"Sateet Palata Saavat"
Note moyenne : 16,5/20
Lassés d’un black metal sans réelle âme ? Vorna est là pour réveiller en vous les émotions
enfouies. Depuis 2008, Vesa Salovaara (chant), Henri Lammintausta, Arttu Järvisalo
(guitares) et Niilo Könönen (basse) développent un black metal planant teinté d’influences
folk et pagan. Ce n’est qu’en 2009 que Mikael Vanninen (batterie) et Saku Myyryläinen
(claviers) rejoignent l’aventure, et depuis dix années les six membres composent et jouent
ensemble. Leur troisième et dernier album, "Sateet Palata Saavat", est une perle, et c’est
ensemble que nous allons le découvrir, accompagnés du violon de Lila Arha, qui avait déjà
sévi dans l’album de 2015.
Après une douce et épique introduction nommée "Ylle Kaartuvat" qui annonce clairement la
couleur de cet album, c’est "Toinen" qui démarre. Doucement, puis les instruments
accélèrent, et c’est finalement une véritable tornade qui s’abat sur nous. Les hurlements
viscéraux de Vesa fendent l’air autant que la rythmique des musiciens nous prend aux
tripes. Mêlant un black metal furieux avec ces ambiances plus douces et folk, le groupe
avance sans mal, nous embarquant immédiatement dans son univers. Les riffs glaciaux
continuent sur "Syvyydet", un autre morceau tout aussi planant que le précédent, mais dont
l’ambiance générale me fait plutôt penser au blizzard, ce vent impétueux et qui ne fait aucun
compromis à quiconque tente de le braver sauf lors de rares accalmies, comme ce chant
clair hypnotique. Plus sombre, Sydäntalven puut nous capture à nouveau immédiatement, et
nous lacère lentement, au fur et à mesure que les guitares alignent leurs harmoniques sur
cette rythmique massive.
On continue avec "Maa Martona Makaa", un morceau qui joue également sur les dissonances
que peuvent produire les guitares pendant que la basse gronde en arrière-plan. Le chant du
frontman rythme cette sombre mélopée, et c’est "Aalloista" qui prend la suite, avec des riffs
plus doux. Mais la noirceur refait toujours surface, et c’est un son saturé tranchant qui vient
nous frapper de plein fouet. Retour des sonorités épiques sur "Virvatulet", et c’est la basse qui
est mise en avant lors de l’introduction, avant le retour de la tornade ultra rapide, bourrée de
tremolo-pickings. Mais cette tornade s’apaise, avant de repartir de plus belle sur des sons
d’une incroyable beauté. Même constat pour "Tyhjyys On Tyyni", un morceau qui s’annonce
prometteur dès l’introduction, et qui ne déçoit absolument pas de par l’intensité que les
musiciens arrivent à créer sur une base aussi violente que celle-ci, tout en restant dans la
mélodie. Que ce soit avec des hurlements ou du chant clair, le groupe fait vivre la magie. Un
début très doux pour "Sateet", et cette douceur perdure tout au long du titre, même lorsque
les instruments reprennent leurs tonalités d’origine, avec cette énergie qui flotte tout autour
de nous. Dernier morceau, "Kauas" s’annonce être plus sombre malgré les nombreux claviers
qui composent son introduction. Un sentiment de frustration s’installe, car on sait que la
rythmique va partir, et cette explosion se révèle être salvatrice à bien des égards. La froideur
perdure, mais piège à nouveau notre attention, et l’annonce de la fin de l’album nous laisse
pantois.
Bien que plutôt long, il est impossible de s’ennuyer une seule seconde sur "Sateet Palata Saavat". Vorna est roadé, et ses compositions ont toutes leur particularité, que ce soit une
déferlante d’énergie ou des passages plus planants. Mais une chose est sûre, c’est que
vous me verrez dans les premiers rangs si le groupe décide de venir dans nos contrées.
Si les Finlandais de Vorna étaient à la base étiquettés folk / pagan / black metal, le groupe préfère maintenant se présenter comme un groupe de "finnish melancholic metal" et son troisième album "Sateet Palata Saavat" est donc là pour entériner cette orientation et plomber encore un peu plus l'ambiance.
