La France n'a décidément plus rien à envier aux autres pays en matière de metal et particulièrement en black. Les disciples ont dépassé les maitres, preuve en est le second album de DunkelNacht intitulé "Revelatio". Concept album abouti, les français se révèlent de véritables virtuoses en matière de composition sachant doser brutalité et mélodies. Un groupe qui a des choses à dire, curieux du monde, des arts et affiche clairement ses ambitions à toujours progresser. Heimdall, capitaine du navire et compositeur avisé nous a accordé une interview accompagné du bassiste Alkhemohr.

Salut à vous et merci d'avoir accepté de répondre à mes questions pour French Metal. Tout d'abord, c'est assez surprenant de voir un groupe démarrer comme un projet dark ambiant pour muer ensuite en groupe de black. De quelle manière s'est faite cette évolution ? Pas trop difficile le travail d'équipe ?
Heimdall (guitare) : Je cherchais depuis pas mal de temps à créer un groupe et à sortir du one-man-band classique ; je n'ai pu le faire qu'à l'instant où j'ai rencontré des musiciens pour répéter. C'était durant les années 2005-2007. En parallèle j'ai continué d'achever mes œuvres dark ambient tout en commençant à composer ce qui allait devenir "Atheist Dezekration", notre premier album. En fait, DUNKELNACHT a muté en groupe dès les écrits des premières chansons, à savoir "Errare Humanum Est" ou "Oligarchislamisme". Alkhemohr (basse) m'a rejoint depuis 2007 dans l'aventure, Max (batterie) en 2010 et Frost (chant) en 2011. Le travail d'équipe n'est pas un problème si chacun a son rôle et si une organisation stricte est établie.

Quelle différence y a-t-il à composer seul pour un projet ambiant, et pour un groupe de black composé de 4 personnes ?
Heimdall : Au sein de DUNKELNACHT je dirais qu'il n'y a pas de différences fondamentales. Je continue à être le maître d’œuvre sur la musique, je compose tout en amont sur partition. Max a amélioré pas mal d'arrangements sur notre nouvel album "Revelatio", a ajouté sa propre personnalité derrière les fûts. Alkhemohr a interprété les riffs de basse que j'ai composé mais a surtout écrit la quasi intégralité des lyrics cette fois ci. Bien sûr il y a toujours des compromis en groupe, mais si il y a un noyau fédérateur qui perdure le projet tourne de lui même. Le schéma du one-man-band a ses limites, se nourrir de l'expérience d'autrui est primordiale.

DunkelNacht existe tout de même depuis 2005, quel regard portez-vous sur ces années ? Ne vous semble-t-il pas que votre évolution tend à vous éloignez du black metal ?
Alkhemohr (basse) : Nous vieillissons, nous progressons, évoluons et il est donc logique que la musique s'en trouve impactée. Il est très rare que DUNKELNACHT s'attarde sur le passé ; nous avons au contraire tendance à regarder devant nous : je n'ai donc pas grand chose à dire vis à vis de ces anciennes années. Toutes les expériences, même difficiles, nous ont fait avancer et c'est que je retiendrais. Effectivement, nous nous éloignons du black metal si tu considères ce style comme fossilisé. Le fait que nous puissions le faire évoluer serait un autre point de vu... Pour être honnête, nous faisons simplement ce que l'on a envie de faire, sans nous poser plus de questions que cela. Libre donc à chacun de nous qualifier / étiqueter comme il l'entend.
Heimdall : Je considère la naissance réelle de DUNKELNACHT à partir de "Atheist Dezekration". Je ne renie pas du tout ce qui s'est passé avant mais il s'agissait d'une période de balbutiement, musicalement et surtout humainement. Les changements de line-up intempestifs ont également nuit au combo. Néanmoins, nous en sommes sortis plus mûrs, plus motivés que jamais. Alors 2005 peut paraître loin mais il n'en est rien. Nous sommes au début d'une quête qui nous mènera au paroxysme artistique, s'il existe. Évidemment je pense que nous allons nous éloigner de cette vision commune du black metal mais il s'agit d'un background musical, d'un héritage important pour DUNKELNACHT. Des dizaines de groupes l'ont fait pour atteindre leur propre musique, c'est bien cela qui confère une identité singulière à un artiste.

Quelles sont les émotions que vous souhaitez transmettre par la musique ?
Alkhemohr : Toutes celles qui pourrait être possibles, tant qu'elles puissent être "positives". La musique est quelque chose de très personnel et ce qui m'importe surtout c'est que la notre ne laisse personne indifférent. Si, qui plus est, les émotions provoquées par l'écoute de "Revelatio" sont multiples, DUNKELNACHT a gagné son pari.

