Interview faite par mail par Murderworks

Salut les gens ! Je ne pense pas me tromper en disant que le chiffre 7 se retrouve partout sur ce premier album. On le trouve évidemment dans le concept des sept vies différentes sur sept morceaux, mais aussi dans le logo du groupe qui contient un heptagramme dans lequel un serpent enroule sa queue sept fois et dans le fait que le nom du groupe comporte sept lettres. Sachant que le sept peut avoir le sens de "vie intérieure" et qu'une citadelle est une place forte il y a forcément un lien entre les deux, non ?
Jeff (chant / guitare) : Jeff : Bien vu !! Oui en effet l’album est un concept sur 7 plans de vies. Les textes racontent l’histoire d’un homme qui voit ses vies défiler après sa mort. Une vie où il est victime d’un bourreau, une autre où le chagrin finit par le tuer mais aussi des vies beaucoup plus positives comme avec le titre “Resurection” que nous avons laissé instrumental. L’album a donc 7 titres, je compte l’intro + I See You comme 1 titre à part entière. Les 7 titres représentent les 7 chakras principaux de l’humain (88 000 autres répartis dans le corps humain d’après la médecine ayurvédique en Inde). Le serpent du logo représente la Kundalini qui va du bas de la colonne vertébrale jusqu’en haut de la tête. Il fait office ici du guide ; ressentir cette énergie permet une montée de la totalité des chakras et une vision kaléidoscopique des vies passées. Et pour répondre à la signification de Citadel, le nom représente la citadelle intérieure avec ses voûtes, ses organes, sa mémoire, les émotions, les vécus etc.

Est-ce que le contexte sanitaire a eu un rôle dans la formation du groupe ? Le fait d'avoir du temps libre par la force des choses a-t-il été un des moteurs menant à la formation de Citadel ?
Jeff : Un rôle non, Meddy avait déjà composé le squelette de certains titres avant que l’on rentre dans le groupe. Et personnellement j’ai beaucoup de temps libre du fait de mon travail où je reste dans mon atelier H24. Le confinement m’a aidé mais sur d’autres points, comme le stress, la peur de choper cette merde, ne pas voir mes ami(e)s et ma famille. Cela a créé une ambiance pesante pour faire du black. Ca c’est certain !
Ben (basse) : Quelque part ça a peut-être aidé au fait que je fasse la basse, puisque c’est à cette période que Jeff m’a parlé du projet et que j’avais franchement le temps à y consacrer.
Meddy (guitare / clavier) : J’ai commencé à composer bien avant le premier confinement, mais c’est sûr que ça a aidé à finir les morceaux. Je pense que sans ces périodes-là, l’album aurait mis plus de temps à être composé.

Vous affichez des influences venant du black symphonique des années 90 mais il y a clairement autre chose dans votre musique. Je ne sais pas si ce sont d'autres influences ou simplement votre personnalité mais il y a une mélancolie et un côté dramatique, presque tragique dans certaines de vos ambiances que n'avaient pas forcément les représentants de cette scène ("Look, Your Pathetic Attempts" est d'ailleurs saisissant dans le genre). Ce genre d'atmosphère est-il lié au concept ou c'est simplement sorti comme ça ?
Jeff : J'ai enregistré les voix et composé certains titres pendant le confinement et j'étais dans une période très torturée et sombre à la limite de l'annihilation. Il fallait que toute cette merde sorte et créer m’a permis de faire ma catharsis. Le concept est basé sur les vies passées mais il peut aussi être basé sur les souvenirs de nos vies présentes. La mélancolie de cette période m’a aidé aussi à faire le point sur les choses à changer dans ma vie et avec les autres, moins me prendre la tête, tout en essayant de comprendre mes erreurs et les transformer en positif.
Ben : Je trouve en effet que cet aspect tragique que tu relèves apporte un vrai plus à cet album. Lorsque j’ai découvert les morceaux j’ai été de suite emballé, j’adore quand il y a autant d’émotions, ça permet de faire parler les instrus !
Meddy : Les mois qui ont précédé l’écriture de l’album ont été éprouvants et épuisants psychologiquement, et le besoin d’éliminer, d’expulser toute forme de haine et de colère s’est transformé en musique naturellement. Je n’ai pas cherché à exposer telle ou telle émotion, c’est sorti comme ça.



Autre détail qui tranche avec les productions black metal habituelles c'est la présence assez forte de la basse, pour une fois qu'on l'entend bien dans un album de metal extrême ça fait plaisir. Là encore est-ce un choix réfléchi ? Vous avez produit l'album vous-mêmes ?
Jeff : Benoît est dans un groupe de reprises de Tool et je trouvais intéressant à faire jouer quelqu'un qui vient d’un autre style. Je trouve que la basse est importante dans un projet et je déplore que les groupes la mettent presque toujours en retrait. Oui l’album est une autoproduction, on a juste eu de l’aide des labels Duality Records, Cold Dark Matter Records et Enter The Void Records pour le pressage.
Ben : C’est trop cool que Meddy et Jeff aient décidé de laisser autant de place à la basse pour ce projet, j’ai vraiment trippé, ils m’ont permis de m’exprimer et d’essayer d’enrichir l’atmosphère de cet album déjà bien dense.
Meddy : La basse est pour moi très importante, ça assit les mélodies, les rend plus fortes ! Ben a une façon de jouer bien à lui, et je suis très content du résultat. Il a fait un excellent travail.

