Interview faite par mail par Matthieu

Salut à tous et tout d’abord, merci de prendre un peu de votre temps pour mes questions ! Comment présenteriez-vous Iron Flesh à quelqu’un qui ne connaît pas du tout le groupe ?
Julien Helwin (guitare / chant) : IRON FLESH est un projet solo qui a vu le jour en 2017, avec le souhait de faire du death metal plutôt old school influencé par la scène suédoise et américaine mais teinté d’influences d’autres horizons qui ont toujours cruellement manqué aux groupes qui ont forgé les lettres de noblesse de ce style.

D’où vous est venu ce nom, Iron Flesh ?
Fan de death metal, de films gore, d’occultisme il aurait été difficile de prendre un nom avec des sonorités trop chantantes. Cela a aussi un rapport avec ma personnalité, étant connu dans le milieu pour mon jeu de batterie extrême et machinal, cela a aussi un rapport avec ce côté “surhumain” que je peux avoir dans ma démarche, je ne suis qu’un simple être humain mais qui, telle une machine, est capable de réaliser des choses que beaucoup n’auraient pas le courage ou la volonté d’entreprendre. Par delà le simple nom à consonance death metal il y a une forte identité qui je l’espère saura s’affirmer sur la scène avec le temps.

"Summoning The Putrid", votre deuxième album, est sorti il y a un mois. Pour ma part, il est excellent, mais avez-vous eu d’autres retours ?
L’album a été extrêmement bien reçu, noté et chroniqué. Je suis hyper satisfait, malgré les difficultés que nous affrontons avec le Covid, les ventes sont bonnes. La signature avec Great Dane Records est un pas de plus en avant pour le groupe, puisqu'à l'heure actuelle je reçois plus de chroniques avec de meilleures que le précédent album, beaucoup plus d’interviews, les ventes sur Bandcamp ont explosé. Je suis vraiment content de l’engouement qu’a suscité cet album, on figure même dans le top 20 de certaines personnes. Il me tarde de pouvoir vous le présenter sur scène !

Quelle est l’histoire de cet album ? Comment s’est passé le processus de composition de cet album ? Est-ce que c’était différent de l’album précédent, sorti l’an dernier ?
Cet album sort presque deux ans après sa composition. Comment est-ce possible me diras-tu ? Eh bien c’est simple, je l’ai composé pendant la promo du premier ! Je ne suis pas du genre à sortir un album tous les dix ans, c’est un pari risqué de sortir aussi régulièrement des albums. C’ est un rythme que j’ai depuis le départ, en gros j’ai toujours une sortie d’avance. Je ne me force pas pour composer et je ne m’impose pas de deadline. Concernant la composition de l’album, étant le seul compositeur et multi-instrumentiste / parolier il est assez facile d’être en accord avec moi-même. Je compose presque exclusivement de nuit (je cherche toujours une explication à cette habitude). Je cherche des riffs qui me plaisent et que je puisse jouer techniquement parlant, je structure et je compose la batterie puis vient la basse et la batterie. Je termine toujours par le chant . L’idée est et restera de toujours écrire une musique qui me plait, jouable, et dans laquelle tous les instruments se complètent y compris le chant. Il en ressort des morceaux simples et efficaces, travaillés mais catchy et je pense que c’est un des atouts majeurs d'IRON FLESH.

Vous avez travaillé avec l’islandais Skaðvaldur pour l’artwork, quelles consignes lui avez-vous donné afin que l’artwork corresponde à votre musique ? Comment s’est passée la collaboration avec lui ?
J’ai repéré le travail de Skad sur les réseaux sociaux (Instagram) et je l’ai simplement contacté en lui demandant s’il serait intéressé pour bosser avec nous. Il a écouté nos précédentes sorties puis le nouvel album et il a accroché direct. J’ai longuement discuté avec lui afin qu’on fixe les thèmes principaux abordés dans l’album. Je voulais que la pochette soit représentative des lyrics. Trop souvent les gens font le raccourcis entre pochette agressive et musique violente. La musique d’IRON FLESH n’est clairement pas la plus violente dans le milieu mais les thèmes abordés sont eux assez sombres et extrêmes. Une fois le tableau dressé et étant tous deux fans de gore et de films de zombie, il devenait alors très facile de collaborer ensemble. Après quelques esquisses et retours sur le travail en cours, la pochette prenait vie sous nos yeux. Je la trouve magnifique mais je ne pensais pas qu’elle serait autant appréciée.

