Interview faite par Byclown à Paris.

Bonjour Jens, je suis très heureux de faire cette interview en tête à tête avec toi, d’autant plus que c’est la première fois que nous nous rencontrons. Nous sommes évidemment ici pour parler de la sortie du nouvel opus d’Edguy  "Space Police - Defenders Of The Crown", qui est votre dixième album studio si je ne m’abuse. Avant de commencer cette interview merci de te présenter et de présenter ton groupe.
Jens Ludwig (guitare) : Salut, moi c’est Jens Ludwig, je suis guitariste dans le groupe de heavy metal allemand EDGUY. Cela fait un peu plus de 20 ans que nous existons, on a commencé vraiment jeune. Je sais, quand on nous voit, on ne dirait pas que ça fait plus de 20 ans qu’on fait de la musique car on paraît toujours jeunes (rires) mais c’est le cas ! On sort actuellement notre dixième opus solo "Space Police – Defenders Of The Crown" et même si cela fait longtemps qu’on est là, on continue car on a toujours la flamme et on en veut toujours plus !

En tant que musicien éclectique que tu es, je n’en doute pas, connais-tu des groupes français ?
Oui carrément ! Je connais Heavenly, car on a tourné avec eux il y a 10 ans environ, et sinon je connais Loudblast, Nightmare… Bon ce n’est pas un groupe français mais le musicien en question est français... Je connais Fred Leclerq de DragonForce, c’est un mec extra ! En fait je me rends compte que j’en connais pas mal (rires) !

Et à part le metal, tu écoutes d’autres styles musicaux ?
Pas vraiment en fait… Même si je reconnais que certains titres pop que j’écoute à la radio en voiture sont pas mal, lorsque je vais chez le disquaire, mes mains se dirigent toujours vers les CDs de rock, hard rock et metal.

Penses-tu que cette musique "non metal" que tu écoutes t’influence quand même dans l’écriture de tes riffs et arrangements ?
Oui probablement ! Même si je ne pourrais pas te dire que "telle chanson m’a inspiré pour tel son de Edguy", je ne peux nier que, consciemment ou pas, tout ce que j’écoute, vois, ou même vis, influence mon jeu et ma composition dans le groupe. L’inspiration est une chose bien vaste sur laquelle le musicien n’a que peu de contrôle donc tout est possible. Peut-être que les chansons pop, easy listening donnent un coté plus catchy à mes riffs… Honnêtement je ne sais pas.

Es-tu sensible à la scène du metal moderne avec des styles musicaux comme le djent, le deathcore ou le metcore pour ne citer qu’eux ?
Je ne suis pas réfractaire aux choses nouvelles, loin de là, néanmoins je ne suis pas branché musiques extrêmes. J’aime des groupes modernes, dans le rock par exemple, avec des trucs comme Nickelback, mais en metal c’est un peu compliqué. Par exemple, je trouve que Korn c’est trop extrême comme groupe récent.

Oui enfin Korn a commencé en 90 il me semble, ils ne sont donc pas moins vieux que vous…
Ah bon ? Preuve que vraiment je ne suis pas au courant de ce style musical (rires). Après, même dans les trucs pas metal, j’aime des choses nouvelles, comme Black Eye Peas par exemple. Pour moi, une bonne chanson est une bonne chanson, qui est une bonne chanson, qui est une bonne chanson (rires)...

Combien de temps vous a-t-il fallu pour composer et enregistrer cet album ?
J’avoue que cette fois-ci, on est vraiment allés très rapidement ! On a eu notre première réunion mi-Août et on s’est fixés comme deadline pour la sortie d’album le mois d’Avril ! On s’est donc dit qu’il nous faudrait finir la phase de composition pour la fin Octobre et finir l’enregistrement pour la fin Janvier ! On s’est mis la pression c’est certain, mais une bonne pression je dirais ! L’avantage d’avoir une deadline aussi serré pour la phase de composition, c’est que cela ne nous a pas laissé plus de temps que ça pour cogiter sur les morceaux. On a écrit de manière spontanée tous nos morceaux et une fois qu’ils étaient bouclés, on passait à un autre morceau ! Pas besoin de trop gamberger et d’ailleurs je crois que cet album dans sa totalité est spontané, ça se sent.

