Interview faite par Matthieu à Paris.

C’est le 7 Décembre 2021 au Hard Rock Café, lieu emblématique du centre de Paris, que j’ai pu m’entretenir avec Shawter, chanteur et meneur du groupe Dagoba, concernant la sortie de leur nouvel album, "By Night".

Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de ton temps ! Comment peux-tu présenter le groupe Dagoba sans utiliser les habituelles étiquettes “metal” ?

Shawter (chant / machines) : Merci à toi ! Je dirais… “groupe de musique évoluant dans un style qui nous permet d’inclure tous les autres”.

En quoi le nom "Dagoba", qui fait référence à une planète de l’univers Star Wars, correspond à la musique du groupe ?
En absolument rien ! On cherchait un nom assez court qui finissait en “-a”, pour que ce soit assez facile à retenir, et à scander aussi. “Da-go-ba”, ça sonne bien. Et pourquoi Dagoba… quand on a monté le groupe, il faut savoir qu’on avait 15 ans, donc on était bien sûr fans de Pantera, Metallica, Sepultura… il y avait un truc commun à la fin, c’était pour faire comme les papas on va dire. (rires)

Vous venez d’annoncer "By Night", le huitième album, comment est-ce que tu as vécu les retours ?
De la meilleure des façons, on rencontre un engouement qu’on a jamais connu auparavant, que ce soit en termes de vues, en termes d’écoutes… Les commentaires sont à 99% élogieux, on est super contents parce qu’on s’est donnés du mal, on a également pris des risques, on propose quelque chose de nouveau au niveau des sonorités pour DAGOBA… On s’attendait à trop rien, on fait notre truc, on le balance et les gens en font ce qu’ils en veulent, mais c’est toujours touchant quand on voit que les gens adhèrent au projet. C’est touchant.

Comment s’est passé le processus de composition ?
J’ai commencé à écrire les premiers riffs à la fin de la tournée "Black Nova", j’étais encore sur la route. On a commencé à inclure des sons un peu synthétiques, puis on a écouté ça tous les quatre, on s’est mis d’accord, et on s’est dit que c’est là où on voulait aller parce que… parce que ça nous plaît. Et parce qu’on ne l’a jamais proposé auparavant, et qu’on aime bien se renouveler d’album en album. On avait un cap fixé, puis on s’est mis à écrire des riffs, des paroles… mais je dirais que la différence, comparativement à toute notre discographie, là certains riffs sont partis des synthétiseurs, sur certains titres on a plutôt les guitares qui arrangent les synthétiseurs. C’est une différence de process sur cet album-là.

La pochette fait pour moi très film d’horreur / 80’s / synthwave, comment est-ce que vous l’avez travaillée avec l’artiste ?
Je suis content que tu en parles, parce que moi je suis un grand grand fan ! Je suis un lecteur assidu de Mad Movies, donc on est dans le thème (rires) ! On a sélectionné quelques artistes à travers le monde, en Italie, en Australie, des photographes… On leur a parlé du projet, ils nous ont envoyé des dizaines de photos, de patchworks, de dessins, de croquis, de créations 3D… et cette pochette-là quand on l’a vue arriver on a sû que c’était la bonne. Un coup de coeur qui illustre parfaitement l’idée que nous procure la musique. Le sentiment que procure l’album entier sied parfaitement à la thématique développée sur cette pochette !



On sent d’ailleurs que les influences sont beaucoup plus modernes, comment as-tu travaillé le concept, comme le fait d’avoir inclus plus de synthés ?
Il n’y a pas vraiment plus de synthés qu’avant, il y en a toujours eu. Ce qui donne l’idée qu’il y en a plus, c’est deux raisons. La première raison, c’est que les compos en elles-mêmes, au niveau des riffs, de la batterie, etc… La base est plus épurée, et ça laisse plus la place aux gimmicks electro de se développer. Et ça donne à l’oreille la sensation que les parties electro sont plus présentes, mais elles ont toujours été là, parfois camouflées par des tapis de double pédale, des riffs death metal, donc forcément ça perce moins. Et la deuxième raison, c’est que pour légitimer cette ambiance générale, il y a vraiment une intro, une outro et un interlude qui sont 100% faits au synthé, et on a l’impression d’un flux général plus axé sur les synthés qu’auparavant. Mais au sein même des compos, il y a quasiment autant de sons électroniques qu’auparavant.

Sur "On The Run", un titre très calme, on retrouve une voix féminine, comment as-tu eu l’idée d’ajouter un chant complètement différent ?
On avait envie de faire un featuring sur cet album là, parce que ça faisait très longtemps qu'on ne l'avait pas fait. On en avait fait un sur le titre "It’s All About Time" du deuxième album "What Is Hell About", c’était ICS Vortex. C’était il y a presque vingt ans. On s’est dit qu’on pouvait renouveler l’expérience, par contre on voulait continuer à rester dans cette dynamique de prise de risques innovants, pour proposer quelque chose de frais pour DAGOBA. Donc on est passés par une artiste qui n’est pas du tout du cursus metal, et surtout c’est une femme, comme tu l’as mentionné. C’est quelque chose que l’on avait jamais fait sur du DAGOBA. Il y avait eu des choeurs, mais jamais de voix lead féminine. Donc c’est dans la continuité de cette prise de risque, de ces innovations, et au final c’est un morceau dont on est très fiers, parce que dans l’entièreté de l’album il coule de source. Il aurait pu choquer s’il avait été propulsé comme un single isolé après deux ans d’absence, mais quand tu écoutes l’album en entier, il reste dans cette idée, on a compris que le groupe veut proposer quelque chose de nouveau et il est en train de nous y amener.

