Interview faite par Pascal Beaumont à Paris.

Attraction Theory déboule sur la scène française sans crier gare tel un Ovni dont l'ultime but est la conquête de la planète metal. Si le nom ne vous dit sûrement pour l'instant pas grand-chose, le gang est constitué d'une pléiade de musiciens plus que confirmés à l'instar de Didier Chesneau, auteur, compositeur, producteur et guitariste et maître à penser de Headline, Christophe Badin, John Macaluso (TNT, Ark, Symphony X, Labyrinth) ou encore Constance Amelane. Un gang créé à l'initiative de Didier Chesneau qui a eu l'idée de regrouper quelques pointures à ses cotés afin de nous distiller un metal progressif de haute volée capable de vous envoûter à tout jamais. La présence de Constance Amelane n'y est pas pour rien tant la voix de la belle semble s'épanouir sur chacun des trois titres originaux proposés sur "Principia", effet instantané dès le premier morceau "The Eye" qui vous scotche les neurones définitivement. Ajoutez à cela une reprise magnifique du hit planétaire "To France" de Mike Oldfield et vous tenez là une formation de très haut niveau capable de rivaliser avec les plus grands ! Pour en savoir un peu plus sur cette formation haut de gamme, votre serviteur a pu s'entretenir avec Didier Chesneau, le magicien incontesté de la théorie de l'attraction. Une interview fleuve avec un personnage attachant, passionné, ouvert qui n'a cessé de nous étonner tout au long de sa carrière impressionnante. Magnéto Maestro Didier, c'est à toi !

Bonjour Didier, le 24 Octobre vous avez donné un concert acoustique chez le disquaire Gibert Jeune, quel souvenir gardes-tu de ce show ?

Didier Chesneau (guitare) : C'était très bien. C'est toujours agréable d'aller au devant des gens. A partir du moment où tu fais de la musique c'est toujours agréable d'aller dans des endroits où on en vend encore. Malheureusement il y a plein de disquaires qui ont disparu. Il y en a quelques uns qui sont restés, c'est un lieu où on peut en écouter et en découvrir. Après au-delà de ça j'apprécie les shows acoustiques, cela permet de présenter des titres d'une autre manière. Tu es tout près du public à un mètre cinquante sans artifices et sans lumière, tu es vraiment à côté d'eux et la réaction est immédiate. J'aime beaucoup ce genre d'exercice.

Votre tout premier show a eu lieu au PMFF à Ris Orangis le 7 Janvier 2017, que retires-tu de ce concert ?
Oui, c'était le tout premier en Janvier dernier. Cela s'est super bien passé. Notre objectif c'est de revenir à ce qui pour nous est l'essentiel : jouer live et se présenter aux gens sur scène. On est aujourd'hui dans une époque où parfois c'est la vidéo sur YouTube qui prime. Nous on avait envie d'aller au devant du public et jouer nos morceaux sans intérêt particulier parce qu’on n’avait rien à vendre. L'EP n’était pas encore sorti, on n'avait pas d'album non plus. On voulait présenter ATTRACTION THEORY et faire passer un bon moment au public. C'était top car il y avait là des gens curieux de savoir ce que l'on allait proposer, à quoi ça allait ressembler, quel style on allait développer.

As-tu ressenti beaucoup de pression pour ce premier concert malgré ton expérience ?
Non, j'étais plutôt relax à partir du moment où tu joues quelque chose qui te tient a cœur. Tu as bien évidemment toujours une forme de trac. Tu t'interroges, tu te demandes si les gens ont envie d'écouter ce style en 2017 et de partager ce moment-là avec toi. Tu as cette espèce d'appréhension-là. Maintenant tu es forcément dans l'enthousiasme du premier concert d'un tout nouveau combo. Tu retrouves une espèce d'adrénaline qui existe lorsque c'est un nouveau projet. On va au devant du public parce que les chansons c'est fait pour être jouer devant des gens, ce n'est pas fait pour rester dans un studio ou dans une chambre. C'est un mélange, si on avait été mal accueilli et si tout le monde s'en serait foutu cela aurait été dommage parce que moi j'ai envie de faire cela. Si tu n'a pas d'auditoire, c'est ennuyeux. Mais là, en l'occurrence, ce n'était pas le cas. Ce n'est pas trop un problème de travail, c'est plus une histoire de spontanéité. C'est juste se dire qu’aujourd’hui c'est le genre de projet que l'on a envie de défendre. On a envie de faire cela tous ensemble et on espère que ça va plaire tout simplement.