Comparé aux débuts du groupe il y a 20 ans, avez-vous depuis le temps change quelque chose dans votre manière de travailler et de composer vos chansons ?
Pas vraiment en vérité. Depuis le début on a toujours travaillé à plusieurs sur tous les sons, comme un vrai groupe. Evidemment il est arrivé à plusieurs reprises que l’un d’entre nous vienne avec une démo quasi achevée, auquel cas on travaille tous dessus en salle de répétition pour voir ce que ça donne en réel, mais sinon, tout part toujours d’une mélodie ou d’un riff de guitare et on monte le morceau petit à petit tous ensemble en salle de répétition. Tout le monde peut ramener des idées mais il est vrai que Tobias reste le seul à écrire les paroles, ce qui est logique à mon sens, déjà parce que moi personnellement je serais bien incapable de le faire (rires) ensuite parce que la musique est une histoire d’émotions donc il paraît dur pour un chanteur de faire passer des émotions sur un texte qui n’est pas le sien.

Par habitude avez-vous l’habitude de composer d’abord la musique et ensuite les paroles ou l’inverse ?
Les deux. La plupart du temps on compose d’abord la musique, et ensuite Tobias s’en inspire pour écrire ses paroles. Il arrive parfois que l’on donne des idées de thématiques à Tobias qui en fera ou pas usage pour écrire ses textes.

Sans transition donc, quels sont les différents thèmes abordés dans cet album ?
Ce n’est pas un concept album, on a voulu les choses très ouvertes. Il y a une chanson sur les critiques et le marché de la musique, "Space Poilce", des chansons un peu plus personnelles, ou encore des choses légères comme "Love Tyger".C’est un peu comme un voyage, ou une aventure, ou chaque chose significative qui nous serait arrivé finirait en chanson.



Pour cet album, vous avez ajouté pas mal de pistes bonus, comprenant des versions instrumentales ou progressives des nouveaux morceaux mais aussi 2 chansons exclusives "England" et "Aychim In Hysteria". Parlons tout d’abord de ces deux titres exclusifs ! S’agit-il de chansons toutes neuves ou de chansons écrites il y a longtemps qui n’ont jamais été éditées auparavant ?
Il s’agit de deux chansons qui ont été spécialement composées pour les bonus sur la demande de notre maison de disques. On sait que, une fois le CD sorti, on le retrouvera gratuitement en écoute sur Internet, donc faire des chansons bonus c’est cool car ça donne une plus-value à la version digipack, en plus du livret spécial, car on aime que les fans aient quelque chose de beau et d exclusif entre les mains. D’un autre coté ça a été compliqué car lorsque la maison de disques nous a demandé ça, on avait absolument rien préparé, donc on a dû bosser là dessus en même temps que le travail en studio pour l’enregistrement ! Bon ok, les versions instrumentales n’ont, comme tu l’imagines, pas été très compliquées à faire, et pour le titre "Space Police" on avait enregistré une seconde version, mais pour "England", qui est une ballade, et "Aychim In Hysteria", il s’agit bien de deux chansons toutes neuves et exclusives. Ce ne sont pas des chansons "sérieuses" car, pour les chansons bonus, on essaye toujours de faire des trucs un peu marrants ou en tout cas, ne se poser aucune limite.