J’ai remarqué qu’en plus de cette base death old school grasse et sale, on retrouve quelques influences diverses, comme du doom /death, des mélodies à la suédoise, une légère pointe de thrash, un soupçon de black… Qu’est ce qui vous inspire pour créer, aussi bien paroles que musique ? Est-ce que vos influences se trouvent ailleurs que dans la musique ? Je pense au cinéma, à la littérature…
Je suis un grand fan de Lovecraft, de Romero et de tout cet univers zombie, apocalypse, vie extra terrestre, légendes. Autant d’univers qui permettent de créer un univers aussi varié que les influences qui composent la musique. Pour cet album, je me suis aussi inspiré d’oeuvres de Mark Riddick que j’admire et avec qui je rêve de travailler. Baigné par ces influences, chaque morceau a été écrit sur la base d’oeuvres qu'il a créées, en les regardant et en y mêlant mon imagination cela m’a permis d'y voir des scènes, des thèmes et ainsi peindre le tableau final.



Qu’est-ce qui vous attire dans le death old school ? Qui sont pour vous les quatre groupes les plus influents dans le death metal mondial ?
J’aime beaucoup le fait que certains chefs d’oeuvre aient été créés avec une absence presque totale de technique instrumentale, ils ne cherchaient pas à aller le plus vite possible. Ils composaient avec leur tripes sans Guitar Pro, sans boîte à rythmes et avec beaucoup plus de feeling que ce que nous faisons maintenant. Les morceaux étaient conçus pour le sonner en live. Il est très difficile de n’en citer que quatre mais pour moi Dismember, Cannibal Corpse, Entombed et Asphyx.

Le groupe est actif depuis trois ans, mais avait débuté en tant que projet solo. Julien, comment s’est passé le recrutement des membres ? Comment t’es venue cette décision de faire évoluer ton projet ?
Le groupe est toujours un projet solo, je reste la locomotive même si dorénavant depuis deux albums Seb enregistre la basse. Pour le recrutement, début 2017 après avoir composé le premier EP "Worship The Necrogod" je l’ai fait écouter à des amis proches et il est ressorti plusieurs fois cette phrase “Trouve un line-up, en live ces morceaux vont sonner”. J’en ai donc parlé à Sylver et Guilhem qui sont des amis proches, ils étaient intéressés mais pensaient que les morceaux allaient à 260 BPM avec beaucoup de technique. Je pense qu’après la première écoute ils se sont dit qu’il y aurait peu de boulot à fournir pour bosser les morceaux. C’était aussi un des objectifs que je m’étais fixé au départ, sans parler de se limiter techniquement parlant, je ne voulais pas que la technicité des riffs et la vitesse à la batterie en arrivent à limiter le plaisir que l’on prendrait à jouer les morceaux sur scène. Je fais toujours attention à cet aspect lorsque je compose et je pense que cette démarche enlève un poids pour la scène. Je n’ ai plus du tout besoin de m’échauffer et d’être archi concentré avant de monter sur scène. Seb avait entendu parler du fait que je cherchais un bassiste pour faire du live, il venait de quitter The Great Old Ones. Après deux répèt', on avait un set carré et on était prêts à s’éclater sur scène. J’ai tout de suite compris que cette décision de tenter l’expérience sur scène était une bonne décision. Nous faisons tout de manière la plus professionnelle possible mais on garde toujours ce petit côté un peu “punk” et old school. On s’installe, on se branche et on joue. L’énergie et la musique sont deux vecteurs très communicatifs, on essaie de transmettre ça au public !

Même si le groupe n’a “que” trois ans, tu joues et as joué dans plusieurs autres formations depuis plus de quinze ans, est-ce que tu as vu la scène metal française évoluer pendant tout ce temps ? De quelle manière ? Que peux-tu nous dire sur la scène death metal de nos jours ?
La scène française a évolué en bien ! Beaucoup de groupes ont professionnalisé leur démarche et ont compris que faire de la bonne musique ne suffirait pas à les faire monter, il faut être bon sur tous les tableaux. Les réseaux sociaux ont ouvert les portes à TOUS les groupes, il est désormais très facile de produire un album, ce sont les aspects un peu plus négatifs qui font que le marché est noyé, il devient donc plus difficile de se démarquer. La prestation live reste tout de même le meilleur moyen de se faire un avis sur un groupe. Depuis quelques années, la scène death a clairement pris le pas sur la scène black (les rivaux de toujours). Il y a de nouveaux venus avec la scène post-black qui a pris le relais et la scène slam qui commence à bien grossir. Du point de vue de la scène death, on a plein d’excellents groupes, Mercyless, Necrowretch, Skelethal et bien d’autres encore. Ils brandissent l’étendard sans trahir leurs racines et la fierté de présenter la scène française à l’étranger. Je lis de plus en plus sur des forums à l’étranger que la scène metal française produit d’excellents albums tous styles confondus. Peut-être que les gens commencent à comprendre que cela ne sert à rien de se chier dessus, qu’il y a de la place pour tout le monde et que si l’on aime pas tel ou tel groupe il y en a cent autres susceptible de nous plaire.

