Interview faite par Pascal Beaumont à Paris.

DeWolff est encore relativement inconnu dans l’hexagone malgré le fait qu’ils aient tourné intensivement en France et donné deux concerts à Paris en 2012 et 2015. Le gang vient de Hollande et a débuté en 2007 dans la petite ville de Geleen. Formé par les deux frères Poel Pablo et Luka accompagnés de Robin Piso, les bougres ont débuté à l’âge de 12 ans alors qu’ils étaient encore au collège en culotte courte. Fortement influencés par Jimi Hendrix, les Doors, Led Zeppelin ou Ten Years After, le parcours de nos Hollandais s'avère totalement atypique. Alors que certains ont les yeux rivés sur leur PlayStation, d’autres font du rock’n’roll et s'en donnent à cœur joie sur les scènes hollandaises. De quoi surprendre au vu de la rapidité avec laquelle le combo a sorti son premier opus et de la qualité des morceaux. La Hollande, c’est un peu l’autre pays du rock. Huit ans après leur premier EP, les frères Pablo sont de retour avec "Thrust", leur sixième opus. Un véritable petit record, le combo s'avérant être de véritables stakhanovistes d'un rock fortement influencé par les seventies. Il faut dire que les bougres ont poussé le vice assez loin en enregistrant cette nouvelle galette à l'ancienne sans l'aide d'aucun ordinateur mais uniquement avec des bandes en analogique. Un véritable petit exploit quand on connaît la difficulté et l'énergie que cela représente. Le challenge est parfaitement réussi, "Thrust" dégage une émotion et une intensité rare, du vrai rock'n'roll comme on aimerait en entendre plus souvent. DeWolff serait-il les nouveaux Allman Brothers ? Une chose est sûre, Roger Glover, le bassiste de qui vous savez, est un de leurs plus fidèles supporters ! Il n'en fallait pas plus pour que votre serviteur s'en aille tailler le bout de gras avec Luka, le batteur de DeWolff. Un entretien avec un garçon sympathique qui, au-delà de tout, a gardé une âme d'enfant passionné par sa musique et celle des autres. Magnéto Luka, c'est à toi !

Vous venez de donner deux concerts les 19 et 27 Janvier dernier, quel souvenir gardes-tu de ces dates ?

Luka Van De Poel (batterie) : Laisse-moi réfléchir. Je ne me rappelle pas grand-chose de ces deux shows. A un certain niveau, tu ne te souviens plus très bien. On a commencé à écrire pour "Thrust" au début de l’année 2017, de ce fait on a eu une année assez calme en ce qui concerne les concerts. On a passé la plupart de l’année à composer et enregistrer les nouveaux morceaux. On a terminé en Septembre puis nous sommes partis aux USA. On a juste donné quelques shows d’une manière épisodique mais on n’a pas joué beaucoup. On en a profité pour faire découvrir au public les nouveaux titres car ils ne les avaient jamais entendus auparavant. C’était très excitant de pouvoir les jouer devant ceux qui nous apprécient.

Comment a réagi le public aux nouveaux morceaux ?
La réaction a été très bonne. On a découvert que la plupart des nouveaux morceaux passaient très bien sur scène. Ils dégagent beaucoup d’énergie alliée à un très bon groove. Ce n’est pas facile au public de rester sans rien faire et immobile. On a joué "Big Talk", le titre qui ouvre l’opus et la foule s’est déchaînée, cela a bien fonctionné. Je pense qu’ils ont vraiment bien apprécié les nouveaux titres.

Vous avez débuté il y a 10 ans, à cette époque vous aviez tous entre 13 et ans, ce qui est très rare !
En fait lorsque j'ai débuté j'avais 12 ans, Pablo avait 15 ans et Robin 16 ! On allait a l'école et on faisait du rock. C'était quelque chose d'un peu exceptionnel. Toute la semaine on allait en cours et le week-end on donnait des concerts en Hollande et parfois en Allemagne. Parfois, j'allais voir le proviseur pour lui demander l'autorisation de m'absenter pour quelques jours car nous partions en tournée en Allemagne. C'était une période un peu difficile.

