Interview faite par mail par Braindead

Salut, la première question va être directe ! N’est-ce pas trop difficile d’éclore musicalement dans une ville qui a vu naître Gojira ?
Kroxk (guitare / chant) : Salut Greg ! Non aucun souci avec ça, à vrai dire notre région pays basque - sud Landes baigne dans le metal et la musique alternative depuis des dizaines d'années , il y a de la place pour tout le monde selon moi et bon nombre d'artistes ont fait leur trou dans nombre de styles. De plus nos messages et musiques sont aux antipodes (pro-écolo vs pro-nucléaire) preuve que l'on trouve beaucoup de diversité dans notre beau pays, et c'est là le principal du moment que ça sert la cause du metal. Aujourd'hui localement nous avons beaucoup de groupes sur des horizons très divers, avec certaines formations qui commencent à percer grâce à leur travail bien sûr, mais également grâce au coup de projecteur Sud-Ouest de Gojira qui dure depuis quelques années quoi qu'on en dise. Après tu aimes ou tu n'aimes pas mais il faut savoir être réaliste et objectif. Merci pour le coup de pouce, les gars !

Peux-tu nous expliquer l’identité Can Of Woms, l’émergence du groupe, votre ligne directrice…
L'univers de CAN OF WORMS baigne dans le post-apocalyptique pur et dur, avec des machines qui ont pris le pouvoir, un monde ravagé par des guerres nucléaires et des assauts aliens répétés. Nous ne tenons pas à dénoncer ou à prendre parti sur des questions d'étique politique, religieuses ou morales, nous nous imprégnons de ce qu'il y a de plus destructeur dans notre société, nous le passons au shacker et nous vous servons une bonne soupe radioactive. Nous n'avons clairement pas choisi un thème pour faire avancer l'image du groupe dans un sens ou un autre, nous avons tous dans CAN OF WORMS les mêmes références, tout est apparu comme une évidence au final.

Vous être aux antipodes du thrash moderne qui pratique le "fun & gore" à l’instar de Municipal Waste. Comment pourrait-on définir précisément votre genre ?
Disons que nous faisons du thrash saupoudré de death, et si tu veux coller une étiquette dessus, nous faisons du nuclear thrash metal, comme ça nous serons raccords avec le thème ! Encore une fois, notre musique n'est pas calculée, perso je déteste le thrash revival. Je vais conclure en te disant que nous sommes des purs produits des années 80 dans CAN OF WORMS, on a tous grandi avec Alien, Robocop, Ken Le Survivant, j'en passe et des meilleurs, et on en a gardé le côté très violent, sombre et grave, avec une pointe d'ironie très acide. Mais ça ne nous empêche pas de nous marrer comme des tordus sur scène et dans le pit !

Un brillant chroniqueur (bon, ok, moi-même), a écrit que "Doomsday Preacher" est une des compos thrash les plus novatrices de ces dernières années ; la raison de ce constat est due non pas à de nombreuses influences inhérentes aux groupes que vous citez, mais à une réelle culture du genre, voire de plusieurs genres musicaux que vous maîtrisez à merveille et dont on retrouve certaines touches après plusieurs écoutes ; Comment arrivez-vous à mixer cette culture musicale, sans que vos compos tombent dans le piège du fourre-tout ?
C'est amusant , nous nous retrouvons avec deux albums et deux chansons "expérimentales". Sur l'album "World Collapse" , nous avions pondu la chanson "Stellar Mass Black Hole" un peu dans la même veine, et sur "Kult Of Nuke", le morceau "Doomsday Preacher" a été le dernier composé. Ce n'était pas prémédité en fait, l'opération s'est renouvelée ni vu ni connu. Ce n'est pas forcément mon top trois de l'album mais c'est vrai qu'il est assez représentatif de l'éventail d'influences que nous pouvons avoir. Au niveau de la cohérence de l'ensemble au sein d'une chanson et dans l'album complet, ce qui nous évite le faux pas du fourre tout c'est que, encore une fois, nous avons un univers de base très solide qui nous empêche d'aller taper dans de mauvaises directions.