Après les cessations d'activité de Headline, tu es devenu producteur, tu as créé ton propre studio, qu'est-ce qui t'a poussé à vouloir rejouer au sein d'une formation qui n'est pas Headline ?
Effectivement, Headline sur album, ça date un peu. On a tous fait des choses diverses et variées. Mais je ne suis pas resté sans faire de scène pendant toutes ces années. J'ai fais surtout des sessions ou bien j'ai été accompagnateur sur différents projets auxquels j'ai participé. Pour en revenir à Headline, Aymeric, quant à lui, a plus avancé sur la partie chant que clavier. Il a participé à la comédie musicale "Dracula", il a enregistré un album, il a participé à The Voice. On a fait des concerts, tout un tas de choses comme cela. Mais à un moment donné, tu as envie de voir d'autres horizons musicaux. La production, c'est assez grisant. La partie du public metal connaît les productions que j'ai pu réaliser dans ce style. Mais j'ai fait autre chose comme de la world music qui est un univers musical totalement différent mais c'est très enrichissant musicalement. Et puis a un moment donné, tu te dis que quand même brancher une guitare dans un ampli et jouer ce type de musique, ça manque un peu. J'ai fait d'autres choses et je ne suis pas d'un tempérament très nostalgique. Je n'ai pas spécialement envie de revivre la passé. Tu te dis que ce morceau-là correspond à ce que tu as envie de jouer en ce moment. Il y a un cadre qui est suffisamment large pour que moi je ne m'en lasse pas tout de suite. Il faut que cela corresponde à mes envies du moment et tu y vas. J'ai fait beaucoup de production et beaucoup de choses en studio mais à un moment donné le côté spontané d'un concert où tu joues ta musique, des titres auxquels tu as participé au niveau de l’écriture, où c'est un vrai projet, te manque. C'est cool de retrouver les flight cases, de monter dans un van et d'aller jouer sur scène devant un public et surtout d'avoir une réaction directe qui ne soit pas décalée des gens dans la salle. C'est un peu le problème du studio lorsque tu travailles pour des artistes. Soit tu défends des projets qui ne sont pas les tiens, soit tu fais de la session et tu es là pour servir la chanson et l'artiste pour lequel tu joues. Lorsque tu réalises des disques, il y a un délai assez énorme entre l’intention et ce que tu fais avec le moment où le public en a connaissance. Ce n’est pas rare qu’un album soit terminé depuis huit ou neuf fois avant que le public le découvre. Finalement, lorsque ce sont des projets sur lesquels tu t’es investi, que tu as passé x jours en studio avec tel ou tel artiste et que tu y crois, tu es un peu dans l’impatience de savoir si les gens vont apprécier ou pas. Moi en plus, je suis quelqu’un d’entier, je travaille rarement sur des choses qui ne m’intéressent pas. Ce qui fait que j’espère que cela va plaire aux gens et que l’artiste pour lequel j’ai travaillé y trouvera son compte. Je souhaite qu’il se dise "Super, j’avais envie que ce morceau soit comme cela". Tu l’as le résultat par personne interposée. Le combo part en tournée et toi tu n’a pas de réactions directes. En revenant sur scène, tu as la réaction directe des gens. Le studio j’adore cela car c’est un moment de création où on peut faire des choses et essayer de tirer le meilleur d’une chanson ou d’un artiste. Mais à un moment donné, j’avais vraiment envie de revenir au contact du public et d’avoir des réactions immédiates. En concert tu sais tout de suite à quoi t’en tenir, que les gens aiment ou pas.