Après une intro épique d'une petite minute, c'est "Toinen" qui ouvre vraiment le bal et la mélancolie se fait effectivement sentir dès les premières secondes avec une mélodie paradoxalement entraînante et triste avec chant extrême et riffs assez puissants sur fond de tapis de double grosse caisse. Le chant clair et le côté très doux et mélancolique du couplet sur "Syvyydet" me ferait presque penser à du Alcest, impression vite éclipsée par le refrain en chant extrême et aux riffs un peu plus agressifs. On sent clairement un côté épique même si le folk est moins évident et ne se manifeste que dans certaines mélodies et de façon discrète. Malgré une durée avoisinant en général les cinq ou six minutes, les morceaux sont globalement accrocheurs et ne souffrent d'aucune longueur. La musique de Vorna prend le temps d'installer ses ambiances mais reste tout de même assez directe et ne se perd pas en palabres inutiles. En tout cas, il n'y a plus grand-chose de pagan ou de black metal là-dedans en dehors du chant extrême arraché puisqu'il n'y a pas la moindre trace de violence sonore dans la musique de Vorna (en dehors d'une petite accélération à la fin de "Aalloista" et de "Sateet". C'est bien la mélancolie qui règne en maîtresse ici et personnellement j'y entendrais presque par moments des relents du premier Ghost Brigade, c'est vous dire si l'on est loin du black metal ! En tout cas, on retrouve bien la tristesse et la beauté froide des groupes finlandais et la longueur des morceaux permet au groupe de développer des ambiances vraiment épiques et poignantes. Il faut avouer que les groupes nordiques ont souvent une facilité à balancer des mélodies magnifiques et Vorna ne fait pas exception à la règle.
Par rapport au précédent album, le chant clair a grignoté quasiment tout le terrain et les influences extrêmes en général ont encore reculé donc si c'est ce qui vous attirait chez Vorna, vous risquez peut-être une légère déception. Pour le reste, la personnalité du groupe n'a pas changé et on retrouve toujours les mélodies et la mélancolie typiques de la scène finlandaise. On commence presque à flirter avec le metal gothique par moments avec ce metal triste mais accrocheur et doté d'un minimum de puissance et dominé par le chant clair. La mue paraîtra peut-être brutale pour certains mais finalement cela reste une évolution assez naturelle pour Vorna puisque les éléments utilisées sur "Sateet Palata Saavat" étaient déjà présents dans sa musique, l'équilibrage entre les différentes influences a changé mais la personnalité profonde du groupe est bien restée la même. La production a pris de l'ampleur aussi et le son est bien plus puissant, prorpre et clair que sur "Ei Valo Minua Seuraa" et suit donc l'évolution globale du groupe. Alors pas de panique, le chant black se fait encore entendre à de multiples reprises mais n'est plus seul et partage une grosse partie du terrain avec le chant clair. Les sonorités folk et les riffs les plus black metal ont laissé la place à encore plus de mélancolie et l'extrême n'est clairement plus l'élément majeur de la musique de Vorna. Toujours est-il que ces morceaux sont bons et les ambiances qu'ils créent font mouche avec pas mal de mélodies assez accrocheuses. Il n'y a pas vraiment de place pour les temps morts malgré les cinquante minutes de l'album et comme je le disais, le groupe produit maintenant une musique assez directe.
"Sateet Palata Saavat" marque donc un pas de plus vers quelque chose de moins extrême et de plus mélancolique pour Vorna mais la qualité et les ambiances prenants sont toujours là. En dehors de l'évolution qui ne plaira peut-être pas à tout le monde, il n'y a pas de raison de ne pas se laisser tenter par ce nouvel album tout en mélancolie.
"Ei Valo Minua Seuraa"
Note : 17/20
Ah, Vorna ! Je me rappelle nettement avoir chroniqué leur premier album, premier album qui m’avait semblé tellement convaincant que je m’étais répandue en long en large et en travers sur l’injustice qui m’avait rendue incapable d’apprendre le finnois et d’avoir été découragée par l’armée de déclinaisons présentes dans cette langue. Voyez quel effet un groupe peut avoir sur vous. J’avais également noté un très grand respect de l’esprit finlandais, et l’expression d’un pays que l’on pouvait ressentir par la musique de Vorna. C’est donc avec plaisir que je les retrouve une nouvelle fois pour leur second album.
L’album débute donc sur "Harmaudesta" et je retrouve immédiatement le groupe que j’avais adoré, il y a de cela plus d’un an. J’ai même l’impression qu’ils ont davantage développé ce côté épique. Et je retrouve également cette frustration de ne pas comprendre un seul mot de ce qu’ils racontent, alors que je tente de m’autopersuader qu’il s’agit d’une histoire foutrement fantastique, digne des meilleures sagas islandaises.