En 2020, le Covid-19 a frappé le monde et annulé nombre d'événements, comment as-tu vécu les différentes périodes de confinement et de restrictions ?
Au départ je l’ai très mal vécu, parce que ça nous a forcés à annuler une centaine de dates de la tournée "Black Nova". On avait vraiment des plans incroyables, et ça a été annulé. Je l’ai mal vécu, mais ensuite, j’ai eu une petite période, une fois arrivé dans l’acceptation, j’ai commencé à donner de l’importance à ce qui me restait, c’est à dire le temps avec ma famille. Ma femme, mes enfants, mes parents. Pendant quelques mois j’ai retrouvé quelque chose que j’avais sacrifié depuis plus de vingt ans, comme les week-ends en famille, le temps passer à aller avec mon gosse au parc, jouer avec lui… c’est des choses que j’avais sacrifiées et je me suis rendu compte d’à quel point c’était agréable. Puis assez rapidement, je me suis dit que d’un point de vue viscéral, j’étais fait pour être sur la route, sur la scène, et le manque est revenu aussi vite qu’il était parti. Mais aujourd’hui avec la tournée qui s’annonce très longue, maintenant que j’ai enfin goûté aux joies du “cocooning” on va dire, j’appréhende un peu plus qu’auparavant (rires). Avant j’étais jamais là le week-end, quand t’es en tournée aux Etats-Unis ou en Chine, tu pars de longs mois… là j’ai pu développer des mois et des mois de vie de famille, c’est quelque chose de très agréable et de très précieux à mes yeux.

Est-ce que la pandémie a eu un impact sur l’album ?
Oui pour deux raisons. La première c’est qu’on a fini par l’arranger avec toutes ces prises de risque, parce qu’on s’est dit que c’était peut-être le dernier ! Alors on s’est dit qu’on avait qu’à faire ce qu’on veut, si on veut mettre une femme au chant, un son cheesy sur le refrain on le fait… si ça se trouve il n’y aurait même plus personne pour l’acheter, on était dans cette vision apocalyptique (rires). Et d’un autre côté, c’est également le temps qu’on a pu consacrer aux arrangements. Avant, on était dans un cycle assez dense de tournée / production d’album / sortie d’album / tournée, ce qui nous laissant seulement quelques mois pour finaliser et arranger les albums, alors que là on a vraiment eu beaucoup de temps pour laisser maturer les idées, et surtout arrêter d’écouter les chansons pendant 2-3 semaines avant d’y revenir. La maturation de la composition a probablement joué aussi.

Comme tu l’as dit tout à l’heure, Dagoba vient d’annoncer une grande tournée européenne avec Infected Rain. Comment est-ce que vous vous y préparez en tant que groupe ?
On se prépare déjà physiquement. Techniquement ensuite, le show, les lumières, la scénographie, la setlist… et maintenant quelque chose de nouveau, on va devoir se préparer mentalement parce qu’on a pris l’habitude d’être avec les nôtres toute la journée, sept jours sur sept, il va falloir leur dire au revoir pour quatre ou cinq mois… c’est long !

La dernière fois que j’ai vu Dagoba sur scène, c’était à Mennecy en Septembre, comment est-ce que le retour sur scène s’est passé ?
C’était incroyable. On a proposé "The Hunt" pour la première fois, c’était la première de Kawa (bassiste, ndlr) sur scène avec nous, retrouver plein de potes… on se croise tous, tu sais très bien qu’on se croise tous avant et après la scène ! C’était également tous vous retrouver ! Cette électricité dans l’air avant de monter sur scène, l’adrénaline, l’envie de se donner à fond… c’était quelque chose qui nous avait beaucoup manqué. C’était émouvant.

Par le passé, Dagoba a ouvert pour Dir En Grey aux USA, puis vous avez également tourné en Chine en 2019. Quels souvenirs est-ce que tu gardes de ces expériences à l’étranger ?
Avec DAGOBA, on a toujours axé nos tournées vers l’étranger en fait. La France ne représente pas tant que ça dans nos dates, on est tout le temps à droite à gauche, c’est une volonté du groupe de faire voyager la musique. Moi j’en garde des souvenirs intenses, parce que c’est une décision qu’on a pris très jeunes. A l’époque on nous encourageait à chanter en français, on nous disait que dans le metal, il y avait assez de groupes, qu’on pourrait vivre de notre musique en chantant en français. Mais pour nous non, on utilise le langage universel, on chante en anglais et le but c’est vraiment de voyager par la musique. Donc à chaque fois, c’est une petite reconnaissance personnelle, et… c’est le voyage, c’est l’aventure ! Rencontrer de nouvelles cultures, de nouveaux territoires, de nouvelles architectures, de nouveaux paysages, de nouveaux climats, de la nouvelle bouffe… tout !

