Interview faite par mail par Lisa

Après un premier album intitulé "Nine Waves from the Shore" très bien accueilli de la critique et qui leur a permis de signer avec le label allemand Trollzorn Records, les Irlandais de Celtachor reviennent en ce mois d’Avril avec un nouvel opus, "Nuada Of The Silver Arm", tout aussi puissant et dense que son prédécesseur. On en a profité pour discuter un peu avec eux de cet album et de leur passion pour la mythologie de leur pays (et pour apprendre quelques mots en gaélique irlandais par la même occasion…).

On va commencer cette interview avec quelques précisions sur le groupe, pouvez-vous nous parler un petit peu de l’historique de la formation ? Qu’est-ce qui vous a initialement donné l’envie de former le groupe, et comment avez-vous choisi le nom "Celtachor" ?

Steve (chant) : David et moi-même avons créé le groupe au départ comme une simple idée début 2007. On avait envie de mettre en avant la mythologie irlandaise et ses sagas d’une manière beaucoup plus sombre, et de raconter d’une nouvelle façon ces histoires à travers notre propre vision sans laisser de côté les détails importants des sagas. Nous n’étions pas un groupe à proprement parler avant la fin 2010, nous avons fait notre premier concert à Dublin le 27 Août 2010 en première partie de Cruachan. Peu de temps après, Anaïs nous a rejoints à la batterie, Fionn est arrivé en tant que second guitariste et au cours de ses dernières années, Oliver nous a donné un coup de main à la basse.
Au départ, j’avais l’impression que personne n’avait jamais vraiment étoffé les concepts et les histoires des mythologies irlandaises jusqu’aux détails que j’ai pour habitude d’apprécier. Evidemment, certains groupes avaient déjà pris certains héros et personnages et ont écrit des chansons à leur sujet, mais personne n’avait jamais vraiment abordé leurs histoires dans leur intégralité comme le ferait un bon livre, avec le lecteur / l’auditeur qui suit les personnages à travers leurs épreuves, et avec CELTACHOR, c’était ce que j’avais en tête dès le départ. Raconter à nouveau les sagas mais à travers notre propre musique, créer notre propre musique folk plutôt que de seulement répéter ces morceaux folk traditionnels que l’on connaît déjà. Une vision différente, mais une vision honnête et sans fioritures ni faussetés.
Le nom “Celtachor” provident d’une fusion entre une version celte de “keltoi” qui était un nom donné à la culture celtique par les Romains, et “chor”, le terme irlandais pour dire “tout”. Une sorte de “tout celte“ mais prenant son inspiration principalement dans les sagas mythologiques irlandaises.

Etait-ce une décision réfléchie à l’avance que d’évoluer dans le genre du black / folk metal ou est-ce qu’il s’agissait seulement du style musical qui a résulté de vos premières compos ?
Steve : "Black / folk metal" est juste l’étiquette que les gens ont voulu nous donner lorsque nous avons créé le groupe, nous avons puisé nos différentes influences dans le black, le doom, le folk, et d’autres inspirations diverses, et nous les avons fusionnées pour créer l’atmosphère et le son juste qui collait à notre narration. Nous mélangeons toujours toutes ces influences quand on en vient à créer du nouveau matériel avec lequel on va travailler, parfois ça fonctionne, parfois non, comme tout.
David (guitare) : Dans un sens, ce terme décrit une partie de notre son, mais pas dans sa totalité. Vous seriez surpris par certaines de nos influences. Quand Steve et moi-même avons commencé à avoir des idées pour les premières chansons que nous avons écrites, nous n’avions pas envie de copier les autres, ça n’aurait servi à rien. Nous avons été honnêtes envers nous-mêmes et avons joué ce qui nous semblait vraiment correspondre à nos chansons, qu’importe si le riff était d’inspiration thrash ou doom. Il n’y a pas d’élément spécifique sur lequel nous nous sommes concentrés en particulier pour le bien de la musique, nous écrivons selon l’atmosphère et l’âme de l’histoire.

J’ai lu votre bio sur Facebook qui précise que vous vous décrivez comme les “narrateurs de la mythologie irlandaise” : est-ce que vous avez l’impression qu’il s’agit d’un devoir pour vous, en tant que musiciens, de faire en sorte de garder ce folklore en vie à travers votre art ?
Steve : C’est la seule raison pour laquelle le groupe est né, je doute fortement que nous nous serions embêtés à créer le groupe si ce n’était pas dans le but de mettre en avant la mythologie et le folklore dans sa totalité. C’est absolument inhérent à l’esprit de Celtachor que d’évoluer dans l’esprit de la tradition du Seanchai (Ndlr : terme irlandais pour désigner un narrateur traditionnel), et de garder ces histoires en vie et pour des publics nouveaux qui sont susceptibles de ne s’être jamais plongés dans la mythologie irlandaise auparavant.