En studio tu vis un peu par procuration la suite de l’aventure !
Absolument. Tu sais que tu as un rôle dans la fabrication de ce truc-là, c’est tout. Tu es là pour l’artiste ou les titres ou encore les deux en l’occurrence. Mais oui, c’est effectivement une procuration, tu n’as pas l’aspect musicien, c’est autre chose. Il y a l’écriture, le projet, le choix des gens avec lesquels tu vas le faire. Tu sais pourquoi et c’est aussi pour cela que l’on a donné des concerts avant qu’il y ait quelque de disponible en disque. Tu dois jouer les morceaux, c’est un peu comme cette espèce d’envie que tu as lorsque tu démarres dans la musique. Tu espères que cela va plaire aux gens, qu’il y aura du monde, que ça va bouger et qu’ils vont passer un bon moment avec nous. C’est quelque chose qui me manquait. Avec ATTRACTION THEORY tu as un nouveau combo qui a une orientation musicale qui n’est pas dans le style que j’avais pu pratiquer dans le passé en tant qu’artiste. Je suis très curieux de voir comment cela va être reçu !

En parallèle à cela, tu as joué au Zénith le 4 Avril  2017 au côté de Rosy Armen.
Oui, c’est une très belle histoire. Rosy Armen est forcément quelqu’un qui n’est pas connu du public metal. C’est la maman d’un de mes amis qui est un pianiste contemporain, compositeur de musique de film et qui possède un studio d’enregistrement. On a travaillé ensemble sur d’autres projets d’artistes. Sa maman Rosy est une très grande chanteuse qui a eu une belle carrière. Elle a débuté il y a très longtemps dans les années 70 ! Un jour, je me suis retrouvé chez eux alors qu’ils étaient en plein rangement. Ils sont tombés sur tout un tas de bandes analogiques qui dataient des années 60/70. On s’est demandé ce que c’était et c’est là qu’on s’est rendu compte que Rosy avait une histoire incroyable à nous raconter. Elle a chanté en URSS à l’époque où le mur de Berlin existait encore et où le fameux rideau de fer régnait. Elle a fait une tournée mondiale, c’est une des premières artistes françaises des sixties à s’être exportée. Elle a démarré la carrière de Julio Eglesias. C’est une artiste arménienne et c’est la première avec Aznavour à avoir chanté en français et en arménien. Elle a travaillé avec des compositeurs de musique classique comme Aram Ilitch Khatchatourian qui a écrit pour elle ou bien Michel Legrand. Elle a eu des prix comme au Midem. Elle a été récompensée par un Legend Music Awards en 2014. On s’est demandé ce que pouvait faire tout ça dans un placard. Il y avait tout ce patrimoine étalé par terre et on avait envie de remettre tout ça a ceux qui aimaient Rosy. On s’est alors mis a travailler. Rosy avait arrêté de chanté pendant 15 ans suite à des problèmes de cordes vocales. On a commencé a retravailler sur tout ce répertoire, on a remixé les morceaux pour que les gens puissent découvrir ou redécouvrir ces chansons qu’ils aimaient. Nous on souhaitait qu’elle enregistre des inédits. On lui a dit qu’elle ne pouvait pas avoir faire tout ça et s’arrêter comme ça uniquement par peur. Je l’ai poussé à aller voir une coach vocale qui a pu la refaire travailler vocalement et la mettre en confiance car elle avait plus peur qu’autre chose. Et on a enregistré de nouveaux morceaux. Elle a d’ailleurs eu un Emmy Awards pour ce nouveau titre en tant qu’artiste arménienne de l’année. C’était une superbe aventure qui continue d’ailleurs puisque l’on travaille toujours ensemble. Il y a des projets de concerts aux Etats-Unis. Pour le coup, là tu rentres dans un autre domaine musical, il y a un côté plus world music avec des instruments ethniques. Rosy c’est une artiste immense qui a chanté aux côtés d’orchestres symphoniques. En tant que musicien c’est une magnifique aventure que j’ai pu vivre à ses côtés.



