Interview faite par mail par Murderworks

Salut les gens ! Vous êtes allés chercher une créature mythologique pour le nom de votre groupe, une sorte d'escargot géant à tentacules. C'est presque lovecraftien tout ça ! Serait-ce un clin d'oeil second degré sur la lenteur du doom ? Même si je me doute que c'est plutôt un bon moyen de trouver un nom qui n'est pas déjà pris et qui se démarque du reste.
Quentin (guitare) : Salut à toi ! Nous cherchions un nom composé d’un seul mot, qui soit assez puissant visuellement et évocateur. Quoi de plus doom que cette créature lourde, rampante, gigantesque et hostile ? De plus, cela nous permettait de nous éloigner des références habituelles à Tolkien, aux mythologies Nordiques, Sumérienne etc…. C’était aussi plus facile de se l’approprier car l’atmosphère qui l’entoure nous est plus familière. La chanson “Dragonsnail” sur notre premier album “Rising Sons Of Saturn” en est inspirée.

Le titre de l'album est astucieux, "The Life And Works Of Death" montre à la fois la dualité vie/mort et ressemble en même temps au titre d'une biographie de la mort façon "sa vie, son oeuvre". Je pense que l'effet était volontaire ?
C’est exactement ça, l’idée n’est pas de nous mais de Clive Barker. C’est un de ses 6 livres de sang, auquel nous avons emprunté le titre car il correspondait parfaitement aux thématiques de l’album.

L'album bénéficie d'une excellente production concoctée au Drudenhaus Studio. La réputation de ce studio n'est plus à faire mais on sent une volonté d'avoir un son organique. Une façon de sonner plus vrai et de contrer cette vague de grosses productions synthétiques et impersonnelles ?
Excuse-moi mais je dois rectifier, il a été enregistré et mixé au Heldscalla Studio par Raphaël Henry (qui est aussi guitariste au sein de Silver Machine). Benoît du Drudenhaus Studio s’est quant à lui occupé du mastering. En allant enregistrer chez lui nous savions que nous avions une connivence de goût en matière de production car c’est un grand amateur de metal traditionnel et qui connaît aussi bien le doom metal que l’on affectionne. Nous nous sommes rencontrés en partageant l’affiche avec Silver Machine à l’époque où Sebastien et moi jouions dans Marble Chariot et le courant était très bien passé. Il a eu le bon goût de ne pas nous faire un son de batterie à la Dagoba, ce qui n’aurait eu aucun sens, nous a très bien aiguillé pendant les prises et a produit un mixage d’une qualité qui nous était inespérée ! Ce résultat nous fait forcément perdre un peu de volume par rapport à d’autres productions mais c’est absolument sans regret, il faut faire des choix. Nous jouons sur des amplis de la marque Orange qui ont un son très chaleureux et qu’on a plus l’habitude d’entendre dans des formations rock, stoner etc… que dans du doom metal mais qui produisent ces distorsions "fuzzées" que l’on affectionne pour leur grain. La basse quant à elle passe dans une pédale de disto couplée à une Acapulco gold pour un rendu proche de celui d’une tronçonneuse qui découpe du Saindoux, c’est plutôt gras.

Qui vous a fait cette superbe pochette ? Cette séparation horizontale illustre-t-elle la dualité vie / mort ?
L’artiste se nomme J.R Erèbe. Il est également sculpteur et joue de la batterie dans le groupe Karv Du. Je suis d’accord avec toi ce tableau est vraiment superbe, nous étions scotchés lorsque nous l’avons vu pour la première fois. On a eu beaucoup de chance de bénéficier de son travail. Pour moi cette séparation représente le monde spirituel dans la partie basse et le monde plus figuratif dans la partie haute, la rivière de la vie passant de l’une à l’autre. Cela dit je n’ai encore pas eu l’occasion de rencontrer J.R et de pouvoir en discuter avec lui, ce dont j’ai hâte.