Les premières écoutes de "Revelatio" m'ont étrangement fait fait pensé à Beyond Twilight... Musicalement, on peut pas dire que les groupes soit proches mais je vois pas mal de similitudes entre Heimdall et Finn Zierler dans la démarche, qu'en penses-tu ?
Heimdall : Honnêtement, avant que tu en parles je ne connaissais pas le groupe qui se rapproche pas mal de formations comme Symphony X ou Vanden Plas, pour ne citer qu'eux. Alors on est clairement loin de ces influences. Après avoir lu la biographie de Finn Zierler, je ne pense pas me retirer un jour dans les montagnes de l'Atlas (rires) ! Je ne me sens pas proche d'une telle formation car le groupe à l'air d'appartenir ici à ce seul homme. Dans DUNKELNACHT, chacun à son rôle, chacun apporte ces influences et fait ce qu'il y a faire de mieux pour le groupe. Je reconnais néanmoins qu'un processus totalement démocratique ne fonctionne pas non plus car il a tendance à disperser un groupe. Une formation a besoin d'un leader, qu'il soit affiché ou non.

Peux-tu me parler du concept de "Revelatio" ? Même si le thème de la religion et du christianisme ne sont plus d'actualité, il ressort toujours un grand pessimisme pour le genre humain, ou du moins pour les masses n'est ce pas ?
Alkhemohr : "Revelatio" traite des erreures répétées du monde, des castes qui composent ce dernier, des guerres de clans et de révoltes. Il traite également des religions mais ces dernières sont directement assimilées aux "pouvoirs des faibles", tout comme la politique ou la finance. C'est certainement pour cela que l'on peut croire que la thématique religieuse n'est plus. En réalité, elle reste bien présente mais de façon beaucoup plus insidieuse. Au final, les textes sont moins directs mais beaucoup plus virulents. La masse est effectivement la caste la plus critiquée : son manque de discernement et de culture finit par la perdre. Pour autant, ce n'est pas elle "la grande méchante". Reste à choisir ce que l'on détestera le plus : la victime coupable de son imbécillité, pour autant quelque peu touchante ou le tyran tout aussi mauvais qu’impressionnant du fait de sa force et de sa stature. L'album nous explique que ces deux castes sont à la fois admirables et critiquables. Ce qui constitue "le vrai" se trouve bien ailleurs. Ouvrez donc vos sens à l'art et au monde, enlevez vos mains de vos oreilles, de vos yeux et de votre bouche.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour composer "Revelatio" ?
Heimdall : La composition de "Revelatio" s'est étalée de 2010 à début 2012. L'enregistrement des guitares a commencé en Janvier 2012. Nous avons enregistré les parties batteries durant l'été de la même année puis et venu le tour du chant à l'automne. Nous avons dans la foulée maquetté le skeud puis le deal avec Wormholedeath Records s'est conclu. Carlo (le manager) nous a demandé de finaliser le mix et le mastering avec le Realsound studio à Parme (Italie). Nous nous y sommes rendus Alkhemohr et moi-même et avons appris beaucoup de choses là bas sur notre musique, à mieux la produire. Une superbe expérience.

La cover est très classe ! Comment avez-vous travaillé avec le graphiste ?
Alkhemohr : Il n'y a pas réellement eu de graphiste en tant que tel : les dessins / gravures proviennent de Suzan Grimm (artiste tattoueur de Lille) et la mise en forme de la cover a été réalisé par Heimdall pendant que je supervisais en partie les opérations.
Heimdall : Il a fallu quelques essais avant de trouver la bonne combinaison d'éléments. Nous voulions que le concept soit respecté. Ainsi la métaphore des mains qui occultent les sens est présente (les 3 singes de la sagesse). Je ferai donc une redite : "Ouvrez donc vos sens à l'art et au monde, enlevez vos mains de vos oreilles, de vos yeux et de votre bouche".

Quelle différence vois-tu entre "Atheist Dezekration" et "Revelatio" ?
Heimdall : Ce qui saute aux oreilles de l'auditeur avant tout c'est la production. La dimension "homemade" du premier album marche bien avec l'atmosphère de ce que doit être "Atheist Dezekration" : froid, glacial, synthétique. Avec "Revelatio" nous avons atteint un son personnel et puissant tout en étant résolument moderne. La précision règne ici. Ensuite, nous avons évolué en tant que musiciens et atteint un nouveau palier technique. Notre musique est plus riche, ceci grâce également à la multiplicité de nos influences, qu'elles soient black, death, thrash ou même indus. Ce cocktail fonctionne bien et espérons pousser encore loin notre singularité. La différence est là entre les deux albums : "Revelatio" est moins "étiquetable", plus engagé, encore mieux écrit.

Comment définirais-tu DunkelNacht sur scène ?
Heimdall : Sur scène, DUNKELNACHT est un bulldozer, une horloge suisse. Nous insistons sur le fait d'être techniquement carré, que l’exécution soit au rendez-vous, et ce, à tous les postes. Le jeu de scène est primordial à ce moment, nos personnages doivent prendre vie et servir l'intérêt de notre discours. C'est un dur travail en amont qui demande des heures de répétitions. La communication avec la public demeure aussi importante. Nous essayons d'interagir au maximum avec l'audience, qu'elle soit active et prenne part au show. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit avant tout d'un divertissement.