Est-ce que le fait de jouer dans des styles très éloignés du metal nourrit musicalement des projets comme Attraction Theory ?
Oui, tout à fait. Justement je pense que la musique est un univers tellement vaste que tu peux aller chercher des instruments, des collaborations à droite et à gauche avec différents musiciens et univers. Moi j’ai envie de quelque chose qui soit complètement ouvert. J’adore tellement de styles différents. Pour rester dans le hard rock, j’admire l’opus "No Quarter" avec Jimmy Page et Robert Plant et ces orchestrations marocaines. J’ai aussi travaillé avec des formations raï où il y a une énergie du tonnerre dans ces instruments. Je comprends tout à fait qu’à un moment donné les gens qui font du rock et aussi une musique pleine d’énergie aient envie de mettre les deux sur scène. C’est un peu la même chose avec d’autres styles musicaux comme l’electro où il y une même énergie qui est dans la tendance. Pourquoi se fermer, je suis avant tout amoureux du son et de la musique. Tout ce qui peut me nourrir musicalement je le prends. C’est peut-être aussi un peu pour ça qu’à un moment donné on est un peu sorti du collimateur du public metal car je faisais autre chose dans le monde du spectacle. Il y a beaucoup d’univers musicaux différents, c’est vaste et j’ai envie de m’imprégner de tout cela.

Il y a eu aussi cette belle rencontre avec Constance.
Oui, on m’a beaucoup posé la question de savoir comment cela s’était passé. Je l’ai rencontrée dans une soirée organisé par Florent Sliwa, ancient artist relation d'Ibanez. Il faisait des happy hours et invitait plein d’autres artistes, des musiciens, des chanteurs, des fabricants d’instruments pour obtenir une forme de melting pot de personnes. C’était plutôt une bonne idée car ce sont des soirées très sympas où tu peux rencontrer des gens venant de tous les univers et tous les styles. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré Constance. Elle est venue vers moi en me disant qu’on devait travailler ensemble sur un album que je devais réaliser. Finalement, ce projet n’a pas pu aboutir. Quelques mois après elle m’a recontacté pour enregistrer les voix d’un duo qu’elle faisait pour un groupe anglais. Elle est venue au studio et a enregistré ses parties vocales. Là je me suis dit : "Waw quel potentiel" ! Quelle voix ! On a donc commencé à écrire des titres ensemble. Au départ, c’était sans but précis. On ne savait pas vraiment si on allait faire un groupe par la suite ou si cela allait être pour un projet solo ou bien autre chose. En travaillant avec elle, je me suis rendu compte que c’était une chanteuse qui avait un registre très large et que ce serait dommage de passer à côté.

Pourquoi avoir choisi ce nom "Attraction Theory" ?
On a choisi la théorie de l’attraction parce qu’au tout début, la naissance du combo est partie de Constance et moi. Lorsque tu évoques la théorie de l’attraction à quelqu’un en général, tu as souvent deux grandes catégories de réponses. Il y a ceux qui y voit le côté philosophique, c’est-à-dire on attire à soi ce que l’on est. D’autres y voient quelque chose de tout à fait opposé qui est très cartésien et mathématique : la théorie de l’attraction c’est la gravité de Newton. C’est une formule mathématique aux antipodes de l’aspect philosophique. C’est assez marrant parce que lorsque l’on pose la question, on constate que les femmes sont plutôt sur le côté philosophique et les hommes sur celui qui est mathématique et cartésien. Cette réflexion nous a finalement amené qu’une formation qui est représentée par un duo masculin / féminin peut amener des choses qui, à la base, sont complètement opposées et qui au final se complètent. On est parti de cette idée-là !

