Interview faite par Aurélie P. Lawless à Paris et traduite par Marine Delahay.

C'est sur les planches du Backstage O'Sullivans que Beartooth officiera ce soir avec nos petits gars d'Our Theory. Il est environ 17h, et les fans grouillent déjà dehors. Plutôt pas mal pour un groupe qui débute encore sur le sol parisien. Pour les amateurs du genre, Beartooth est sacrément prometteur (edit : ils sont d'ailleurs à l'affiche du Download Festival). Rencontre avec Caleb, le leader.

Tout est allé très vite pour vous. Quelles en sont les raisons d'après toi ?

Caleb Shomo (chant) : Je n'en ai aucune idée. On a une super équipe, notre label est super, et bien sûr les gens qui nous permettent de gagner notre pain sont géniaux. On a reçu beaucoup de soutien de la part des gens qui sont venus aux concerts, qui ont acheté nos CDs... Je me laisse porter, et je suis tous les jours un peu plus époustouflé.

Certains groupes ne résistent pas au temps, et vous, vous êtes là... c'est plutôt génial.
Ouais ! On fait un concert en tête d'affiche ici, à Paris, de l'autre côté de ce putain d'océan, et ensuite on en a un à Londres, dans une salle de 12000 personnes, presque à guichet fermé, alors je ne sais même pas quoi dire... laisse-toi porter. Surfe sur la vague.

Est-ce que tu te serais imaginé ça quand tu as créé le groupe ?
Absolument pas. Quand j'ai créé le groupe je ne m'imaginais même pas que je partirais en tournée un jour. Je pensais que j'en avais fini avec les tournées, que j'allais juste produire de la musique et faire un disque si je m'ennuyais, mais je me suis laissé entraîner par quelques personnes, et voilà.

Décris-moi le groupe en quelques mots.
Sonore. Rapide. Sympa pour chanter en choeur. Du bon temps.

Parfait. Est-ce que c'est toi qui as fait le clip du festival ? J'ai vu une vidéo sur YouTube. C'était ton idée ?
On s'est pointés et ce gars qui avait déjà fait des vidéos pour nous était là. Il est incroyable, et il nous rend bien plus cool qu'on ne l'est, alors on l'aime vraiment beaucoup. (rires)

Qu'est-ce que tu peux me dire au sujet de "Disgusting", le nouvel album ?
C'est un album très personnel pour moi. Je n'étais vraiment pas bien quand je l'ai écrit... je l'ai écrit il y a deux ans, c'est dingue. Donc oui, ce n'était pas une bonne période, mais je pense que ça a donné un bon disque.

Et alors, est-ce que c'était "dégoûtant" ? 
Est-ce que c'était dégoûtant ?

Oui.
Faire ce disque était plutôt dégueulasse, ouais.

Vraiment ? (rires)
Ouais ! C'était vraiment pas un bon moment. Enfin, c'était cool de faire les chansons, mais c'était des sujets très difficiles à aborder. Donc oui, c'était un peu dur.

Donc c'est toi qui t'occupes du processus de composition ?
Oui. La guitare, la batterie... tout. J'écris tout et j'enregistre dans un studio, chez moi.

Wow. Donc t'es un peu comme un dictateur ? (rires)
C'est à peu près ça, ouais. (rires)



Tu penses que c'est plus facile pour des groupes américains de venir ici, en Europe, pour jouer, ou bien l'inverse ?
Honnêtement, c'est difficile sans un bon label ou sans un soutien financier. C'est difficile parce que c'est tellement cher, il faut payer le voyage, tout l'équipement, il faut louer un bus, un van ou autre, ça revient très cher, mais le truc qui est bien en Europe c'est que les gens paraissent tellement fidèles à la musique que s'ils aiment vraiment ce que tu fais, ils seront là pour longtemps. Aux Etats-Unis, la tendance veut que les gens vont de groupe en groupe, quel que soit le groupe à la mode du moment. J'ai l'impression que ça rend les choses plus difficiles quand on essaye de devenir célèbre, et de rester célèbre.

