Interview faite par mail par Davidnonoise

Avant toute chose parlons de la discographie de Benighted, album par album. Benighted sort son premier skeud en 2000, soit deux ans après sa création, le chant est largement comparé à celui de Dani Filth, Cradle était une inspiration à l’époque car on retrouve pas mal de Cradle Of Filth sur ce skeud quand même, ou est-ce simplement le fruit du hasard ? Et comment s’est passée la vie pendant ces deux ans qui ont suivi la sortie de l’album ?
Julien Truchan (chant) : A l’époque, on était tous fans de ce groupe, c’est clair et j’aimais vraiment beaucoup son chant ! Pour le chant black il a été une grande source d’inspiration pour moi et même si aujourd’hui Cradle a perdu beaucoup de mon point de vue, leurs albums jusqu’à "Cruelty And The Beast" m’ont beaucoup marqué en tant que fan de metal. Concernant BENIGHTED, la sortie de ce premier album qu’on a enregistré en seulement trois jours nous a permis de signer immédiatement sur Adipocère Records qui ont été séduits par ce mélange black / death qu’était notre musique à l’époque, d’autant que le blast-beat était encore peu répandu et qu’on était peu de groupes français à l’utiliser autant. On a aussi effectué nos premières dates avec beaucoup de passion, découvert un peu la scène en tant que musicien et notre réputation sur l’hexagone a commencé à grossir au fur et à mesure des dates. J’ai également été beaucoup occupé à envoyer notre album partout, aux magazines, fanzines, associations, radios… Les webzines n’existaient pas à ce moment-là et tout se faisait encore par courrier ! Hé hé !

En 2002, sort "Psychose", la production est plutôt moyenne, mais on sent que Benighted est en train d’opérer une transition de style et se dirige plus vers le brutal death, le chant a changé aussi, il n’est pas si éloigné que ça de ce que tu fais vocalement en 2014, on retrouve les bases en 2002. Comment va Benighted en 2002 sur cet album ? Et quels sont les retombées après ce skeud ? Et comment s’est passée la vie pendant ces deux ans qui ont suivi la sortie de l’album ?
On se cherchait encore pas mal au niveau identité musicale, on recherchait surtout à construire des titres efficaces et brutaux, et notre côté death metal s’est effectivement accentué ! On n’est vraiment pas fiers de la production par contre, c’est clair ! Ah ah ! On avait enregistré cet album à côté de chez nous vers Lyon, il n’était pas question de click ou d’editing, tout était en 1 prise et ça s’entend ! C’est justement après cet album qu’on s’est vraiment mis au travail technique pour chacun des musiciens pour corriger nos failles et devenir une machine de guerre sur scène, ça nous a bien botté le cul et les dates ont commencé à se faire de plus en plus nombreuses, et on fait une tournée avec nos amis de Furia et Carcariass, ainsi qu’une autre avec Destinity.

2004, Benighted reste régulier dans ses sorties d’albums, "ICP" voit le jour, la production est meilleure, et on peut dire que la folie musicale de Benighted a pris son envol en 2004, car au final, pour ma part, c’est à partir de cet album que le style Benighted se crée. Alors cet album, comment l'as-tu vécu et que vous a-t-il apporté ?
Complètement, on a eu le temps de réaliser la progression technique dont on avait besoin et ça nous a indirectement permis de faire la musique qu’on voulait vraiment faire, c’est-à-dire cet hybride death metal qui incorpore toutes nos influences comme le black, le grind ou le hardcore. On a trouvé le son qui nous allait au Kohlekeller Studio qu’on n’a plus jamais quitté par la suite pour nos enregistrements. Notre identité musicale et sonore est vraiment née avec cet album et les choses ont vraiment commencé à bouger avec lui ! BENIGHTED a commencé à être demandé pour des gros festivals comme le Fury Fest (anciennement Hellfest) ou le festival de la Rotonde et aussi à l’étranger où notre nom circulait pas mal, on a même été album du mois dans le magazine suédois Scream Mag. On a fait aussi notre premier vidéoclip pour le titre "Fœtus" et encore aujourd’hui beaucoup de fans réclament ce morceau en concert qui a été notre premier "hit" si on peut dire ! Ah ah ! C’est sur cet album que m’est venue l’idée d’approfondir le concept de la psychiatrie avec un aspect de ce type de maladies propre à chacune de nos futures réalisations.