Quelle a été la réaction de tes parents ?
Ils nous ont beaucoup aidés et ont été un support dans notre quête musicale. Mais ils voulaient que nous terminions nos études. Pour eux, il était inimaginable que nous abandonnions l'école pour partir donner des concerts et vivre la vie de musiciens. On a donc tous terminé nos études. Par la suite, j'ai été au conservatoire d'Amsterdam et Robin a été pris à l'université d’Eindhoven. Nos parents ont été très heureux de voir que nous finissions tous nos études. (rires)

Vous avez écrit un morceau "Outta Step & Ill At Ease" qui traite de la vie en tournée qui ne semble pas être celle dont tout musicien rêve au final...
Non, parfois c'est très long car tu as une maison et une copine qui t'attend dans un endroit que tu apprécies. Paolo, mon frère, a écrit cette chanson alors que nous étions en tournée en Espagne. On a bénéficié de quelques jours de repos et sa copine est venu lui rendre visite. Ils ont passé quelques jours magnifiques ensemble en Espagne. Et puis elle a dû repartir et rentrer à la maison et Pablo est resté seul dans sa chambre d'hôtel. Il était triste et sa maison lui manquait. Il s'est demandé ce qu'il pouvait faire maintenant alors il a pris sa guitare et s'est mis à composer un morceau dans lequel il a exprimé toute son émotion. Il a écrit cette chanson comme ça en quelques minutes, c'est assez fou lorsqu'on y pense. Il me l'a jouée en me disant qu'il pensait avoir écrit l'un de ses meilleurs morceaux. Il était tout simplement magnifique.

Comment avez-vous travaillé cette fois-ci pour la composition de ce nouvel opus ?
On a travaillé tous les trois ensemble. Ce n'était pas une première, on l'avait déjà fait mais à un niveau différent. Pour nos premiers opus, nous ne vivions pas tous au même endroit. Pablo vivait à Amsterdam, moi j’habitais dans le sud de la Hollande et Robin était étudiant à Eindhoven. On n’avait pas beaucoup de temps pour se retrouver et répéter. La plupart des morceaux ont été écrits par Pablo et on ne répétait pas souvent ensemble. Il nous fallait trouver une manière de composer qui nous convienne. Pour celui-ci, on s'est tous retrouvés ensemble pendant un an dans mon home studio. On vit désormais tous dans la même ville, c'était donc très facile de se retrouver pour jammer ensemble. On a pu prendre notre temps pour écrire ces nouveaux titres, on a tous fait tous les trois, musique et paroles. C'est quelque chose de très nouveau car on n'a jamais procéder ainsi auparavant. Pour "Roux-Ga-Roux", Pablo a écrit pratiquement tous les textes. Cette fois-ci pour "Thrust" on les a écrit tous les trois. C'est vraiment quelque chose de nouveau. Et puis nous avons procédé d'une manière différente pour composer les chansons. On jammait et on chantait immédiatement dessus, on trouvait les progressions harmoniques, les riffs et moi et Pablo on se mettait à chanter. C'est quelque chose que nous n’avions jamais expérimenté et c'est très créatif et intéressant comme méthode. Le résultat a été des titres très différents de ce que nous écrivions auparavant.



Quelle est la signification qui se cache derrière "Thrust" ?
Ce titre veut dire "Crois-moi" et "Crois en toi", ce qui veut dire qu'il faut faire en sorte pour que les choses arrivent. C'est comme une fusée qui monte dans le ciel, c'est ce que signifie "Thrust" pour nous. On a essayé de composer des morceaux joyeux. Il faut être fort et puissant, c'est ce que nous voulons être et j'ai trouvé que c'était un bon titre. On avait plusieurs titres en tête mais ils ne fonctionnaient pas et ne représentaient pas l'idée générale de ce disque. Pour nous, "Thrust" est le titre parfait, qui est très représentatif de notre état d'esprit et des morceaux que l'on a écrit dont certains sont très agressifs, c'est comme une urgence "Thrust".

Pourquoi avoir choisi "California Burning" comme premier single ?
Lorsque tu sors un nouvel opus, tu choisis en général trois morceaux qui seront des singles. Au départ, on avait choisi "Big Talk", on pensait qu'il serait parfait comme premier extrait mais c'était un peu bizarre car il allait sortir en tout début d'année et le public aurait dû attendre longtemps avant de découvrir "Thrust". On a choisi un titre qui pouvait passer en radio et qui ne surprendrait pas les gens qui nous connaissaient déjà. "California Burning" est idéal car il est familier et proche de ce que l'on faisait auparavant. C'est un bon choix qui est immédiatement identifiable, et les fans peuvent se dire que DEWOLFF est de retour avec un nouveau CD. "Big Talk" devrait sortir d'ici quelques semaines et l'opus sortira peu de temps après. Notre message, c'est que nous sommes de retour, voici une de nos meilleures chansons, précipitez-vous sur "Thrust".

Vous avez écrit une chanson à propos de l'élection de Donald Trump, c'est un événement qui vous a choqués ?
Oui, bien sûr. On suivait les élections et le jour du vote lorsque la nouvelle est tombée on ne pouvait pas y croire. On devait répéter ce jour-là, on travaillait sur les nouveaux morceaux et c'est à ce moment que nous avons écrit "Deceit & Woo", la musique et le texte. C'est la seule chose que l'on pouvait penser à propos de ce qui se passait aux USA. Ca n'avait aucun sens que nous écrivions quelque chose sur un thème stupide, c'est la seule réaction que nous pouvions avoir après avoir appris l'élection de Donald Trump comme nouveau président des Etats-Unis. C'est le sujet de cette chanson.

