mot, un leitmotiv pour finir ?
On a déjà des idées pour l'album qui suivra derrière (le quatrième donc) ! L'univers d'IXION est en réalité assez vaste pour varier les plaisirs, on aime bien aller explorer tel ou tel recoin, tout en maintenant une cohérence. Sinon Yannick a d'autres projets actifs, dont un en création et plutôt affilié post-rock... à suivre ! Pour finir merci pour cette interview très complète ! Et merci à tous ceux qui nous écoutent déjà ou qui vont franchir le pas !


Le site officiel : www.ixiondoom.com