Comment abordez-vous les thématiques de vos textes ? Varient-elles suivant les périodes, les humeurs ? Et quelles sont vos références créatives ? (médiatiques, cinématographiques ou peut-être littéraires)
La thématique de chaque morceau de "Kult Of Nuke" , comme sur le précédent album "World Collapse" c'est : "Comment vont-ils en prendre plein la gueule?" Je pense qu'on est sadiques en fait dans ce groupe ! Au niveau créatif, le post-apo est un puits sans fond et Caen de Robocop 2 avec son nuke est un peu notre Captain Planet à nous. L'inspiration n'est jamais absente et une fois lancés on peut aller très très loin dans le délire.

Je suis toujours intrigué par la manière dont composent les artistes ; pourrais-tu nous expliquer qui intervient et à quel moment, si le groupe procède à un brainstorming post-création, si chacun de vous a son lieu de prédilection pour composer ? En un mot, la pré-prod.
Jusqu'à maintenant nous avons toujours composé en grande partie les morceaux entre moi et Julien en ce qui concerne la partie ossature lourde des morceaux. Puis nous travaillons la structure et les harmonies tous ensemble, les arrangements guitare, basse, batterie et en dernier lieu nous pouvons finalement donner son identité au morceau en y incrustant les paroles. Nous décidons souvent à l'avance de l'orientation du morceau (thrash ou death), le tout est d'avoir un ensemble équilibré entre ces deux styles sur nos albums. De toute façon cette harmonie est systématiquement appliquée car Julien est un grand fan de thrash et moi de gros death. Une fois un morceau terminé, il est de suite posé sur un enregistrement. La maquette pré-prod de "Kult Of Nuke" était ainsi terminée depuis Juin 2014 pour un début de composition attaquée en Janvier 2014. En ce qui concerne les lieux de composition, c'est chacun chez soi devant son instru et son PC, débriefing d'idées par mail interposé, structuration et révision du morceau, puis tir à balles réelles en répèt'.

Certains groupes composent la musique en premier lieu puis couchent les textes dessus, d’autres en revanche se basent sur les textes pour construire leurs riffs. Vous appartenez à quelle catégorie ?
De manière générale nous établissons la base du morceau avant de donner une identité à la chanson avec des paroles. Cependant, notre univers est tellement marqué qu'il nous arrive avant même d'attaquer la composition d'un album de parler encore et encore de l'environnement global du CD à venir, et bien souvent les idées reviennent au moment de l'écriture des paroles d'elles-mêmes comme une évidence. Chacun à sa façon de procéder, il n'y a pas de recette précise, le plus important est d’être fidèle à sa ligne directrice. Pour nous c'est donc avantage composition musique.

Votre artwork est réellement magnifique, à tel point que l’on penserait à une prod ricaine, pourrais-tu nous en parler ?
L'artwork, comme sur le premier album est réalisé par le très talentueux Giannis Nakos de chez Remedy Art Design. Je vous invite à le contacter, c'est un mec en or, qui c'est être à l'écoute des zicos. A mon goût il a réussi à retranscrire dans les grandes lignes les idées que nous avions en tête, ce qui n'est peut pas toujours évident. C'est un passionné de chez passionné et chanteur dans Mortal Torment. Giannis est grec (donc english obligatoire) et il a par ailleurs travaillé sur quelques projets graphiques de Devourment.

