Interview faite par mail par Man Of Shadows

Bonjour les Corrosive Elements. Merci de répondre à ces quelques questions. En premier lieu, comment vous portez alors votre premier album est enfin sorti ?
Brice (chant) : Déjà merci à French Metal de nous accorder cette interview, nous allons bien, l’album est enfin sorti et nous sommes particulièrement satisfaits de la tournure des choses.

S'agissant de votre première interview pour French Metal, vous ne couperez pas à la traditionnelle question sur les origines du groupe. Nous voulons tout savoir !
Rachid (batterie) : Alors tout a commencé lorsque j’ai rencontré Emilie dans le groupe Repulsed (brutal death – Paris) on y a passé un an, puis nous avons décidé de former notre propre groupe, plus axé groove et old school, plus adapté à nos goûts. J’ai fait appel à deux potes avec qui j’avais déjà joué en Algérie, Seddik à la gratte, Mohamed-Amine à la basse. Avec ce line-up, CORROSIVE ELEMENTS était né, c’était en Mai 2005. Ce line-up a duré deux mois, M-A a décidé de quitter le groupe car il voulait jouer une musique plus technique. Nous avons rencontré Yves (guitare) en automne de la même année et il est resté depuis, ce qui fait de lui le membre le plus ancien après moi (rires), puis on a enchaîné les galères pour trouver un bassiste, jusqu’au moment où l’on a rencontré Raphael qui officiait au sein de Tales Of Blood, groupe avec lequel nous avons pas mal d’affinités. Ce line-up a tenu quelques mois puis Seddik et Raphael ont quitté le groupe pour se consacrer à d’autres projets. Peu de temps après, début 2007, Tarik est arrivé à la guitare et Lionel à la basse. Ce line-up a pas mal contribué à construire l’identité de Corrosive et c’est sous cette forme que nous avons enregistré notre premier EP "Chaos Unleashed", nous avons également enregistré une reprise de Sepultura pour un tribute 100% français au groupe légendaire, "From The Roots To The Seed" chez Chabane Records. Septembre 2010, Emilie décide d’arrêter le chant et nous avons recruté Brice, une vielle connaissance du groupe, pour la remplacer. Ce line-up a enregistré l’album "Toxic Waste Blues". Lionel a quitté le groupe après avoir mis en boîte ses parties mais il a quand même mixé le disque. Nous avons recruté Thomas à la basse en début 2015, il joue également avec Yves et Tarik dans le projet noise / doom / dub / electro Chaos E.T. Sexual, et nous a prouvé qu’il était l’homme de la situation. Et nous avons enfin sorti notre album "Toxic Waste Blues"après des années de travail. Pendant toutes ces années nous avons fait pas mal de dates, et avons partagé les planches avec des groupes inconnus mais aussi des valeurs sûres de la scène : Decapitated, Darkane, Sinister, Phazm, Azziard… Voici donc un condensé de notre histoire !

"Corrosive Elements" est le nom d'une chanson de Napalm Death. Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre groupe ? Napalm Death est-il un groupe modèle pour CE ?
Rachid : Oui nous avons choisi le nom par rapport au morceau de Napalm Death, on a trouvé que ça sonnait bien, que ça ouvrait un thème intéressant et qui nous correspondait pour les paroles du groupe. Napalm est assurément un modèle tant dans la longévité que dans le propos, ainsi que le coté innovateur qu’a pu apporter cette institution tout au long de sa carrière !

Le fait d'avoir eu une chanteuse, Emilie, au début du groupe l'a t-il aidé à se faire une petite réputation au niveau local, compte tenu du fait que vous êtes un groupe orienté death et thrash ? A cette époque le "metal à chanteuse", dans sa dimension lyrique, n'en était qu'à ses débuts...
Rachid : Alors le fait d’avoir une chanteuse pour ce style, n’était pas une volonté de faire dans le sensationnel, c’était un membre du groupe comme un autre. Il est vrai que c’était amusant de voir la réaction des personnes dans le public, mais cela n’a jamais été un fond de commerce pour nous, d’ailleurs c’est un homme qui a repris le flambeau donc nous étions focalisés sur les capacités vocales et non sur un plan marketing.

CE sort enfin son premier album "Toxic Waste Blues", dix ans et demi après la création du groupe. Comment vous l'expliquez-vous ? Est-ce parce que vous très pointilleux ? Des éternels insatisfaits ? Ou est-ce à cause d'un manque de plan de carrière ; un souhait de ne faire de CE qu'un petit plaisir entre potes, sans pression ?
Rachid : Ce disque aura mis du temps à sortir, bon sang ! Alors pour résumer, le délai est dû aux changements de line-up, aux changements de vies (naissances, changements de carrières pro, fin des études…) qui ont fait que certains ont eu des moments d’indisponibilité pour le groupe, nous sommes passés par des phases de doutes et d’apprentissage. Mais il est enfin fini et nous n’allons sûrement pas mettre autant de temps pour le prochain !

