Interview faite par mail par Lisa

Le groupe belge de power / prog à chant féminin Ethernity vient de sortir en autoproduction un nouvel opus, intitulé "Obscure Illusions", premier véritable album pour la formation. Un disque puissant et impressionnant, empreint d’une forte personnalité, et maîtrisant habilement le caractère complexe et technique du metal prog. La chanteuse du groupe, Julie, et le batteur, Nicolas, ont répondu à nos questions au sujet de cette dernière création.

Hello, tout d’abord merci de prendre le temps de répondre à ces quelques questions. Pour commencer, pouvez-vous présenter Ethernity à nos lecteurs ne vous connaissant pas encore et qui voudraient en savoir plus sur la genèse du groupe et votre parcours musical ?

Julie & Nicolas : Salut ! Merci à vous pour cette interview !
Julie : ETHERNITY est un groupe de power metal progressif belge. Le groupe a été créé en 2000 par Julien (claviers), Nicolas Spreutels (batterie) et leur cousin François Spreutels (basse). Thomas Henry (guitare rythmique) a rejoint le groupe un an après. Au départ, l'envie de monter ce groupe est venue par l'apprentissage de la musique. En effet, leurs premières notes ont été jouées en même temps. Ils ont tout appris ensemble. En 2005, j'ai rejoint le groupe. Nous nous sommes rencontrés au sein de l'école de musique que nous fréquentions. A cette époque, je n'avais suivi qu'une année de cours de chant. J'avais donc énormément à apprendre également ! Après avoir cherché, pendant quelques temps, un virtuose de la guitare pour former le line-up attendu, nous avons trouvé Grégory Discenza (guitare lead). Depuis 2007, le line-up n'a pas changé. A partir de ce moment, nous nous sommes cherchés musicalement et avons travaillé dur pour atteindre une technique suffisante afin de jouer ce genre de musique. Nous avons sorti plusieurs démos/EP qui nous ont permis de monter sur des scènes belges importantes en compagnie de groupes renommés dans ce style. L'envie de réaliser un premier album est donc venue de façon très naturelle !

Est-ce que ça rend les choses plus faciles d’avoir 3 membres de la même famille au sein de la formation ? Ça facilite le dialogue, permet d’avoir moins de tensions, plus de cohésion ?
Nicolas : Nous avons grandi ensemble et forcément nos liens sont forts. L’idée de monter ce groupe est venue des trois Spreutels. Il y a une espèce d’alchimie entre nous qui se ressent très fort. Nous avons toujours joué ensemble et nous avons une sorte de langage musical interne au groupe qui nous permet de se comprendre immédiatement. Lors des répétitions ou phases de compositions, nous pouvons en quelque sorte lire dans l’esprit les uns des autres et savoir où l’autre veut en venir. Cela se perçoit surtout lors d’improvisations. Je ne sais pas si cela permet d’avoir moins de tensions que dans d’autres formations. Une chose est sûre, nous nous respectons beaucoup plus du fait que nous soyons de la même famille. Je trouve que c'est une belle chose que d’avoir un projet ou une passion commune entre nous.

On va passer maintenant à votre premier album, "Obscure Illusions", qui est sorti il y a quelques semaines ; 5 années se sont écoulées entre la sortie de votre précédente démo "Broken Memories" et ce nouvel album, c’est plutôt long ! Pourquoi un tel écart entre ces deux sorties ?
Julie : En effet, 5 ans, c'est long ! (rires) Il y a diverses raisons pour lesquelles nous avons pris du temps pour enregistrer cet album. La première était le parcours personnel et privé de chaque membre du groupe. Certains effectuaient leurs études, d'autres déménageaient etc. La seconde étant le souci financier, il nous fallait trouver une solution pour y palier. L'idée nous est donc venue de mettre en place notre propre "home studio" pour obtenir un son de qualité tout en diminuant les coûts liés à l'enregistrement d'un album. La dernière raison est le biais par lequel nous allions sortir notre album ! Nous avons pris notre temps pour comparer une sortie réalisée sous un label et une sortie indépendante. Ce dernier choix à lui seul, nous a demandé une année entière consacrée au questionnement et à l'élaboration d'un plan promotionnel. Notre petit côté perfectionniste nous a donc poussés à attendre le bon moment et le support que nous recherchions pour sortir notre premier album.

