Interview faite par mail par Murderworks

Salut ! ghUSa est de retour après une paire d'années d'inactivité et cette compilation en profite pour fêter les 25 années d'existence du projet. Sachant que tu t'es maintenant entouré d'un véritable groupe je suppose que c'est un véritable retour. C'est la perspective des 25 ans qui t'as motivé à faire renaître ghUSa de ses cendres ?
L. Chuck D. (chant) : Cela faisait 9 années que je n’avais plus rien sorti avec ce projet qui me tient tant à cœur. Seulement, comme tu le sais, je ne fais jamais les choses à moitié et les autres formations dans lesquelles j’ai eu la chance de prendre du plaisir, m’ont pris tout mon temps. Je suis un passionné et j’ai toujours refusé de faire les choses à moitié, je ne disposais pas à l’époque d’un line-up stable me permettant de pouvoir tourner avec GHUSA. J’ai donc préféré garder cela comme un one man band studio et j’ai continué à composer. Mais la nature s’en ai mêlée et j’ai en partie perdu l’usage de ma main gauche, ce qui tu l’admettras, n’est pas très compatible avec la précision guitaristique nécessaire pour ce type de musique. En Juillet 2013, je me suis retrouvé en face des membres fondateurs de Great Dane Records et ils m’ont demandé l’autorisation de ressortir la discographie de GHUSA. Cela a tellement été une surprise pour moi que j’ai décliné l’offre dans un premier temps. Mais un Ch’ti est un homme qui a de la suite dans les idées. Il leur a fallu quelques mois de persévérance pour non seulement me décider à ressortir la quasi-totalité des morceaux que j’avais composés mais également me passer commande d’un nouvel EP. Ce n’est donc pas la date anniversaire qui nous a fait revenir mais c’est la capacité de persuasion de Raph Pruvot et Geoff.

D'ailleurs d'où vient le nom du groupe, c'est un acronyme ? Il y a un sens particulier ?
Ghusa est une ville au Népal dont la signification est importante et en relation directe avec la thématique du groupe. Mais il ne s’agit pas de ma source d’inspiration principale pour ce patronyme, car bien évidemment il s’agit d’un acronyme. C’est celui de God Hates US All ! Ai-je besoin de vous dire de quel cultissime groupe vient ce titre ? Pour le sens, il est pour moi évident. Il suffit de regarder dans le passé, de constater le présent et de se projeter dans le futur pour comprendre que toute religion amène son lot de malheurs, de tueries et autres génocides. Si toutefois on peut accepter l’existence d’un Dieu, quel que soit le nom que l’on veut bien lui attribuer, et si nous sommes bien conçus à son image il n’en reste pas moins que de la Haine. La tolérance n’est pas de renier ses idées mais d’accepter d’écouter celles des autres.

C'est l'envie d'avoir un line-up stable pour faire du live avec ghUSa qui t'a poussé à recruter d'autres membres ? Ou peut-être l'envie d'avoir du sang frais pour la composition ?
C’est à la fois cela et tout autre chose. C’est un coup de foudre pour un guitariste fantastique rencontré au hasard d’une vidéo sur YouTube. Je veux bien entendu parler de Fred Patalas et de son groupe W.i.l.d (ex-Wild Karnivor). Il m’aura fallu 4 heures entre le visionnage de ce live en ligne et mon appel téléphonique. Tu imagines la surprise du mec quand il s’est retrouvé au téléphone avec un musicien qu’il connaissait de nom et qui lui proposait un challenge… C’est aussi une franche camaraderie qui nous lie, après les tumultes que j’ai pu traverser j’avais besoin de m’entourer de franchise, d’amitié et de partage. Une envie folle d’en découdre avec la vie, de remonter sur scène, de reprendre le flambeau de ce style de musique, d’enregistrer de nouvelles compositions, de rendre hommage à ces groupes disparus, de leur envoyer un message subliminal, etc… GHUSA n’est pas à proprement un groupe, mais une famille. Chacun à sa place, son rôle pour un seul et même objectif. Je suis entouré de musiciens de session comme Pyromancer (Archytect Of Seth) à la batterie, ou encore Boban Tomic (Kause 4 Konflikt) derrière ces mêmes fûts, Sapian (Cruxifiction) qui prend la basse en l’absence de Heimdall (DunkelNacht) titulaire de la 4 cordes et je ne veux surtout pas oublier Vincent Bigaillon (W.i.l.d, Unexpected Paradigm…) qui tient sa guitare d’un poignet droit de fer. Mais ce n’est pas tout, nous sommes accompagnés par Jipouille de St Loup qui est à l’origine de notre son si particulier, et sans qui rien n’aurait été possible. Son double, et non des moindres, est Simon Void et ce qu’il nous manque aujourd’hui c’est un lighteux désireux de nous accompagner de manière permanente. Je n’oublierais pas mes autres partenaires qui sont Chris Sousa de Dooweet Agency et Carine de Sigma Music Event car sans promotion, point de concert et inversement. Et que serions-nous sans Krys Denhez ?