"Toxic Waste Blues" est la première sortie du label GreyveStorm. Cette structure est-elle la vôtre ?
Brice : Bien vu, nous avons monté notre micro-label Rachid et moi pour sortir "Toxic Waste Blues", mais pas que, GreyveStom sortira probablement d’autres réalisations de groupes différents ! Ce sera au cas par cas. Pour le moment nous sommes concentrés sur CORROSIVE ELEMENTS.



Parlons à présent du contenu de l'album. La progression depuis le premier EP est naturellement vertigineuse. En termes d'écriture et d'ambition technique, vous avez franchi de nombreux paliers. Comment de temps vous a t-il fallu pour écrire l'album ?
Rachid : Sur TWB, les titres ont été écrits sur une longue période (certains riffs datent des débuts du groupe), ils ont été modifiés, testés en live, certains ont subi des changements drastiques. Au final, nous avons pas mal évolué depuis le premier EP.

Si, après écoutes de "TWB", je vous dis Overkill, Pantera, Sadus, Iron Maiden ou encore Shadows Fall, cela vous parle ?
Rachid : Overkill : oui (Brice, Lionel et moi sommes fans), Pantera : of corpse !, Sadus : indirectement, oui surtout pour l’aspect basse en avant !, Maiden : Bien entendu !, pour Shadows Fall, je pense que ce n’est pas du tout une influence, je dois être le seul à bien connaître, et encore, je me cantonne aux deux premiers albums.

Votre album est très varié. Il y a des morceaux très brutaux et death. D'autres sont plus groovy. D'autres encore privilégient l'accroche et la mélodie. Mais le tout fonctionne plutôt bien. Est-ce important pour vous de dynamiser et de diversifier votre son ?
Brice : Oui, c’est une démarche qui nous est venue tout naturellement, pour apporter des nuances et renforcer la recette de notre death / thrash old school par des influences diverses venant d’autres courants tels que le heavy, le hardcore punk, le crust etc…

L'enregistrement a été fait de façon autonome je crois. Comment cela s'est t-il passé ?
Rachid : En effet, nous avons, pour la plus grosse partie, effectué l’enregistrement par nos propres moyens. La batterie a été enregistrée au Wildman Studio par Karl Dallara (Como Muertos), il a fait un super taf, puis les guitares, basse et chant ont été enregistrés et édités dans nos home-studios respectifs. Lionel s’est chargé du mixage. Avec l’évolution des technologies et de la volonté, cela fut possible et nous sommes contents du résultat.

Vous avez confié le mastering au célèbre Dan Swanö. Comment s'est faite cette collaboration ?
Rachid : Dan Swanö est une légende du metal aussi bien en tant que musicien qu’en tant qu’ingé-son. C’était un rêve de bosser avec lui. Je peux te dire qu’il a été très accessible, arrangeant et ultra efficace et pro, nous avons demandé des modifications, et il a toujours été cool avec nous. Encore une fois, c’est un choix que nous ne regrettons pas.

L'une des grandes forces et qualités de votre album est la façon dont vous mettez en avant les cordes. Les guitares, tout d'abord : les soli sont très nombreux, mélodiques et on sent le travail d'écriture derrière. Il n'y a jamais de démonstration stérile, vous êtes dans l'accroche. Quel est votre intention dans cela et qui sont vos influences guitaristiques ?
Rachid : Tu sais, à la base le groupe était plus ancré dans une approche plus simpliste et directe, mais au fil du temps, on s’est aperçus que nous avions un certain potentiel pour jouer sur d’autres aspects, c’était du travail pour arriver à ce niveau-là, surtout que nous ne sommes pas des virtuoses si tu nous compares aux groupes de death actuels, où c’est la surenchère de décibels et de notes à la seconde. En ce qui nous concerne nous restons dans un style assez traditionnel au final.
Yves (guitare) : Il n’y a pas d’intention particulière, on cherche à garder une certaine spontanéité, les solos sont issus pour la plupart d’improvisations. Il n’y a pas de guitariste qu’on idolâtre, mais il est certain que Dimebag, Andreas Kisser ou encore Kenny Hickey de Type O Negative comptent beaucoup pour nous. Je pense qu’on s’inspire aussi pas mal d’autres scènes, comme la scène post-punk ou noise.