Entre le premier et le second album, vous avez changé de label, comment s’est passée la transition ? Comment se passe la coopération avec Great Dane Records ?
J’ ai rencontré Raph à Lille lors d’une date avec Skelethal et Mortal Scepter. Il m’a dit qu’il voulait sortir l’album. Il voyait le potentiel du groupe. Je le connais depuis pas mal d’années (époque Withdrawn) et son label n’a jamais arrêté de sortir des albums. Malgré les coups durs du marché, il a toujours tenu bon. Il dispose d’un bon réseau de distribution, ce qui était un gros plus pour nous et les chroniques montrent qu’il fait du bon boulot. Est-ce que je pouvais espérer mieux que Great Dane ? Peut-être mais pour les avoir contactés, soit je n’ai pas eu de réponse soit c’était négatif. Je reste humble, j'ai beau avoir joué avec des groupes à travers le monde, fait le Hellfest, le Brutal Assault, Metaldays et bien d’autres, je suis conscient que je recommençais de zéro avec IRON FLESH. Tout reste à construire mais je suis très content de la collaboration avec Great Dane Records. Epictural Production étaient ravis pour moi que cette signature se fasse avec Great Dane. Si tout le monde y trouve son compte cela ne peut que bien se passer !

L’année 2020 a été assez spéciale pour tous, en raison du Covid-19, comment se sont passées les deux périodes de confinement pour toi ? Est-ce que l’épidémie a joué un quelconque rôle au niveau de la création ou de la sortie de l’album ?
L’album devait sortir en Avril, un an pile poil après la sortie du premier album. Le confinement a complètement changé nos projets. J’ai appelé Raph et nous avons décidé ensemble de repousser à Novembre. Nous sommes encore victime d’un second confinement mais cette fois-ci nous sommes prêts à l’affronter. L’enregistrement du chant a été en partie décalé à cause du confinement mais cela nous a permis de nous poser et de bien peaufiner le mix global. David Thiers a fait un travail remarquable sur la prod' globale de l’album. J’aurais préféré pouvoir défendre cet album aussi sur scène mais du coup on s’adapte. 2020 a clairement été une année de “course à l’armement” j’ai acheté beaucoup de matériel pour que le groupe sonne encore mieux sur scène.

Avez-vous déjà des plans pour faire la promo de cet album dont vous pourriez nous parler ? Ou même tout simplement des plans ou objectifs pour 2021 ?
La promo sur Internet, webzine / fanzine et interviews, se passe extrêmement bien. Les gros festivals sont déjà bookés avec des programmations reportées donc je pense pas qu’il y aura beaucoup de possibilités pour nous de ce côté-là. Reste les petites salles qui je l’espère rouvriront. On mettra sûrement l’accent là dessus même si je prévois une vague de mails et des progs noyées sous les demandes car tout le monde voudra jouer ! Là aussi on s’adaptera. J’ai pas mal d’autres projets pour 2021 tu penses bien mais il est encore trop tôt pour en parler. Tu te doutes bien que je ne dors pas beaucoup et que ma tête fourmille d’idées et de travaux en cours !

Quel était le tout premier titre de metal que tu aies découvert ? Comment es-tu tombé dans le death metal ? Qu’est ce qui t’a fait vouloir créer un groupe et jouer sur scène ?
J’ai découvert le metal avec la cassette de "Masters Of Brutality 2" et le titre "Pieces" de Dismember ! Une bonne entrée en matière. Il y avait aussi un morceau de Cannibal Corpse. C’était l’époque où la cassette arrivait en fin de vie submergée par l’arrivée du CD. J’ai eu le temps d’acheter des cassettes de AC/DC, Iron Maiden, Metallica. Dans ma jeunesse j’ai écouté tout ce qui se faisait, du rap à la hardtech ! Mais le metal est toujours resté mon style de prédilection. Ce sont des groupes comme In Flames et At The Gates qui m’ont fait aimer le death metal. Je me suis mis à la guitare en voyant un pote jouer des riffs de Metallica. Puis la batterie car on ne trouvait personne capable de jouer "Blinded By Fear" d’At The Gates et son fameux skank beat. A suivi une passion pour la vitesse, et voir Derek Roddy jouer à des vitesses hallucinantes dans Hate Eternal était mon but ! Withdrawn a été le groupe pour lequel j’ai le plus écrit, j’ai par la suite joué beaucoup en session pour des groupes. Je pense que ces années à jouer la musique des autres m’ont beaucoup frustré du point de vue de la composition et de l’épanouissement personnel. Je suis ravi de m’être libéré de ces chaînes et de pouvoir revenir à mes premiers amours et composer de la musique sans me prendre la tête avec la technique !