Vous frappez fort avec ce premier album que je trouve personnellement très efficace, alternant avec brio différentes émotions, combinant mélodie et technicité avec justesse tout en évitant de tomber dans les clichés du metal progressif, sans parler de la qualité du son, qui est excellente. J’imagine que vous devez être particulièrement fiers du résultat de cet album, ou y a-t-il tout de même quelque chose que vous changeriez sur cet opus avec du recul ?
Julie : Effectivement, nous sommes fiers de ce premier album. La raison est toute simple. Nous avons fait l'entièreté du boulot tout seul : composition, enregistrement, promo,... Evidemment, il y a toujours des améliorations à faire ! Pour le prochain album, nous ne comptons pas prendre 5 ans pour le réaliser !

J’ai pu constater que les reviews sont plutôt élogieuses à l’égard de cet album, qu’en est-il du retour des fans ? Aviez-vous des craintes à ce sujet ?
Julie : Oui ! Notre fan base commence à se développer de plus en plus et nous en sommes ravis ! Chaque jour, nous recevons plein de retours positifs à propos de notre album ! Nous ne remercierons jamais assez ces personnes qui nous suivent régulièrement et qui nous permettent de nous accrocher à cette passion si prenante ! Nous avions effectivement des craintes. Lors d'un premier album, le groupe se dévoile et doit surtout prouver qu'il a sa place au sein de ce milieu. Et si vous décidez de réaliser une sortie de manière indépendante, la pression est d'autant plus grande ! Mais, nous sommes heureux de constater que l'album est apprécié en majorité.



Votre disque a été mixé et masterisé par Simone Mularoni (DGM, Empyrios), comment avez-vous été amenés à collaborer ensemble, et êtes-vous satisfaits de sa contribution ?
Julie : Nous avons rencontré Simone Mularoni à plusieurs reprises lors de festivals belges (PPM Fest) auxquels DGM participait. Nous avons tout de suite sympathisé avec tout le groupe. Par la suite, Julien (claviers) a eu l'opportunité de travailler avec Simone grâce au projet Epysode dans lequel ils jouaient tous les deux. Il nous semblait donc logique de débuter une collaboration avec lui. C'est un excellent ingénieur du son et c’est un ami unique ! Nous en sommes vraiment contents !

"Obscure Illusions" est un titre assez évocateur; pouvez-vous nous dire de quoi parlent vos chansons, quels thèmes vous abordez dans cet album ?
Nicolas : Nous avons toujours eu un penchant pour des thèmes relativement sombres. Je ne pourrais pas vraiment l’expliquer mais cela nous donne beaucoup d’inspiration. Nous aimons beaucoup les films fantastiques, thrillers et de science-fiction. Sans pour autant être "fantasy", c’est ce genre d’ambiance que nous avons voulu poser sur l’album. Etant plusieurs graphistes dans le groupe, nous avons plus de facilité à nous représenter une image autour d’un morceau. De là, un titre ou un sujet nous vient et les paroles peuvent en découler. Chaque morceau sur l’album à sa propre petite histoire qui aurait pu être la trame d’un film. D’autres textes sont un peu plus réalistes et abordent les thèmes de la perte d’un être aimé ou d’une femme battue. Sans être un concept album, il y a quand même une idée générale qui revient : "Ta vie est faite des décisions que tu as prises mais que serait-il arrivé si tu avais pris un autre chemin, et pas forcément le bon ? ". Sinon en dehors de cet univers noir, nous, on adore s’amuser et rigoler ! (rires)

Avec cet album, vous semblez avoir plutôt privilégié le "Do It Yourself". Comment se passe la réalisation d’un album en autoproduction ? Etes-vous à la recherche d’un label ou préférez-vous continuer de tout gérer vous-mêmes ?
Julie : Dans un premier temps, nous désirions vraiment travailler sous label car nous ne pensions pas être capables de tout réaliser nous-mêmes ! Mais, après réflexion, nous nous sommes rendus compte qu'avec un peu de recherche et d'ambition, le travail n'est pas insurmontable ! Le seul souci que nous rencontrions était le manque de contacts pour promouvoir l'album. Concernant l'image du groupe, nous avons deux infographistes (Julien et Nicolas) ainsi qu'un illustrateur (François). L'entièreté du design n'est donc pas un souci chez nous. Nicolas travaille également dans le milieu du marketing. Avec un peu de recherches, nous avons donc établi un plan promotionnel qui tenait la route. Le manque de contacts restait le point problématique à la réalisation de notre sortie. Nous avons donc décidé de travailler avec un promoteur ainsi qu'une agence de booking pour le territoire Benelux. A l'heure actuelle, nous recherchons tout de même une collaboration pour un territoire plus large.

