"October Dark"
Note : 15/20
Après "This Winter Will Never End" sorti en 2017, les Français de Wintereve sont de retour avec "October Dark" pour une nouvelle livraison de doom / death aux teintes mélodiques et gothiques dans la droite lignée de son prédécesseur. Si le retour du soleil ne vous arrange pas, voilà de quoi le plomber comme il faut.
"Olima" fait vite comprendre que ça ne va pas être la fête par ici et démarre l'album sans perdre de temps en plaçant des mélodies aussi belles que tristes. On retrouve la patte que le groupe affichait déjà sur "This Winter Will Never End" et le chant de Mary passe toujours avec une facilité déconcertante du lyrisme aux growls ! Si on devait citer des influences pour aiguiller un peu, on pourrait dire qu'on sent un peu de My Dying Bride (comme chez tout le monde à peu près tant ce groupe a marqué la scène) et peut-être un peu de Draconian. Mais Wintereve ne se réduit pas à ses influences et crée son univers qui est tout aussi triste et sombre que chez ses confrères mais n'hésite pas à accélérer le tempo quand il le faut, comme sur la fin de "Sea Of Suffering" qui balance en plus un bon gros solo de guitare assez inhabituel dans ce style et qui fait plaisir à entendre. Les morceaux sont évidemment assez longs et on retrouve toutes les caractéristiques typiques du genre qui font que l'on plonge facilement dans ce recueil de mélodies toutes plus mélancoliques les unes que les autres. Pas de quoi être dépaysé donc mais une efficacité et une inspiration bien présentes qui font de "October Dark" un représentant du doom / death classique mais qui frappe là où ça fait mal. "Call Of The Void" fait d'ailleurs son petit effet en enchaînant des riffs bien sales qu'on croirait tirés des deux premiers Paradise Lost après une entame toute en beauté et en mélodie, là encore le procédé est connu mais cela fonctionne parfaitement et cela dynamise la musique du groupe qui évite du coup de s'enliser dans le piège du mono-riff répété ad nauseam. L'heure que dure l'album passe vite et on ne trouve pas le temps de s'ennuyer grâce à cette variété et le croisement constant du doom / death et du gothique.
Le dernier pavé de plus de onze minutes alterne lui aussi le malsain et la mélancolie histoire de bien plomber le moral avant la fin de l'album. C'est dans ces moments les plus sales et glauques que l'on ressent bien l'héritage des ténors du doom anglais, les passages les plus mélodiques faisant ressortir quant à eux le côté plus gothique. La petite originalité par rapport aux autres groupes de cette scène, c'est, comme je le disais plus tôt, la chanteuse qui growle chez Wintereve et Mary ne s'économise pas ! Si j'ai cité My Dying Bride et Draconian, je repense surtout personnellement à Lethian Dreams et Remembrance, même si ces derniers étaient plus doom et plus pesants mais ce n'est peut-être que moi. Bon, c'est vraiment pour situer un peu puisque même si Wintereve reste assez classique et que l'on reconnaît les codes du genre, il n'empêche que le groupe propose sa propre tambouille et ne se contente pas de réciter ses classiques. Et contrairement à certains groupes, on ne tombe jamais dans le dépressif à tendances suicidaires ici, il y a toujours une sorte de romantisme noir ou de fragilité qui appose sa patte sur les morceaux et qui permet de garder une certaine beauté vénéneuse. Ceux qui avaient déjà apprécié "This Winter Will Never End" ne seront pas dépaysés puisque le groupe poursuit son chemin sur la même voie et progresse doucement mais sûrement. Niveau son, il suffit de vous dire que l'album a été masterisé par Dan Swanö pour que vous compreniez que ça sonne.
Un nouvel album dans la lignée de son prédécesseur et qui délivre un doom / death aux accents gothiques qui mélange la mélancolie à un côté plus brut et sale hérité du doom anglais des origines. Un mélange équilibré et efficace qui dégage de bien belles ambiances drapées dans un romantisme noir et qui se fera un plaisir d'assombrir ce vilan soleil qui brille de façon insolente au-dessus de votre tête.