"Identisick" en 2006 voit le jour, le groupe semble attirer beaucoup de fans d’autres pays, Benighted poursuit une trajectoire qui peut paraître de plus en plus évidente, et l’envol du groupe vers les cieux étrangers semble imminent, ça reste un album que les fans du début adorent, ton avis ce sur skeud-là ? Et la reprise de Napalm Death "Suffer The Children", indispensable ou dispensable ? Sens-tu que Benighted à ce moment-là commence à bien faire parler de lui ?
"Identisick" reste notre album de référence pour beaucoup de fans, il a un côté groovy que j’adore vraiment et il a connu un succès énorme, surtout en Allemagne ! On joue encore régulièrement des morceaux de cet album comme "Nemesis", "Collapse" ou "Identisick". Notre réputation internationale a bien décollé grâce à lui et on a fait plein de dates partout en Europe ! C’est aussi après cet album qu’on s’est séparés de notre batteur Fred. Cette reprise de Napalm était un hommage à ce groupe phare qui est une voire notre plus grosse influence encore aujourd’hui. On l’a jouée des dizaines de fois en concert et ce morceau est tellement fédérateur ! Je dirais plus qu’indispensable car il faut vraiment rendre à des groupes comme Napalm tout ce qu’ils ont permis musicalement et les générations qu’ils ont influencées avec leur musique mais aussi leur état d’esprit !

2007, Kevin Foley arrive dans Benighted, "Icon" sort un an après "Identisick", à ce moment-là tout change, l’explosion du groupe a commencé au travers de différents pays, l’arrivée de Kevin a-t-elle joué un rôle de détonateur en ouvrant des possibilités musicales supplémentaires ? Comment ça se passe pour le groupe après cet album ?
Le départ de Fred a été un vrai défi pour nous car c’était un membre fondateur de BENIGHTED, et quand on a fait le casting de Kevin, il ne savait même pas ce que c’était qu’un blast-beat, il avait à peine 17 ans à l’époque. Il a bossé plusieurs de nos morceaux et en une semaine, il était capable de les jouer sans souci ! Il travaillait énormément son instrument tous les jours et il a un talent inouï pour la batterie, il est capable de retenir très vite ce qu’il doit faire et peut acquérir n’importe quelle nouvelle technique s'il en a envie. "Icon" a été composé et enregistré très vite, avec une vraie hargne de faire encore mieux que "Identisick" et on l’a sorti chez Osmose Productions. On a fait sa promo avec nos potes d’Aborted et fait un nombre de dates hallucinant qui nous a demandé beaucoup d’organisation avec nos boulots respectifs ! Kevin est devenu un membre à part entière de BENIGHTED très vite, il nous apporte énormément au niveau rapidité et aussi groove pour certaines de nos parties, en plus c’est quelqu’un d’humainement génial, et d’ailleurs depuis, il a juste joué dans des groupes comme Sepultura, Decapitated, Sabaton, Nightmare, Mumakil, Disavowed… enfin pas grand-chose quoi ! Ah ah !



4 années passent après la sortie d"Icon", pourquoi ces 4 années, est-ce dû à la notoriété grandissante du groupe ? Ou à une remise en question ? Bref, 2011, "Asylum Cave" arrive... Il fait rapidement figure de référence dans l'extrême et l’exportation de Benighted semble énorme, le groupe semble très demandé en dehors du pays. Quel chemin parcouru depuis 1998... Comment as-tu vécu ce gros coup de projecteur après la sortie d’"Asylum Cave" ?
On s’est vraiment sentis récompensés pour tout le travail et les tripes qu’on met dans ce groupe depuis tant d’années, on est devenu une référence du death metal made in France et nous en sommes très fiers ! Cet album a définitivement assis notre renommée internationale et nous avons pu faire une tournée avec Morbid Angel, faire des festivals de fous comme le Wacken, Hellfest, Summer Breeze, Fortarock, Neurotic Deathfest, Masters Of Rock, Metal Fest, Obscene Extreme… On avait déjà énormément tourné pour "Icon", c’est d’ailleurs une des raisons qui ont fait qu’"Asylum Cave" n’est arrivé que 4 ans après, on était demandés de partout, on a même pu aller dans des pays comme la Russie ou Israël. Mais devant cette renommée grandissante et l’investissement que ça demandait on a dû se séparer de Liem qui ne pouvait plus suivre le rythme des concerts avec son travail et sa vie de famille. Adrien est devenu le nouveau guitariste officiel du groupe et on ne le savait pas encore mais il nous a donné un nouveau souffle qu’on ne pensait pas possible à ce niveau du groupe et qui nous a permis d’enfanter notre nouveau bébé : "Carnivore Sublime" !