Vous êtes dans le roster de Great Dane Records, un label reconnu pour ses qualités, comment se sont faites ces collaborations et surtout que vous ont-elles apporté en termes de professionnalisation ?
Notre collaboration avec Great Dane s'est un peu faite par hasard à vrai dire. Je vais m'expliquer. Quand j'ai intégré le groupe en 2009 , j'ai vite eu envie de donner à mes nouveaux partenaires un souffle neuf, beaucoup d'envie et surtout la motivation de se dépasser dans la composition, la communication et les démarches. Nous avons donc enregistré un EP rapidement, puis nous nous sommes lancés dans la gestation d'un album complet ("World Collapse"). Vu que nous avons tout effectué en autoprod', je me suis également lancé dans l'auto-référencement sur une soixantaine de sites spécialisés, aussi bien chroniques que vente de CDs. C'est là que l'indépendance trouve ses limites, nous avions réellement besoin de passer à la vitesse supérieure pour ne pas perdre en motivation et en temps (le temps et l'énergie dégagés sont colossaux). Nous nous sommes mis à la recherche d'un label avec notre album fraichement sorti. Après avoir essuyé quelques vestes, on ne va pas se mentir, j'ai eu l'idée de contacter Great Dane Records. La démarche était un peu étrange pour moi car j'ai toujours suivi les groupes de ce label depuis une quinzaine d'années, les groupes du roster sont de très bons groupes et je ne savais pas du tout à quoi m'attendre en retour. En parlant de professionnalisation, démarcher un label est très intéressant car cela permet de monter un pressbook pour vendre son produit ou donner envie à un inconnu de découvrir le projet. Nous avons donc mis le maximum d'éléments de notre coté avant de démarcher Great Dane Records et à notre grande surprise le retour de leur part a été très très satisfaisant. Je peux t'assurer que ça a été un grand moment pour nous tous, c'était l'accomplissement d'un an de travail acharné et passionné. Nous l'avons clairement pris pour une certaine forme de reconnaissance. Le label a donc mis le premier album dans ses circuits de diffusion, avec une promesse de signature sur le prochain album. Et ça, ça a été un énorme déclic dans nos têtes, un peu comme un coup de pistolet sur un cent mètres, c'est le moment de tout donner et d'enfoncer le clou. Nous avons encore du chemin à parcourir mais outre la diffusion, la vente et la promotion de l'album, il est vrai qu'avoir un label à ses cotés permet d'avoir plus de poids et surtout de crédibilité lors de nos démarches de concerts, et ça nous a permis de jouer au Fall Of Summer entre autre aux cotés de Carcass, Sodom, Watain, Agressor et bien d'autres. Les gens de Great Dane sont de vrais passionnés et le partenariat se passe à merveille et on fera tout pour défendre nos couleurs et les leurs !



Il y a dix ans, la com via les réseaux sociaux semblait être le Saint Graal pour tous ces groupes qui n’avaient pas de présence dans la presse spécialisée. Ces derniers temps, on frôle surtout l’asphyxie : trop d’info tue l’info et nombre de formations prometteuses se retrouvent noyées dans la masse. Quelles sont pour vous les solutions à appliquer afin de se différencier et ne pas devenir seulement un bon groupe parmi tant d’autres ?
Comme tu dis, le net est noyé, on frôle tous l'asphyxie. C'est le syndrome Facebook, on y peut rien c'est humain. Chacun s'intéresse à son trou de balle et c'est vrai que faire de la promo au milieu devient compliqué, et même très énervant pour être franc, que l'on soit d'un côté à devoir bombarder pendant des heures ou de l'autre à recevoir cinq cents notifications par seconde. La promotion musicale sur ce média est arrivé au bout de son cycle. Il faut soit qu'ils trouvent une alternative, soit qu'autre chose soit mis en place pour la musique, mais comme MySpace ça se cassera la gueule car uniquement fréquenté par des zicos. En bref, pour le moment le mieux est de faire tourner du clip et éventuellement des liens pour les achats merch et celui qui sera moins con que les autres ou avant-gardiste gagnera le jackpot comme d'habitude, puis les autres suivront. Aujourd'hui, comme il y a vingt ans, la différence se joue dans le pit à transpirer sang et eau, à donner le meilleur de soi pour se faire plaisir et donner du plaisir au public.

Quel regard jetez-vous sur l’industrie musicale actuelle, les évolutions majeurs (positives et négatives), les crises traversées et selon vous, quel est l’avenir du metal au sein de cette industrie ?
L'industrie musicale est ce qu'elle est aujourd'hui, je crois que nous n'y pouvons plus grand-chose. Après je reste convaincu que c'est uniquement valable pour la pop et le mainstream. Nous, nous sommes un genre à part car, comme tous les mouvement alternatifs, nous vivons notre musique et notre culture chaque jour intensément, et même si le net à mis une grosse claque à l'industrie musicale, un passionné achètera toujours un album ou la discographie d'un groupe qu'il apprécie. L'environnement du metal reste une grande famille composée de multiples strates, mais le metal a toujours vécu dans l'adversité et le rejet en société. De toute façon si tu veux faire du blé dans la musique, ne passe pas par la case metal. Fais du metal, tu seras assuré de vivre des moments exceptionnels de partage et d'amitié, et de baston dans le pit aussi, faut pas déconner non plus.