Votre deuxième album, “Nueda Of The Silver Arm”, va bientôt paraître. Que signifie le titre de cet opus ? Pouvez-nous dire un mot sur l’artwork également ? Y a-t-il une histoire derrière tout ça ?
Steve : Cet album parle d’une race arrivée en Irlande que l’on connait sous le nom de Tuatha De Danann. Le disque traite plus particulièrement de la vie d’un des personnages les plus importants dans les sagas irlandaises, Nuada au Bras d’Argent (Airgead Lamh), son combat contre Eochaid, la perte de son bras et de sa royauté, le regain de sa royauté avec un nouveau bras en argent forgé et son combat avec Lugh (le Dieu du Soleil) contre le leader fomorian Balor. Nuada perd la vie dans cette bataille mais Tuatha se relève, tue l’ennemi et remporte la victoire.
Anaïs : Sur l’artwork de la pochette, j’ai voulu représenter cette partie de l’histoire au cours de laquelle Nuada regarde son bras en argent fraîchement forgé dans les flammes du Teamhair. Lorsque son bras avait été coupé durant la première bataille de Magh Tuiread, il a perdu sa royauté, puisqu’il est écrit dans la loi de Tuatha que leur roi a pour obligation d’être en parfaite santé. Avec son bras en argent, il sera à nouveau entier et regagnera sa royauté. Son peuple se tient derrière lui, ils ne peuvent pas supporter la chaleur et l’éclat des flammes, alors que Nuada se tient bien en face d’elles. Les visages des trois déesses d’Irlande, Ériu, Fódla and Banba, sont représentés dans les flammes.



Comment décririez-vous “Nuada Of The Silver Arm” à quelqu’un qui écouterait ce disque pour la première fois ? Qu’avez-vous essayé de créer avec cet album ?
Steve : Je le décrirais comme un voyage, comme pour tous nos autres disques, nous avons mis un point d’honneur à faire de l’auditeur un élément intégrant de ce voyage afin qu’il suivre l’histoire dans sa progression. C’était la première fois que nous avons enregistré dans un vrai studio (Sun Studios) pour cet album, avec un excellent ingé son, Ola Ersfjord, et ça nous a vraiment motivé à repousser nos limites en tant que musiciens.
Anaïs : Cet album est un formidable pas en avant pour nous, comparé aux précédents albums. Fionn nous a rejoints alors que l’écriture de notre premier album était quasiment finie. Du coup, pour l’écriture de "Nuada Of The Silver Arm", nous étions un groupe entier, et nous avons appris à faire de la musique ensemble du mieux qu’on le pouvait, et comme l’a dit Steve, le choix (coûteux) d’enregistrer dans un vrai studio avec un excellent ingé son a eu un impact conséquent et très positif sur le résultat. Nous avions envie de recréer les émotions qui entourent la mythologie irlandaise et mettre en avant sa part sombre, et je pense que nous y sommes parvenus.
David : Il y a beaucoup d’éléments au sein de cet album, donc je dirais que celui qui l’écoute devrait se le repasser plus d’une fois. Cet album est vraiment dense.

Comment les chansons ont-elles été composées, et à quoi ressemble votre processus d’écriture en général ? Est-ce un effort collectif, n’importe qui peut apporter une suggestion de riff, de rythme, ou autre idée, ou avez-vous un compositeur principal ?
Anaïs : C’est définitivement un processus collectif. Steve commence par décider de la partie de la mythologie sur laquelle on va travailler, et il sépare le concept en titres. On réarrange ça ensemble parfois un petit peu, puis Fionn et Daithi commencent à écrire leurs riffs, en se concentrant sur le feeling de chaque morceau : si la chanson évoque une bataille, le rythme sera plus rapide et plus énervé, s’il s’agit de la mort d’un héros, nous rendrons le titre plus lent, plus triste etc… Ensuite on jamme sur tout ça ensemble, on écoute toutes les idées. J’ajouterais aussi que pour cet album, Fionn a écrit la plupart des riffs. Daithi apporte parfois un groove à ce que Fionn a écrit, vu qu’il est un guitariste rythmique excellent, alors que Fionn est plus dans le mélodique. Steve écrit les paroles au fur et à mesure qu’il entend les titres prendre forme.
David : C’est un effort collectif dans l’ensemble, chacun joue un rôle, les titres deviennent alors une vraie partie de toi avec ce genre de processus. On a toujours des nouvelles idées et des sons à essayer donc c’est un travail en continu.