J'ai entendu dire que les groupes anglais ne pouvaient plus se produire aux Etats-Unis parce qu'ils n'arrivaient plus à obtenir de visas...
Oui, les visas sont difficiles à obtenir. On a des membres de l'équipe ici qu'on voudrait avoir dans notre équipe aux Etats-Unis, mais c'est tellement cher, et ce n'est pas seulement cher mais en plus il faut avoir une grande expérience professionnelle, et prouver qu'on est vraiment bon dans ce qu'on fait. Rien que quand je me suis marié ça a été un processus super long. Ma femme est originaire de Londres, ça a pris des mois et des mois, et des milliers de dollars pour tout préparer, c'était dingue.

Dans quel pays ou continent aimerais-tu le plus jouer ?
Probablement en Europe et au Royaume-Uni. J'adore la culture. J'aime le fait que ce soit si différent des Etats-Unis, c'est beaucoup plus détendu, tout le monde se détend et passe du bon temps, mais les concerts sont bien plus dingues, bien que cela dépende des endroits. Attention, aux Etats-Unis aussi ça peut devenir dingue aussi. Mais je pense que c'est vraiment cool d'aller jouer dans des endroits où il y a la barrière de la langue, c'est vraiment cool de voir ça. Je ne parle pas un seul mot dans une autre langue que l'anglais...

Les gens s'attendent à ce que tu dises un truc en français...
Ouais, ouais... je ne suis pas un homme cultivé. (rires) J'aimerais bien. Comment on dit ? "Bonjour" ?

Oui !
Voilà. Je sais ça. (rires) C'est tout ce que je sais dire en français, mais c'est cool de voir que même si on ne parle pas la même langue, les gens sont quand même réceptifs à notre musique, et peuvent quand même chanter, et on se sent connecté à travers ça.

Si tu avais l'opportunité d'aller te produire dans des endroits dangereux, comme la Corée du Nord, tu irais où ?
Euh je ne suis pas sûr à propos de la Corée du Nord ! (rires) Ca dépend où, et ça dépend si on meurt ou pas. J'aime bien vivre, c'est plutôt cool la vie, donc je vais essayer de continuer pour un petit bout de temps... je ne sais pas. Peut-être.

Donc tu n'as pas peur du danger ?
Je suis une sacrée poule mouillée...(rires) Disons qu'on jettera un dé.

Qu'est-ce que tu penses des groupes qui restent coincés dans le même carcan, et ne font des tournées que dans leurs pays d'origine ?
Je pense que c'est le cas de beaucoup de groupes, c'est difficile de s'étendre et de rencontrer les circonstances propices à cela, mais je pense que si jamais il y a une opportunité d'explorer, de jouer dans un autre pays, il faut le faire. Même si quand on débute on ne planifie pas de gros concerts, on s'en fiche, c'est le fait qu'on aille jouer pour n'importe qui prêt à nous voir de l'autre côté de ce putain d'océan, ça, c'est dingue. Même si ici on joue chez les gens, et je connais des gens qui ont fait ça, et ils disent que c'est l'une de leurs meilleures expériences, dès que vous en avez l'opportunité, voyagez, visitez le monde, et produisez-vous dans différents endroits.

Tu sais, il y a des groupes qui choisissent de rester là, et de ne jamais bouger, comme Def Leppard et des groupes comme ça, alors je me demande pourquoi ils font ça ? Ici en Europe on veut voir ces gars...
Europe ? Le groupe ? Bien sûr que j'en ai entendu parler d'Europe.