Justement que penser de la scène metal actuelle, entre ces jeunes groupes qui font du copier-coller sans réelle personnalité et certaines légendes qui reviennent nous faisant comprendre que la qualité est peut-être derrière nous ? Quels nouveaux groupes ont, selon vous, un potentiel pour durer et se faire connaître sur la scène internationale ?
Le copier-coller a toujours existé dans la musique. A mon sens tout a été fait dans le metal, il devient compliqué de proposer aujourd'hui quelque chose de totalement innovant. On encourage les jeunes groupes à faire des reprises, à faire des riffs genre tel ou tel groupe car cela permet de visiter des univers musicaux et ça peut aider à se forger une personnalité. La qualité est toujours là (niveau production actuellement c'est dément ce que l'on peut faire juste chez soi), après tu trouves des branleurs, des requins, des vrais gars, des imposteurs. Il faut laisser le temps faire le tri, le plus important est que ça fait des concerts et que ça fait vivre notre metal. Chez CAN OF WORMS nous avons l'envie et le potentiel pour durer. De là à aller courir sur les routes internationales bien sûr, je crois que personne ne dirait non à cette question. Pour les groupes qui mériteraient de se faire connaitre en France ou par delà des frontières, je peux te citer CAN OF WORMS, BreakDust, Smashed, Overcharger, Silent Opera, Deadly whispers, Red Dead, Architect Of Seth, Ad Patres, Right To The Void, Artery, Heboïdophrenie. Je te laisse te faire ton opinion par toi-même, en tout cas ils le méritent tous de par leur travail, après seul le temps parlera. Pour finir, tous les groupes qui se donnent les moyens d'avancer méritent de tourner, sans exception.

Comment explique-tu la difficulté qu’ot les formations françaises à se faire connaitre à l’étranger, à part quelques contre-exemples bien sûr ?
Comme pour tout, pour se faire connaitre à l'étranger, je reste persuadé qu'il faut tourner avec soit un groupe d'actu, soit avec un gros nom, mais pas sur une seule tournée bien sûr. La persévérance est la clef, ça se compte à coup de cinq ou dix ans, exactement comme le temps de se faire un nom dans l'hexagone. Le problème c'est le temps (et le pognon que ça coûte). Si tu n'as pas le temps, va vivre en Allemagne ou aux States, le cheminement a l'air différent, quoi qu'il en soit ça ne se fera jamais tout seul. Pour finir, je crois qu'aujourd'hui le fait d’être "français" n'est plus un frein. Donc comme dirait tonton Chuck Schuldiner, THE SOUND OF PERSEVERANCE ! Il faut rien lâcher, lâcher c'est renoncer.

Que penses-tu du fait que l’on cherche absolument à étiqueter chaque groupe, souvent sans leur demander leur avis, les enfermant ainsi dans une identité musicale dont certains ont du mal à se défaire et au risque de décourager un public potentiel ?
Personnellement, j'ai toujours trouvé que l'étiquetage à rallonge donné aux groupes, ou auto-proclamé par les groupes eux-mêmes, était une vaste connerie. En effet, si l'étiquette collée ne correspond pas au produit c'est problématique. Après reste le visuel de la jaquette et le nom, qui sont rarement trompeurs. Et le plus important reste les oreilles pour se faire une opinion. A trop se faire diriger sans analyser, on finit à l'abattoir, attention.

Comment envisagez-vous l’avenir de Can Of Worms? Des envies particulières… des projets annexes… et avec quel groupe(s) fantasmez-vous de partager une affiche ?
Nous étudions de très près les tournées des groupes et l'objectif et simple et précis désormais pour les semaines et mois à venir, tourner, jouer et re-tourner. On apprécierait de tourner avec Agressor, No Return, Vektor, Dew Scented, Dying Fetus, Destruction, la liste peut être très longue si on va par là mais pour résumer comme tu l'auras vu, du thrash, du thrash death, du death. Nous avons également monté un collectif de groupes nommé Ashes Remains avec BreakDust, Smashed et Overcharger et nous sommes prêts à rependre le metal partout autour de nous, parallèlement à notre projets respectifs. Merci encore pour tout Greg, rendez-vous dans le pit, les guerriers, c'est la guerre !!!


Le site officiel : www.canofworms.fr