Interview faite par mail par Groumphillator

Enorme et inattendu. Le nouvel opus des 7 Weeks débarque comme un élephant dans un magasin de porcelaine russe. Ca casse tout autour de soi, on arrive pas à y croire mais on est fier d'avoir vu ça. C'est un peu le principe de ce "7 Weeks Plays Dead Of Night", un album imprévisible qui casse tout sur son passage, surprenant même ses géniteurs de par son succés.
Petite autopsie d'un mort-vivant revenu parmi les siens avec Julien, vocaliste en chef de la formation.

Salut.

Julien (chant / basse) : Hello.

Les 7 Weeks nous reviennent contre toute attente avec un projet qui est assez éloigné de l'album "All Channels Off". Peux-tu nous expliquer le projet de "7 Weeks Plays Dead Of Night" ?
En fait le projet est né par hasard, Christophe Guillot du CCM John Lennon à Limoges nous a proposé de faire une soirée ciné-concert et l'expérience nous tentait. On a discuté de plusieurs options de film et "Dead Of Night" était celui qui m'inspirait le plus, ça me semblait évident de pouvoir faire quelque chose là-dessus, les textes du dernier album notamment en étaient proches : le zombie, social et contemplatif plus que gore et burlesque. On a travaillé 2 mois comme des tarés pour écrire les 90 minutes de musique nécessaires et la première était vraiment cool, quand on a réécoute la sortie de console c'est devenu évident qu'il fallait aller en studio pour fixer ça.

Pourquoi "Dead Of Night" d'ailleurs ? Pourquoi ne pas lui avoir préféré des films tout aussi corrosif mais plus connus, comme Day Of The Dead par exemple ?
Le cas ne s'est pas posé, on était d'emblée parti sur des trucs bis, moins connus, moins évidents. Et puis "Dead Of Night" a une mélancolie que "Day Of The Dead" par exemple n'a pas, et c'est ce côté là qu'on voulait exploiter, prendre le contre-pied du gore, considérer le zombie comme un être ambivalent qui alterne entre le fait de ne pas vouloir accepter qu'il est mort et qui donc continue à tenter de vivre comme avant et un être sanguinaire.  C'est la dualité du personnage principal - Andy- et c'est à travers ses yeux qu'on a écrit la plupart des morceaux.

On sent un gros travail sur la voix, notamment sur le fameux refrain "It's a true miracle, Andy". C'est pesant et profond, tous les vocaux sont marquants à ce niveau. Tu as beaucoup bossé sur ta voix pour cet opus ou bien tout cela est-il venu naturellement ?
Généralement il n'y a pas de voix sur les ciné-concerts, c'était justement pour ça que ça me plaisait, dans ce projet il y avait aussi l'idée de s'approprier le concept de ciné-concert, de le faire à notre sauce. Je me sentais assez à l'aise de chanter sur ces ambiances pesantes, alternant ombre et lumière. Et surtout je joue un personnage, je suis Andy sur "Andy part 1 et 2" et le père sur "Four Again", je me suis vraiment approprié ça. Pour le refrain dont tu parles, je suis Andy qui répète ce que dit son père, avec cynisme, détresse et détachement, pour exprimer toute l'incompréhension familiale qu'il y a dans ce film.  En fait on a pris l'option d'utiliser le point de vue d'Andy qui est le seul dont on ne connaît pas les pensées, on a tout fait au travers de son regard et de ce qu'il pouvait ressentir, c'est une dimension qu'il n'y a pas dans le film d'origine où Andy ne parle quasiment jamais et dont on ne connaît pas les pensées.

Tu connaissais le film avant, qu'en avais-tu pensé ?
Je ne l'avais jamais vu mais je le connaissais comme un film un peu "à part" dans ce genre là, éprouvant plus que violent. Quand je l'ai vu pour la première fois, j'ai eu le déclic, c'est un film assez fort.  Aujourd'hui il fait sûrement daté et est très loin de ce qu'on a l'habitude de voir des films de zombies mais c'est cette "distance" qui nous a plu. C'est plus un drame psychologique qu'un film d'horreur quasiment.

Comptez-vous sortir un DVD ou quoi que ce soit de visuel concernant ce projet ?
On y a pensé mais les histoires de droits sont trop compliquées et c'est très cher. 