"Première Danse Macabre"
Note : 15/20
Originaire de Pont-à-Mousson, près de Nancy, Wintereve est une récente formation co-fondée en 2013 par Luggh (ancien frontman de Many Moons Ago, projet pagan black metal et de Clair Obscur) et de Mary, ancienne vocaliste des prometteurs Edenfall, groupe de metal symphonique, style alors très en vogue au début des années 2000, ayant malheureusement splitté après une très bonne démo en 2004. Le duo Wintereve (qui devient quintette lors de ses prestations scéniques) s’attèle donc à la composition d’une première démo afin de se faire connaitre auprès des amateurs de metal sombre et torturé. Car loin du pagan black guerrier ou du heavy sympho des anciens groupes du couple formant aujourd’hui Wintereve, la musique des Lorrains évolue dans les méandres du doom / death des 90’s et nous rappelle au bon souvenir des vieux My Dying Bride et Paradise Lost. Pratiquant un style tombé en désuétude, Wintereve va puiser dans les premiers disques des deux légendes précitées pour en retirer l’esprit et la démarche, lorsque les Anglais cherchaient une alternative plus travaillée et musicale alors que la scène death metal originelle était tournée vers la vitesse, la brutalité et l’imagerie gore / sataniste provocatrice. Cette démarche musicale se traduisant alors par une musique plus personnelle et écorchée, en un sens plus progressive.
C’est dans cette logique que se trouve Wintereve qui allie une brutalité maîtrisée et sensibilité sans que rien ne soit artificiel. C’est comme si, au lieu de se morfondre dans les lamentations, le groupe criait sa colère et son incompréhension face à la mort et au deuil à travers une musique emplie de tristesse et de rage. La rage naît de douleur et du chagrin. Là où, à titre de comparaison, leurs compatriotes de Lethian Dreams, qui contient également une growleuse, propose un doom plus dramatique et atmosphérique, Wintereve se montre plus vindicatif et frondeur. Les bases death ne sont pas oubliées au travers de rythmiques incisives et heavy ("We All Die Alone", "Obscure Beliefs"). La puissance métallique est temperée avec pertinence par des passages plus aériens, aidés par la voix étonnante de Mary, qui alterne chant clair, chant lyrique (le court interlude qu’est "Forever Bleeding Scars Part II" où Mary chante a capella donne des frissons), et growl caverneux impressionnants (on croirait parfois qu’il s’agit d’un homme). Cette courte démo 6 titres permet à la demoiselle de montrer l’étendue de son talent et, par la même occasion, de rattraper le temps perdu depuis la fin d’Edenfall. Luggh nous montre tout son talent de guitariste lors de superbes leads de guitare, mélancoliques et poignantes, évoquant le Paradise Lost des débuts, ou lors d’incroyables solos chiadés, extrêmement mélodiques et ciselés ("Forever Bleeding Scars Part I"), d’une technicité et d’une fulgurance impressionnantes (l’époustouflant solo de "Shattered Illusions") mais tout en évitant la démonstration tape-à-l’œil. La production tient la route pour une première démo et en dépit d’un son de guitare un peu faiblard et d’un petit manque de punch global, on apprécie ce son rêche mais qui sied finalement bien cette "Première Danse Macabre".
Ce doom / death mâtiné de légères colorations gothiques (une longue introduction tragique et emphatique d’inspiration neoclassic / dark ambient à la Dark Sanctuary invite l’auditeur à rentrer dans cette première danse macabre) n’en oublie pas moins de faire parler les grosses rythmiques purement metal et ne sombre pas dans un romantisme larmoyant et mièvre comme certaines formations dites gothiques. Wintereve est une sorte de Draconian français débarrassé de ses attributs shakespeariens. Une démo prometteuse, très professionnelle, qui laisse entrevoir de belles choses pour le premier album, déjà annoncé.
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