Est-ce que le line-up proposé sur cet EP est définitif ?
Oui, après on ne peut pas présager de l’avenir et du planning de tout le monde. Mais c’est la base définitive. Au départ, on n’a pas voulu se limiter sur des collaborations éventuelles mais le noyau du groupe c’est celui que tu trouves sur l’EP. Il peut y avoir des soucis de planning mais pour l’instant tout le monde est investi dans ce projet. On est tous bien sûr occupés par différentes choses mais ce n’est pas un projet de plus. On n’a pas lancé une bouteille à la mer pour voir ce qui se passe. On a réellement envie de le défendre cet EP, maintenant cela va aussi dépendre de l’avenir, du planning des uns et des autres et d’où on veut aller artistiquement.

Comment as-tu rencontré John Macaluso et réussi à le convaincre d’être le batteur d'Attraction Theory ?
Je le connaissais depuis l’époque NTS. J’avais été approché pour produire le successeur de "Burn The Sun", le deuxième opus d’Ark. Comme beaucoup de monde je l’avais adoré. Olivier Garnier m’avais appelé et demandé de passer le voir au bureau pour me présenter certaines personnes. Ils avaient souhaité que ce soit moi qui produise l’album suivant. Malheureusement, Jorn Lande est parti et Ark n’a jamais enregistré cette galette. Donc je connaissais John de cette époque et j’avais toujours eu cette envie de travailler avec lui lorsque l’occasion se présenterait. On a par la suite été en contact sur différents projets. On a failli se voir lorsque j’étais parti avec Constance à New York pour le NAMM. Je lui ai parlé de ce projet et il m’a indiqué qu’il avait envie d’y participer et c’est comme cela que ça c’est fait.

Qu’est-ce que cela t’a apporté de travailler avec lui au sein d'Attraction Theory ?
Je te dirai honnêtement, pour avoir eu la chance de jouer avec des musiciens talentueux, que je ne l’ai pas vu comme un extraterrestre avec un CV de ouf ! Je l’ai simplement comme un musicien qui avait les moyens de mettre en valeur certains morceaux. Et puis il avait envie de collaborer avec nous. On a joué avec plusieurs batteurs même à l’époque de la création de Headline où une des premières versions comprenait Christian Namours qui était le batteur de Patrick Rondat à l’époque. C’était un super batteur. On a aussi travaillé avec Dirk Verbeuren (Megadeth). Je ne pense pas en termes de CV et ce qu’il a fait. Pour moi ce qui est important, c’est le musicien et ce qu’il apporte aux titres. Il faut qu’il ait envie de s’investir et d’apporter sa touche personnelle sur chaque titre. A un moment donné, tu oublies son parcours, tu as simplement un musicien derrière sa batterie et à tes cotés en concert. C’est plus dans ce sens-là que je vois les choses. Après c’est vrai que John a accompagné énormément de grands guitaristes. Il y a des fois où tu ne dois pas trop de poser de questions en te disant que ce batteur qui joue à mes côtés a accompagné Jennifer Batten, Georges Lynch ou Yngwie Malmsteen. Tous ces guitaristes font partie de mes références et c’est eux qui ont fait que je me suis mis à la guitare électrique. Il y une histoire qui est redoutable mais je m’efforce d’oublier cet aspect-là au profit de la musique.