Vous avez enregistré cet opus dans votre home studio, Electrosaurus Southern Sound Studio, en analogique sans l'aide d'aucun logiciel à l'ancienne, qu'est ce qui a motivé ce choix ?
On ne recherchait pas nécessairement le son des seventies. Mais on voulait retrouver cette méthode d'enregistrement avec des bandes. Lorsque tu enregistres avec des ordinateurs en digital, les options sont illimitées, tu peux faire du copier-coller à l'infini et y ajouter n'importe quel effet. Ce qui n'est pas le cas avec des bandes, tu es limité au niveau technologique. Tu dois assurer les prises lors de l'enregistrement. Tu dois vraiment bien maîtriser ton instrument et les parties à jouer pour qu’au final le morceau soit bon. Tu ne peux pas faire du copier-coller, tu dois parfaitement maîtriser les morceaux et jouer très bien. Pour que la prise soit bonne, tu ne peux pas te tromper sinon il faut tout recommencer. C'est une manière de travailler que nous apprécions, tu es limité mais ça nous plaît. On ne voulait que notre son soit à la fois moderne et qu'il sonne bien. Il ya des formations des seventies qui ont écrit et enregistrer de très bon morceaux qui sonnent bien de cette manière-là. Mais cela n'a aucun sens d'enregistrer un album qui aurait été identique à ce qui avait été enregistré dans les seventies. On peu le faire sonner beaucoup mieux de nos jours.

Est ce que cela a été un challenge de travailler de cette manière en studio ?
Oui, c'est nettement plus difficile d'enregistrer de cette manière-là. Avec du matériel digital, tu peux tout faire. Si ton batteur est mauvais, il peut devenir très très bon en studio grâce au copier-coller. Pour nous, c'est de la tromperie tout simplement. On veut être de vrais musiciens qui jouent une musique réelle. Mais il faut travailler dur pour obtenir ce niveau. Si ton batteur veut être bon, il doit jouer les bonnes notes et s'entraîner durement. Tout doit être bon dès le départ et jusqu'au bout lorsque tu enregistres sur bande, tu ne peux pas tricher. Il n'y a rien que tu puise effacer. Ce que tu enregistres, c'est ce qu'est réellement le combo. C'est un exercice difficile.

Vous avez ouvert pour Deep Purple et Roger Glover a déclaré qu'il vous a trouvé incroyables sur scène et qu'il adorait DeWolff, quelle a été ta réaction suite à sa déclaration ?
Cela a été un moment magique. On a ouvert pour eux en Allemagne dans un stade de 80 000 personnes. Mais ce qui me préoccupait uniquement, c'était que Roger Glover nous regardait jouer sur le côté de la scène. C'était la seule chose qui comptait pour moi. Lorsqu'il a déclaré qu'il aimait vraiment notre musique et qu'il avait apprécié notre show, c'était comme si le soleil brillait de mille feux. C'est un sentiment extraordinaire lorsque l'un de tes héros dis quelque chose comme ça à propos de ton groupe. C'était le plus grand compliment que l'on puisse me faire. Ca été un moment magique.

Est ce que c'est important à tes yeux d'avoir la bénédiction de tes héros ?
Oui, absolument. Aujourd'hui, tous nos héros sont âgés et ils ne seront plus là dans vingt ans. C'est un privilège d'avoir la possibilité de les voir sur scène. On a rencontré Robert Plant, le chanteur de Led Zeppelin, cela a été l'un des plus beaux moments de ma vie. C'est unique car on sait qu'ils vont disparaître et qu'on ne les reverra plus jamais. Avoir la possibilité de les rencontrer, de les voir en concert, ça me rend vraiment heureux. On est la dernière génération qui a la possibilité de les voir encore sur scène.

Vous avez eu aussi la possibilité de jammer avec Ten Years After ?
Oui, c'est vrai. On a ouvert pour eux sur toute une tournée. On a eu un très bon contact avec Rick Lee et les autres membres de la formation. Il était en pleine écriture de son autobiographie qui raconte l'histoire de Ten Years After. On était assis tous les deux a l'hôtel et il me lisait des passages de son futur livre. C'était un moment magique. L'entendre me raconter l'histoire de Woodstock, c'était trop cool.