Avant de parler du nouvel album, peux-tu m’expliquer ce qu’il s’est passé avec la page Facebook du groupe, il me semble que le téton qui figure sur la pochette n’ait pas plu à certains et que ce téton ait fait l’objet de signalement qui a vu la fermeture de cette page. As-tu eu le fin mot de l’histoire et que penses-tu de cette aberration ?
En fait, je pense que ça vient surtout de vilains jaloux comme il y en toujours quand ton groupe marche et on a eu notre page fermée à cause d’un téton visible sur la cover qui revenait dès qu’il y avait une chronique avec la cover ou que quelqu’un la re-postait sur notre page. Il faut savoir que notre page Facebook a sauté le jour même de la sortie de l’album et que c’est un peu gros pour être une coïncidence. Après, ça nous a fait une promotion d’enfer et on parlait de BENIGHTED aux quatre coins du globe par rapport à la censure Facebook, donc j’en profite pour remercier chaleureusement le simplet qui a signalé le téton, il nous a rendu un grand service ! Ah ah !

Personnellement, j’attendais "Carnivore Sublime" de pied ferme afin de voir si le groupe pouvait faire mieux qu’"Asylum Cave". Je m’en suis un peu voulu d’une telle exigence quelque part. Penses-tu que le public français qui est quand même assez difficile à contenter soit plus exigent que d’autres ?
Je ne sais pas si il est plus difficile qu’ailleurs, nous avons eu la chance d’être toujours soutenus par nos fans, et le fait qu’on ait toujours gardé notre intégrité sans suivre les modes musicales et en étant toujours sincères dans notre démarche explique sûrement cela. Il y a tellement de groupes aujourd’hui que la musique est devenue un produit de consommation comme le reste. Les groupes qui ont une vraie identité musicale au milieu de cette masse ne sont pas si nombreux. Dans BENIGHTED, on a jamais voulu se répéter d’un album à l’autre, pousser les limites à chaque fois, créer la surprise et proposer des titres encore meilleurs pour pouvoir s’éclater là où on préfère être, c’est-à-dire sur scène et faire la fête avec tous ceux qui sont présents !

La composition de "Carnivore Sublime" s’est-elle faite avec une petite pression sur les épaules vu le succès mondial d’"Asylum Cave" ou avez-vous tous foncé, la tête dans le guidon ?
On avait cette pression jusqu’à ce qu’on commence à composer, et elle s’est envolée ! L’arrivée d’Adrien dans le groupe nous a apporté une nouvelle énergie et a permis de prouver aussi que même avec un nouveau membre, l’alchimie du groupe se faisait à cinq ! On a composé cet album en 9 mois, de façon très instinctive et en privilégiant l’efficacité des morceaux, on a vraiment "découvert" "Carnivore Sublime" après son enregistrement, et c’est pour moi de très loin notre meilleur album. On a tellement pris de plaisir ensemble à composer tous les cinq, je crois que c’est la première fois que ça se fait dans une ambiance aussi sereine et en même avec une telle rage.

Dans "Carnivore Sublime", on entend des backings trés hardcore, ce qui a fait un peu débat et déçu certains fans purs et durs, qui a eu l'idée d’inclure ces touches plutôt très à la mode en ce moment dans les groupes de brutal death ?
Adrien a une excellente voix hardcore et c’est une influence qui a toujours été présente dans notre musique. On avait grâce à lui l’opportunité d’accentuer vocalement cette touche et enrichir encore nos morceaux. C’est venu de façon très naturelle car tout le monde savait le talent d’Adrien au niveau vocal et il aurait fallu être bête pour ne pas en profiter pour ce nouvel album.

Tout aussi extrême qu’"Asylum Cave" mais d’une façon différente, "Carnivore Sublime" fait l’unanimité, je trouve cet album plus expérimental avec de multiples influences, est-ce une amorce pour l’album suivant ?
Je ne sais pas vraiment. En ce qui me concerne, je dirais que ce nouvel album est beaucoup plus sombre et possède une ambiance malsaine qu’il n’y avait pas jusque-là dans notre musique. Je te rejoins que le fait qu’on s’est sentis tellement libérés pendant sa composition qu’on ne se mettait aucune limite à l’expérimentation pourvu que ça serve l’efficacité du morceau. Pour un album futur, je n’en ai aucune idée !

L’album suivant d’ailleurs, vous y pensez déjà ?
On y pense vaguement mais on ne commencera à la composer qu’en 2015 je pense. On est déjà trop pris par les concerts pour se dégager du temps de répétition.

Un groupe francais qui exporte sa musique de façon aussi franche, c’est du jamais vu, car même chez les Ricains, les fans de death connaissent et adorent Benighted. Benighted porte-drapeau malgré lui ? Quelque part, il doit y avoir une certaine fierté d’avoir réussi là où tant de groupes se sont cassés les dents ?
Bie sûr, on est très fiers de cela et on continuera à aller jouer toujours plus loin pour qu’ils puissent voir ce que c’est que BENIGHTED sur scène. On a la chance d’avoir des super groupes en France dans tous les styles de metal, et on est fiers de faire partie de cette famille.