Vous avez choisi de reprendre "To France" de Mike Olfield, est-ce que cela a été un challenge de s'approprier ce morceau ?
Je ne sais pas si on peut parler de difficulté. Encore une fois tout est parti d'une envie. On l’avait dejà joué avec Headline pour faire un petit coucou à notre ami Phil 'Em All au PM Fest. On jouait dans le cadre de ce festival et jouer "To France" dans le cadre du Paris Metal France c'est idéal, c'était une sorte de clin d'œil. D'ailleurs, Constance était venue à l'époque chanter en duo avec nous. Le public avait apprécié cette version et nous avait demandé si elle était disponible quelque part. Après, le pédigré de Mike Olfield ressemble à ce que l'on aime. C'est un artiste qui est difficilement classable. Tu ne sais pas trop si c'est un musicien de pop, de prog. Il a fait des musiques de films comme pour "L'Exorciste", il y a le coté prog de "Tubular Bells" et le coté pop de "Moonlight Shadow" ou "To France". C'est un musicien qui se laisse porter par ses envies et qui n'a pas vraiment d'étiquette. Il est aussi bien connu des gens qui sont dans un créneau musical précis que du grand public. On apprécie ce côté-là de l'artiste. On est allé plusieurs fois avec Constance aux Etats-Unis et on a constaté que lorsque les gens apprennent que tu es Français, il y a malgré tout une curiosité. On a joué du blues dans l'Est et ça reste assez prenant car pour eux il y a encore ce côté La Fayette et cette idée que l'on a libéré les Etats-Unis. Il y a un côté très ouvert avec les Français qui fait que cela modifie l'image de l'Américain autarcique et très fermé que l'on peut avoir. Donc d'un côté on faisait plaisir au public qui avait envie d'écouter cette version et d'un autre coté c'est un peu une carte de visite car on est une formation française. Au final ça buzze. La version s'est faite très naturellement. Il y a des aficionados qui vont te crucifier sur place si tu touches une note du morceau. Le registre et la tessiture de Constance permettaient de respecter la voix de Maggie Reilly et donc d'avoir quelque chose de très pop et en même temps de montrer qu'elle était un chanteuse de rock, et à la fin j'avais envie qu'il y ait des guitares et que ça bastonne un peu. C'est comme ça que tout s'est passé, en fait très naturellement. On se demandait comment adapter un titre qui, avec tout le respect que l'on peut avoir pour ce titre, est un tube. Nous, on voulait le reprendre tout en étant respectueux en essayant de mettre notre patte, cela a donné la version que tu trouves sur cet EP.

Pourquoi avoir choisi de proposer uniquement trois nouveaux titres originaux ?
En fait, on en a écrit beaucoup d'autres. On a déjà donné des concerts et trois morceaux cela aurait fait un peu court (rires) ! Cela fait partie un peu des questions qui sont entre guillemets nouvelles dans cette journée de promotion. Tu t'aperçois que la manière de consommer de la musique a complètement évolué. Les gens attendent un album alors qu'au final ils consomment de la musique comme des singles. De nos jours, avec Spotify, YouTube, le public picore. Il n'y a plus vraiment une écoute d'un opus avec un début, un milieu et une fin. Aujourd'hui, cela parait original de sortir un EP là où la logique serait de proposer un album. On va donc donner des concerts et proposer quelques morceaux et en fonction des réactions on verra si on enregistre un nouvel opus. On en revient à quelque chose qui moi me paraissait logique, c'est-à-dire d'aller d'abord au-devant du public pour se présenter et puis après on peut donner plus. Si c'est pour que les gens picorent deux ou trois titres dans une galette autant limiter le choix et orienter le public. On a envie de proposer notre univers musical et ça tu le trouve sur "Principia", il y a quelques chansons avec leur versions alternatives. Le titre "Attraction Theory" a été composé à la base à la guitare acoustique d'une manière complètement sobre. L'idée c'est de se confier et dire à ceux qui s'y intéressent que le morceau est né comme cela. Si tu écris une bonne chanson, elle passe le cap et peut être jouée à la fois en acoustique et avec des grosses guitares, une grosse production sur une grande scène. Mais elle peut se limiter à son état le plus sobre et sonner parfaitement. On avait envie de donner ce type de carte de visite. Si, et c'est ce que l'on espère, cela vous interpelle et que vous avez envie d'en entendre plus, alors venez aux concerts et après vous aurez l'album.



