Le groupe
Biographie :

Trio italien formé au tournant du 21ème siècle, Ufomammut distille une musique lourde au croisement du sludge et du doom, fortement emprunte de psychédélisme. Véritablement révélés par leur second album, "Snailking", les Transalpins signés chez Supernatural Cat font désormais partie des ténors de cette scène et se posent en dignes héritiers de YOB et autres Acrimony. Le groupe a cependant développé un style propre sans cesse réaffirmé. Ufommamut a déjà partagé la scène avec Down, Baroness, Lento, Motorpsycho, Orange Goblin et bien d'autres.

Discographie :

2000 : "Godlike Snake"
2004 : "Snailking"
2005 : "Lucifer Songs"
2008 : "Idolum"
2010 : "Eve"
2012 : "Oro: Opus Primum"
2012 : "Oro: Opus Alter"
2015 : "Ecate"
2017 : "8"
2022 : "Fenice"


Les chroniques


"Fenice"
Note : 15/20

Même s’il a vraiment commencé à faire parler de lui il y a dix ans, le fameux groupe de doom italien Ufomammut a commencé sa carrière en 1999 ! Et il aura fallu attendre cinq ans pour qu’un successeur à l’album "8" ne voit enfin le jour, même si l’an dernier les ritals ont ressorti de leurs tiroirs un live inédit au festival Roadburn datant de 2011.

Fidèle à lui-même, le groupe évolue toujours dans le même registre doom / sludge si ce n’est que leur musique sonne de plus en plus "space rock" dans l’esprit d’Hawkwind, le légendaire groupe dans lequel officiait Lemmy Kilmister avant d’en être exclu avec pertes et fracas. A l’instar des Finlandais d’Oranssi Pazuzu sans le côté black metal, les Italiens ont choisi d’intégrer des passages planants voire carrément aériens à la Tangerine Dream (célèbre groupe allemand actif dans les années 70 qui a inspiré la musique électronique et dont le leader Klaus Schulze est décédé il y a quelques jours). Désormais, la musique a largement pris le pas sur le chant, ce dernier se résumant à des incantations.

Dès les premières notes du morceau "Duat" (qui dire plus de dix minutes et ne comporte pas de chant), le pouvoir hypnotique du son d’Ufommamut prend toute son ampleur, les riffs de guitare façon space rock se mêlant à merveille aux bidouillages électroniques façon kraut rock germanique. Après un morceau instrumental qui fait davantage penser à une longue intro qu’autre chose ("Kepherer"), le groupe en remet une couche avec le groovy "Psychostasia" sur lequel le vocaliste Urlo exerce enfin ses talents de chanteur. Les arrangements aériens alternent avec des gros riffs saturés dans la plus pure tradition sludge. Avec son ambiance d’outre-tombe et son tempo répétitif, le morceau "Metamorphoenix" nous invite à un voyage aux confins de la psyché façon trip LSD dont on ne revient définitivement pas indemne. Sans transition, on passe à un morceau beaucoup plus heavy, "Pyramind", dont les riffs monolythiques et le tempo pachydermique feraient passer Hawkwind pour une comptine pour enfants. De même, la voix d’Urlo se fait plus rauque et agressive, beaucoup moins en retrait que sur le morceau précédent. Il faut d’abord souligner que "Fenice" se conçoit comme un tout, les titres se succédant sans véritable pause entre chaque élément. Enfin, pour clôturer le tout en beauté, les Italiens nous prodiguent le dernier "morceau" de l’album, "Empyros" qui est certainement le plus saturé et le plus agressif de "Fenice".

Quelque part entre Black Sabbath, Hawkwind et Cathedral, les doomsters transalpins délivrent avec "Fenice" ce qui est certainement leur album le plus abouti à ce jour. Comme une expérience de transe chamanique, le son d’Ufomammut a ce petit côté à la fois unique, fascinant et enivrant que l’on ne retrouve hélas pratiquement plus aujourd’hui !