DeWolff existe depuis maintenant 10 ans, quels ont été les moments les plus marquants pour toi ?
Un des moments les plus intenses est lorsque nous avons joué sur la scène du Pink Pop Festival (Ndr : c’était en 2010). C'était il y a quelques années, on était jeunes et on faisait juste notre truc. Et on a eu cette opportunité de pouvoir jouer dans cet énorme festival de 10 000 personnes, j'avais 15 ans et je n'avais aucune idée de ce qui pouvait arriver. Ca été un moment extraordinaire et il nous est arrivé plein de bonnes choses par la suite. The Wall Fest a aussi été fantastique, on a joué dans une salle de 2000 personnes qui étaient venues pour nous et qui chantaient nos chansons, il y avait une énorme intensité lors de ce show. La bière et la nourriture étaient bonnes, c'est un moment que je n'oublierai pas.



Vous avez aussi donné un concert privé pour un milliardaire russe !
Oui, on a joué pour fêter son anniversaire. On a joué deux fois pour lui en fait. La première fois à Berlin dans sa maison qui est un endroit très chic qui se situe dans un des quartiers les plus huppés de Berlin. C'était la grande classe, on a donné un concert devant un parterre de millionnaires russes. On a dégusté des plats exceptionnels, on a bu beaucoup de bières et de cocktails, on a passé un très bon moment. On a terminé la soirée en piquant une tête dans sa piscine qui est située sur le toit de sa maison. Ces histoires russes sont vraiment très marrantes. On a aussi joué dans un festival de bikers russes l'année dernière. Cela a été une expérience bizarre mais très amusante. On a donné un show devant 10 000 bikers. On a passé un très bon moment, c'était tellement bizarre d'être la.

Est ce que la signature avec Mascot Records a été un moment important pour toi ?
Oui, définitivement, c'est un grand pas pour le groupe. Nous avions sorti notre dernier opus sur notre propre label, cela a été une très bonne expérience. Mais pour un combo, il faut toujours évoluer. Et pour nous, l'étape suivante était de signer avec un plus gros label qui nous ferait évoluer au niveau international. On pense atteindre un plus large public. C'est un pas en avant logique pour nous.

Quelles sont selon toi les grandes différences entre "Roux-Ga-Roux" et "Thrust" ?
On a écrit de meilleurs morceaux pour le dernier. On est devenus meilleurs au niveau de la composition, que ce soit pour les mélodies ou pour les textes. J'ai progressé en tant que batteur. Lors de l'enregistrement de "Roux-Ga-Roux", je surveillais tout, j'ai pris des beaucoup notes, j'ai énormément appris. Ce travail, j'ai pu l'appliquer sur les nouveaux morceaux. On avait aussi une meilleure vision de ce que nous voulions obtenir avec DEWOLFF. On a donné énormément de concerts et on a voulu retrouver cette énergie sur "Thrust". C'est la première fois que nous arrivons à capturer cette énergie et à la reproduire en studio. Il est définitivement meilleur que "Roux-Ga-Roux".

Seasick Steve à déclaré que vous étiez les nouveaux Allman Brothers...
Oui (rires). Un jour nous jouions dans le même festival en Hollande. On était sur scène et à la fin de notre set, on l'a vu sur le côté de la scène. Il est venu nous voir et nous a dit : "Vous êtes incroyables, je dormais dans le tour bus et dans mes rêves j'avais l'impression d'entendre les Allman Brothers jouer. Je me suis levé et je suis venu voir et j'ai découvert que ce n'était pas dans mes rêves, que c'était réel, c'était vous qui étiez sur scène en train de jouer". Il est venu nous die ça, c'était vraiment un très beau compliment de sa part. Il pensait vraiment entendre les Allman Brothers jouer dans ses rêves ! (rires)

Vous êtes fiers quand un artiste comme lui vous fait ce genre de compliment ?
Oui, absolument. C'est le plus grand compliment que quelqu'un peut me faire. J'étais en larmes, j'avais 16 ans et je jouais devant un public important.

Quelle est la philosophie de vie de DeWolff, que ce soit artistiquement ou humainement ?
Ce qui est important pour nous, c'est de passer du bon temps. On veut aussi montrer au public comment on est sur scène. On est toujours heureux de donner un concert. Si tu joued dans un groupe et que tu n'apprécied pas de monter sur scène, il faut arrêter. Pour nous, faire de la musique, c'est avant tout prendre du plaisir, c'est ce que nous voulons faire. On espère que le public se rend compte que nous sommes heureux de jouer pour eux et qu'ils apprécient ce que nous faisons. Et on espère qu'ils ont eux aussi du plaisir d'être là avec nous. C'est ce qui compte le plus pour nous passer de bons moments.

Vous comptez revenir en France bientôt ?
Oui, nous allons jouer dans plusieurs festivals en France cet été. Puis on reviendra vous voir en Octobre pour une tournée de 10 ou 12 shows. Ca devrait être une belle tournée.

Merci beaucoup et bon retour.
Merci à toi.


Le site officiel : www.dewolff.nu