La review

GAAHLS WYRD + TRIBULATION + UADA + IDLE HANDS
Le Petit Bain - Paris
26/02/2019


Review rédigée par Matthieu


Ayant pu quitter mon bureau plus tôt, je profite du soleil éclatant pour rejoindre le Petit Bain. Car ce soir, même le soleil ne pourra pas nous sauver des ténèbres lorsque GAAHLS WYRD nous assommera. Mais avant, nous devrons résister à sombrer dans l’univers de TRIBULATION, précédé d’UADA et IDLE HANDS. Les musiciens font des allers-retours entre la salle et leur bus, et se montrent accessibles avec le peu de fans déjà présents. Mais lorsque les portes de l’Enfer ouvrent, la file d’attente est déjà plus conséquente.



Les lumières faiblissent et les Américains entrent sobrement sur les planches. "Hey Paris", nous lance Gabriel Franco (chant / guitare), "We will play few songs for you tonight". Et le heavy metal gothique d’IDLE HANDS démarre d’un coup. Déjà totalement possédé par sa musique, Sebastian Silva (guitare) tournoye, se courbe et harangue la fosse. De l’autre côté de la scène, Brandon Hill (basse) matraque son instrument en aidant ses compères au chant. Dans le fond de la scène, Colin Vranizan (batterie) est presque invisible sous les lumières, mais ses compagnons attirent tous les regards. Les musiciens se placent au plus près de la foule, et même si Gabriel reste un peu statique lorsqu’il chante, il se déchaîne lorsqu’il aligne ses riffs. Bien qu’éloigné du black metal, les accents gothiques sont parfaits pour débuter la soirée, et le public rentre aisément dans l’univers du groupe. Les titres s’enchaînent avec une facilité déconcertante. "It’s my first time in Paris" annonce le chanteur. "I just saw the bus and this place, but it’s amazing !". Après avoir repris leur souffle, les musiciens reprennent leur show et décidément, leurs riffs sont d’une efficacité monstrueuse. Quelques harmoniques plus perçantes se font entendre lorsque les musiciens jouent entre eux, et la communion avec le public s’établit naturellement. Mais après quelques morceaux, le concert touche à sa fin. "Alright paris, its our last one of the night... you want us come back ?" demande le frontman. Encore abasourdie, la foule est assez peu réactive. "Not really..." lâche alors l’américain déçu, mais la foule ne l’entend pas ainsi et montre soudainement son intérêt. "Okay" avoue le chanteur, "You want us back ! Thank you for tonight !". Et le dernier morceau est à l’image de tous les autres, sombre, entraînant et servi à la perfection par des musiciens motivés.



Changement de plateau rapide, les Américains d’UADA installent leur matériel puis prennent place devant nous. Et lorsque le black metal mélodique commence, c’est pour ne pas s’arrêter. Encapuchonnés et servis par des lumières mystiques, Jake Superchi (chant / guitare) et sa bande headbanguent en permanence en plaçant habilement des riffs saisissants. Les hurlements du chanteur sont parfaitement perceptibles, et l’alchimie agit dès les premières notes. James Sloan (guitare) et Edwin Halpin (basse) ne tiennent pas en place de chaque côté de la scène, et il arrive au guitariste de lever sa guitare tout en jouant. Le bassiste est plus calme, mais le son de son instrument est plutôt en retrait. En totale opposition avec le précédent, Josiah Babcock (batterie) est invisible mais son blast s’abat sur nous en permanence. Les membres sont silencieux, et aucun mot n’est prononcé pour ne pas rompre le rituel, et les moins habitués auront même du mal à distinguer le début et la fin des morceaux, comme si le set des Américains était joué d’un seul et unique bloc. Les musiciens posent sur leur retour pour servir la rage des morceaux, mais également la froideur des hurlements de Jake, qui règle parfois son pied de micro tout en jouant. Et personne n’avait vu la fin arriver, mais c’est après un "Thank you Paris !" et une nouvelle tornade sonore que les musiciens quittent la scène, dans la même sobreté que leur arrivée. Un show fantomatique, glacial et surtout parfaitement millimétré.

Setlist : "Natus Eclipsim", "Snakes & Vultures", "Devoid Of Light", "Cult Of A Dying Sun", "Black Autumn, White Spring".



Des bancs sont installés sur le devant de la scène, pendant que les roadies préparent la scène pour TRIBULATION. Et lorsque la musique d’attente est remplacée par "La Vie En Rose" d’Edith Piaf, ceux qui ne connaissent pas le groupe se questionnent déjà. Oscar Leander (batterie) s’installe à son poste et attend patiemment. Et dès que Jonathan Hultén (guitare) entre sur scène, avec son long voile évoquant une sorte de mariée gothique probablement décédée, tous les regards se posent sur lui, éclipsant presque son compère Adam Zaars (guitare) de l’autre côté, ainsi que Johannes Andersson (basse / chant) au milieu de la scène. Le show se lance avec une rythmique qui allie toutes les influences du groupe, reliant un black metal sombre à un rock psychédélique sur des accents occultes. Le bassiste reste statique au centre, en chantant de manière presque religieuse, tandis que ses compagnons haranguent la fosse en jouant des harmoniques envoûtantes. Jonathan remporte d’ailleurs haut la main le titre du contorsionniste de la soirée tant l’homme se courbe à chaque coup de médiator. Le premier titre terminé, le frontman lâche un sobre "Hey welcome to the show" avant de recommencer à jouer. Les lumières parfois très vives, parfois très sombres, soulignent à merveille la musique endiablée du combo suédois, qui montent sur leurs bancs pour être au plus près de la foule, quasiment sur le premier rang d’ailleurs. Les parties leads donnent encore une fois l’occasion à l’homme élastique de réaliser des prouesses sous nos yeux, alors que le chanteur motive la foule. "Come on Paris, be with us !" lâche t-il entre deux morceaux. Si la communication est un peu mise de côté sur ce show, le spectacle est très visuel, et parfaitement servi par les ambiances ténébreuses de TRIBULATION. Plus le show avance, et plus il est énergique, et surtout hypnotisant. Bien que pas spécialement amateur de leur musique, le show passe en un éclair, avec une setlist particulièrement cohérente qui leur permet de rivaliser d’ingéniosité ne partant et revenant sur la scène. Mais voilà déjà le dernier morceau, qui sera introduit par une présentation générale de tous les musiciens par le chanteur, qui seront tous acclamés par la foule. Une expérience plutôt intéressante.