M.B.
Mai 2022




"8"
Note : 16/20

L’Italie… Ah l’Italie ! En voilà un beau pays ! Pour commencer, que les choses soient claires, à tous ceux que je vois déjà brandir leur Jupiler d’une main et leur chauvinisme de l’autre, le torse et le duvet du menton parsemés de miettes de chips, je tiens juste à préciser que non, je ne suis pas un footeux, et je ne tomberai donc pas dans les clichés beaufisants sur nos voisins méditerranéens. D’ailleurs, en matière de clichés, je ferai également l’impasse sur les pâtes et les pizzas, faut pas déconner non plus… Non, car l’Italie c’est bien plus que ça, c’est un pays de culture, chargé d’histoire, dont chaque région est différente de la suivante, c’est le pays de Raphaël, de Michel-Ange, de la Renaissance, de grandes découvertes… Mais l’Italie c’est aussi un pays de metal. Eh oui ! On ne croirait pas comme ça, à première vue, et c’est vrai que quand on cherche un pays connu pour son metal, on aurait plutôt tendance à penser à la Finlande, ou à la Suède, mais l’Italie est loin d’être en reste ! Pas convaincus ? Three Eyes Left, Rancho Bizzarro, Psychofagist, Macbeth, ça vous parle ? Et Abaddon ? Fleshgod Apocalypse ?! Lacuna Coil ?! C’est à Stockholm qu’ils se sont formés ? Eh non ! C’est bien en Italie !

Et c’est le cas également du groupe qui nous intéresse aujourd’hui, j’ai nommé Ufomammut. Vous ne connaissez pas ? Eh bien, comment dire… Ufomammut, c’est un peu un mastodonte du metal italien, et ce, à tous les sens du terme. Parce qu’ils existent depuis 1999 déjà, et qu’en 18 ans de vie ils ont quand même sorti huit albums, ce qui en fait donc un digne représentant, un pilier du pays. Mais aussi et surtout par leur musique, parce qu’avec Ufomammut, on est bien loin, à des années-lumière carrément, d’un metal froid, aseptisé, édulcoré. Non ici, on est dans le lourd, le gras, le puissant, le metal qui joue grave, qui joue lentement et qui prend aux tripes. Mais littéralement. Et après sept albums très réussis, c’est cette année que nos trois Italiens, Poia, Urlo et Vita, ont décidé de récidiver avec "8". Huitième album, huit pistes… “8” semblait logique comme titre.

Mais derrière ce simple chiffre, que nous réserve ce fameux album ? Eh bien c’est très simple : pas loin de 48 minutes d’un doom lourd et planant, parsemé de temps à autre de riffs heavy plus rapides et plus énervés. Le tout est, comme d’habitude, essentiellement musical, le chant, en anglais, ne venant faire que quelques apparitions sur les différents morceaux, généralement pour appuyer tantôt le côté planant, tantôt le côté énervé. Jusque là, pas grand-chose de très différent des autres groupes du genre, et on pourrait rapprocher Ufomammut et leur "8" de groupes tels que Stoned Jesus, Monolord, Dopelord ou encore Bongripper. Disons-le en passant, vous remarquerez un champ lexical récurrent et relativement évident dans les noms de ces groupes qui vous donne une idée plutôt précise de l’état recommandé pour une appréciation maximale de leurs albums, le dernier Ufomammut y compris…

Mais justement, l’originalité de nos trois Italiens, et ce depuis leur "Lucifer Songs" en 2005, réside en l’utilisation de nombreux samples et d’électronique, accentuant encore plus le côté envoûtant, trippant, de leurs compositions. Avec ses voix transformées, se résumant parfois même à de simples cris, et ses effets de basse modifiée, trafiquée, distordue, l’ensemble donne un résultat étonnant, déroutant, mais très réussi. Cet aspect est d’ailleurs, pour l’oreille novice à leur musique, une chose qui marque vraiment à la première écoute des albums plus récents d’Ufomammut. Le trio a bien sa propre manière de marquer le côté psychédélique de sa musique, et il suffit sur ce "8" d’écouter par exemple les parties chantées de "Fatum" pour illustrer cela : la basse lancinante surchargée d’effets, de longs plans de synthé, une voix tellement transformée qu’on semblerait l’entendre dans l’eau, le tout débouchant sur une partie beaucoup plus lente, moins chargée musicalement, uniquement couvertes de cris en distorsion… L’ambiance est posée. Et à ceux qui aiment les changements de rythme, de riffs, de mélodie, toutes les 3 mesures, passez votre chemin ! Ici, on est plutôt dans les répétitions sur la longueur, sur des riffs en boucle, dont seuls l’accompagnement et les arrangements varient, jusqu’à en devenir entêtants, envoûtants, presque hypnotisants.