Je vais profiter de la sortie de cette compilation pour refaire un petit tour dans le passé, il me semble que les morceaux de "Letter To My Son'(s)" étaient liés thématiquement. Il y avait un concept derrière ?
J’ai commencé à composer seul cet album vers la fin 2000 car un évènement est venu bouleverser mon existence. C’est en effet au cours de ces 12 mois que je suis devenu père. Il n’y a rien qui soit aussi fort que cela, c’est un mélange de fierté et d’angoisse. C’est une joie intense mixée dans un océan de questions sans réponse. C’est enfin la compréhension de ce que nos propres parents voulaient dire en parlant d’héritage aux générations futures. Ces questions existentielles m’ont hanté de manière quotidienne pendant des années et il m’a fallu passer par une lettre d’excuses auprès de tous mes fils pour le monde que nous étions en train de leur laisser. Et ce courrier s’est transformé en cet album que tu retrouves dans sa quasi-totalité dans le coffret commémorant les 25 ans de gestation du groupe.

D'ailleurs même si on sentait déjà une grosse base death old school, on remarquait aussi que tu ne t’imposais pas vraiment de limites, des sonorités autres que death pouvaient se faire entendre parfois. On a deux inédits sur la compilation mais je suppose que d'autres sont dans les tiroirs, du coup que donnera la musique de ghUSa dans un futur proche ? Les morceaux vont garder cette relative liberté de ton où tu as choisi une direction plus brute et purement death ?
GHUSA est désormais un groupe hommage à la scène death metal suédoise du début 90. Cet EP glissé dans le coffret est là pour signifier notre retour en tant qu’entité active, mais aussi pour montrer qu’elle est désormais notre combat stylistique. Nous assumons complètement notre statut, preuve s’il en faut est le nombre de reprises présent sur cette galette. Cela fait ¼ de siècle que ce mouvement existe et j’ai vu tant de nos pairs disparaître sans trop faire de bruit que j’ai décidé de m’y inscrire totalement. Au moment où j’écris ces lignes nous avons une douzaine de titres quasi terminés pour le prochain LP et je puis te confirmer qu’ils seront dans cette même veine. La liberté de ton c’est aussi de faire ce que l’on envie de faire au moment où on a envie de le faire. Je suis donc toujours aussi libre.

Toi qui fais partie de la scène française depuis un moment, quel regard portes-tu sur son évolution ? Même si on ne peut pas encore dire que le metal est entré dans les mœurs en France, j'ai quand même l'impression que les groupes se professionnalisent, que les structures et festivals se multiplient etc.
C’est avec un grand OUI que je te réponds sur le professionnalisme de nos groupes nationaux. Que dire d’une tournée comme la Brutale Coalition ? J’ai eu le plaisir de voir plusieurs shows de cet évènement et ce fut un plaisir total. Je reçois également beaucoup de démos et d’autoproductions et je ne suis plus capable de te dire au moment où je les glisse dans mon lecteur de quel pays ils sont originaires. Si je ne puis parler que d’un seul et unique exemple de groupe non signé je vous parlerai de Mezcla. C’est une formation exceptionnelle qui n’a pour l’instant pas la reconnaissance qu’ils méritent. Par contre je suis en désaccord total sur l’autre partie de ton analyse. Il devient de plus en plus difficile depuis quelques mois de trouver des dates pour des groupes à jauge 150. Les salles ferment les unes après les autres, les associations abandonnent devant les complexités structurelles et administratives. Notre pays tue la culture de manière intentionnelle. Dans ce monde d’uniformisation qui nous entoure le Metal fait consensus, nos gouvernants n’en veulent pas. Ce qu’il nous reste ceux sont de toutes petites associations qui fonctionnent aux door deals ou alors des autres passionnés qui après des années de combats réussissent à faire vivre leur festival comme le Hellfest ou le Motocultor. Le Triel n’a pas eu lieu cette année, le Festival de Sains en Gohelle (62) a été purement et simplement annulé et la liste est tellement longue qu’elle n’en finirait plus. Je ne fais pas de dramaturgie, je remarque et après ce constat je me bats. Je ne suis ni optimiste ni défaitiste, nous sommes ghUSa !