Vu que vous êtes tous éloignés et que les confinement ont probablement mis leur grain de sel, je suppose que vous avez enregistré chacun de votre côté ?
Jeff : Comme je le dis plus haut, oui on a enregistré chacun de notre côté.
Meddy : C’est pratique Internet (rires), même si la présence manque pour certains passages délicats, le mixage et quelques autres situations de composition. Mais le fait que nous avons des visions musicales communes a aidé dans ce processus à distance.

Du coup est-ce que les morceaux étaient déjà composés depuis un moment ou le travail a été plus collégial ?
Jeff : Meddy a fait une grosse partie du squelette et j'ai composé et harmonisé certains titres. Benoît a composé la basse et Léo a humanisé la batterie. En gros nous avons tous composé sur ce projet.
Meddy : J’ai commencé à composer fin 2019, le tronc principal des titres. L’écriture a duré quelques mois, et chaque musicien a suivi dans son domaine, et a grandement contribué à humaniser les morceaux.

Je me doute que vous n'avez pas envie d'expliquer l'artwork mais cette pochette est très énigmatique, elle a un côté psychédélique et on croit y distinguer un visage au centre entouré de deux autres identiques de chaque côté. Mais à chaque fois qu'on y jette un œil on doute et on se demande si ce n'est pas notre perception qui nous joue des tours, je suppose que l'effet était recherché ?
Jeff : J’ai demandé aux membres du groupe de prendre leurs visages en photo et j’ai superposé les visages avec des calques et après j’ai pris plusieurs de mes peintures que j’ai superposées aussi sur les visages et j’ai essayé de trouver une certaine osmose avec tout ce bordel. Je voulais vraiment mettre en visuel cet homme qui voit toutes ses vies. T’as raison de parler de psychédélisme, on n’est pas loin d’un voyage de sortie du corps ou d’un voyage sous Ayahuasca. Je montre dans cet artwork le côté “monde énergétique”, monde invisible qui est décrit par pas mal de shamans ou voyageurs de l’astral.
"Ben : "Jeff a encore fait un travail génial pour le visuel de cet album. Je suis super fan de son art et c’est tellement cool d’avoir le son et l’image grâce à lui ! Ça permet de discuter encore plus loin des concepts des morceaux et du disque en général. Depuis que je joue dans des groupes j’ai toujours participé de près ou de loin aux identités visuelles, pour moi c’est aussi important que la musique. Je suis collectionneur de vinyles depuis presque 30 ans et j’ai parfois acheté des disques juste parce que la pochette me faisait tripper ! (enfin plus trop maintenant à cause des tarifs démesurés ! (rires). Je suis ultra fan des pochettes du collectif Hipgnosis, Thogerson et Powell sont à l’origine de telles légendes !!
Meddy : L’artwork est vraiment cool, et pas du tout ressemblant avec ce qui se fait habituellement. Très content aussi sur ce point.



Je suppose que le tracklisting n'a pas été laissé au hasard ? Je pense en particulier à l'enchaînement "Resurection" - "You're A Piece Of Shit" qui expriment deux choses totalement différentes à la fois par leur titre et leurs ambiances, lumineuses pour l'un et malsaines pour l'autre. D'ailleurs l'outro qui termine l'album laisse planer une ambiance étrange, on a l'impression qu'elle nous laisse dans l'inconnu avec l'équivalent d'un gros "To be continued... ?".
Jeff : Le titre "Resurection" est un titre sur le chakra gorge : Vishuddha. Il s’agit du chakra symbole de la communication, de la purification. Sur ce titre je n’ai pas mis de texte, chose bizarre. Mais justement le fait de pas en mettre montre que le voyageur dans cette vie passée n’a pas besoin de trop parler, il vit dans le bonheur, une vie presque parfaite. Par moment le silence est son mode de communication, et la musique aussi. À la différence du titre "You're A Piece Of Shit" qui est un titre sur l’arrogance et le mépris des autres. Le personnage vit une vie de connard imbu de sa personne qui fait du mal autour de lui. Que dire de l’outro. Perso ça me fait penser à une harmonie, un alignement. Mais il y a aussi ce côté répétitif où en effet on pourrait croire à une suite. L’avenir nous en dira plus s’il n’est pas déjà passé !
<Meddy : "Resurection" est pour moi le relâchement de la tension de l’album. C’est le dernier à être composé, l’aboutissement du travail personnel fait sur les autres titres. Quant à l’outro, je vois plus ça comme une boucle, une fois finie, on recommence ! C’est une chaîne sans fin, un peu comme la vie.

Je me doute que c'est compliqué financièrement et encore plus maintenant avec les problèmes de pénurie, mais une version vinyle est-elle envisageable un jour pour les mordus de ce format ? Avec une pochette pareille cela rendrait plutôt bien !
Jeff : Si les ventes sont favorables, oui pourquoi pas !
Ben : J'en rêve évidemment !
Meddy : Ce serait super de mettre en valeur le travail graphique de Jeff, oui.

Je pose la question même si je me doute de la réponse, vu l'éloignement géographique je suppose que le live n'est pas envisagé ?
Jeff : Nous sommes éloignés les uns des autres avec des vies bien remplies. je n'ai pas du tout le temps de faire du live avec CITADEL.
Meddy : En plus du fait d’être éloignés les uns des autres, chacun de nous est très occupé, avec nos boulots respectifs et nos projets artistiques. Donc pas de live.

Merci d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions, si vous avez quelque chose à ajouter vous avez carte blanche !
Jeff : Merci beaucoup pour cette interview et longue vie à French Metal !
Ben : Merci et quel plaisir de répondre à ces supers questions ! Vive French Metal !
Meddy : Merci beaucoup à vous pour ces questions.


Le site officiel : www.facebook.com/citadelblackmetal