La review

KVELERTAK + ÅRABROT + GERILJA
Le Divan Du Monde - Paris
13/10/2013


Review rédigée par E.L.P


Le Nord-Est, ce n’est plus un secret, un véritable creuset d’inspiration pour les musiques alternatives et underground à l’échelle de l’Europe mais aussi du monde entier, que ce soit en rock, en electro ou en metal... Je ne parle pas de Lille, d’Amiens ou de Valenciennes, mais du vrai, du "true North", de la Norvège à la Finlande en passant par l’Islande, les Îles Féroé, ou même l’Allemagne car ce soir ne dérogera pas à cette désormais traditionnelle règle d'opulence nordique en l’affiche présentée au Divan du Monde : GERILJA, ÅRABROT et KVELERTAK...
Avoir un jeu de caractères bien spécifique que seuls les monteurs de meubles les plus chevronnés connaissent ne suffisait pas aux trois formations made in Norway venues distiller en ce gris dimanche d’Octobre, des essences de rock tantôt venues d’un autre temps, tantôt plus saturées voire même païennes...



La scène du Divan découpée pour l’occasion, en 2 parties (l’avant-scène accueillera les 2 premiers groupes) voit donc s’avancer GERILJA. Le petit trio prend donc possession du très restreint espace qui lui est alloué pour entamer, avec quelques minutes d’avance, son set, Aleksander (chant / guitare / synthé) en tête, suivi par Simon (basse) et Ottar (batterie) se placent... La plongée dans leur univers electro / rock vintage peut commencer !
Savant mélange entre Jimi Hendrix, Axl Rose, Steel Panther et Marty Mc Fly, l’étrange look d’Aleksander ne manquera pas d’attirer l’attention des quelques photographes ainsi que de la petite poignée de gens présents ce soir... (le protège-dents doré d’Ottar et le look 200% rock’n’roll de Simon -slim, boots, chemise du bûcheron ouverte- en feront d’ailleurs de même...!) Le décor ainsi planté, il est temps de laisser place à des samples de synthés 70‘s/80‘s cheap mais assumés parfois façon Guns N' Roses et pourquoi pas Bonnie Tyler, ainsi qu’à des sons de guitare / basse saturés comme Led Zeppelin et Megadeth l’ont fait en leur temps avec le plus grand succès. L’ensemble sonnant ça et là assez psychédélique, le groupe semble malgré tout porté, animé par un groove somme toute très original, la puissante batterie d’Ottar enveloppant savamment l’ensemble dans un esprit funky des plus agréables... Le son et la composition pouvant paraître assez simpliste, le travail sous-jacent reste incisif et bien pensé, certains morceaux comme "Lightning Death" ou encore le très electro /pop "Animals" en seront la preuve. Il faudra admettre que l’excentricité des membres n’aura rien à envier à celle de l’univers musical dans lequel le trio nous plongera ce soir (avec plus ou moins de succès...), et ce malgré le petit bémol du son sur les voix, tout leur set durant... C’est donc sur le retentissement de quelques titres issus de leur dernier opus "Step Up Your Game" (Mai 2013) que ce rapide retour dans le passé touche maintenant à sa fin.



L’avant-scène étant, comme dit plus haut, "réservé" aux 2 premières parties, il n’y aura pas de gros changement de plateau pour la venue du groupe suivant : ÅRABROT, si ce n’est quelques modifications apportées à la batterie toujours centrale sur les planches du Divan... Force est de constater que, une fois encore, le look arboré par la formation mérite à lui seul, tout un paragraphe !
Entre Kjetil Nernes (chant / guitare) et sa coiffe cornue, ornée d’attrapes rêves et autres pendentifs traditionnels, Vidar Evensen (batterie), Jon Øvstedal (basse) moulés dans un petit short en jean et Stian Skagen (noise machine) soigneusement enveloppé dans son peignoir, les mots : "Excentrique" et "Insolite" resteront ceux qui synthétiseront le mieux ces nouvelles extravagances vestimentaires observables ce soir !... Trêve de défilé, il est temps de changer radicalement d’ambiance. À première vue, le style du carré semble assez riche, piochant dans nombres de codes underground de la scène norvégienne. Ils tenteront ainsi de nous délivrer un noise rock puissant, saturé, aux inspirations parfois proches de celles de la scène black nordique, notamment sur certains cris de Kjetil plongeant la salle dans un univers froid, dissonant et flirtant avec certaines limites païennes... Se mettre en condition afin de pénétrer dans ce "monde" des plus glacials et atypiques ne sera pas chose aisée, mais certains se trouveront rapidement transis par cet ensemble à la basse malgré tout bien trop effacée, à la voix et à la batterie aussi intenses que puissantes mais bien souvent brouillonnes. Le cercle polaire se referme maintenant sur cette seconde prestation. Ce qui ressemble à un tourbillon de folie nordique mélangeant avec plus ou moins d’agilité et de réussite (partons plutôt, ici, sur le "moins"...) tous ces éparses éléments musicaux (de l’electro / noise à un rock plus "gras", plus lourd et saturé en passant par des consonances bien plus sombres et typées black metal) aura certainement suscité une aussi vive que vaste palette de réactions dans un public ayant empli un peu plus le petit espace parisien à mesure que l’heure de la tête d’affiche se rapprochait...
Il est temps pour ÅRABROT de plier bagages (après une prestation qui ne sera pas parvenue à réellement charmer le public français), pour les techniciens de démonter l’avant-scène et de faire reculer tout ce qui peut l’être car vient le temps pour la copieuse formation de KVELERTAK de faire son entrée !