D’autant que le groupe a, presque comme précédemment sur "Eve" ou "ORO", peaufiné la forme de son "8" aussi bien que le fond : en effet, si on se laisse emporter, captiver, par la musique, on réalise qu’on a dans les oreilles une oeuvre en un seul bloc, seulement découpée en plusieurs mouvements, les 8 titres, un peu à la manière de la musique classique. Un exemple parmi... eh bien parmi tous les autres, serait la transition entre "Prismaze" et "Core" : on pourrait croire que le début du second est la fin du premier, ou un de ses breaks, et que le changement de morceau, bien que très subtil, ne se fait qu’au bout d’une trentaine de secondes, avec l’arrivée de ces sonorités électroniques déformées, triturées, malmenées à l’extrême, qui se marient à la perfection, pour tout le reste de la piste, à ce mélange de doom et de heavy qui caractérise si bien Ufomammut. Certains passages sont plus lents, plus calmes, d’autres sont plus rythmés, énervés, nous racontant une histoire avec ses ambiances propres. Le contraste entre cet aspect bloc, monolithique, et les nuances musicales, nous permettent de ne pas nous lasser et nous maintiennent toujours attentif, tout en nous laissant voyager les yeux fermés, comme si la musique d’Ufomammut nous prenait dans ses bras et nous portait.

Si ce genre d’ambiance, loin de vous angoisser, vous fait planer, et vous offre la promesse d’un trip mémorable au lieu de vous oppresser, alors n’hésitez pas une seconde. Ufomammut est une référence du genre et ce n’est pas pour rien. Mention toute spéciale à "Wombdemonium" qui, par son titre et sa composition, résume parfaitement ce dont sont capables nos trois Piémontais (et, court de seulement 3 minutes, je ne vous mens pas quand je vous annonce un sacré résumé), et peut offrir une bonne porte d’entrée à quiconque voudrait tenter l’expérience Ufomammut. Cependant, je ne pouvais terminer cette chronique sans recommander par dessus tout l’écoute de "Psyrcle", probablement le morceau le plus génial, mais aussi le plus trippant et le plus dingue de ce huitième album. La musique est variée et on ne peut plus inspirée, le planant et l’énervé se côtoient en un contraste aussi parfait que déroutant, et surtout… cette nappe de voix féminine / enfantine qu’on retrouve en début et fin de chanson ajoute la dernière touche dérangeante et troublante à un ensemble déjà irréprochable. En bref, un excellent choix pour terminer l’album.

En cette année 2017, Ufommamut sévit donc pour la “8”ème fois, et c’est ainsi une occasion de souligner leur immense talent et leur infinie inspiration. Quand on sait également que leurs shows sont de véritables spectacles visuels avec vidéos et arts graphiques à l’appui de leurs performances musicales, on ne peut qu’avoir envie de plonger dans l’univers très particulier et décalé d’un groupe psychédélique. Mais pour cela, il suffit déjà d’une toute simple première étape : démarrer "8" et fermer les yeux. Et apprécier.


Nico
Décembre 2017




"Ecate"
Note : 16/20

Le trio italien le plus allumé de notre époque revient pour un nouveau voyage stellaire. Ce Cerbere à trois têtes ne garde pas les portes de l'Hadès mais plutôt un portail ouvrant vers une autre dimension.

"Ecate", nouvel et neuvième album des extra-terrestres d'Ufomammut n'est pas votre album de doom / stoner typique. Pas de mélodie, pas de solo, pas de fuzz, pas de psychédélisme bon marché. Juste une masse noire bouillonnante, rampante et terrifiante. Les riffs, plus lourds qu'une piscine de mercure, vous écrabouillent la cervelle. Le "chant", sous-mixé, n'est qu'un message crypté provenant d'un signal radio émis depuis les confins des espaces interstellaires. La batterie martèle vos tympans et ne représente rien d'autre que le rythme inexorable du trépan s'approchant de votre boîte crânienne en vue de la lobotomisation finale.

Synthés déstructurés et autres effets sonores rétro-futuristes vous plongent dans une ambiance de film de S-F des années 50. Les "sons" indescriptibles couvrant cet assaut physique et heavy ne sont qu'un leurre, destiné à vous rendre le plus docile possible. La frontière entre réalité tangible et conscience altérée se brouille et égare votre esprit. Votre enveloppe corporelle reste ancrée sur Terre mais votre esprit est happé et aspiré au-delà des galaxies visibles par l'œil humain, par ces trois musiciens humanoïdes.