Vous avez joué avec Agressor dernièrement, peux-tu nous parler de ce concert et de votre rencontre avec Alex (qui est un grand fan de black) ?
Alkhemohr : Je connais Alex depuis un bon moment maintenant mais nous n'avions jamais eu l'occasion de jouer ensemble. Il m'a proposé cette date et nous avons naturellement accepté. Ce qui est agréable avec ce genre de groupe c'est qu'aucun problème ne peut être rencontré. Chacun aide l'autre sur le son et l'installation de son plateau sans que personne n'ait besoin de demander quoi que ce soit. Les choses se font sans traîner mais avec le sourire, le concert est bon et tout le monde passe une bonne soirée, public inclus. Ça devrait toujours se passer comme cela...

De quelle manière allez-vous défendre "Revelatio", surtout que l'accueil a été plus que favorable ? Une tournée est-elle prévue ?
Alkhemohr : Il l'est ! Nous n'avons eu pour le moment que d’excellent retour, beaucoup d'écoutes, de commentaires de toutes sorte, d'e-mails, etc. Nous travaillons actuellement sur quelques projets de touring, en grande partie à l'étranger, mais il est encore malheureusement un peu tôt pour en parler car DUNKELNACHT est actuellement en train de subir quelques changements d'importance.

A ce propos, le fait que vous soyez à la la recherche d'un nouveau chanteur, ne risque-t-il pas de freiner la promo de "Revelatio" ? Que s'est il passé avec Frost ? Est ce un choix artistique ?
Alkhemohr : DUNKELNACHT grandit et ses projets deviennent également et logiquement plus importants. Frost ne suit tout simplement plus et n'est pas prêt aux mêmes compromis (vie personnelle et professionnelle) que les autres membres. Il se met ainsi de côté. Nous devons donc trancher car garder Frost actuellement serait justement une barrière au développement du groupe. Il n'y a pas de tension entre nous et, pour ma part, je suis déjà dans l'après : nous auditionnerons très bientôt les nouveaux candidats et je suis plutôt impatient.

J'ai cru lire dans une interview que tu considérais la scène black metal française comme la plus intéressante et ce depuis pas mal d'années. D'après toi, quelles en sont les raisons ?
Heimdall : Franchement, il est très difficile de répondre à cette question. Nous vivons quand même dans un pays où il y a beaucoup de formations metal au sens large, de Gojira à Mass Hysteria en passant par Peste Noire ou Aosoth. C'est très diversifié. J'aime des groupes tels que Glorior Belli, Necroblapsheme, Deathspell Omega, Blut Aus Nord...

Que penses-tu d'ailleurs de l'évolution des groupes phares norvégiens, comme Darkthrone, Satyricon ou encore Dimmu Borgir ?
Alkhemohr : Ils sont ancrés dans une époque et avancent (ou tout du moins ne reculent pas) en grande partie grâce à leur nom. Ce ne sont pas des groupes qu'ils faut ranger au placard car sans eux la scène ne serait pas ce qu'elle est. Pour autant, le metal a grandement besoin de renouveau. Les concerts et principalement les festivals ne tournent qu'avec les éternels même grands noms et ne se préoccupe que très peu de la relève. Une partie du public ne se déplace plus que trois jours dans l'année ; trois jours où il aura finalement l'occasion de voir tout ce qu'il souhaite voir et tout ce qu'il a certainement déjà vu trois ou quatre fois déjà. C'est un danger. Attendons donc de voir les anciens prendre leur retraite et observons la panique générale chez certains organisateurs.

De quel groupe vous sentez-vous le plus proche ?
Alkhemohr : Honnêtement, d'aucun. Nous avons énormément d'influences mais si je devais me sentir proche d'un autre projet musical, je préférerais arrêter ce que je fais pour monter un groupe de covers.

Avez-vous des idées pour le prochain album ?
Heimdall : Le troisième album est déjà en cours d'écriture. La musique c'est comme les échecs : il faut avoir plusieurs coups d'avances. L'écriture intervient à n'importe quel moment, lorsque le besoin s'en fait sentir. Encore un nouveau périple vers 40 minutes de musique extrême qui j'espère repoussera encore nos limites techniques et créatives... Wait and see !

Je te remercie et te laisse le mot de la fin...
Heimdall : Merci à tous les zines comme French Metal qui permettent de nous exprimer librement, de diffuser notre musique, de nous soutenir. Merci également au public car sans lui nous ne serions pas grand chose...
Alkhemohr : Un grand merci pour nous avoir donné la parole dans ton webzine. N'oubliez pas de nous soutenir : une petite commande d'album et de merchandising n'a jamais tué personne. Elle fera du bien à vos oreilles et du bien aux artistes que nous sommes. Envoyez-nous un e-mail et nous vous retournerons tout ce qu'il vous faut : dunkelnacht@live.fr
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