Donc tu vois, c'est un gros groupe, et Joey m'a dit que quand il est allé aux Etats-Unis il a joué dans un espèce de pub où il n'y avait personne. Tu imagines ça ? Europe, putain... (rires)
Ouais ! (rires) Europe est super connu, même aux Etats-Unis, j'en reviens pas... Ils font de plus gros concerts, mais c'est comme ça que ça se passe pour certains groupes... c'est dur, il faut vraiment se tuer au travail pour devenir un groupe important à l'échelle internationale. Nous par exemple, ça fait deux ans, deux ans et demi qu'on est en tournée non-stop, avec quelques petites pauses ici et là, mais c'est parce qu'on veut faire ces concerts aussi, on veut s'étendre dans le monde entier, mais ça demande beaucoup de travail.



Et puis les groupes ne peuvent pas rester assez longtemps pour se constituer un nouveau public dans le pays dans lequel ils sont, donc OK, ils font un concert ici, un concert là... et ils n'ont pas le temps de créer de liens.
Oui, il faut toujours revenir, encore et encore, c'est la seule façon d'y arriver.

Quelle est ta perception des Français ?
Les premiers Français que j'ai rencontré étaient complètement dingues, des fêtards... mais ça dépend où je me trouve, j'ai déjà rencontré des gens qui, quand ils ont vu que je parlais anglais, m'ont envoyé me faire foutre...

Vraiment ?!
Ouais, ça m'est arrivé. Ils ne voulait pas me parler, ni m'aider... c'est bizarre, mais bon, c'est une personne. Les gens aux Etats-Unis s'imaginent des fois que les gens en France sont vraiment trop distants, alors qu'il faut tomber sur des gens super cool, et éviter d'aller dans des endroits louches où les gens sont malpolis. J'adore Paris et la France en général, c'est un endroit magnifique. Je me baladais avec un ami, et on regardait l'architecture, les boutiques... l'Amérique est un pays si jeune qu'à moins d'aller à Boston, où dans un endroit comme ça où le pays est né, c'est partout pareil, très moderne, ça ressemble moins à une sculpture qu'ici.

Tu écris des chansons, mais tu ne peux pas toutes les mettre sur l'album, alors qu'arrive-t-il à ces chansons ?
Parfois elles restent sur l'ordinateur et personne ne les entend jamais, parfois elles ressortent. J'ai pas mal de vieilles chansons qui ne sont jamais sorties, peut-être que les gens les entendront un jour... je ne sais pas, on verra.

Tu les garderas sur l'ordinateur.
Ouais, elles vont rester là. Honnêtement, la raison pour laquelle la plupart d'entre elles ne sont pas sorties, c'est que je ne les trouvais pas assez bonnes pour les mettre sur l'album, donc je les laisse loin des gens, mais si les gens veulent vraiment les entendre, on verra.

Ca arrive de garder ce genre de chansons, et tu peux les réécouter dix ans plus tard et te dire "Oh, c'était bien en fait !".
Ouais ! On voulait faire ça, sortir un petit vinyle par exemple, avec un tas de vieux trucs inédits dessus... mais pour l'instant on est tellement occupés avec cet album et l'écriture du nouvel album qu'on a pas vraiment eu le temps de sortir de vieux trucs.

Il y a toujours des éditions japonaises, qu'est-ce que tu penses de créer une édition américaine ou française ? Parce qu'il n'y en a que pour les japonais... (rires)
Honnêtement, je ne sais pas, je ne m'y connais pas trop dans cet aspect de l'industrie du disque... le fait est qu'aujourd'hui, avec Internet et le monde entier à portée de main, je pense que c'est plus facile de se procurer ce genre de truc, mais qui sait, peut-être qu'on sortira une putain d'édition parisienne de notre album !

Ouais ! Personne ne fait jamais ça, personne ne l'a jamais fait... vous devriez être les premiers.
Je vais travailler là-dessus. Je vais passer quelques coups de fil.

Bien on va s'arrêter là-dessus dans ce cas. Merci beaucoup !
Merci à toi !


Le site officiel : www.beartoothband.com