Entre section rock tellurique et électronique cosmique, ce disque est une rencontre hallucinée entre deux sphères d'existence, un météore inconnu s'écrasant sur Terre irradiant et contaminant toute vie humaine.


Man Of Shadows
Mars 2015




"Oro: Opus Alter"
Note : 16/20

Seulement 3 mois après la sortie d’"Oro: Opus Primum", nos voisins italiens reviennent avec un deuxième chapitre de doom psyché infernal, "Oro: Opus Alter". Dans la lignée de son prédécesseur, l’album se pose en suite logique, avec de nouvelles compos à l’identique dans leur consistance puisque enregistrées au même moment. Ainsi cinq titres aux noms singuliers bien portants s’enchaînent dans une cohésion infaillible. La suite de l’histoire d’Oro nous est introduite par effets intergalactiques avec "Oroborus" et son riff entêtant qui se pose crescendo en intensité et en superposition de couches sonores. La basse coulante engloutit l’espace dans une ambiance obscure qui subjugue. Ici, toute expérimentation acoustique est bonne à exploiter, des effets de claviers cosmiques, des buzz chaotiques des guitares aux vrombissements appuyés sur fûts de batterie. "Sulphurdew" se veut le morceau le plus long avec ses deux accords revisités le temps de douze petites minutes. Parce qu’Ufomammut ne fait pas dans l’art et la manière du short time et que les longueurs ne nous effrayent pas, on ne se lasse pas des interminables répétitions tout de même bien pesées. Des petits vocalises apparaissent par pointes sur un fond de basse qui finira bien par nous donner mal au crâne ! Et une nappe astrale qui consolide le tout… ne cherchez pas, plus haut, c’est les étoiles. Quand la quatre corde abdique le temps de quelques minutes de fin de course, les idées redeviennent plus claires. "Sublime" poursuit son chemin intergalactique dans une voie débouchant sur du riff saturé possédé et achève sa course effrénée dans un retour aux sources non sans rappeler les notes de l'intro "Empireum" sur l’antécédente galette. "Deityrant", probablement le plus sludge des composants avec ses accords bluesy écrasants accélère légèrement la donne avec ses poussées de cris démoniaques et ses répétitions enivrantes, pour une conclusion version tableau du bord de vaisseau spatial et flanger sidéral. A l’heure où les suites d’albums sont coutume (Baroness, Down…), on peut se demander pour quelle raison, économique ou artistique, le choix du groupe s’est posé sur une sortie en deux temps. En tout cas, là où d’autres se sont brûlés les ailes, Ufomammut ne faiblit pas dans sa qualité de création et persévère dans la lignée des groupes de stoner doom les plus influents du moment.


Angie
Novembre 2012




"Oro: Opus Primum"
Note : 16/20

Les trois colosses Italiens du doom reviennent en cette année avec un "Oro: Opus Primum" sixième du nom aux cinq titres plus magnétiques que jamais. Ne dérogeant pas à la règle du morceau qui en vaut trois, s’exécute en guise d’intro un "Empireum" à la longueur expérimentale de quatorze petites minutes seulement pour nous plonger dans le bain. Accords lancinants et répétitions rythmiques énigmatiques tout du long, le mélange est apocalyptique, sans compter les chuchotements qui apparaissent succinctement au fil des chapitres, oppressants d’éléments croisés en détresse appuyés par les intrusions d'un clavier omniprésent. Vous l’aurez compris, ce n’est pas une œuvre à apprécier en n’importe quel contexte, la disposition de quelques bougies dans une pièce sombre molletonnée aidant à rentrer dans le jeu. Une représentation scénique serait sans doute l’occasion d’un rassemblement occulte, une grande messe noire aux effets salutaires, bien évidemment ! La détresse extirpée des entrailles d’Urlo se manifestera par-ci par-là très promptement comme à son habitude, accentuant l’ampleur du chaos. L’ensemble est ambiant mais pas que, les guitares fulminent de leurs accords les plus énervés sur "Aureum" où le climat devient tout d’un coup bien plus électrique et la structure mélodique plus apparente, le tout chaperonné par une batterie claquante. Suprême et bien épais, le son de l’album ne lasse pas les cornes qui nous ont poussé sur la tête en moins de deux et ne fait que confirmer le mérite du trio Européen dont la qualité de prestation ne déçoit jamais.


Angie
Juin 2012


Conclusion
Le site officiel : www.ufomammut.com