Setlist : "Lady Death", "Melancholia", "The Lament", "The Motherhood Of God", "Suspiria De Profundis", "Cries From The Underworld", "The World", "Ultra Silvam", "Nightbound", "Strange Gateways Beckon", "Lacrimosa".



Le moment pour lequel nous nous sommes tous rendus au Petit Bain ce soir est en train d’arriver. Les techniciens débarrassent la scène pour la laisser aux mains de GAAHLS WYRD. Les lumières s’éteignent, les musiciens s’installent, visiblement décidés à en découdre, et Gaahl (chant), portant un corpse paint, avance lentement vers la batterie, puis se retourne vers nous. Et le carnage commence avec un duo d’entrée explosif : "Sign Of An Open Eye" et "Carving A Giant". Le chant de l’homme est d’une puissance et d’une froideur démoniaque, et sa seule présence donne un coup de fouet au black metal violent des Norvégiens. A l’inverse, Lust Kilman et son acolyte guitariste ainsi qu’Eld (basse) headbanguent en jouant, toujours au plus près de la foule. Les deux premiers titres sont d’une rage inouïe et surmontés du blast furieux Spektre (batterie), qui sera, comme ses camarades batteurs des premiers groupes, invisible pendant une bonne partie de la soirée.
Sur le devant de la scène, Gaahl avance lentement en hurlant, regarde fixement un spectateur avant de le pointer avec ses cornes du diable, puis il repart tout aussi calmement. Ce contraste entre la fureur impie et son comportement est tout bonnement incroyable, et énergise grandement la fosse, qui était restée plutôt calme jusque là. Et malgré l’implication évidente des musiciens, c’est le frontman qui capte l’intégralité de l’attention des spectateurs. "Merci" lâche-t-il froidement. "We have a new track for you. "Ghost Invited"". Et c’est l’occasion pour le Norvégien de nous confirmer que sa voix est toute aussi excellente sans saturation, puisque ce morceau est principalement en chant clair. Les musiciens jouent ensemble pendant que le maître de cérémonie se recule, scrutant la fosse et récupérant son fil de micro. Et je ne saurais vous dire si le show a été répété des milliers de fois ou si c’est juste l’aura du chanteur, mais dès qu’il veut avancer, le musicien qui était à l’endroit en question se pousse sans même regarder derrière lui. Un spectateur tentera un slam, mais non, ce n’est ni le lieu ni le moment pour un tel outrage au rituel noir. "Let’s take you back to 1993" nous informe Gaahl après plusieurs morceaux. Et c’est un titre beaucoup plus martial qui démarre alors, tandis que les musiciens affichent une évidente complicité, pour le plus grand bonheur du public. La ferveur se répand dans la salle, contemplative, qui est désormais en totale communion avec le black metal du groupe. Et les deux aspects du black metal se sont donnés rendez-vous pour "Incipit Satan", puisque si l’introduction est un trésor atmosphérique, la suite est d’une rage sans nom.
Le frontman reste fidèle à lui-même et sa tranquillité apparente est presque effrayante. Et alors que personne ne l’avait senti venir, le chanteur prend à nouveau la parole. "We have one more song for you. "Prosperity And Beauty"". Et c’est ce morceau phare de la discographie de Gorgoroth, ancienne formation du frontman, qui clôt cette messe sanglante. Mais alors que les musiciens quittent la scène sans demander leur reste, Gaahl prend le temps de remercier son public en serrant personnellement la main de chaque spectateur du premier rang.

Setlist : "Sign Of An Open Eye", "Carving A Giant", "From The Running Of Blood", "Aldrande Tre", "Slave Til En Kommende Natt", "Ghosts Invited", "Høyt Opp I Dypet", "Awake", "Wound Upon Wound", "Sannhet, Smerte Og Død", "Incipit Satan", "Exit", "Through Carved Stones", "Alt Liv", "Prosperity And Beauty".

La soirée prend fin. Si IDLE HANDS a été une excellente découverte à mes yeux, UADA a confirmé l’excellente impression qu’ils m’avaient laissé les deux premières fois, alors que TRIBULATION est remonté dans mon estime. GAAHLS WYRD a, plus d’un an après leur dernier passage dans cette même salle, encore une fois affirmé la puissance de la formation, et ce grâce à la prestation du chanteur légendaire, mais également de musiciens hors pair. Je rentre donc à travers la nuit glaciale, satisfait. Et je renouvellerai l’expérience avec grand plaisir.