D'ailleurs tu as signé chez Great Dane, un label français qui commence à avoir un sacré roster ! Autre signe de relative bonne santé de la scène française, parce que dans les années 90 à part les vénérables anciens (Osmose, Holy Records, Listenable, Adipocere) la plupart des groupes français soit ne signaient pas soit signaient à l'étranger, c'est plus simple de décrocher un contrat en France maintenant ?
Mon exemple n’est certainement pas le bon, car je ne puis te dire s’il est devenu plus simple de signer sur un label français pour un groupe de cette même nationalité. Je n’ai pas cherché, on est venu me trouver. Ce n’est pas du tout la même chose que d’envoyer son album partout dans l’attente d’une hypothétique réponse. J’espère ne plus jamais avoir à faire cela, mais j’ai un frère d’arme qui va bientôt rentrer dans ce moment fatidique de recherche de label avec son groupe Heksen. Je te donnerai ses coordonnées afin que tu puisses converser avec lui de son chemin de croix ou de sa signature nouvelle.



Tu es d'ailleurs passé par l'autoproduction toi aussi à une époque, et de plus en plus de groupes s'y mettent ces derniers temps. Tu as vraiment choisi de démarcher un label cette fois ou c'est un concours de circonstance ? Je suppose qu'en autoprod' ça doit coûter à la fois plus d'argent et plus de temps libre ?
L’autoproduction est un sacerdoce, c’est l’abnégation totale pour sa musique. De nos jours la plus grande partie des contrats sont de simple licence de distribution. Je n’ai rien de négatif à dire sur ce sujet, c’est encore une fois une évolution que je constate. Il n’y a plus vraiment de producteur dans le sens financier du terme, les labels reçoivent quasi tous des produits finis dans les moindres détails. La balance a changé et ce sont les groupes qui prennent le plus de risques financiers. Lorsque le marché du disque s’effondre ce sont tous les acteurs de la chaîne qui en pâtissent. Lorsque les salles se vident ce sont toujours ces mêmes acteurs qui en sont les victimes. Sache donc que de nos jours une formation de metal est quasi toujours en autoproduction avec distribution et promotion couvertes par le label.

Vu l'hommage que tu rends avec ghUSa aux anciennes gloires du death old school, je suppose que toute cette nouvelle scène ultra rapide et technique (sans oublier le son en plastique) te laisse de marbre ?
Je sens que je vais te décevoir, mais non je ne suis pas de marbre. Ce n’est pas la musique que j’ai envie de jouer mais j’aime le metal dans toute sa diversité. Je trouve par exemple "Marée Noire" de Beneath The Massacere absolument fantastique. Tout comme j’apprécie le nouveau Smothered, mais pour l’inverse du groupe précité. Je prends mon pied avec le premier Sixx:A.M. mais aussi le dernier Supuration. Le sectarisme musical ne fait pas partie de mon univers, il y a ce qui me touche et le reste… Je ne ferai jamais mes choix musicaux par rapport à une classification ou un phénomène de mode.

On sent d'ailleurs un réel engouement en ce moment pour le death old school, pas mal d'anciens groupes se sont reformés ces dernières années. Même si c'est sûrement une question de cycle, est-ce que tu vois à travers tes différents groupes ou projets le public se renouveler ?
Les modes sont effectivement cycliques et trop de groupes tentent, souvent en vain, de coller au son du moment. Est-ce que le grunge reviendra porter l’estocade au death metal ? Est-ce que le hair metal a une chance de revenir en force sur les samplers de nos magasines préférés ? Mais ce qui n’a jamais changé dans le metal c’est que le public se renouvelle sans cesse. Et c’est avec un plaisir non feint que je constate la présence de mineurs lors de nos concerts. Beaucoup trop de gens ont attendu vainement l’extinction de notre style musical, mais ils peuvent encore attendre longtemps.

Merci d'avoir répondu à ces quelques questions. Pour terminer je te laisse le traditionnel mot de la fin, si on a oublié quelque chose c'est le moment !
C’est à mon tour de tenter de n’oublier personne. Je voudrais remercier personnellement Pete pour le soutien indéfectible qu’il m’a toujours montré. Le premier morceau de notre retour a vu le jour sur une compilation French Metal il me semble. Nous aurons toujours besoin de mecs comme lui.


Le site officiel : www.facebook.com/ghusaband