Kevin Foley fait plein de remplacements dans d’autres groupes (Mumakil, Decapitated…), avez-vous une crainte de le voir partir de Benighted ? Un batteur de cette trempe offre des possibilités musicales quasi infinies dans un style aussi exigeant qu’est le metal extrême, non ?
Même si il venait à partir pour un autre groupe, nous savons que BENIGHTED restera toujours son groupe de cœur, Kevin est un musicien plein de talent que plein de groupes beaucoup plus gros que nous seraient ravis d’avoir et on ne peut que lui souhaiter que ça arrive car il le mérite amplement.

Est-ce que ça commence à faire rentrer un peu d’argent Benighted ou ça restera définitivement pas rentable ?
Je dirais qu’on a la chance de ne plus perdre d’argent plutôt ! Ah ah ! Personne ne touche d’argent dans BENIGHTED, tout est ré-investi dans le groupe.

éCarnivore Sublimeé semble avoir atteint un certain sommet que ça soit au niveau des vocaux et de la vitesse, tu t’es déjà posé la question du "pourquoi tu faisais ça" ?
Ah ah ! Non, pas spécialement ! Mais j’imagine que c’est parce que j’adore diversifier mon chant, avoir de nouvelles sensations et incorporer de nouvelles choses pour que chaque album ait sa propre identité.



Pour changer de sujet, Internet a fait disparaître pas mal de choses pour en faire apparaître d’autres plus ou moins contestables comme les phénomènes d’acharnement de masse sur quelqu’un qui poste une video qui ne plaît pas à tout le monde, es-tu un grand surfeur du net ?
Pas spécialement, mon ordi ne me sert qu’à la gestion du groupe, je n’ai pas de temps pour surfer plus que ça. Entre le groupe, mon travail, ma vie de famille, mes amis et le sport, c’est extrêmement rare que j’ai ne serait-ce que deux heures pour moi, alors les passer à regarder des vidéos postées par des cas sociaux, merci bien… Hé hé !

J’hésite à me réorienter dans ma carrière hospitalière vers la psychiatrie, j’imagine que c’est une vocation d’être infirmier psy, alors je fonce ou faut-il que j’y réfléchisse à deux fois ? Pourquoi as-tu choisi cette branche si peu prisée, l’envie de découvrir les humains sans les barrières que peuvent avoir un être "normal" ?
Je travaillais en cardiologie avant. Je suis allé en psychiatrie complètement par hasard parce qu’un service neuf s’ouvrait, et j’ai vraiment découvert ce secteur qui est vraiment super intéressant sur le plan humain et personnel. J’ai appris énormément mais c’est effectivement dur de durer dans ce métier car tu es soumis à beaucoup de tension nerveuse au contact de personnes avec de lourdes pathologies et en grande souffrance. Il faut par contre se défaire de tous les clichés du genre, la réalité est toute autre.

Benighted en live, c’est un moment ultra violent avec des musiciens sympa, tu te souviens de ta premiere scène ? Tu as toujours un peu le trac avant de monter sur scène ?
Oui, c’était dans une salle à Saint-Étienne devant 200 personnes et je devais être mort de trouille en essayant de la cacher le plus possible ! Ah ah !

Benighted reçoit 3 propositions de concert en première partie, une avec Iron Maiden, une avec Metallica, et l’autre avec Ozzy. Laquelle sera honorée ?
Maiden sans hésiter !

Comment vois-tu la fin de Benighted, un split dû à la page blanche, un split dû à des engueulades, un split pour raisons familiales, ou un split parce qu’il faut bien arrêter un jour ?
Je verrais plus la perte de motivation ou l’impression de stagner, mais ce n’est pas près d’arriver !

J’ai une idée pour le futur clip de Benighted, je te la fais gratos, la voilà : c’est une meuf qui donne un cours à un élève un peu particulier, et derrière cet élève qui porte une capuche en classe (ce qui est illégal bien sûr), il y a un groupe qui joue (le groupe c’est Benighted), puis la fille se fout un peu à poil.. il y a du sang, de l’excitation… Alors t’en penses quoi, tu prends ?
Ah ah ! Quelle imagination ! Ça me paraît bien glauque et violent à souhait ! Je prends !

Voilà, this is the end… Si tu veux ajouter quelques mots, et merci pour tout !
Merci beaucoup pour cette interview, hâte de commencer les festivals d’été et vous retrouver tous pour de purs moments ensemble sur scène ! Stay sick !


Le site officiel : www.facebook.com/brutalbenighted