Pourquoi avoir fait le choix des versions instrumentales et progressives ? Cela veut-il dire que, dans le futur, il est possible d’avoir des choses plus "progressives" dans la musique d’Edguy ?
Non aucun risque. Sur cette version "progressive", Tobias à juste voulu essayer de nouvelles lignes vocales, peut-être un peu plus extrêmes, c’est bien pour ça qu’on a appelé ça "progressif" car il fallait bien donner un nom. Le seul membre de notre groupe qui aime ce genre de musique est notre batteur mais on fait tout pour limiter son influence au sein des compos (rires) !! "Joue tes parties fait pas chier 1, 2, 3, 4…" (rires). Plus sérieusement, j’aime moi-même le prog, j’aime beaucoup Dream Theater par exemple, mais parfois leur musique, même si elle est complexe, passe bien aux oreilles, ça pourrait paraître pour "simple" et c’est ça que j’aime. Si la technique sert justement la musique, c’est parfait, mais si c’est "faire du prog pour faire du prog" en mettant au milieu des morceaux des passages ultra techniques que personne ne comprend, je ne vois pas en quoi ça pourrait servir notre musique.

Comment expliques-tu la longévité du line-up d’Edguy ? Penses-tu que ce line-up solide soit l’une des raisons principales du son d’Edguy ?
Indéniablement ce line-up stable est une force et la signature du son d’EDGUY. C’est vrai que cela fait maintenant très longtemps que nous sommes tous ensemble et c’est de plus en plus rare de trouver des groupes avec des line-ups stables depuis aussi longtemps. Nous sommes un groupe qui sait communiquer, parler et écouter et, depuis les débuts du groupe, évidemment qu’il a eu quelques petites anicroches, mais on a toujours su se poser pour en parler et trouver des solutions. De toute façon, sans coté humaine on n’aurait pas pour rester aussi longtemps ensemble. Le fait que 5 personnes jouent ensemble depuis aussi longtemps est clairement la signature du son particulier du groupe mais en même temps, chaque musicien évolue musicalement dans son coin, avec ses influences propres et ce qu’il peut en ramener en studio qui va donner telle ou telle couleur à l’album. C’est donc un peu du 50/50 à chaque fois.

Après 22 ans de carrière, vous semblez au top de votre art avec un précèdent album "Age Of The Joker" qui a eu les meilleurs résultats dans les charts européens de toute votre carrière. Certaines personnes iraient même jusqu’à dire qu’il s’agit là de votre nouveau "masterpiece". Pensez-vous pouvoir faire aussi bien, voire même mieux avec cette nouvelle galette et est-ce que ce regain d’attention du public depuis 4 ans est un nouveau souffle pour le groupe ?
Bien sûr que ce nouvel album va être meilleur que le précédent, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Tu imagines quel musicien il faut être pour dire "Bon ok, on va sortir un nouvel album, parce qu’on doit en sortir un mais bon voilà…" ? Non ce n’est pas possible pour nous, car à chaque album on essaye de faire mieux que le précédent. Soyons clairs, j’aime tous les albums qu’on a pu faire même si pour certains, en les réécoutant aujourd’hui je me dis "Tiens là, si c’était à refaire, je referais comme ça"  mais c’est normal car entre temps j’ai changé en tant que musicien, mes goûts ont évolué. Une carrière d’artiste c’est un peu une feuille de route. Lorsque j’écoute notre album de 98 "Vain Gory Opera", il y a des choses que je changerais, Mais voilà, à l’époque, lorsqu’on a composé cet album, c’était la musique de EDGUY en 98, pas en 2014 ni avant. C’est une question d’époque, de personnes et de moment. Là on est en 2014 et cet album est l’exacte représentation de ce qu’est le groupe de nos jours, on ne pourrait en tout cas pas faire mieux que ce qu’on vient de faire.

C’est quand même peu commun d’avoir un aussi bon retour, avec "Age Of The Joker", 20 après la création du groupe, cela doit être une sorte de bouffée d’air frais pour vous, non ? Comment on vit ça ?
Quand tu me dis 20 ans de carrière tu me fais me sentier vieux, merde (rires). J’ai pas cette sensation que l’on soit vieux car on garde toujours le même objectif depuis le début du groupe qui est de monter toujours plus haut, de continuer à faire les meilleurs albums possibles et si, à un moment donné, même après autant de temps, on sort un album qui plaît suffisamment aux gens pour qu’ils le qualifient de "masterpiece", j’ai envie de dire "Banco" !



