Interview faite par mail par Matthieu

Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de ton temps ! Comment présenterais-tu le projet Death Engine sans utiliser les habituelles étiquettes “metal” ?
Mikaël Le Diraison (chant / guitare) : Mais tout le plaisir est pour moi. Question difficile je dirais : cold sombre & violente.

D’où vient le nom du groupe, et comment le relies-tu à la musique que vous jouez ?
C’est une comparaison entre un véhicule s’écrasant contre un mur et ce monde devenu fou dans lequel nous vivons. Nous sommes spectateurs et acteurs d’un effondrement écologique sans qu’il n’y ait de remise en question radicale du système par nos dirigeants ni de véritable prise de conscience générale. Il en émane chez moi des sentiments de colère, d’impuissance, de profonde mélancolie et de peur. Ce sont sûrement des mots qui décrivent bien la couleur musicale du groupe.

En 2023, le groupe sort "Ocean", son troisième album. Est-ce que vous avez déjà des retours dessus ?
Il n’est pas encore sorti, quelques chroniques sont parues. Elles sont positives, nous attendons la suite. Nous avons hâte d’avoir des retours car cet album est le résultat d’un long processus. A certains moments il nous a paru être un véritable chemin de croix tellement nous avons enchaîné les galères. Sa conception nous a poussés dans nos retranchements, il a fallu être résilient et ne rien lâcher. Il aurait tout aussi bien pu s’appeler Obstacle ou Complications. (rires)

Comment s’est passé le processus de composition ? Ainsi que l’écriture des paroles ?
Il s’est étendu sur un espace-temps assez long qui a débuté en Mars 2020 durant le premier confinement pour se terminer début 2022. Tout le travail de composition a été réalisé en MAO avec des allées venues en studio avec le groupe pour mettre en commun mais toujours dans le cadre de la MAO. La situation sanitaire nous a poussés à travailler différemment. Concernant l’écriture des paroles, elle est peu secondaire chez moi, ne pas comprendre par-là moins importante mais il arrive que ce soit la dernière phase dans le processus. S’il n’y a pas d’idée directrice, si le placement des voix n’est pas naturel et limpide durant la phase de maquettage, le titre est écarté. Concernant les textes je n’avais pas de thèmes de prédilection, j’y suis allé naturellement sans trop me poser de questions, écrire ce qui me passait par la tête. Ne pas être trop frontal mais être un peu plus dans la suggestion voire l’abstraction sur certains titres. J’écris en fonction de la musique et au moment T, le sens m'apparaît parfois plus tard, j’aime cette manière de procéder. Donc ce n’est pas la franche rigolade, c’est très axé sur le mal-être au sens large additionné aux difficultés de réalisation et aux problèmes personnels pour certains d’entre nous.



Le groupe a connu une période d’inactivité après 2019, qu’est-ce qui vous a poussés à reprendre le chemin du studio ?
La situation sanitaire, c’est elle qui nous a remis sur les rails. Nous avions arrêté le groupe après avoir traversé une période assez chaotique. Et puis la frustration aussi, l’impression d’avoir laissé les choses en plan après deux albums et un mini, l’impression de ne pas avoir tout dit. Finir de cette manière c’était tellement pathétique, ça m’a bouffé. Donc voilà pour répondre à ta question, nous nous sommes retrouvés confinés, le moment a été propice à l’introspection … et à la reprise des hostilités.

