Interview faite par mail par Matthieu

Tout d’abord bonjour, merci à vous de prendre un peu de temps pour mes questions et surtout joyeux anniversaire ! Heboïdophrenie fête cette année ses dix année d’existence, comment est-ce que tu décrirais le style du groupe à quelqu’un qui ne vous connaît pas encore ?
Salut, ça nous fait super plaisir de répondre à une interview pour French Metal et merci pour notre anniversaire ! En 10 ans d’existence, on nous a collé différentes étiquettes : 2010 thrash deathcore, 2012 grind death metal, 2013 brutal deathcore, 2064 50 nuances de death metal… Ce que l’on peut dire, on fait du death metal mais c’est difficile d’être catégorique sur un style particulier car nous teintons notre musique en fonction de ce que chacun écoute au moment de la composition. Pour quelqu’un qui nous connaît pas : écoute l’album et viens boire une bière avec nous, on a hâte d’entendre ta réponse.

Vous fêtez dignement ce dixième anniversaire avec "Cannibalism For Dummies", votre deuxième album. D’après ce que j’ai compris, il s’inscrit dans la continuité d’"Origin Of Madness", votre premier disque. Est-ce que tu peux me parler un peu du concept, de la composition ?
Pour le concept, on est dans la continuité du body horror (on a découvert ce terme dans l’excellente vidéo “The Art Of Metal” de Maxwell et Alt236). La violence grand guignolesque, tellement exagérée que ça en devient ridicule. Et les thèmes de nos chansons gravitent autour de ça. Dans "Origin Of Madness", le titre "Bonnet M" parle de prostitution, de nymphomanie, de violence, en plus d’être un clin d’oeil débile à un groupe de disco. On a voulu garder cet esprit de légèreté dans "Cannibalism For Dummies.  En ce qui concerne la composition, pour le premier album la musique a été principalement composée par Abyss et les paroles écrites par Rémy. Les compositions se ressemblaient pas mal et on a vite écrit de nouveaux morceaux ("The Last Breath", "Beheaded", "Left Half Dead") avec les anciens guitaristes qui se sont succédés : Olivier (Rest In Pit) et Bastien (Valsa Pintura), pour avoir un set plus sympa. Pour le second album, on a repris ces morceaux avec Mickaël (guitariste lead arrivé dernièrement) et on a tous participé à la composition et l’écriture. Ca nous a pris beaucoup plus de temps mais le résultat est bien plus satisfaisant pour nous.

En l’écoutant, j’ai ressenti pas mal de choses : à la fois de la modernité avec des breaks et samples, des sonorités old school grâce au mix, mais aussi des parties un peu plus tech, comment vous avez mixé tout ça ? Qui est-ce que tu citerais comme principales influences du groupe ?
Il suffit de voir la playlist qu’on écoute ensemble dans la bagnole pour comprendre les groupes qui nous influencent : Aborted, Whitechapel, Ingested, Dying Fetus, Thy art Is Murder, Cannibal Corpse, Napalm Death, Hypocrisy, Sepultura, Loudblast, Machine Head, Gorod, Archspire, Inferi, Deicide, Obituary, Extreme, Peepoodoo (Juste pour le générique bien entendu…). Si on devait schématiser la composition, quelqu’un propose un riff et on ajoute chacun quelque chose pour voir où ça nous mène. On a souvent fait des morceaux qui nous plaisaient mais qui ressemblaient plus à du vieux Pantera qu’au dernier Ingested. Ce qui nous a permis de trouver après plusieurs itérations les riffs, puis les chansons qui composent l’album.

On a également un interlude instrumental au centre de l’album, pourquoi avoir choisi de ne pas inclure de chant dessus ?
Faut bien qu’on repose un peu notre voix pendant les concerts, du coup on a écrit une interlude pour aller boire un godet entre deux sets. Plus sérieusement, nous avons décidé de ne pas mettre de chant pour reposer l’oreille de l’auditeur avant de remettre une dose de brutal. C’est comme quand tu bouffes un kebab de hipster, t’as besoin d’un temps de pause pour digérer les lunettes avant d'apprécier la moustache.