On sent aussi cette dualité dans votre musique qui reste sombre mais qui se voit régulièrement illuminée par des soli brillants dans tous les sens du terme. La dualité est voulue ou c'est simplement le jeu de vos deux guitaristes qui s'exprime naturellement ?
Merci, content que les solos t’aient plu. Ils sont en grande majorité l’œuvre d’Olivier qui a un jeu particulier, pour lui hors de question de les écrire ! Ce qui donne à chaque fois des moments très plaisants en studio car on les découvre à chaque prise. Je parlerai plus d’équilibre que de dualité, nous avons essayé de donner un peu de relief, de nuances à l’album en alternant des parties très lourdes et d’autre plus rythmées. Au niveau des textures aussi, "Aftermath", la chanson atmosphérique, vient contraster l’introduction de "Sepulchre" qui est plutôt massive. L’important dans ce procédé est de ne pas se perdre et de garder une cohérence entre les morceaux.

Vos influences doivent être assez variées parce que si on retrouve la patte typique du doom traditionnel vous développez un côté atmosphérique que les autres représentants de cette scène n'ont pas forcément. Et vu le nom du groupe, le côté presque poétique de la pochette et même des paroles je me dis que vos influences ne doivent pas être que musicales ?
Cela doit être dû à l’accumulation des influences respectives de chaque membre du groupe. Nous venons tous d’horizons un peu différents musicalement. Personnellement, je suis vraiment passionné par le doom traditionnel, puis le metal en général, Matt baigne à fond dans le metal extrême, Benoît et Olivier sont très classic rock, hard rock, et Seb est comme moi plutôt éclectique. Evidemment nous avons un appétit commun pour le doom metal, surtout les classiques du genre. Il y a une alchimie qui fonctionne bien entre nous et chacun a son mot à dire sur la composition, pour moi c’est quelque chose d’extrêmement plaisant et intéressant de découvrir ce que chacun peut apporter à un morceau. Pour le prochain album par exemple, je pense que la participation d’Olivier dans ce domaine sera beaucoup plus importante car c’est une véritable usine à riffs ! Quant aux influences extra-musicales, elles proviennent souvent de la littérature d’horreur, sinon d’onirisme (Seb prend souvent sa plume au petit matin, inspiré par ses rêves).

Comment vivez-vous la période actuelle ? Est-ce que la frustration créée par l'absence du live se transforme en créativité ?
Comme tout le monde je pense, pas très bien…Malheureusement, en ce qui me concerne cela a plutôt bridé ma créativité. J’ai besoin de jouer avec les autres pour qu’une émulation se crée et d’aller plutôt bien pour être inspiré et efficace. Cependant Olivier a de son côté emmagasiné un sacré paquet de riffs, alors nous avons de la matière et le prochain album portera certainement encore un peu plus sa marque.

Pensez-vous comme certains que tout ça va transformer le live, que les streams vont cohabiter avec le vrai live ?
Personnellement, cette perspective ne m’enchante pas du tout. Je comprends qu’entre ça et rien on puisse faire ce choix, mais pour moi cette musique (au sens large quoi, le metal) est une affaire de scène, de rencontres, de bière fraîche, de décibels etc… Je ne prends pas vraiment de plaisir à regarder ces streams et ne ressent aucunement le besoin d’en faire. D’une certaine manière ça aurait plutôt tendance à me déprimer, comme d’accepter que tout ça est définitivement derrière nous. Je garde espoir qu’on puisse un jour prochain revivre la musique comme on l’aime.



Je suppose que l'enregistrement s'est fait à distance avec tout ce bordel ? Même si certains groupes ont l'habitude de travailler de cette façon, ça doit tout de même freiner la spontanéité. Comment avez-vous procédé ?
Par chance nous avons enregistré un mois avant le premier confinement, donc nous avons procédé de manière classique en prenant quelques jours ensemble dans un studio. Cela a surtout été difficile pour Raph du Heldscalla Studio qui mixait notre album en gardant ses enfants.

Je suppose que vous êtes heureux du retour du vinyle avec une pochette pareille et un son aussi organique ?
C’est clair ! Je suis amateur de vinyle mais quelque part je m’étais fait à l’idée de ne le sortir qu’en CD car notre nouveau label Sleeping Church Records ne privilégie pas forcément ce format. Quand on a vu la pochette, il nous a paru évident qu’il fallait le faire. Par chance, Sleeping Church et Emanes Metal Records ont été O.K pour travailler ensemble sur le vinyle et le résultat est top ! Le carton choisi rend bien hommage à l’artwork, c’est vraiment un bel objet.

Merci d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions, si vous avez quelque chose à ajouter vous avez carte blanche !
Merci à toi et à French Metal pour cette entrevue, à bientôt sur scène (on y croit) !


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