On retrouve pas mal d’influences dans votre musique, que ce soit dans le post-metal, le post-hardcore, le sludge... Comment arrivez-vous à conjuguer tous les éléments pour créer un son cohérent et lancinant ?
Pour la musique et cet album en particulier, je te parlais de l’importance de la temporalité. Ça nous permis de reprendre tous les éléments propres à l’identité du groupe, d’en enlever certains parfois, d’en rajouter d’autres, d’expérimenter. Nous avons souvent laissé reposer les titres pour les reprendre plus tard ou tout simplement les écarter. Au départ nous avions une idée assez claire du ressenti général, disons que nous avions le fond sans avoir obligatoirement la forme et nous avons pris le temps de construire pièce par pièce. Nous avons tous connu des chocs d’anxiété ces dernières années et cet album devait raconter cela. Ensuite effectivement il y a la question des influences musicales, je n’écoute pas les mêmes choses tout au long d’une année et ça impacte ma manière de composer. Cet album devait former un tout homogène et nous devions y retrouver de la diversité. La cohérence dont tu parles est le résultat de travail et de choix, il fallait que ce soit cohérent, c’était un objectif que nous nous étions fixés. J’écoute moins aujourd’hui les genres musicaux que tu as cités dans ta question même si nous sommes estampillés dans cette esthétique et c’est bien normal. Unfold, Breach, Neurosis, Unsane… font partis de l’ADN musical de DEATH ENGINE, c’est indéniable.

Le titre qui m’a le plus intrigué est "Pulled Down", où on retrouve également quelques choeurs en chant clair pour créer un univers extrêmement contrasté. Est-ce que ce morceau a une histoire particulière ?
Oui nous pouvons dire ça. C’est l’histoire d’un titre que j’ai écrit et maquetté en trois jours, voix comprise, ce qui ne m’était jamais arrivé. Généralement les grandes lignes, la vision globale d’un titre, tout ça me parvient plutôt rapidement après l’avoir débuté mais pour celui-ci, ça a été assez fulgurant. J’avais très envie d’une chanson comme celle-ci, j’y travaillais depuis un moment sans trouver de véritable issue. Puis un jour je branche ma guitare, je sors cette intro et tout le reste a suivi. J’avais réussi à trouver le point de connexion entre un titre plus “easy listening” peut-être et le déferlement de lourdeur, d’intensité et de mélancolie propre à DEATH ENGINE. D’un autre côté il a été le titre le plus compliqué à enregistrer en studio, il a subi quelques modifications. Nous avons accentué cette touche cold sur le pont qui sonnait plus krautrock au départ, avec ces guitares clean baignées dans du chorus et enregistrées sur un vieux Peavey Musician à transistor. Les prises voix ont été faites à la fin des sessions studio et j’étais littéralement épuisé. Il a fallu arrêter car je perdais ma voix, nous avons repris un peu plus tard pour terminer, ça n’a pas été facile j’étais lessivé. Donc oui il a une histoire un peu particulière, à la fois très facile et très difficile, c’est bizarre. Les paroles traitent de dépression, des questions incessantes à ne plus pouvoir en dormir, à quel point il est difficile parfois de se lever le matin, de trouver un sens à tout ça, d’aller puiser moment très loin par moments pour trouver les ressources et rebondir.



Quels sont vos plans pour le futur du groupe ? Que ce soit un éventuel passage au live, d’autres sorties…
Le live est bien sûr notre priorité, nous voulons défendre cet album sur scène après tout ce temps passé à le réaliser et préparer sa sortie. Nous avons aussi créé un label associatif, Code Records, et nous voulons continuer à le développer. Des projets bien sûr … mais il est encore un peu trop tôt pour en parler.

Est-ce qu’il y a des musiciens avec lesquels vous souhaiteriez collaborer ? Que ce soit pour un titre, un album…
Milena Eva de Gggolddd sans aucune hésitation pour un titre.

Avec quels groupes aimeriez-vous tourner ? Je vous laisse créer une tournée ou une date avec Death Engine et trois autres groupes !
Gggolddd, Health et Hangman’s Chair.

Merci à nouveau de ta disponibilité, je te laisse les mots de la fin !
J’ai vu "Titane" de Julia Ducournau récemment. Son précédent, "Grave", m’avait déjà mis une sacrée gifle et j’ai beaucoup apprécié celui-ci. C’est tellement bon de voir des réalisatrices.teurs aussi talentueuses.eux, faisant preuve d’autant d’audace et de courage dans le cinéma français aujourd’hui. Merci à toi pour cette interview et merci pour ton soutien. A très bientôt.


Le site officiel : www.facebook.com/deathengine.net