Qu’est-ce qui t’a poussé dans l’univers du metal ? Quel a été ton premier album de metal ?
Honnêtement, un coup de foudre. Ca s’est imposé à moi en fait. Peut-être la fureur, une certaine expression de la fureur de vivre. Le pouvoir de faire ce qu’on veut avec une musique. Le metal a cette particularité, on peut dire ce qu’on veut à la fois de nous, les artistes, les auditeurs, mais on a une certaine ouverture d’esprit. Il peut y avoir une chanteuse, un chanteur, deux chanteurs, des masques, des flammes, ça peut aller vite, lentement, des orchestrations, un piano, de l’electro, de l’indus… Mec, on est ouverts à tout ça ! Dans quel autre style tu entendras un mec se mettre à gueuler et que le public te dise “Ouais c’est cool !” ? Je nous trouve très ouverts d’esprit à ce niveau-là. En tant que fan c’est une ouverture d’esprit qui me plaît énormément, et en tant qu’artiste c’est une liberté totale. On peut mettre ce qu’on veut dans notre musique et on trouvera toujours une oreille attentive.

Le groupe est actif depuis près de 25 ans, comment as-tu vécu l’évolution de la scène française ?
On a fait partie un peu des “pionniers” avec Gojira à un peu exporter la musique française en Europe, aux USA… J’étais content de voir que depuis une grosse décennie de plus en plus de groupes exportent leur musique et notre culture à l’étranger, mais j’ai aussi vu dans le même temps une certaine… je ne vais pas dire “stagnation” parce que ça a un côté péjoratif, mais je remarque que le public français reste attaché à une certaine forme de metal qui, quand on avait commencé, avait déjà rencontré la majorité du succès. Je parle de la Team Nowhere, les textes en français, et aujourd’hui ça se voit avec les groupes qui ont toujours le vent en poupe aujourd’hui en France, qui sont des groupes revendicatifs qui continuent à chanter en français. Et je me suis dit que ce côté-là n'a pas forcément évolué. Mais ça marque particulièrement, une grosse partie du public français est touché par ce type de metal, on peut dire que c’est une marque de fabrique. Et d’un autre côté, je suis super content de voir plus de groupes français qui s’exportent à l’étranger.



Est-ce qu’il y a des groupes ou des musiciens avec lesquels tu aimerais collaborer, que ce soit pour un titre ou plus ?
En fait tous. A partir du moment où ça donnerait quelque chose d’intéressant qui n’a pas déjà été fait par cet artiste ou par DAGOBA, tout est censé m’intéresser. Peu importe le style, ça peut être un beatmaker, une chanteuse d’opéra… pourvu que c’est intéressant.

Quels sont les groupes de la scène française qu’il faut absolument écouter en 2021 selon toi ?
De metal ? En 2021… Je dirais Deluge.

Quels sont tes hobbies en dehors de la musique ?
Le sport, l’actualité sportive en général, et la chasse sous-marine.

Et si je te demandais à quel plat français tu pourrais comparer la musique de Dagoba, lequel choisirais-tu ? Pourquoi ?
Je la comparerais à une fondue bourguignonne. Quelque chose qui est cuit dans un liquide extrêmement bouillonnant, mais ça reste de la protéine de boeuf pure, donc c’est musclé, et tu peux l’agrémenter avec un panel de sauces quasiment infini.

Dernière question : avec quels groupes rêverais-tu de tourner ? Je te laisse créer une tournée avec trois groupes, Dagoba en ouverture.
Deftones. Comme ça je pourrais amener ma femme dans le tourbus, vu qu’elle est fan ça lui ferait très plaisir. Le deuxième, ce serait… ce serait Metallica, je suis fan et je ne les ais pas vus depuis très longtemps sur scène ! Et au moins on est sûrs de ne faire que des très grosses salles (rires) ! Le catering aussi est exceptionnel, on avait tourné avec eux et franchement ils mangent bien ! Et le troisième… Kreator, parce que je suis très très pote avec Fred Leclercq, à chaque fois qu’on se voit on se marre énormément, donc on serait sûrs de rigoler tous les soirs pendant toute la tournée !

Merci à nouveau de ta disponibilité, je te laisse les mots de la fin !
Merci pour votre soutien, encore plus pendant cette période où on ne peut pas se croiser sur la route. Merci aux lecteurs, on vous encourage puisqu’on ne peut pas se voir à nous suivre sur nos réseaux sociaux ! Comme pour les clips et le reste, on alimente nos réseaux avec du contenu très fréquemment, et on estime que c’est du contenu de qualité, donc n’hésitez pas, ça nous fait plaisir et surtout ça garde un lien avec vous. Prenez soin de vous !


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