La basse est également très présente sur votre album. D'une façon générale, dans le mix. Mais aussi au niveau instrumental; elle est à l'honneur sur de nombreux plans et est toujours bien amenée et pertinente. Cela me fait évoquer Overkill et D. D. Verni ou encore Steve DiGiorgio. C'est une excellente chose qu'on n'entend que trop rarement dans le metal.
Brice : Lorsqu’on a un bassiste comme Lionel, il faut optimiser son implication !
Rachid : D’une façon générale, nous avons toujours voulu avoir une basse bien en avant dans CORROSIVE ELEMENTS, l’arrivée de Lionel a permis d’aller plus loin dans cette démarche, nous continuons cette tradition avec Thomas ! Oui D. D. Verni, Steve Harris ou Joey De Maio ont apporté une autre façon de faire sonner la 4 cordes dans le metal, et des gars comme Steve DiGiorgio ou Alex Webster ont démontré qu’on pouvait en faire un instrument impressionnant dans le death metal souvent accordé bien bas ! C’est un aspect que nous tenons à honorer à notre façon.

La basse est-elle un instrument de prédilection en ce qui concerne la composition chez vous ? Ou n'intervient-elle qu'à la fin, lorsqu'il faut travailler les arrangements ? Comment composez-vous ?
Rachid : Nous procédons de différentes manières pour composer, pas de recette type mais souvent un ou deux membres arrivent avec des riffs et une structure bien avancée, nous apportons les arrangements en groupe. En général, on sait déjà qu’il va y avoir une annonce, une intro ou un solo qui sera exécuté par la basse, dès la phase de composition. Donc oui la basse est mise en avant par choix.

D'ailleurs, pourquoi Lionel a t-il quitté le groupe ?
Yves : Lionel a eu une opportunité de changer de carrière professionnelle, ce qui ne lui laissait pas de temps pour se consacrer à la musique. On espère qu’il reprendra sa basse très bientôt et qu’il reviendra avec des projets neufs et inspirés !

D'une manière générale, le niveau technique est très impressionnant. Quels sont vos modèles musicaux ?
Rachid : Je te remercie pour le compliment ! Individuellement, nous avons des influences très différentes, mais c’est sûr que des groupes comme Coroner, Death, Pestilence, Atheist ou plus récemment Darkane, ont influencé le côté technique de notre musique, bien que ce ne soit pas l’aspect le plus important, l’efficacité et le groove resteront primordiaux.
Yves : Je ne pense pas que l’on cherche à mettre la technique en avant. Tout est très instinctif, et je pense qu’inconsciemment on cherche plutôt à faire mal et à rendre notre musique vivante. Entre nous, on appelle ça l’approche "bouteille cassée" (private joke).



A travers les paroles vous semblez dresser un constat amer de notre monde. Les paroles du morceau éponyme ou de "Oppression" sont très virulents. Le groupe a t-il une vocation, sinon politique, au moins d'éveiller les consciences ?
Brice : CORROSIVE ELEMENTS n’a pas vocation à servir de donneurs de leçons, toutefois, nous sommes plus sensibles à parler de choses qui nous concernent directement comme notre société qui dérive et notre environnement que nous détruisons par égoïsme. Nous sommes loin d’être exemplaires, mais c’est important pour nous de parler de notre monde actuel et de tirer la sonnette d’alarme. Ça ne nous empêche pas non plus de piocher dans la fiction et l’imaginaire pour trouver des thèmes à aborder.

D'autres morceaux comme "Burn The Preachers" ou "Destructive Cult" font malheureusement écho à notre noire actualité. Que pouvez-vous nous dire, de façon plus recentrée, sur ce sentiment antireligieux, à votre échelle ou à celle de la France ?
Rachid : C’est sûr que nous vivons une période bien pessimiste, les peuples sont séparés et sont montés les uns contre les autres… CORROSIVE ELEMENTS n’est pas un groupe antireligieux, chacun a le droit de croire en ce qu’il veut, certains ont besoin de la religion pour répondre à leurs questions ou leur apporter un sens à leur existence, qui sommes-nous pour insulter les croyances des autres ? Par contre, ces convictions religieuses doivent demeurer personnelles et ne doivent pas être imposées aux autres, c’est cela la fragile liberté qu’il faut défendre. Je crains que nous assistions à une montée de la haine et du racisme, au lieu de se rassembler et de combattre l’obscurantisme, cette fausse religion qui gangrène nos sociétés. Les peuples doivent s’unir par des liens de respect et de fraternité tout en gardant leurs identités propres.

