Petite incursion dans la scène black metal québécoise aujourd'hui avec un nouveau venu nommé Vitrail, déjà auteur d'un EP en 2020 et qui sort cette fois son premier album "Les Pages Oubliées". Si la scène black metal québécoise a pas mal de très bons représentants, cellle-ci se démarque par le fait que ses influences ne se limitent pas à la seconde vague norvégienne.

"Devant L'Autel" ouvre l'album avec des guitares bien crunchy comme le veut la tradition mais on sent une influence shoegaze dans les riffs, les mélodies et même dans la rythmique. Le black metal ne tarde pas à revenir au galop avec de bons gros blasts bien violents mais Vitrail aura montré dès l'entame de l'album que son spectre sonore est plus large que ça. La biographie fournie conseille cet album aux fans d'Alcest ou de Deafheaven entre autres, et si le lien avec le premier cité vient du shoegaze il n'empêche que Vitrail propose quelque chose de bien plus dur et raw que ça. A la limite, Deafheaven pourrait coller un peu plus puisque ces derniers n'hésitent pas non plus à sortir les gros blasts, mais il serait tout de même réducteur de limiter Vitrail à une resucée de ces deux groupes. Le groupe propose quelque chose de plus personnel, même si les influences s'entendent évidemment. Le lien se fait par cette mélancolie typique du shoegaze, ce côté presque romantique dans les mélodies qui tranche bien avec la brutalité des accélérations assez nombreuses sur "Les Pages Oubliées". Le chant est lui aussi bien plus virulent et arraché et colle bien plus au black metal traditionnel qu'aux groupes plus aériens cités dans la bio du groupe. La mélancolie est bien présente dans la plupart des mélodies et apporte paradoxalement un peu de lumière dans ce black metal bien nerveux. La production assez raw et tranchante démarque elle aussi Vitrail des autres groupes inspirés du shoegaze, sans non plus le rattacher à la vague norvégienne pour autant. Mais le lien entre les deux est surprenant et le mélange fonctionne bien, avec la brutalité et la froideur typique du genre d'un côté et le romantisme du shoegaze de l'autre.

La plupart des morceaux tournent autour des cinq ou six minutes et permettent à la fois de ne pas trop s'étaler et ne pas perdre en impact en plus d'appuyer une certaine intensité justement. "Les Pages Oubliées", malgré la forte présence de mélodie, ne fait pas de cadeaux et se montre assez violent avec des blasts très présents. Notons également le bon boulot de Richard-William Turcotte à la batterie qui s'éloigne des patterns typiques du black quand le tempo le lui permet, comme sur "Poursuivre Le Vent" par exemple qui permet d'entendre la finesse de son jeu. C'est un petit détail qui n'a l'air de rien dit comme ça mais qui contribue à la richesse de ce premier album, en plus de le démarquer encore un lus des groupes de black traditionnels qui bourrent comme des sauvages. Ce n'est que sur "Le Semeur" que le groupe lève véritablement le pied en nous offrant de l'acoustique de toute beauté sur des parties gorgées de feeling. Une accalmie temporaire tout de même puisque le black metal revient bien vite à la charge, tout comme sur "Aux Armes - Repentance" qui ferme l'album et qui met un peu d'acoustique lui aussi au milieu de son black assez virulent. Un album qui n'aura finalement que peu relâché la pression pendant quarante-trois minutes et qui, malgré toutes les mélodies lumineuses qu'il déploie, reste assez intense. En parlant de mélodies, il faut signaler ce solo magnifique et tout en feeling une fois de plus sur le dernier morceau "Aux Armes - Repentance" justement. Tout ça confirme que la scène black metal québécoise a décidément beaucoup de bonnes choses à nous faire entendre.

Un premier album qui mélange adroitement black metal violent et influences shoegaze pour un compromis très efficace entre mélodie et brutalité. Vitrail montre déjà un bon potentiel et se démarque par son orientation bien plus méchante que ses confrères de la scène black / post / shoegaze. "Les Pages Oubliées" défrisera probablement les puristes mais ce n'est pas à eux que l'album s'adresse, les autres seraient bien inspirés d'y jeter une oreille attentive.