Interview faite par mail par Lisa

On ne présente plus Agnostic Front, qui compte parmi les plus respectables formations évoluant sur la scène hardcore new-torkaise en tant que précurseur du mouvement, rien que ça. Avec plus de trente ans de carrière au compteur, le groupe n’en a pas perdu de son énergie et de son audace pour autant, puisque le quintet américain reviendra courant avril avec un nouvel opus particulièrement attendu intitulé "The American Dream Died". L’occasion de faire le point avec le bassiste de la formation, Mike Gallo.

Bonjour, merci de nous accorder de votre temps pour cette interview ! Tout d’abord, est-ce qu’au moment où le groupe s’est formé, vous auriez pu imaginer à l’époque qu’Agnostic Front aurait été toujours actif 30 ans plus tard ?

Mike Gallo : Nous n’avions jamais imaginé aller tellement loin en tant que groupe. Au début des années 80, on était juste une bande de potes qui prenait du bon temps. On disait ce qu’on pensait, et on faisait juste ce qu’on voulait. On n’a jamais pensé un instant être connus à l’international comme on l’est maintenant !

A quel moment avez-vous réalisé que vous aviez "réussi" en tant que groupe ?
C’est difficile à dire, je ne suis pas sûr de savoir ce que veut dire le fait de réussir en tant que groupe. On a tous encore besoin de travailler entre les tournées. Mais je pense que ce serait lorsque l’on a effectué notre première tournée mondiale avec GBH en 1986. Puis faire une tournée en Europe dans les années 90 a été un énorme accomplissement.

Quatre ans se sont écoulés entre la sortie de votre album "My Life, My Way", et votre nouvel album "The American Dream Died", qui va paraître prochainement. Pourquoi un tel laps de temps ?
On sort un album à peu près tous les quatre ans habituellement. Mais on a changé de guitariste alors qu’on écrivait cet album, du coup ça nous a un peu ralenti. Pour autant, je trouve qu’avec le résultat final de cet album, ça valait le coup d’attendre !

Quelles ont été vos sources d’inspiration à l’écriture de ce disque ?
Il y a tellement de corruption en Amérique, et partout dans le monde d’ailleurs.  Il y a juste à voir ce qu’il se passe et à quel point la société actuelle est foutue. A quel point le gouvernement contrôle tout et agit selon ce qu’il y a de mieux pour lui et non pour nous. Tout cela constitue une grande source d’inspiration pour nous, qui nous incite à exprimer à quel point nous sommes furieux, et l’on peut ressentir cette colère à travers la musique et les paroles de cet album.

Qu’est-ce que le titre de cet album, "The American Dream Died", représente à vos yeux ?
Ce titre représente le fait d’avoir l’impression que nous sommes en train de perdre de vue ce sur quoi ce pays est supposé avoir été bâti. La liberté, qui est en train de nous être lentement retirée (par le gouvernement). Cette terre d’opportunité, qui en est toujours une, comprenez-moi bien, mais le gouvernement rend toujours plus difficile la possibilité de s’en sortir en mettant en vigueur des taxes insensées qui n’aident pas du tout les Etats-Unis. Elles servent juste à enrichir le gouvernement et nous obligent à continuer de galérer. La corruption et l’avidité nous saignent à blanc. J’aime toujours mon pays mais je déteste ces gens qui le gouvernent.



L’artwork de cet album traite de sujets particulièrement sérieux, je parle principalement du fait que vous ayez pris le parti de détourner l’un des symboles les plus prestigieux des Etats-Unis pour le rendre en quelque sorte funèbre, mais je fais également référence au symbole Illuminati et à la balance déséquilibrée. Quel genre de message essayez-vous de faire passer à travers cet artwork ?
L’artwork fait principalement référence à toute la corruption et la cupidité qui règnent en Amérique, et montre que toutes nos valeurs et nos objectifs prennent la pire des tournures. Nous avons toujours le sentiment qu’il y a de l’espoir. C’est pourquoi nous avons besoin de toucher les gens, pour que la plupart puisse réaliser ce qu’il se passe, et peut être que nous pourrons alors changer les choses. On n’est peut-être pas capables de changer le monde, mais nous avons au moins notre mot à dire !

Freddy Cricien (Madball), Toby Morse (H2O), et Lou Koller (Sick Of It All) apparaissent en guest sur le titre "Never Walk Alone", issu de votre dernier album. Comment avez-vous eu l’idée de cette collaboration ?
Cette chanson parle clairement d’unité, ça a toujours été l’un des sujets que nous avions évoqué. Grâce à cette unité, nous avons bâti une scène forte qui est maintenant internationale. Madball, H2O et Sick Of It All sont les autres groupes principaux qui sortent toujours des nouveaux disques aujourd’hui et qui sont toujours actifs sur la scène NYHC. Ensemble, on maintient cette scène en vie ! On en avait parlé au studio au moment où on enregistrait cette chanson. Du coup, on avait juste l’impression que c’était la bonne chose à faire que d’avoir ces mecs au chant sur ce titre. C’était parfaitement logique et ils ont apporté une réelle dynamique à cette chanson.