Bosser sur ce qui est finalement une bande-son, ça demande un autre angle de vue ? Vous bossiez comment pour venir faire coller la musique aux images ? Quelle a été l'approche ?
Ce n'est pas véritablement une bande-son dans le sens ou celle de "Dead Of Night" existe déjà et qu'on a du faire avec en l'incluant ou en la supprimant donnant alors au film une dimension "clip".On a préféré l'option de suivre le film, de jouer par lui, comme les pianistes faisait sur les films muets. Pour composer, on a mis une télé au local et on a jammé (au début) pour se rendre compte de l'importance du taf : 01h30 de film !  On a tout décortiqué en réfléchissant à quelle sorte de thème musical on pouvait y apposer pour ensuite le jouer encore et encore jusqu'à ce qu'on trouve le bon timing, le bon tempo et la bonne structure afin de suivre au mieux les images... On a bossé 2 mois non stop, c'était très dur mais très excitant.

Finalement, est-ce que cet album doit être considéré comme un parenthèse ? S'implique t-il pleinement dans la discographie du groupe ? Où en êtes vous à ce propos, comment évolue la formation ?
On le voyait vraiment comme une parenthèse, on voulait le faire uniquement en vinyl et le vendre sur le stand aux concerts. Mais les retours qu'on a eu ont été tellement encourageants qu'on l'a pressé aussi en CD, il est distribué par MVS et on commence à l'accepter comme le second album puisque tout le monde le voit comme ça... Et tout compte fait tant mieux ça prouve que les gens n'ont pas autant d’œillères qu'on le dit.  Depuis "All Channels Off" pas mal de choses se sont passées, on a beaucoup tourné, on est devenu un trio et on a composé 1h et 1/2 de musique pour ce film. La source d'inspiration est diffférente mais le groupe est le même, il a juste une forme un peu différente notamment avec le fait de prendre plus de liberté dans les ambiances et l'ajout de claviers et de samples.

Tu parlais de vouloir presser en premier lieu l'album en vinyle. Pourquoi ce choix ? Et a part les stands on peut se le procurer où ce 33T (oui, je suis fan) ?
Il nous paraissait naturel de sortir ce disque en vinyl, pour le côté "objet" de la chose. Dès qu'on a décidé de faire l'album on s'est dit "faisons en vinyl, poussons le truc jusqu'au bout". Et franchement ça a vraiment de la gueule. On peut le trouver en magasins, il est distribué comme le CD sauf qu'il y a moins d'exemplaires.

On voit de plus en plus d'artistes re-presser des vinyles. A quoi penses-tu qu'est dû cet essor ? 
Une nostalgie ou un changement sûrement dû à l'époque de dématérialisation dans laquelle on est, ceux qui achètent encore la musique veulent retrouver l'objet, on va vers des CDs avec un artwork et une mise en forme super originale (comparé à un CD cristal classique) ou carrément un vinyl.  Je ne sais pas si c'est un réel essor ou un dernier sursaut, en tous les cas le moyen de consommer la musique va finir de radicalement changer et je pense qu'on ira vers d'un côté un accès gratuit à la musique et de l'autre un support qui sera très recherché, un bel objet, pour ceux qui le voudront.

Un clip est-il prévu ?
Oui il est en montage actuellement, il est sur le le morceau "Four Again" (on utilise pas d'images du film pour les raisons évoquées plus haut), on le considère comme un morceau "clé", le mix entre le 7 WEEKS "classique" et celui du film. Je ne sais pas encore à quoi ça va ressembler mais je pense que ce sera dans le ton du film, assez "posé", très imagé et mélancolique … En tous les cas pas de lavages de pare-brises avec bikini !



Vous jouez des morceaux de "7 Weeks Plays Dead Of Night" sur scène, ou bien séparez-vous bien tout ça ?
Pour l'instant on sépare, surtout qu'on commence à incorporer des nouveaux morceaux dans le set (j'ai oublié de dire qu'on écrit actuellement le prochain album). Mais on réfléchit à comment mélanger ça sur scène, on y pense beaucoup, surtout avec l'accueil de l'album.