On pourrait craindre que le côté très proche de la nature finlandaise ne se perde dans ses nouvelles orchestrations grandioses, mais ce n’est pas le cas. Preuve en est "Jälkemme" qui m’a inspiré un sourire, tant la chaleur qui se dégage de ce morceau est prenante. Avec "Itsetön", on comprend davantage pourquoi Vorna a décidé de qualifier son genre de prédilection comme de l’Orchestral Pagan Metal. Rien que ça. J’aurais eu tendance à râler sur un tel qualificatif, mais là j’apprécie trop le rendu pour me plaindre. Les informations promo faisaient référence à un thème global assez universel : celui d’un voyage dans un monde qui nous semble étranger alors que nous sommes aux prises avec notre propre identité. Et je retrouve dans ce titre, cette dualité certaine entre la recherche de soi et le fait de se retrouver face à face avec une facette de nous-mêmes qui ne nous plaît pas. Les riffs sont planants, et les incursions du clavier rajoutent au rendu impressionnant que nous propose Vorna.
Avec "Sieluni Varjossa", on a affaire... à des choeurs en début de morceau. Les vocaux deviennent ensuite plus râpeux, presque aboyés. Mais quel niveau instrumental, et quelle facilité à instaurer une ambiance ! Il y a des envolées lyriques qui frisent l’épique par leur majesté. Et je retrouve le côté traditionnel qui m’avait tant marquée avec "Vaipunut". J’ai clairement pu imaginer la Finlande pendant ce morceau, ses forêts, ses lacs (et ses moustiques !). Franchement, Vorna réveille en moi des envies de tourisme, c’en est presque indécent et je devrais les attaquer en justice pour ça.
Avec "Yksin", on découvre un côté plus accoustique de la part du groupe. Mais les nouvelles orchestrations qui leur sont chères ne sont jamais bien loin. Le ton du morceau est ici largement mélancolique, et j’y retrouve la thématique de la confrontation avec soi-même. En fait, Vorna doit parler avec cet album aux gens qui ont des problèmes en tout genre dans leur vie, ce n’est pas possiblement autrement. Et je devrais me sentir vexée d’y être sensible. Mais je me suis vraiment fait tout un trip sur ce morceau, et je vous conseille de faire de même. La sensibilité de chacun dépend, bien évidemment.
Et on arrive déjà au terme de ce nouveau voyage avec "Hiljaiset Rauniot". Titre le plus long de l’album et toujours excellent. Il y a encore une fois de véritables nuances de couleurs dans cette production, et on touche encore une fois à certains moments à l’épique. Purement et simplement.
J’en attendais beaucoup de Vorna, comme chaque groupe qui réussit un jour à m’impressionner et qui doit de ce fait se battre pour ne jamais me décevoir. L’épreuve était d’autant plus importante qu’après un album qui, il me semble, a été largement acclamé par la critique, les attentes étaient grandes et la possibilité de faire totalement fausse route largement envisageable. Pourtant, ce nouvel album m’a convaincue. J’y ai retrouvé le Vorna que j’aime, un peu plus porté sur les orchestrations et sur le côté épique qu’ils ne l’étaient auparavant et je pense qu’effectivement cela pourra en rebuter certains. Mais pour moi, le pari est tenu et le contrat largement rempli. En fait, je suis vraiment surprise d’être enchantée à ce point par cet album. Et ça me plaît d’autant plus.
"Ajastaika"
Note : 18/20
Vorna est un groupe finlandais originaire de Tampere. Il a été fondé en automne 1998, mais Ajastaika est leur premier album. Il s’agirait d’un groupe de black à influences folk. Les paroles écrites en finnois évoquent des légendes du pays.
Ceux qui ont déjà lu certaines de mes autres chroniques savent que j’adore regarder l’artwork avant de commencer à écouter, pour me faire une idée au préalable de ce sur quoi je vais tomber. Et je ne couperai pas à la tradition, non. Donc ! Un paysage typiquement finlandais avec des lacs et des forêts. Oui, sans vous faire un cours de géographie, la Finlande c’est plutôt comme ça. Plat, de la verdure et de l’eau. Et un coucher de soleil. Bon, pour moi le ton est donné, ça sera du folk, porte drapeau d’un pays et de ses traditions.
Je démarre donc mon écoute avec "Taakse Jää". Ce morceau sert ni plus ni moins d’introduction à ce qui va suivre. On entend distinctement le vent, une cloche qui sonne et de rares piallements d’oiseaux. Et pendant ce temps, un homme marche seul. Le véritable "début" des hostilités commence ici, avec "Hiiden Taival". Je commence à regretter de ne pas comprendre le finnois (et ce n’est que le début …). Et… whaou. L’ambiance qui est tout de suite instaurée est grandiose. La voix gutturale se fond dans la musique à la perfection. On peut noter l’apparition de certaines parties au synthé qui adoucissent le tout, sans gâcher l’atmosphère. Quel est le mot déjà ? Ah oui. Epique.