Imposant changement de paysage visuel... Ce sera donc après une bonne vingtaine de minutes d’attente que les 6 musiciens (oui, 6, dont 3 guitaristes !) prendront place, occupant avec assise l’espace doublé depuis la première partie... Une fois n’est pas coutume, la dernière formation de la soirée se fendra elle aussi d’une entrée pour le moins originale puisque Erlend Hjelvik (chant) arpentera la scène de longues minutes, affublé d’une coiffe de chouette empaillée aux yeux flamboyants au milieu de sombres ambiances lumineuses et sonores. Le groupe entamera, sans plus attendre, à la suite de cette singulière introduction, sa performance qui s’annonce, dès les 3 premiers morceaux, comme haute, très haute en couleur ! Ouvrant impérialement leur set, "Åpenbaring" et "Spring Fra Livet", tous deux issus de leur dernier album : "Meir", mettront le feu à la poudrière du Divan, rassemblée devant la scène en leur honneur, à l’aide de gros riffs saturés, d’une prestance radicalement opposée à celui de leurs compatriotes passés précédemment. Toute cette énergie emmagasinée par le groupe dont le frontman ne tient pas en place explosera dès le troisième titre : "Mjød" sur lequel les premiers slams et autres stage-dives pourront être observés...



L'énergie punk / hardcore déplacée par un Erlend Hjelvik dont le charisme et l’occupation scénique ne seront pas sans rappeler aux fans de Cancer Bats, celui de Liam Cormier, n’aura d’égale que la vigueur de la frappe de Kjetil Gjermundrød appuyant sans ménagement cet étouffement aux reflets sludge dont le public se trouve désormais bombardé ! La suite n’en sera que plus ardente puisque viendront sauvagement secouer la fosse, des titres comme "Ulvetid", "Nekrokosmos", "Evig Vandrar" et "Nekroskop" donnant lieu à de furieux ébats aussi bien sur scène avec l’incroyable trio de guitares Vidar Landa, Bjarte Lund Rolland et Maciek Ofstad (officiant également en tant que backing "principal" aux côtés de Bjarte) ou la touche discrète (un peu trop, tant au niveau de la profondeur que la présence scénique...) de Marvin Nygaard à la basse que celui, plus serré, du parterre faisant rapidement grimper la température... Que les amateurs de rodéo se rassurent, la dernière partie de cette soirée réserve encore bien des surprises, notamment sur des morceaux comme "Blodtørst" ou "Trepan" annonciateurs de l’arrivée du titre éponyme de leur première pépite : "Kvelertak", véritable hymne pour les très énergiques fans présents ce soir. Ce morceau, survitaminé par nature, donnera un ultime coup de fouet au public grâce à un "simple" mât ne faisant pas moins que la hauteur sous plafond de la scène et orné d’un large drapeau sur lequel se détache fièrement, en noir et blanc, l’initiale du groupe : un "K" gothique, symbole de certaines inspirations black du combo. Il n’en faudra pas plus au groupe pour réanimer une dernière fois ces délirants sympathisants qui, sur l’impulsion même du sextuor, déserteront la fosse sur les dernières mesures du titre de clôture : "Utrydd Dei Svake" pour finir par étoffer encore un peu plus les rangs des norvégiens en montant sur scène (une trentaine de personnes) à leurs côtés. Cette invasion verra les instruments quitter les mains des musiciens pour celles des velus adorateurs de Gravlaks et autres denrées nordiques et sera également surplombée par quelques riffs de Maciek grimpé au sommet de sa pile d’amplis pour l’occasion !...

Setlist : "Åpenbaring", "Spring Fra Livet", "Mjød", "Fossegrim", "Ulvetid", "Bruane Brenn", "Nekrokosmos", "Sjøhyenar (Havets Herrer)", "Evig Vandrar", "Nekroskop", "Månelyst", "Offernatt", "Blodtørst", "Trepan", "Kvelertak", "Utrydd Dei Svake".

Et ce sera donc sur cette suante, transpirante mais terriblement épique note que s'achèvera cette soirée, une soirée décidément bien riche en émotions, grâce à la redoutablement musclée performance du groupe phare, KVELERTAK qu’il apparaît essentiel de recommander à tous les amateurs du genre, à tous ceux dont la sensibilité est éveillée par, entre autre, des groupes comme Cancer Bats, Red Fang voire même The Butcher’s Rodeo ou Baroness...
Nous passerons sous silence les quelques menus soucis de son, notamment sur les basses des 2 derniers groupes car l’envol de la tête d’affiche, sublimé par de plus qu’agréables et harmonieuses ambiances lumineuses, sera parvenu à nous faire oublier tous les petits aléas d’une soirée malgré tout bien remplie.

Photos tirées de : www.elp-photo.fr