Le death metal et l’univers gore / horreur sont intimement liés, qu’est-ce qui te plaît dans ces deux univers ? Comment avoir choisi de mettre en musique le concept de la folie / psychiatrie / cannibalisme ?
On a baigné très tôt dans la musique metal et la culture horrifique / gore, quand on en parle entre nous c’est souvent ces thèmes qui reviennent. On n'a pas forcément commencé d’entrée avec du death metal pur et dur, tout comme des films ultra gores, on a eu la chance d’avoir des parents un peu consciencieux !  Et ce qui nous plaît dans ces deux univers, c’est le côté subversif et la dérision. On s’est forgé une identité à l'époque, et aujourd’hui, on espère contribuer à perpétuer cette culture. Les thématiques de la folie, des troubles psychiatriques etc, sont un terreau fertile pour notre musique où l’on imagine des personnages qui sont complètement en dehors des repères de nos sociétés, un peu comme nos compositions bipolaires entre old school et metal plus moderne. Le cannibalisme rejoint aussi ces thématiques comme une des choses les plus extrêmes qui soit, bien au-delà du simple meurtre. C’est une sorte de régression totale du modèle de l’humain moderne façonné à l’image de dieu, promu par des services marketing pour te vendre de la merde, et ça inspire nos riffs et breakdowns les plus bourrins.

Le groupe a déjà effectué quelques dates en France et même en Europe (en 2015 si je ne dis pas de bêtises), comment ça se passe un concert pour vous ? Que ce soit en termes de préparation, avant de monter sur scène, pendant que vous jouez…
On détermine une setlist selon le temps de jeu puis on prépare tous les morceaux chacun de notre côté pour être carré dessus et être assez endurant pour les enchaîner. Ensuite, on cale des répèt' et on travaille notre son jusqu’à ce qu’on soit propre pour le concert. Parfois ça peut prendre une seule session, d’autre fois on a besoin de plus de travail mais on ne néglige rien pour le jour J. C’est con mais en répondant à cette question on se rend compte qu’on a plein de petits rituels avant un concert. Ca commence toujours par le chargement du véhicule en mode Tetris, ça marche toujours nickel jusqu’au moment où on se rend compte qu’un connard a changé de flight case et que plus rien ne rentre. Mais heureusement on a une playlist pour la route et les dernières conneries qu’on a trouvées sur le web pour nous détendre pendant le trajet. Arrivés sur place, on a souvent une pointe de stress à ce moment-là parce qu’on veut faire au mieux pour respecter le planning et que ça se passe bien pour tous (on organise aussi des concerts de notre côté et on sait ce que c’est !). On décharge, on s’installe, on balance si on a le temps et une fois que tout est réglé on relâche la pression. C’est l’occasion de rencontrer les orgas, le public, les artistes, visiter autour, on a appelé ça les weekends "Hebo". Et là on arrive au moment ou ça déconne plus ! Un peu avant de monter sur scène on se prend un temps ensemble pour vérifier le matos, s’accorder, s’échauffer, retrouver cette putain de playlist alors qu’on la connaît par coeur… On se conditionne pour donner le meilleur de nous-mêmes, on envoie le sample et c’est parti ! Décrire ce qu’il se passe pendant un live c’est compliqué, à chaque fois c’est différent parce qu’on cherche l’interaction avec le public, c’est ce qui nous éclate le plus. Et même quand on joue dans des conditions plus difficiles (scène exiguë, pas forcément de retours…), on se donne tout de même à fond.

Dernièrement, la situation a pas mal été chamboulée avec le confinement dû au Covid-19, comment est-ce que vous avez vécu ça en tant que groupe ? Est-ce que ça vous a permis de faire de nouvelles choses, ou est-ce que ça vous a au contraire pénalisés ?
Avec le Covid-19, la date de sortie officielle de l’album a dû être repoussée et cela a chamboulé tous nos plans en termes de communication et planifications de concerts… Autant dire que ça nous a brisé les kiwis parce que ça tombait exactement à la date de sortie initiale (fin Mars). On avait prévu de jouer cet été et quand on a vu les fests et concerts s’annuler  les uns après les autres, on a été forcés de travailler davantage à distance pour composer par exemple. Nos jobs respectifs ne nous ont pas permis de profiter pleinement du temps qu’on avait à la maison.