"7 Weeks Plays Dead Of Night" rajoute donc une dimension assez profonde au groupe. Tu disais travailler actuellement sur le second album, tout en admettant que celui-ci est plutôt une parenthèse. Est-ce que finalement l'ambiance qu'on retrouve sur "7 Weeks Plays Dead Of Night" va finalement faire partie intégrante des prochains morceaux ? Cela fait finalement partie de l'identité du groupe, non ?
Sûrement, cette expérience a enrichi le groupe et oui cela fait partie de nous, on commence même à penser à adapter cet album sur scène sans le ciné-concert, ça nous tente...  Concernant les prochains morceaux, on en joue déjà quelques uns sur scène pour tester, je pense qu'ils porteront forcement la marque de cette évolution même s'il n'y a forcement pas de claviers ou de parties ambiantes de 10mn. C'est assez bizarre en tous cas de composer et d'avoir du recul dessus alors que tu viens juste de sortir un album !

Un zombie, finalement, est assez symptomatique d'une banalité crasseuse. Un symbole du peuple actuel qui bosse et fais ce qu'on lui demande sans poser de question. Pourquoi, d'après toi, cette fascination pour les zombies ?
Effectivement le zombie c'est un peu nous à la caisse du supermarché, devant la télé... Mais c'est aussi l'exutoire d'une terreur très profonde qui est la perte de son intégrité physique comme morale : le zombie pourri, le zombie est obsédé par une ou peu de pensée, le zombie dévore vivant l'autre etc... C'est assez fascinant, comme d'ailleurs tous les monstres classiques qui sont toujours l'expression poussée d'une face psychologique essentielle de l'homme.

"Dead Of Night" c'est d'ailleurs pas qu'une histoire de zombie, mais également un film qui dénonce la guerre. Tu penses que c'est nécessaire de dénoncer tout ça par les temps qui courent ?
Il faut remettre tout ça dans son contexte : le film date de 1974, pleine guerre du Vietnam (je ne pense pas que la série "Walking Dead" aujourd'hui par exemple soit une dénonciation directe de la guerre). On n'a pas cherché à exploiter ce côté là du film en tous cas.

7 Weeks, c'est un groupe à message ou même politique ?
Non, on est juste un groupe de rock. 

Vous évoluez a mi-chemin entre le stoner, le metal, le rock burné... Que penses-tu de l'état actuel de cette scène ?
Elle a l'air de se porter pas trop mal, les groupes marquants deviennent de plus en plus bons. Peu à peu il y a une reconnaissance plus professionnelle de la scène "stoner" (même si on aime pas trop cette définition) qui il faut bien le dire était surtout revendiquée par des groupes assez amateurs et en manque de reconnaissance, le stoner devenant alors une étiquette plus parlante et un peu exotique.  On a beaucoup tourné avec Mudweiser, Loading Data, The Elderberries avec les tournées Stoner Fall (2009) et Stoner Rise (2011), on a vu de plus en plus de monde aux concerts et les programmateurs aussi donc, la place est dure à prendre face à du rock plus fréquent en france (metal, rock post-Noir Désir, Baby Rock Bobo etc...) mais c'est possible, ça avance.

Oil Carter, Mudweiser, Caldera, Loading Data et bien d'autres... A quoi cet engouement est-il dû ?
Pour Mudweiser qu'on connaît bien par exemple, c'est que ces mecs ne trichent pas, il n'y a pas d'attitude forcée ou calculée, et puis c'est crédible musicalement, c'est comme Hangman's Chair, t'écoutes et ça le fait, c'est là, c'est intense, ça sonne, c'est vrai... C'est ça qui plaît. Pas mal de groupes ont perdu ça, ce côté primal du rock.

On avance souvent Pantera comme précurseur du genre. Quel est ton opinion sur la genèse du stoner ? Quel sont d'après toi les groupes Français les plus marquants ?
J'aurai plutôt dit Black Sabbath ou Kyuss pour citer les poncifs du genre. De toutes façons on est pas des spécialistes du stoner, on aime ça, on en écoute, ça se ressent dans ce qu'on fait mais on est pas des intégristes, notre dernier album en est la preuve. Pour citer des groupes Français je vais encore revenir sur les mêmes : Mudweiser, Loading Data, Hangman's Chair, Zoe, The Elderberries... Il y en a plein d'autres mais ceux-là sont ceux que l'on connait bien (sauf Hangman's Chair mais leur dernier album parle de toute façon pour eux).

Je te laisse conclure ?
Merci à toi qui nous suis depuis le début !


Le site officiel : www.myspace.com/7weeksmusic