Lorsque vous n’êtes pas en studio ou en tournée, prenez-vous part aux activités de management du groupe, aux relations avec vos fans etc, ou avez-vous des gens qui s’occupent de ça pour vous ?
Nous avons des gens qui s’occupent des design et impressions de nos t-shirts, car évidemment on ne peut pas le faire nous-mêmes ! Nous avons également des gens chargés du booking pour les tournées, ainsi qu’un avocat et un label qui savent tous ce qu’ils ont à faire mais nous n’avons pas de management. Nous contrôlons tous les aspects de la planète EDGUY et prenons le gros des décisions. Même si nous avons des gens pour le merchandising, nous aimons savoir ce qui se vend, comment ça se passe, bref avoir un minimum de contrôle là-dessus. Concernant la fan base, nous nous en occupons nous-mêmes car je pense qu’il est très important d’avoir un contact étroit et direct avec nos fans dans tous les pays, d’avoir des feedbacks constants et rapides.

Pour la tournée européenne qui va venir soutenir cet album, jouerez-vous en France ?
Oui bien sûr, on jouera deux dates, en tout cas pour le moment, dont une à Paris au Trabendo à la mi-Octobre. Pour cette tournée en tant que headline, on travaille activement sur le côté visuel. On a envie d’offrir quelque chose au public qu’il n’a encore jamais vu dans nos spectacles.

Parlons à présent des clips vidéo. On peut actuellement voir sur la toile une lyrics video pour le single "Saber And Torch". Pourquoi avez-vous fait le choix de faire une lyrics vidoo et pas une vidéo "classique" avec un scénario et une petite histoire ?
On va faire un "vrai" clip vidéo pour le single "Love Tyger" mais pour "Saber And Torch", il s’agit plus ou moins du teaser de l’album. Ca permet aux gens de prendre la température, en plus on a ajouté pas mal de photos sympa.

Le clip de "Love Tyger" est-il déjà tourné ou en préparation ?
Non, pour le moment il est en préparation mais on sait déjà ce qu’on va faire.

Et tu peux m’en dire plus ?
Euh, non (rires), désolé c’est secret pour le moment. Tout ce que je peux te dire c’est que ça va être un truc qu’on n’a jamais fait avant, loin des vidéos typiques du groupe.

Après toutes ces années de carrière, je sais que vous avez ouvert pour énormément de grands groupes mais y en a-t-il certains pour lesquels vous n’avez pas encore ouvert et pour qui vous aimeriez le faire ?
C’est vrai qu’on a déjà eu l’opportunité de jouer pour Aerosmith, Scorpions et Deep Purple il y a deux ans. Maintenant c’est vrai que j’aimerais bien ouvrir pour Metallica ou AC/DC mais dans le cas d’AC/DC c’est compliqué car les gens ne viennent que pour eux et n’en ont juste rien à faire de toi qui que tu sois. Ca semble plus facile pour Metallica car c’est plus du metal que du rock et donc il y a des chances pour que les gens soient plus intéressés par notre musique. Ce genre de plan est à la fois un rêve et un challenge en même temps. On a eu le cas il y a deux ans en ouvrant pour Deep Purple car dans la salle, au moins 80% des gens n’avaient jamais entendu parler de nous et donc, notre job ça a été de les convaincre avec notre musique, de nous bouger le cul comme jamais pour leur montrer qu’on était bien là. Jouer en tête d’affiche c’est tout de suite plus facile, les gens viennent pour nous, connaissent nos chansons et les paroles, ça crée une atmosphère du premier a dernier morceau, mais jouer pour des gens pour qui nous sommes totalement inconnus, ça c’est intéressant. C’est un vrai challenge et j’adore ça !


Le site officiel : www.edguy.net