Est-ce que vous avez déjà prévu quelque chose pour la suite ? Clips, tournées, ou même… soyons fous, un livre de cuisine ?
Pour la sortie de l’album on avait prévu de sortir un clip, préparer le nouveau merch, un décor de scène et à terme une tournée pour sa promotion mais avec le Covid c’est devenu compliqué de se projeter. Pour nous, la priorité c’est de reprendre les concerts dans de bonnes conditions (pour le public, les orga et les artistes). Dès que ca sera possible, on va enchaîner les dates, reprendre nos projets où ils se sont arrêtés et promouvoir “Cannibalism For Dummies”. A défaut on sortira un livre de recette boyaux-bistrot pour les nuls !

Tant qu’on parle de cuisine, quel plat est-ce que tu associerais à la musique d’Héboïdophrénie ? Et comme vous venez de Bordeaux, quel vin choisirais-tu pour l’accompagner ?
Du pâté rose, c’est gras, ça suinte, on sait pas trop ce qu’il y a dedans mais on aime ça. Et pour le vin on te propose un cubi de 5L de “Fin Bouquet” que nos amis savourent souvent en festival, servis à 30° sous la tente chaude, c’est un régal.

Vous faites partie du paysage death metal français depuis une décennie donc, quel regard avez-vous sur ce style en France ? Concernant son évolution, la facilité ou non de jouer du death en France, etc…
Même si ça reste difficile et compliqué de jouer en France du moins, au début, n’importe quel groupe de death peut percer à partir du moment où il s’en donne les moyens. C’est pour cette raison que nous avons monté l’asso The Insane Legions avec plusieurs groupes locaux pour promouvoir notre musique et faire des échanges de dates avec le milieu underground d’autres villes et croiser un public death à travers la France. On a failli faire des tremplins douteux (style Emergenza, Wolfest...) comme tous les groupes qui démarrent et qui ne savent pas trop où ils vont... Grâce à l’asso on a pu jouer avec des groupes qui tournent (Svart Crown, Destinity, No Return, The Walking Dead Orchestra...) et gratter des tickets d’entrée sur des festivals et quelques concerts bar Chaulnes Metal Fest / Rock Metal Camp (via tremplin) / Metal Culture / Hell'Oween festival. En 2015 on s’est embarqués pour une tournée européenne avec des thrasheux (Dew Scented, Angelus Apatrida, No Return), le “Thrash Mercenaries Tour” qui pour nous a été un véritable dépucelage. L'univers death en France est finalement très varié, on peut passer d’une date importante avec un groupe connu à un concert beaucoup plus “garage” régional, et on apprécie énormément les deux !



Quels sont vos meilleurs et vos pires souvenirs de scène ?
En 10 ans on en a vu des choses.
Les pires : en Rép. Tchèque, on est arrivés dans une salle qui ne nous attendait pas, genre littéralement. HEBOÏDOPHRENIE n’était pas présent sur les affiches placardées à Prague, du coup on a joué devant 3 tondus (dont 2 techs son), on a pas eu de catering, on a failli se faire embarquer le camion par les flics et notre tourneur a dû payer un backchich pour qu’on le garde…
Les meilleurs : à Fontenay le Comte au Blues Bar, on avait quelques appréhensions (bar tout en long, on a dû ressouder la sono avant de jouer…) et pourtant,  Rémy a traversé le bar en slam (heureusement il avait le HF), le moshpit a trouvé la réserve de PQ et de serviettes en papier, 2 épileptiques à terre à baver devant la scène, puis 3 rappels après les rappels on a s’est fait rincer à la Gulden Draak par tout le bar… Epic !

Quels sont les trois groupes avec lesquels vous rêveriez de voir Heboïdophrenie partager la scène ?
Dying Fetus, Cannibal Corpse et enfin Napalm Death... Non eux c’est fait (rires), du coup Benighted.

Est-ce qu’en démarrant le groupe vous pensiez que l’aventure durerait aussi longtemps ?
En tant qu’amateurs, sortir le premier album ainsi que la tournée 2015 étaient déjà largement au-dessus de nos espérances quand on a créé le groupe. Pour nous, l’idée de départ était surtout de poser du gros riff et de se faire plaisir, une sorte d’exutoire dans nos vies respectives. Que nous soyons toujours là 10 ans après prouve qu’on s’y retrouve tous et donc l’aventure continue !

Je vous laisse les mots de la fin ! Encore joyeux anniversaire au groupe, merci à vous et longue vie au death metal !
Merci à French Metal pour l’interview et la chronique ! On sera ravis de partager un kebab d’humain avec vous et avec les autres metalheads !


Le site officiel : www.heboidophrenie.wix.com/heboidophrenie