Même question en ce qui concerne votre collaboration avec Matt Henderson sur le titre "A Wise Man", qui en a eu l’idée et comment était-ce de travailler à nouveau avec lui ?
Cette chanson a été musicalement écrite par notre très bon ami Rick Singh qui est guitariste pour le groupe de NYHC Backtrack. Il trouvait que cette chanson sonnait beaucoup trop comme un titre d’AGNOSTIC FRONT période "One Voice" pour pouvoir l’utiliser pour son groupe. Il nous a donc envoyé la chanson pour savoir si on était intéressés par l’idée de l’utiliser sur notre prochain album. On l’a franchement tous adorée. Mike a écrit les paroles et ça collait vraiment bien. La cerise sur le gâteau, c’était d’avoir Matt à la guitare à l’enregistrement de ce titre pour vraiment rappeler l’esprit de "One Voice", puisqu’il était guitariste du groupe à l’époque de ce disque. Matt a enregistré les guitares sur "Another Voice" et a toujours continué à apporter une sorte de contribution sur nos derniers opus. Travailler avec Matt a toujours été un plaisir. C’est un mec super et un musicien vraiment talentueux. Il fait partie de la famille AGNOSTIC FRONT.

Vous avez une chanson sur ce dernier album qui s’intitule "Old New York". Etes-vous nostalgique de l’ancien New York ? Quelle vision portez-vous du NYC d’aujourd’hui ?
Cette chanson a été écrite suite au changement drastique de la ville, que nous évoquons dans nos paroles. L’argent l’a saignée à blanc. Il y a rarement de concerts dans la ville. Ca coûte trop cher pour les artistes et les musiciens de vivre ici. Du coup, New York perd sa culture et son originalité. Cette ville était solide avant, mais elle a perdu toute sa vraie force. Elle est tellement gentrifiée et dévastée par l’argent et les yuppies (acronyme de Young Urban Professional, désigne les jeunes ambitieux cyniques obsédés par l’argent et la réussite, ndlr). New York demeure la plus extraordinaire ville du monde, mais ce n’est plus comme avant. L’ANCIEN NEW YORK ME MANQUE !

Pouvez-vous nous faire un petit état des lieux de la scène hardcore actuelle par rapport à l’époque où Agnostic Front a commencé à percer dans le milieu ?
La scène hardcore semble toujours avoir ses hauts et ses bas. Ses moments d’apogée, et ses périodes de déclin. La musique a un peu évolué, mais si elle ne le faisait pas, on commencerait à s’en lasser. Je crois que la scène hardcore véhicule toujours le même esprit, la même agressivité, le même message et la même énergie qu’elle a toujours eus. Ce mouvement est bien trop puissant pour mourir !

Comment parvenez-vous à conserver cette certaine motivation et à continuer d’écrire après toutes ces années ?
C’est notre vie, notre passion. On adore composer, on écrit tous de la musique depuis qu’on est gamins. C’est un processus tellement gratifiant que d’entendre le produit fini de ce sur quoi nous avons travaillé tellement dur à chaque enregistrement. C’est ce que nous aimons faire.

Etes-vous conscients de l’impact que la musique d’Agnostic Front possède sur vos fans les plus fidèles ?
Bien sûr que nous en sommes conscients, c’est l’une des raisons principales qui nous poussent à continuer à faire de la musique. Vinny et moi disons que c’est comme un mauvais mariage, nous restons ensemble pour les enfants. Il n’y a rien de plus satisfaisant que d’entendre quelqu’un nous dire que notre musique et nos paroles l’aide à surmonter les moments difficiles qu’il traverse dans la vie. C’est assez incroyable.



Vous êtes l’un des groupes les plus anciens et influents sur la scène hardcore; y a-t-il de nouveaux groupes selon vous qui font vraiment la différence sur la scène actuelle ?
Oui, il y a quelques groupes que j’apprécie tout particulièrement. Wisdom In Chains, Suburban Scum, Heavy Chains, Backtrack, Down To Nothing. Il y en d’autres, mais ce sont les groupes que j’écoute le plus en ce moment.

Beaucoup de concerts aux Etats-Unis mais aussi en Europe ont déjà été annoncés pour promouvoir votre nouveau disque. Que représente le fait d’être sur scène à vos yeux ?
On aime apporter le plus d’énergie possible, et nous exprimer librement. Jouer sur scène est une super forme d’exutoire pour nous. Pouvoir apporter une énergie brute et véhiculer un message à travers la foule. La prestation live dans la scène hardcore, c’est précisément la définition de ce qu’est la musique hardcore. On se nourrit du public. Plus il devient fou et plus on envoie. Il est vrai qu’on doit parfois chauffer un peu plus la salle pour que la foule commence à se lâcher.

Quel souvenir gardez-vous de vos concerts passés ? Une anecdote particulière que vous aimeriez nous faire partager ?
On a joué plus d’un millier de concerts et je peux honnêtement dire que la majorité d’entre eux ont été assez intenses, énergiques et divertissants. L’un de mes souvenirs les plus mémorables date d’un concert qu’on a fait en Bulgarie. Alors qu’on jouait le titre "Gotta Go", il y avait des gosses qui défilaient dans la foule avec d’énormes torches. Les flammes brûlaient vraiment haut. On s’est tous regardés en se disant que l’endroit allait brûler ! C’était assez intense.

Observez-vous des différences entre votre public d’Amérique du Nord et votre public européen ?
Je trouve que les gamins sont plus pourris gâtés aux Etats Unis. Il y a tellement de groupes qui passent en tournée et ils considèrent ça comme acquis. J’ai aussi l’impression que les fans européens sont plus loyaux envers les groupes. S’ils t’apprécient, tu as gagné un fan pour la vie.

Que pensez-vous de la scène hardcore française ?
On adore jouer en France. Paris est une ville incroyable et on a joué quelques-uns de nos meilleurs concerts ici. On a hâte de retourner là-bas pour promouvoir notre nouveau disque.

Cette interview touche à sa fin, merci d’avoir pris le temps de répondre à ces questions, le célèbre mot de la fin vous appartient !
Soutenez votre scène hardcore locale. Sans vous, on n’est que dalle ! Longue vie au hardcore ! Vive AGNOSTIC FRONT !


Le site officiel : www.agnosticfront.com