Avez-vous envisagé de tourner un clip prochainement ?
C'est possible effectivement, on commence à en parler. Dans un premier temps nous ne le souhaitions pas, l'idée c'était d'aller au-devant des gens et d'utiliser des moyens classiques. On est à l'heure d'Internet, du zapping sur YouTube, on commence à y penser parce qu'un moment on pensait plus se focaliser sur les versions de l'album. L'EP est sorti en exclusivité chez Gibert, le magasin de disques, il y a une semaine accompagné de la version numérique. On a constaté que cela suscitait apparemment un intérêt et ça a suscité toute une série d'interrogations. C'est plutôt cool de voir que malgré la profusion de projets de plein de groupes et d'artistes de talent qui peuvent venir aux oreilles des gens grâce à Internet, le projet ne passe pas inaperçu au milieu de toutes ces propositions musicales. Donc maintenant peut-être que l'on va pouvoir faire comme les copains : un clip. Mais notre idée c'était de se démarquer même si je trouve que c'est un grand mot car moi je n'aime pas cette impression-là. Pour nous le b.a.-ba de la musique c'est de jouer devant des gens et après leur offrir des versions enregistrées de ce qu'ils ont pu éventuellement apprécier en concert.

Quel est le morceau que tu as envie de mettre en avant ?
C'est une bonne question. Ça sera peut-être un morceau de l'EP, là encore si c'est l'artistique qui parle ce sera peut-être "The Eye" parce qu'il y a un thème qui peut être sympa à développer au niveau de la mise en scène. L'idée, ce n'est pas de mettre le groupe dans un hangar et de filmer en live. On veut proposer autre chose, "The Eye" peut intéresser au niveau de sa thématique et on a envie d'essayer de l'imager. Mais pour l'instant rien n'a été déterminé.

Vous avez envie de développer un scénario mis en images à l'instar d'un petit court métrage ?
Oui, probablement. Quitte à faire un clip notre but, ce n'est pas juste filmer le combo sur une scène avec des amplis et des lumières. En plus, Constance a une formation de comédienne, l'image et la mise en scène c'est quelque chose qui l'intéresse.

Aimerais-tu développer un coté plus théâtral sur scène avec Constance ?
Oui, c'est probable. Son artiste fançaise préférée c'est Mylène Farmer donc pour ça aussi ce serait intéressant. Elle adore ce côté mise en scène. Là encore cela paraît presque une exception en France alors que c'est entre guillemets un peu commun pour beaucoup d'artistes étrangers et pas forcément anglo-saxonx. On ne s'étonne pas de voir des formations comme Rammstein avec une grosse mise en scène ou bien Lady Gaga, Prince Michael Jackson. Par contre on s'étonnerait de voir un combo comme le nôtre avec une forme de mise en scène. Lorsque tu regardes Ghost ou Rammstein, il y a une esthétique scénique qui se dégage. Nous ne sommes pas dans ce créneau-là. C'est aussi une histoire de moyens et de statut, tu ne peux pas arriver avec la scène que tu souhaites lorsque tu es tout nouveau et que personne ne te connaî. Lorsque tu donnes des concerts ou que tu joues dans des festivals tu n'as pas forcément les conditions que tu souhaites. Tu ne peux pas avoir des écrans et tu n'as pas le temps de développer un concept sur scène. Mais notre volonté est réellement de pouvoir communiquer avec les gens sur un univers artistique large qui ne soit pas forcément uniquement cantonné à la musique. On a essayé de proposer un artwork dans lequel le public puisse se retrouver. On veut offrir un univers, ensuite les gens décident s’ils veulent entrer dedans ou pas. La musique est un élément mais il y a aussi autres choses autour.

Quel est le thème que vous développez au travers du texte de "The Eye" ?
C'est un morceau qui parle des regards et de la perception que l'on en a, comme son nom l'indique, quel que soit les habitudes ou les masques derrière lesquels on peut se cacher soit par attention ou pudeur. La seule chose qui ne trahit jamais, c'est un regard, ça peut être une personne ou un animal. C'est le premier moyen de communication, si tu regardes le regard tu as quelque chose de sincère qui ne trahit pas. Ça ouvre un spectre assez intéressant. Mais "The Eye", c’est aussi une histoire. On est allé au NAMM à Nashville avec la marque Lag qui fait partie de mes endorseurs. On en a profité pour faire la route du rock / rlues et on s’est retrouvé à Clarksdale dans le Mississipi sur la Crossroads où le seul truc d’ouvert était un magasin de guitares. Là, tu te retrouves dans la ville de Robert Johnson, dans une boutique de musique et tu es directement projeté dans un film. Tu as cinq blacks à l’intérieur derrière le comptoir et toi tu prends une guitare et en te voyant, ils comprennent que tu es Français. J’ai joué le riff de "The Eye" car on commençait à cette époque à travailler dessus et tu vois les gens rentrer dans le magasin. Tu es au milieu du Tennessee avec personne qui te connaît et qui sait ce que tu fait et les gens présent t’écoutent. Là tu te dis qu’il faut revenir. C’est dans ce sens-là aussi que tu as envie de partager avec les gens. C’est toujours agréable lorsque tu plaques des accords et que tu vois que les gens sont réceptifs.