"Ukkonen" continue sur cette lancée, avec ce même mélange. On ne change pas une équipe qui gagne, à ce qu’on dit ! Retour du synthé, et je commence à taper des doigts en rythme sur le bureau. Un morceau définitivement entraînant.
Le titre suivant est "Harhan Liekki". Le rendu est vraiment très mélodique. La voix gutturale disparaît parfois pour laisser place à de calmes moments accoustiques. Il n’y a pas à dire, les Finlandais savent comment faire du folk metal. Et à ce niveau de l’album, je me mets à penser fermement que Vorna n’a rien à envier à certains groupes phares du mouvement, qui auraient tendance à s’essouffler. Un titre qui va revenir dans ma playlist, sans aucun doute.
Nous arrivons déjà au cinquième morceau "Kaivatun Uni". J’ai trouvé un petit aspect festif dans ce titre, contrairement au précédent qui relevait d’un domaine plus nostalgique… Mais non, ce titre là donne envie de bouger. De sortir et d’aller plus loin. Comme le disait un certain Tolkien "World is ahead" (Le monde est devant, pour les non anglophones). On poursuit avec un morceau énergique à souhait "Lehväin Varjoon". L’occasion est faite, si cela n’était déjà fait, de noter la qualité des vocaux qui sont incisifs au possible, et qui portent vraiment la musique. Même si la qualité des instruments permettraient d’en faire un album orchestral… A voir !
Nous arrivons déjà dans la dernière partie de l’album avec le septième titre "Pakanaveri". Et on ressent la Finlande dans chaque note. J’ai toujours énormément de respect pour ces groupes qui parviennent à retransmettre l’atmosphère de leur pays à des gens qui n’ont jamais eu l’opportunité d’y mettre les pieds (oui je plaide coupable, n’ayant jamais posé un pied en Finlande). Sous nos yeux défile tout le panorama finlandais, peuplé des êtres mythiques qui sont sûrement dépeints dans les textes de Vorna. Je ne peux à ce propos que spéculer, car j’ai déjà spécifié ma totale incapacité à traduire du finnois (ça viendra). Bref, ce titre en particulier m’a vraiment tapé dans les oreilles.
Suit un titre d’une minute à peine "Ensilumi". C’est de nouveau un titre à ambiance comme j’aime à le dire. On entend les croassements d’un corbeau, et de l’eau qui coule. Et c’est ensuite une musique plus mystique, si j’ose le dire, qui reprend le relai. Personnellement, j’ai figuré la scène autour d’un lac aux eaux calmes et paisibles, où le vent souffle à travers les arbres et… d’accord, d’accord, je m’égare !
La suite logique à ce court moment de paix est "Ikuiseen Iltaan". Et une fois de plus, le sujet est maîtrisé. Le tout est vraiment bien arrangé pour un premier album, même si le groupe a fait de nombreuses démos par le passé. Nous ne quittons pas la Finlande, au contraire, nous nous y enfonçons davantage.
Avant-dernier titre en la présence de "Kuolevan Maan Kulkija". Et on remet une couche. L’album est long, mais j’avoue qu’il ne traine pas en longueur. Chaque titre semble soigneusement pensé, et apporte de l’eau au moulin de Vorna. Les passages accoustiques font vraiment planer. Je suis très sérieuse. J’ai écouté pas mal de groupes de black folk qui peinaient à apporter une réelle solidité à leur travail, mais ce n’est pas le cas ici. On plane, vraiment. On termine avec "Muisto" qui prend un départ mesuré et paisible, avant… d’exploser. Le vocaliste part dans des graves assez impressionnants, et le synthé nous porte une dernière fois. A noter, qu’une minute avant la fin du morceau, on retourne au silence. A peine troublé par des bruits de pas dans la neige, comme pour rappeler que la nature en Finlande bien que magnifique et majestueuse, peut aussi être dure et impitoyable.
Mon avis sur l’affaire… c’est qu’on a affaire à un groupe réellement prometteur qui maîtrise son sujet, et réussit à nous emmener avec lui, alors qu’il faut se l’avouer le black folk a déjà vécu pas mal d’heures de gloire… et que donc il y a eu du vu et du revu. Mais Vorna ne tombe pas dans ce piège, et parvient réellement à instaurer une atmosphère qui donne envie d’en avoir plus, tout simplement. Et moi, j’aimerais vraiment bien lire ces paroles.
|
|