Comment se passe le processus de composition au sein d’Ethernity ? Quelqu'un écrit la plupart des morceaux ou c'est un travail collectif ?
Nicolas : Julien, le claviériste, écrit la majorité de la musique. J’ai amené également 2-3 morceaux. Ils sont alors proposés au groupe et ensuite nous les travaillons ensemble en répétition et de là, chacun apporte ses idées. Julie a également écrit quelques lignes vocales et Grégory retravaille certaines parties guitare. Certaines fois, un morceau nait d’une improvisation en répétition. Quand tout est plus ou moins en place, Julien et moi passons énormément de temps en studio à discuter et essayer différentes choses autour des ambiances et sons à utiliser pour exprimer au mieux le thème de chaque chanson. Pour ce qui est des textes, un quatrième Spreutels entre en jeu en la personne de notre père à Julien et moi. Etant également chanteur, il a la plume facile. Ca nous aide beaucoup. Nous lui expliquons le thème et lui fournissons les lignes de chant et de là, il écrit les paroles. J’ai également écrit les textes pour 2 morceaux.

Le dernier morceau éponyme de l’album comporte trois guests très reconnus dans leur domaine (Tom E. Englund, Kelly Sundown Carpenter et Mark Basile), comment s’est déroulée la collaboration, et comment êtes-vous rentrés en contact ? Quel(s) rôle(s) ont-ils joué dans l’élaboration de ce titre ?
Nicolas : Au cours des années, nous avons pu nous faire quelques contacts. Lors de festivals, quand nous sommes en backstage avec des groupes plus importants, c’est toujours l’occasion de sympathiser et de se faire de nouveaux amis. Julien faisant partie du projet Epysode, il a eu l’occasion de travailler avec Kelly sur leur premier album et avec Tom sur le deuxième. Durant les enregistrements pour Epysode, chaque musicien est venu enregistrer ses parties en Belgique. Nous avons donc pu les rencontrer dans un cadre différent du fan boy qui vient essayer de parler un peu avec son idole. Nous avons passé des soirées avec eux après leurs journées en studio. C’est de cette manière que notre relation avec ces artistes a changé. Kelly habite en Belgique depuis plusieurs années et il compte maintenant parmi nos meilleurs amis. Il a donc accepté immédiatement de participer. Il était présent lors des enregistrements pour nous donner un coup de main pour les prises de chant. Nous avons contacté Tom, qui avait entendu nos pré-productions lors de son passage en Belgique, et il a dit oui immédiatement aussi. Concernant Mark, nous parlions souvent ensemble en backstage quand il est de passage en Belgique avec DGM. Il savait déjà que leur guitariste, Simone, allait être en charge du mixage de l’album. Il a été d’accord tout de suite. Lorsque nous avons eu l’accord de chacun, Julien a commencé à composer des lignes vocales sur le titre "Obscure Illusions" pour les 4 chanteurs en tenant compte de leurs styles et tessitures. Nous avons travaillé par le biais du net. On leur a envoyé les paroles, la musique et des guides vocaux qu’ils étaient libres de suivre ou non. Ils y ont tous apporté leur style et leurs couleurs et c’est ce qu’on voulait !

Que pouvez-vous nous dire sur l’intrigant mais pas moins très bel artwork d’"Obscure Illusions", qui a été créé par votre batteur Nicolas il me semble ?
Nicolas : Merci pour le compliment ! J’ai passé pas mal de temps dessus ! Etant graphiste et webdesigner, je me suis toujours occupé de l’image du groupe. L’artwork représente le title track mais aussi un peu le thème général de l’album qui plonge l’auditeur dans un monde relativement sombre et surréaliste. Dans le morceau "Obscure Illusions", on raconte l’histoire d’un homme qui perd peu à peu le contrôle de lui même. Son côté sombre est en train de prendre le dessus sur lui-même et il se bat pour le faire disparaître. Il a donc deux personnalités. Sur la pochette, on le voit exploser et laisser part aux ténèbres qui sont en lui. C’est une image évidemment, c’est une illusion. Il se retrouve donc dans un monde post-apocalyptique. Il y a quelques éléments en clin d’œil à d’autres morceaux. Les mains qui sortent du sol rappellent le premier morceau "False Lamentations" où quelqu’un est entraîné dans les enfers. Les pierres "alien" volantes apportent ce côté sci-fi et contemporain à l’artwork. Le thème des créatures venues d’ailleurs étant un peu abordé dans le titre "Entities". Il y a également pas mal d’autres illustrations à l’intérieur du booklet pour appuyer les textes de certains morceaux.