Avez-vous prévu de nombreux concerts dans les mois à venir ?
Oui, c'est en négociation avec différents promoteurs. Depuis que l'EP commence à circuler, le téléphone et la boîte mail commencent à s'affoler. Il y a des gens qui s'intéressent à nous et il y a des choses en pourparler.

Tu as ton propre studio d'enregistrement,  le MII Recording Studio, tu es ingénieur du son et réalisateur, qu'est ce qui motive ton choix de travailler avec telle ou telle formation ?
En fait, je vois les choses dans l'autre sens et donc je retournerai la question. Qu'est-ce qui fait qu'un groupe a envie que je travaille avec lui ? Moi en studio je fais de la production artistique, c'est-à-dire que je suis là pour servir un artiste ou une chanson. Ça m'est arrivé avec des artistes pop de leur demander pourquoi il venait me voir. Je voulais savoir ce qu’ils attendaient de moi. Si c'est pour avoir le son d'Epica ou d'autres, je leur recommande d'aller voir le réalisateur d'Epica. Il vaut mieux aller voir le producteur qui a fait le disque que tu apprécies. Par contre, si le combo me présente son univers et m'apprécie pour le travail que j'ai fait avec tel ou tel artiste et qu'il pense que je vais arriver à les pousser vers tel direction, alors là je suis intéressé. Il faut que les musiciens aient envie que je me mette à leur service et que j'essaye de tirer le meilleur du groupe. Lorsque j'ai travaillé il y a deux ou trois ans sur "Ultimatum" d'ADX, formation que l'on ne présente plus sur la scène française, je leur ai tout simplement demandé pourquoi ils voulaient que l'on travaille ensemble. Je voulais savoir ce qu'il cherchait. Ils n'avaient rien à prouver et pouvaient enregistrer où ils le souhaitaient. Ils m'ont répondu qu'ils cherchaient un autre éclairage, quelque chose de plus contemporain, tout en respectant leur style. Là, c'est intéressant quand tu sens que les gens cherchent et veulent que tu les emmène plus loin et dans une autre direction. C'est principalement ce que j'apprécie. Ce qui me plaît, c'est lorsque l'on me demande si j'apprécie les titres et si je pense pouvoir apporter quelque chose. Ils me font des propositions d'idées et ont besoin de moi pour les mettre en place. Ils ont des chansons qui peuvent aller dans telle ou telle direction mais ils ne savent pas comment faire. Il y a un apport, c'est la technique au service de l'artistique. Le côté juste technique, c'est de la prestation. Je peux faire des enregistrements sans être réalisateur. Le groupe a parfois la maîtrise de son univers sonore et connaît la direction artistique où il veut aller. Dans ce cas on me demande juste d'enregistrer et je m'occupe de positionner les micros devant les instruments et les amplis. C'est ce qui me guide, c'est toujours intéressant quand les artistes ont envie que je réalise. Tu as parfois des scénaristes qui voient un réalisateur pour adapter un univers, un éclairage. Ils veulent que la scène soit comme ça mais ils ne savent pas comment faire. Toi tu leur dis que tu connais quelques outils que tu sais faire fonctionner en studio. Je vais essayer de mettre en lumière leur musique avec mes connaissances.

Merci pour l’interview.
Super, le plaisir est pour moi, bonne soirée à toi.


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