Le titre "Misanthropy" vous définit-il vraiment en tant que personnes ? Ou n'est-ce qu'un concentré de toutes vos émotions négatives ?
Rachid : Ce titre a été écrit en collaboration avec notre ami Nicolas (Dr. Perv / Kilvaras) des groupes Folge Dem Wind et Pervert Asshole. Je ne pense pas que ce titre nous définisse réellement en tant qu’individus, nous restons des personnes optimistes, mais il est vrai que le monde dans lequel on vit nous agresse continuellement, il veut nous soumettre, nous uniformiser, cela nous rebute et nous inspire du dégoût. Ce texte en est une version exacerbée, une sorte de réaction extrême de ce rejet qui se traduirait par un état d’esprit misanthropique. Qui n’a pas dit un jour en rentrant du boulot : "J’en ai marre des gens, qu’ils aillent tous crever" ! En général ça finit par passer et on reprend le cours de sa vie. En général…

Vous semblez être des fans de Lovecraft comme peuvent en témoigner la pochette de "Toxic Waste Blues" et les paroles de "He Dwells In The Abyss". Quel est votre rapport avec cet auteur ?
Brice : Bon je pense qu’on n’a plus à présenter Lovecraft ni à saluer son génie !
Rachid : Le texte du morceau "He Dwells In The Abyss" est directement issu du  "Cthulhu Mythos" de Lovecraft, c’est un auteur que nous apprécions particulièrement et son imaginaire riche a inspiré des générations de métalleux et fans de fantastique. C’est cet univers que nous avons souhaité également mettre à l’honneur au niveau de la pochette de l’album.

Lovecraft est beaucoup cité en référence et très usité dans le metal. Il devient même à la mode. Ne craignez-vous pas que cela tourne au cliché ?
Brice : Oui, Lovecraft est pas mal cité en référence dans le metal mais ce n’est pas un mal, il était temps qu’un plus large public s’intéresse à son œuvre ! Pour le coté cliché, comme toute chose usée à tort et à travers, on s’en lasse. Seul le temps dira si cela restera une simple mode ou une référence reconnue !

Plus original, vous citez Oliver Wendell Holmes, un écrivain américain notamment connu pour "L'Autocrate à la table d'hôte" dans votre chanson "Burn The Preachers". Cette citation s'imbrique très bien dans les lyrics. D'où est venue cette idée ?
Rachid : Lorsque j’écris un texte, j’aime me renseigner sur le sujet, avoir des points de vue différents, et Internet est une source d’informations inépuisable avec les millions d’articles à disposition. Pour la citation d’Oliver Wendell Holmes, elle s’est imposée par sa pertinence par rapport au propos du texte que nous écrivions pour "Burn The Preachers". Il traite de la manipulation par les prêcheurs de haine, usant la bigoterie et l’ignorance des esprits faibles.

D'autres œuvres littéraires ont elles influencé Corrosive Elements ? Lisez-vous beaucoup ?
Rachid : CORROSIVE ELEMENTS est influencé par différents medias, et la littérature en fait partie, Nous lisons des choses assez différentes, chacun a sa sensibilité et ses goûts propres. Difficile de citer un exemple pour le coup.

La pochette de "Toxic Waste Blues" fait très comics et se situe dans une certaine continuité avec la scène thrash des années 80. Etes-vous des fans de bande dessinée ?
Rachid : Personnellement je suis ultra fan de BD, et c’est un univers qui se marie bien avec le metal ! Oui, notre pochette est clairement un hommage aux comics et à la scène thrash des 80’s. Anne-Claire Planard a réellement accompli un travail dont nous sommes fiers !

Avez-vous des plans pour défendre votre bébé sur les planches ? Au Hellfest par exemple ?
Brice : Nous sommes à la recherche de dates de concerts un peu partout, n’hésitez pas à nous contacter sur contact@corrosiveelements.com pour nous booker vers chez vous !
Rachid : Le Hellfest ? Avec grand plaisir, ce serait le pied !

Pour finir, et puisque Rachid est aussi membre de Tales Of Blood, je souhaiterais lui poser une question sur ce sujet. Ou en est le groupe ? Nous n'avons plus de nouvelles depuis votre concert en ouverture de Hail Of Bullets en Mars 2014. De plus, le groupe n'a rien sorti depuis 2006. Qu'en est-il ?
Rachid : Alors déjà, je peux te dire que le groupe est toujours en activité, nous apportons les touches finales aux pré-productions afin d’attaquer l’enregistrement de l’album. On peut clairement espérer une sortie courant 2016 !
Le groupe : Nous souhaiterions remercier French Metal pour cette interview et le support qu’il donne à l’underground, merci aux personnes qui nous soutiennet depuis le début. Vous pouvez suivre l’actualité du groupe sur les liens suivants :
www.facebook.com/corrosiveelementsofficial
www.corrosiveelements.bandcamp.com
www.corrosiveelements.bigcartel.com


Le site officiel : www.corrosiveelements.com