Y a-t-il des anecdotes intéressantes des sessions d’enregistrement que vous aimeriez partager avec nous ?
Steve : Trop de café ! C’était une expérience sympa, que nous avons envie de réitérer une fois que le temps sera venu, mais plus tard.
Anaïs : Je n’ai jamais eu de batterie qui sonnait tellement bien dans ma vie, Ola est vraiment doué dans son domaine !
David : Je crois que la première fois que nous nous sommes réunis pour écouter le mix de batterie d’une des chansons que nous avions commencé à enregistrer, ça nous a époustouflés. Ca sonnait tellement énorme. J’espère vraiment que les auditeurs ressentent toute la densité du son de cet album.

Est-ce qu’il y a une chanson en particulier sur cet album que vous êtes vraiment impatients de jouer en live ?
Steve : A un moment il y en avait une oui, mais j’aime vraiment comment l’album sonne dans son intégralité, chaque chanson possède ses propres superbes parties et atmosphères, difficile d’intégrer tout ça au sein d’un seul titre.
Anaïs : Nous avons déjà joué quelques chansons en live, "The Arrival Of The Tuatha”, “Bres” et “Uaithne: The Dagda’s Harp”. J’aimerais vraiment jouer l’album en entier en live, mais je pense que “Uaithne: The Dagda’s Harp" est ma préférée.
David : "Bres", "Eochaid", et "Uaithne" sont des chansons puissantes. On prend vraiment du plaisir à jouer ces titres ensemble et c’était énorme de les enregistrer. Je les imagine vraiment devenir des titres phares nos futures setlists.

Vous collaborez avec le label allemand Trollzorn Records depuis deux ans, comment êtes-vous entrés en contact ? Ca se passe bien avec eux ?
Steve : Après avoir sorti notre premier album en autoproduction et qu’il ait été assez bien accueilli par nos fans et par les critiques, Trollzorn nous a approchés pour savoir si nous étions intéressés pour joindre le label. Nous l’étions évidemment, puisqu’ils ont soutenu beaucoup de groupes excellents qui officient dans des styles folk / pagan, comme Bran Barr ou Menhir. Joindre leurs rangs nous aurait fait du bien donc finalement, on a accepté leur offre.
Anaïs : Ca se passe très bien avec eux, ils ont réussi à nous faire jouer au Dark Troll Festival en Allemagne, et ils se sont très bien débrouillés dans la promotion de l’album jusqu’ici également. J’espère qu’on les rendra fiers !

Quels genres de musique, en dehors du metal, constituent des sources d’inspiration pour vous, ou vous appréciez juste écouter ?
Steve : J’écoute tout ce qui va de la musique classique au folk rock, néo folk et tous les genres entre ces deux styles. La nature sauvage de l’Irlande constitue également une grande source d’inspiration pour moi.
Anaïs : Tout ce qui est de la bonne musique, mon père m’a élevée avec de la musique classique et du jazz, des styles que j’écoute encore aujourd’hui. J’écoute du folk irlandais évidemment, de la musique folk en général, de n’importe quelle région du monde.
David : J’écoute beaucoup de genres de musique différents, j’entends parfois à la radio de la musique que je déteste et je détruis ma radio à la seconde où résonnent les premières notes, comme il peut y avoir d’autres chansons que j’aurai envie de fredonner. Tu accroches ou tu n’accroches pas ! (rires). Je crois que ce qui m’influence parfois aussi est de regarder d’anciens groupes jouer en live, les musiciens font preuve de tellement d’habileté et de talent que tu as l’impression qu’ils ne font aucun effort, c’est un niveau que je cherche à atteindre.

Est-ce que certains des membres du groupe évoluent dans d’autres domaines artistiques au-delà de la musique ?
Steve : J’aime bien lire, de tout, de l’Histoire, au folklore, au fantastique, je fais de la peinture parfois, mais j’écris surtout, et je compose pour mes autres projets, l’un que j’espère concrétiser plus tard cette année, qui est Laochra. J’aime beaucoup le café et le thé aussi, et j’ai une affinité particulière pour les zèbres. Anaïs est une artiste et graphiste incroyable, elle a travaillé sur la série télévisée "Penny Dreadful" et d’autres projets, allez jeter un œil à sa page "Anaïs Chareyre Art" sur Facebook ! David est plombier mais avant toute chose, c’est un passionné de musique, il a toujours quelque chose en tête relatif à la musique. Fionn est en dernière année d’une formation d’ingénieur du son, et est également obsédé de musique, allez voir son projet Draiocht, et Oliver travaille déjà en tant qu’ingénieur du son.