Parlons un peu du clip que vous avez déjà sorti pour le titre "Entities". A ce jour, il comptabilise plus de 11 000 vues sur YouTube, ce qui est définitivement une belle performance ! Etes-vous satisfaits, surpris par ce chiffre peut-être ? Comment s’est déroulée la réalisation de ce clip ? Pourquoi avoir choisi ce morceau en particulier de l’album ?
Julie : Nous sommes effectivement assez surpris du nombre de vues sur notre premier clip ! Nous ne nous attendions pas à ça ! Concernant la réalisation du clip, nous avons découvert le travail de Cédric Huet par le biais d'un groupe d'amis ayant réalisé un clip avec lui. Nous trouvions que la réalisation était bien effectuée et nous avons tout simplement demandé à Cédric de réaliser notre clip. Nous avons choisi "Entities" car nous trouvions ce morceau assez direct. Il nous représente bien. Il nous semblait donc logique de l'utiliser comme carte de visite pour notre album.

Vous avez déjà partagé la scène avec des groupes et artistes prestigieux comme Gamma Ray, Symphony X, Tarja Turunen, Epica… Quels souvenirs en gardez-vous ?
Nicolas : Nous avons joué avec ces groupes lors de festivals comme le Metal Female Voices, le PPM et le R-Mine. C’est toujours un prestige d’être sur une affiche avec de tels groupes. Comme je le disais avant, c’est l’occasion de se faire remarquer, de se faire des contacts. Ce sont de très beaux souvenirs, les rares fois où nous avons la possibilité de jouer sur des scènes plus grandes devant un plus grand public. C’est toujours un bon moyen de faire découvrir notre groupe à plus de monde en une fois. En général, quand on fait ce genre de scène, il y a pas mal de répercussions pour des contacts, plans et concerts.

Vu de France, la scène metal belge a l'air de plutôt bien se porter, est-ce effectivement le cas ?
Julie : C'est assez mitigé. Je pense que le metal mélodique est très méconnu des oreilles belges. Ce n'est pas un style qui fait partie de notre culture et de ce que les auditeurs écoutent à l'heure actuelle. La partie wallonne (francophone) du pays est plus attirée par une musique electro ou par du hardcore. Cependant, la région flamande (néerlandophone) est plus réceptive à notre style de musique. Nous avons d'ailleurs beaucoup d'échos positifs venant de la presse néerlandophone. Le gros souci en Belgique reste les lieux pour pouvoir se produire sur scène ! Nous avons eu la chance de monter sur les scènes impressionnantes du PPM Fest et du Metal Female Voices Fest mais malheureusement, ils n'auront pas lieu cette année-ci.

Quels sont vos projets pour le futur d’Ethernity ? Des dates de concert déjà prévues pour promouvoir votre nouvel album ? Comptez-vous venir jouer en France dans les mois à venir ?
Julie : Nous sommes en train de travailler sur le second album ! Nous ne comptons pas réitérer la même erreur de timing cette fois ! Concernant les dates de concert, nous jouons : le 11 Juillet à Namur, le 18 Septembre en Suisse, le 10 Octobre à Bruxelles. Nous aimerions beaucoup venir jouer en France mais nous n'avons encore rien de concret pour le moment.

Merci pour vos réponses, le mot de la fin est à vous !
Julie : Merci à vous de nous avons accordé cette interview ! Nous espérons que les lecteurs apprécieront notre musique !
Nicolas : Merci pour l’interview et votre intérêt pour ETHERNITY. J’espère que le public français appréciera l’album ! Si des promoteurs lisent ceci, n’hésitez pas à rentrer en contact avec nous. Nous serions ravis de venir jouer en France !


Le site officiel : www.ethernity.be