Te souviens-tu de la première fois que tu as joué d’un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Une imitation de Stratocaster avec un ampli Marshall 15w dans un Virgin Megastore ! Une méthode pour apprendre les accords de base. Beaucoup de sang et de sueur, aucun cours, aucune notion de rythme ou d’harmonie, je partais de très loin. J’ai vraiment été poussé par mes potes qui jouaient du Metallica ou du Nirvana / Offspring, j’avais l’impression que c’était génial à jouer et ça l’a beaucoup moins été quand il a fallu que j’y passe !

Aurais-tu un des meilleurs et un des pires moments que tu as vécus en tant que musicien à nous partager ?
Le Hellfest , a une époque a été ma plus grande fierté et la plus grande scène à l’époque ! La tournée au Brésil avec Otargos, un de mes meilleurs souvenirs, c’était à la dure sans moyens mais l’ambiance y était incroyable ! C’est paradoxal mais c’est au Brutal Assault avec Mithras lorsqu’après trois minutes de jeu il y a eu une coupure de courant générale qui a duré presque 30 minutes. A l’époque j’avais besoin de beaucoup m’échauffer à la batterie et après m’être posé il devenait très dur de repartir jouer un nouveau set. 30 minutes de cauchemar à tenter tant bien que mal de rester échauffé, les vitesses à l’époque oscillaient entre 260 et 300 BPM régulièrement. C’est comme démarrer une voiture et rouler à fond sans la faire chauffer, tu croises les doigts pour ne pas exploser le moteur.

Comment ça se passe un live avec Iron Flesh ? Est-ce que vous avez un “rituel” d’avant concert ?
Quelques étirements, je pisse, et j’essaie de tout préparer pour ne pas avoir de souci technique sur scène. Après quoi qu’il arrive, corde cassée, sangle cassée, perte de baguette, on sauve les meubles et on fait comme si tout roulait normalement. Pas de sacrifice ou d’incantations, Guilhem s’échauffe un peu, Sylver et Seb aussi mais franchement l’adrénaline nous suffit amplement. On est tous habitués à la scène et on ne joue pas à 200% de nos capacités techniques donc on est plutôt serein (sauf quand on ne s’entend pas jouer). Chaque fois que l’on fait des pains on en rigole après le show, c’est humain, on préfère mettre l’accent sur l’énergie et ce que l’on transmet au public plutôt que de faire le show le plus parfait du monde.

A part la musique, de quoi est composée ta vie ? Ton emploi, tes hobbies…
Je suis chef d’équipe dans une boîte de travaux publics, c’est vraiment un boulot alimentaire qui ne me passionne pas mais ça a le mérite de me montrer ce que c’est que la vraie vie et le dur labeur. Je côtoie des gens simples d'autres cultures qui vivent avec peu voire rien et qui sont plus heureux que beaucoup d’entre nous avec de vraies valeurs de vie. La musique et être multi-instrumentiste, compositeur, faire des sessions, s’occuper du booking, de la direction artistique du groupe, de la logistique sont autant de choses à faire qui prennent un temps fou. Je fais pas mal de sport et j’ai une bonne hygiène de vie. Je vais pas mal au cinéma et je lis quand j’ai le temps. Une vie tranquille dans mon appart, je vais le plus régulièrement possible aux petits concerts sur Bordeaux.

Est-ce que vous avez des petits conseils à donner à des groupes qui essaient de se lancer ?
Il faut être patient, rester motivé et humble, ne pas sacrifier sa vie pour une hypothétique réussite de son groupe, se construire et faire du groupe avant tout un hobby qui nous apporte plein de bonnes expériences plutôt que du calvaire quotidien. Savoir s’entourer mais ne pas oublier qu’il y a beaucoup de requins dans ce milieu (rien de bien nouveau (rires)).

Si je te demandais de comparer la musique d’Iron Flesh à un plat français, lequel choisirais-tu et pourquoi ?
Un boeuf bourguignon car au premier abord c’est un plat assez random mais une fois que tu y goûtes tu découvres des saveurs qui te donnent envie de te resservir.

Dernière question, je te laisse créer la tournée de tes rêves avec Iron Flesh en première partie, et trois autres groupes !
Iron Maiden, Dismember, Vader, IRON FLESH. On peut toujours rêver !

C’était ma dernière question, merci encore pour ton temps, je te souhaite de belles fêtes de fin d’année, et les mots de la fin sont pour toi !
Un grand merci pour cette excellente interview, j’espère que mes réponses vous permettront de mieux nous cerner ou de découvrir le groupe sous un autre angle. Quelques jours de vacances avant de retourner charbonner pour vous présenter plein de nouvelles choses en 2021. Stay Necro !


Le site officiel : www.facebook.com/ironflesh