Pouvez-vous nous parler un peu de la scène metal en Irlande ? Comment se porte-t-elle aujourd’hui, a-t-elle beaucoup évolué au fil des années ?
Steve : La scène metal irlandaise se porte très bien ! Allez jeter une oreille à ces groupes : Corr Mhona, Eternal Helcaraxe, Malthusian, Brigantia, From The Bogs Of Aughiska, Vircolac, Nomadic Rituals, Tome ! Il y en a plein d’autres, un bon endroit pour se renseigner sur le sujet est le site metalireland.com !
Anaïs : Tout le monde connaît ce groupe fantastique qu’est Primordial, j’ajouterais Darkest Era, Zom, Dark_Matter et Mael Mordha… La scène metal irlandaise est vraiment solide, il y a beaucoup de métalleux en Irlande et ils jouent quasiment tous dans au moins un groupe… C’est assez impressionnant !

Si vous aviez la possibilité de sélectionner les groupes pour partir en tournée avec eux, lesquels choisiriez-vous ?
Steve : J’aime bien jouer avec des groupes variés, mais si c’était possible je partirais en tournée avec Skyforger, Arkona, Metsatoll, Obtest !
Anaïs : Moonsorrow, Arkona, Heol Twelen, Menhir, Saor…On passerait vraiment un bon moment si ce tour se déroulait avec nos amis de Heidevolk et de Cruachan aussi !

Quels sont vos moments les plus mémorables que vous ayez pu vivre avec Celtachor sur vos concerts ou tournées au cours de votre carrière ?
Steve : Jusqu’ici, notre concert le plus mémorable a été le Cernunnos Pagan Fest en France et le Dark Troll Fest en Allemagne, deux concerts vraiment supers, mais c’est difficile d’en choisir un favori, on a vécu tellement d’expériences incroyables sur la plupart de nos concerts, et on a lié de grandes amitiés aussi.
Anaïs : Cernunnos était incroyable, on ne peut que remercier Les Acteurs de L’Ombre ! Tout était top, l’organisation, le concert, les festivaliers, le son, les lumières… On a fait un concert incroyable à York en 2013 aussi, en ouverture de Heidevolk.

A quoi peuvent s’attendre les personnes qui viennent vous voir en concert ?
Steve : A une performance intense ! On essaie de transmettre le plus d’énergie possible durant nos concerts. Selon moi, la scène est l’endroit où nous avons le plus notre place.
Anaïs : Oui, on donne vraiment tout ce qu’on a sur scène, et vous pouvez vous attendre à un show particulièrement impressionnant de la part de notre chanteur, le véritable atout de nos concerts !

Où est-ce que vous voyez le groupe dans 5 ans, voire plus ? Pensez-vous continuer d’évoluer dans le même style musical ?
Steve : Absolument, mais on continuera d’évoluer en tant que musiciens et de travailler avec d’autres influences si on y est amenés, tout ce sur quoi nous nous sommes concentrés a été la création d’une image au sein de l’esprit de l’auditeur, de leur donner l’impression qu’ils font partie de l’histoire afin qu’ils s’en imprègnent.
Anaïs : D’ici deux ans, j’espère que nous aurons joué dans d’autres grands festivals, que nous aurons visité de nouveaux pays ensemble, et que nous aurons écrit quelque chose comme deux albums en plus.

Y a-t-il une tournée en prévision afin de promouvoir votre dernier album ?
Steve : Pour le moment, non, c’est difficile de s’en sortir, mais si des programmateurs de concert nous lisent, et seraient intéressés pour nous avoir sur une date ou sur un festival, envoyez-nous un mail à celtachorbooking@hotmail.com.
Anaïs : Partir en tournée devient de plus en plus difficile ces jours-ci d’un point de vue financier, plus particulièrement pour des groupes qui vivent sur une île comme nous. On est loin d’être riches, et avec l’argent qui provient de la vente de nos albums et de notre merch, on a juste pour but de financer notre prochain album, c’est notre objectif. Cependant, je suis sûre que si une grosse opportunité se présente, par exemple, de tourner avec un grand groupe en Europe, on trouvera un moyen de financer ce projet.

Merci pour vos réponses ! Je vous laisse le soin de conclure cette interview !
Steve : Merci pour ton temps pour cette interview ! Une dédicace à tous nos fans d’Irlande et d’étranger qui nous soutiennent ! On ne serait rien sans vous ! Slainte agus Tainte ! (Ndlr : santé et prospérité en irlandais)
Anaïs : Merci à French Metal ! C’est un honneur d’être interviewé par un webzine que je connais depuis longtemps !


Le site officiel : www.celtachor.com